Joseph Leonard Bonamassa est une énigme. Oui, là, ce Joe Bonamassa présent sur tant de fronts à la fois que c'est à croire qu'il n'est pas humain. Ou du moins pas totalement. Qui sait ? Peut-être est-il le fruit de recherches cherchant à up-grader le genre humain ? Ou un gars cloné à deux ou trois reprises ? Ce qui lui permettrait de se reposer, de recharger les accus pendant qu'un Bonamassa bis ou ter se produit. Ou pendant que l'un s'implique dans un projet, l'autre le fait dans un autre.
Non, parce que, admettons que le gars soit tombé dedans quand il était petit, faisant que depuis lors il a voué sa vie à la musique, à la guitare, que c'est son sacerdoce, comment fait-il donc pour assurer sans faillir une production aussi intense depuis des années ? C'est incroyable. Qui, à seulement quarante-huit ans, peut se vanter d'avoir réalisé dix-sept disques studio en solo (dont onze sont montés à la 1er place des ventes US catégorie « Blues »), huit avec deux super-groupes (soit cinq avec Black Country Communication et trois avec Rock Candy Funky Party), un avec Bloodline (groupe des 90s avec plein de « fils de »), quatre albums de partenariat (trois avec Beth Hart et un avec Mahalia Barnes), d'incessantes collaborations éparses, et, de plus, une omniprésence sur scène. Que ce soit sous son nom, ou en accompagnateur ou encore avec l'une des deux formations susmentionnées. Sans omettre ses occasionnels petits projets parallèles où il se lance un défi pour une petit poignée de concerts où il revisite ses chansons en acoustique, ou pour rendre essentiellement hommage à quelques bluesmen, entraînant en amont un gros travail de préparation pour un ou plusieurs spectacles éphémères. Dernièrement, il a réalisé un concert en hommage à Rory Gallagher et une petite série avec un orchestre de quarante musiciens.
À cela, il est nécessaire de rajouter son implication dans la création de deux labels indépendants : KTBA Records (Keep The Blues Alive) et Journeyman Records. Initialement fondés pour promouvoir en toute liberté des artistes de talent peu ou prou en difficulté, délaissés par les majors (Dion, Joanna Connor, Larry McCray), il a depuis ouvert ses portes à des musiciens soucieux de garder une certaine indépendance (Joanne Shaw Taylor, Robert Jon & the Wreck, Jimmy Hall). En authentique passionné, Joe ne résiste pas aux occasions de se joindre à quelques séances d'enregistrement, et à participer activement à la production (pour KTBA Records). Dans la continuité, il y a aussi l'association (à but non lucratif) « Keep the Blues Alive Fondation » fournissant matériel et moyens financiers à des écoles dans le besoin ou de milieux défavorisés, pour garantir un accès à la musique aux gamins.
C'est surtout depuis une quinzaine d'années que sa carrière a gagné en intensité. Et pas qu'un peu. Au point où son omniprésence pourrait avoir l'effet souhaité inverse. Il est bien connu que l'industrie musicale conseille – ou impose – aux professionnels de la musique de gérer leur temps d'exposition médiatique. De prendre garde à limiter leur présence, avant que le public ne soit lassé par un excès d'exposition. Voire de se faire désirer. Cela ne concerne pas évidemment les « one hit wonder » qui sont rapidement abandonnés par un management cupide et insensible.
Joe, lui, n'en a rien à carrer. Maître de sa carrière, de son planning, il fait ce qui lui chante. À savoir vivre sa passion jusqu'au bout, vivre pour et par la musique. Il l'a dit lui-même : « Je suis né pour jouer de la guitare ». Et indéniablement, c'est un bon. Non, un maestro.
Cependant, a t-on vraiment besoin d'un énième disque de Joe ? On se dit que non, et puis lorsque l'esgourde curieuse ose se poser sur la première pièce, la chanson éponyme, on est happé par ce Blues-rock moderne et robuste, flirtant avec le heavy-rock, à l'irrésistible intro basée sur une working song en communion avec la smokin' guitar – ainsi que le refrain -. « Trigger Finger » enchaîne prestement sur un rythme alerte, maintenant cette haute et hypnotique charge d'électricité qui saisit les sens. Joe sort l'arsenal : batterie de brutasse (genre Pom-Pam, Pom-Pom-Pam [1]), chœurs larger than life, basse vrombissante et gratte habitée par le feu sacré. Après ces deux missiles, on est déjà conquis - du moins quasiment. Et si la suite est généralement moins chargée rock, elle n'en est pas moins palpitante.
Joe revient avec « I'll Take The Blame » à des vibrations plus conventionnelles. En l'occurrence à un boogie-rock à la Stevie Ray Vaughan, avec un solo à décorner les bœufs. Nouvelle bifurcation encore avec « Drive By the Exit Sign », qui s'envole vers la Louisiane, pour une fiesta nocturne où sont conviés Sonny Landreth, Dire Strait et Larry McCray. « Broken Record », le slow-blues – pratiquement de rigueur -, ici à mi-chemin du mode power-ballade, pas loin de Warren Haynes, les chœurs en sus, s'il ne déplace pas les montagnes, fait tout de même son office.
