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vendredi 20 juin 2025

L’HOMME LÉOPARD de Jacques Tourneur (1943) par Luc B.



On a déjà évoqué ici le réalisateur Jacques Tourneur, à travers ses Films Noirs ou d’épouvante. L’HOMME LÉOPARD se situe dans la deuxième catégorie, le dernier film de la trilogie produite par Val Lewton. Petit rappel des faits, les deux hommes ont mis au point une recette simple, efficace, des films courts, pas chers, angoissants, exotiques. Le premier était LA FÉLINE (1942), qui avait généré un bénéfice de presque dix fois son budget, le champ’ avait coulé à la RKO dont les comptes étaient dans le rouge.

Comme on ne change pas une équipe qui gagne, les deux compères sortent coup sur coup VAUDOU et L’HOMME LÉOPARD (1943) utilisant les mêmes recettes. Sauf que des trois, ce LEOPARD MAN est le plus faible, le talent de Tourneur n’y éclate qu’avec parcimonie, la faute à un scénario un peu neuneu et prévisible. 

L’action se passe au Nouveau Mexique. Jacques Tourneur aimait ces histoires qui confrontaient deux cultures, aimait plonger ses héroïnes dans un contexte étranger, la meilleure démonstration étant l’infirmière de VAUDOU confrontée aux rites haïtiens. Bon, sauf qu’ici, de Los Angeles au Mexique, il n’y a qu’un pas.

Kiki Walker, une danseuse, accepte l’idée un peu stupide de son impresario Jerry Manning de faire son numéro avec un léopard, qu’il a loué pour 10 dollars à un cirque ambulant. C’est un fiasco. Le fauve apeuré par le public et l’horrible son des castagnettes se fait la malle. Dans les jours qui suivent, plusieurs jeunes femmes sont retrouvées mortes, déchiquetées par les griffes d’un félin…

Le son des castagnettes, et ce dès le générique, va rythmer le film, amenant cet élément exotique et finalement angoissant : première bonne idée. Comme lorsque Jerry Manning provoque les cris hystériques de Kiki et de son habilleuse, en arrivant dans sa loge avec la panthère en laisse. Un plan qui renvoie bien sûr à LA FÉLINE, qui le parodie presque puisque l’effet recherché ici est le comique et non l’horreur.

Les premières tensions arrivent avec la rivalité entre Kiki et Clo-Clo, une danseuse mexicaine (la joueuse de castagnettes). Superbe scène lorsqu’elle est alpaguée en rentrant chez elle par une tireuse de cartes, dont on ne voit que les mains sortir du noir, brandir un as de pique. Tourneur introduit des éléments de superstition. Il y a aussi ce gamin qui pour effrayer sa grande sœur Teresa, reproduit au mur, en ombre chinoise, le profil d’un léopard. Ce qui nous amène à la première mort violente du film, Teresa, partie chercher de la farine (en pleine nuit naturellement). 

Et qui a évidement peur du noir. Sur le chemin du retour, elle doit passer sous un pont de chemin de fer, plongé dans l’obscurité. L’art de Tourneur est dans toute cette scène où le danger n’est que suggéré : l’obscurité, Teresa semble aspirée par la nuit, le silence juste ponctué par le son des gouttes d’eau qui tombent dans un égout, les reflets fantomatiques de l’eau projetés dans le tunnel, le bruit assourdissant d’un train qui passe au dessus, puis les deux yeux du léopard qui brillent dans le noir. Superbe !

La mort de la fillette restera hors champ, juste des cris, des coups tambourinés à la porte, celle de la maison de Teresa, dont sa mère n'arrive pas débloquer le loquet, et un filet de sang... Tourneur joue beaucoup avec les ombres, les éléments baroques, les décors surchargés, les plantes luxuriantes en amorce. La suite de l’intrigue tient du polar. D’autres jeunes femmes trouveront la mort dans des circonstances analogues, et Jerry Manning commence à croire que l’agresseur n’est peut être pas le fauve du cirque…

C’est là où ça coince. L’enquête du shérif est ni faite ni à faire. C’est l’impresario Manning et la danseuse Kiki qui s’y collent (à cause des remords ?), avec l’aide d’un spécialiste des fauves, le directeur du musée local. Il y a trois malheureux suspects dans l’histoire, l’une sera tuée, l’autre a une bonne tête d’innocent, donc bonne pioche pour le troisième ! Le dénouement est assez prévisible, et la justification de l’affaire est franchement capillotractée (tirée par les cheveux). Résumée ainsi par Manning en regardant une fontaine dont le jet d’eau fait rebondir une balle : « Les gens sont bousculés par des choses qui les dépassent » (faisant donc référence à la baballe ballottée, c'est un peu court, jeune homme, on pouvait dire bien des choses...).

On retiendra une belle scène dans un cimetière (non mais franchement les filles, donner rendez-vous à son flirt dans un cimetière, à la tombée de la nuit ?!) où Tourneur joue sur le bruissement des arbres, le craquement d’une branche, l’écho d’une voix, un labyrinthe de buissons. Plus tard, le son qui monte crescendo des castagnettes lors du troisième meurtre, et bien sûr la scène finale avec la procession de pénitents en habits noirs et chapeaux à pointe.