On remarque que Joe et Kevin Shirley (producteur partenaire exclusif) ont mis de côté les productions ampoulées, pour se recentrer sur des tonalités relativement plus crues, nettement plus « blues n'rock », parfois rêches conne un velours élimé. Ne comptant alors que sur les claviers de Reese Wymans et les effets de Joe pour agrémenter à loisir les morceaux. Quoique même les effets de Joe semblent être subitement passés à un attirail nettement plus congru. D'ailleurs, bien des fois, ça sonne comme une guitare branchée dans un bon petit combo 50w (Marshall et Fender). Et puis, Joe continue son lent sevrage du solo à rallonge pour se focaliser sur la chanson – malgré une rechute avec « Pain's on Me » en clôture ; mais Kevin veille et, par un fade out, abrège l'envolée. Par contre les chœurs occupent une place déterminante.
« Shake this Ground » rappelle combien Bonamassa peut être également bon en acoustique. Ici dans une approche Country-rock entre Chris Stapleton et Steve Earle. Alors que « Still Walking with Me » renoue avec le Blues, dans une optique Fabulous Thunderbirds. Avant le final, Joe passe la cinquième et appuie sur le champignon. « You Don't Own Me » atteint des vitesses peu communes chez Joe. Presque un blues-rock punk, telle une fusion de Rory Gallagher avec Buckcherry – voire Aerosmith, puisqu'on y retrouve le même souffle que celui de « Young Lust » (ouverture de "Pump !").
Un album varié mais cohérent et solide, et qui, en dépit de sujet courants principalement sur la rupture, les conflits émotionnels survenant après une séparation, est l'un des plus lumineux de Bonamassa. Des dix pièces présentées, seule « Life After Dark » s'embourbe un peu dans le redondant.
Aux USA, dans la catégorie Blues, l'album a déjà grimpé à la première place des ventes. Pourtant, même si l'ombre de l'idiome aux douze mesures est omniprésente, « Breakthrough » est assez éloigné des disques de Blues et de Blues-rock stricto sensu. Disons qu'avant tout, c'est simplement du Bonamassa. Mais déjà d'enthousiastes voix s'élèvent, clamant haut et fort que ce dernier disque est probablement le plus accompli de sa carrière solo. Pourtant, malgré l'indéniable qualité de la première fournée, de la première face, ça paraît par la suite un peu s'essouffler ; même si ça reste au dessus du lot. Wait and see...
[1] J'aime bien les « Pom-Pam, Pom-Pom-Pam »
🎸✋
☞ Avec Rock Candy Funk Party : "We Want Groove" (2013) ♢ "Grooove is King" (2015)
☞ Avec Beth Hart : "Don't Explain" (2011) ♡ "See Saw" (2013) ♡
☞ Avec Black Country Communion : [Same / First album] (2010) ♗ "BCC IV" (2017) ♗ " V " (2024)
Bonamassa, je ne le supporte pas. C'est bourrinasse à souhait sur la plupart des morceaux et sur les morceaux lents, le pathos, l'empathique, l'ampoulé sont servis à la louche. Et puis ces costards en tergal bien luisant, c'est pas possible.
RépondreSupprimerDe mémoire, les costards lui ont été fortement conseillés (imposés ?) par Kevin Shirley. À ses débuts, il était plutôt adepte des tenues confortables. Shirley a alors cru bon de "l'enjoindre" à changer radicalement de garde-robe scénique, afin de se démarquer. De s'imposer.
SupprimerÇa rappelle aussi les tenues des bluesmen d'antan - quand ils pouvaient se le permettre.
Le titre " broken Records" a un petit quelque chose de "Song of yesterday" de Black Country Communion ?
SupprimerDe même le titre "Life after dark" a des airs du " The real thing" de Warren Haynes (tiens tiens...) morceau que l'on trouve sur l'excellent Phil Lesh and friends "There and back again" (2002) et sur le Live at Bonnaroo de Warren haysnes en version acoustique. (2004)
SupprimerÀ mon sens, "Song for Yesterday" est bien différent, et aussi meilleur.
SupprimerSinon, effectivement, "Life After Dark" a quelques intonations à la Warren Haynes. Tout comme "Broken Records".
Heureusement qu'il n'est pas bedonnant (et/ou anglais) qu'est ce que tu lui aurais mis, sinon...
RépondreSupprimerBon, j'ai pas voulu attaquer sur le physique, mais il est quand même à la limite du double menton. Et légèrement prognathe.
SupprimerIl n'est pas mal du tout cet album, carré, classique (y'a pas franchement un titre qui se distingue par son originalité, sa prise de risque) et, justement, pas si bourrinasse. Ouaté d'orgue hammond, comme j'aime, et c'est vrai que les choeurs ajoutent une jolie couleur. Côté chant, il commence à avoir une belle patine. Le « Pain's on Me » en clôture n'atteint même pas les 6 minutes, ça va, c'est raisonnable...
RépondreSupprimerNon je rêve ! Bonamassa " bourinasse"! Mon pauvre Shuffle c'est tes anciens élèves qui t'ont abîmé l'ouïe à ce point! Il va falloir passer à Francoise Hardy voire Carla Bruni ! A condition bien sûr que tu ne trouves rien à redire sur leur physique......En 1963 (tu étais né?) y'avait un 45 tours qui trustait les charts Soeur Sourire (la none chantante) ! Si tu arrives à mettre la main dessus , ça devrait te plaire , c'estb pas trop violent!
RépondreSupprimerA part ça , je m'abstiendrais de donner mon avis sur ce dernier Bonamassa , qui est en tête de ma play-list depuis plusieurs semaines en compagnie du Larry McCray , Devon Allman (sur lequel on trouve un certain Jimmy Hall ex Wet Willie!) , Samantha Fish et le dernier Poppa Chubby que Shuffle doit pas aimer , pensez donc un mec obèse ......
Môssieur. En 63, j'étais né, et bien né, mais contrairement à vous, je n'ai aucun souvenir de Sœur Sourire. J'ai bien sûr écouté le Devon Allman: deux bons morceaux: le 1er et After you, le reste c'est bien médiocre, et Hall devrait raccrocher, ça passe de plus en plus mal. Quant à Poppa Chubby, ça fait 15 ans qu'il fait le même disque, à raison de deux ou trois par an. Samantha Fish, c'est pour la parité dans ta discothèque? Parce qu'à part cette raison (qui t'honore, bien évidemment), on ne voit pas bien ce qui peut justifier l'achat de ce disque et des précédents. Pour l'hygiène auditive, je me refais une cure de Ronnie Earl (avec et sans Roomfull of blues) et de DelbertMcClinton, en alternance avec les Jack Johnson sessions de Miles Davis, ça fait un bien fou. Tu devrais essayer.
SupprimerHola, hola, compagnons !! De grâce, mesurez vos (h)ardeurs, temporisez vos (vives) émotions. N'oublions pas que la musique peut être quelque chose de totalement subjectif. D'ailleurs, il arrive même à nous tous que redécouvrir avec délectation un disque qu'on avait un temps prestement abandonné, voire honni. Non ? "Étonnant non ?" 😁
SupprimerSinon, effectivement, Bonamassa peut parfois s'avérer bourrinasse - [ce qui, à mon sens, est le cas ici avec "Life After Dark"]. Mais c'est le cas de la plupart des musiciens qui ont une forte production discographique. Forcément, à cause de cette production abondante, il y a un moment où ils y tombent. À côté, il y a une multitude de loustics qui bourrinassent et bourrinassent (😁) incessamment depuis leurs débuts - non, pas de noms -,. Joe, même si parfois, il peut glisser dans la "bourrinasserie", parvient toujours à s'en sortir avec de sacrés belles pièces. Et pas qu'un peu. Remarquons aussi qu'en dépit d'une carrière remontant au siècle dernier, il ne s'est jamais abaissé - ou trahi - en essayant de conquérir les ondes avec un morceau ouvertement pop.
Et puis, une "bourrinasserie" reste généralement au dessus du lot d'une pléthore de rockers qui se confortent dans une rigide application de codes et de plans éculés.
Un petit mot sur la petite Samantha : combien y a-t-il d'artistes qui osent s'aventurer systématiquement dans des chemins de traverse ? Au risque de s'exposer à la critique, de perdre une partie de la fan base ? D'autant plus dans un milieu où les puristes (intégristes) sont légions. Rien que pour ça, elle mérite amplement le respect.
RépondreSupprimerP.S. : son dernier, "Paper Doll", c'est d'la balle. 👍🏼
Un petit mot sur Popa Chubby (encore !!!??!) 😁
RépondreSupprimerIl est malheureusement évident que son abondante production a nui à sa carrière qui avait pourtant si bien commencée (magistraux "Booty and the Beast" et "Brooklyn Basement Blues", escellents "One Million Broken Guitars" et "How'd a White Boy Get the Blues ?"), et qu'il aurait dû se limiter à un album bisannuel (voir plus) pour se recentrer sur le meilleur.
C'est (ou c'était ?) un très bon musicien de scène, généreux et éloquent.
Un petit mot sur Ronnie Earl (... !!??!!..) 😁
RépondreSupprimerInjustement trop peu connu en Europe, voire inconnu. Pourtant, il reste l'un des guitaristes les plus expressifs sur une Stratocaster nue - sans effet intermédiaire à l'exception de la réverbération de l'ampli. Une belle discographie avec quelques magnifiques sommets ("Soul Searching", "Peace of Mind", "Language of the Soul", "Living in the Light").
Exact. La période Black Top est la meilleure. Après, ça tourne parfois à la démonstration. mais le type peut se le permettre.
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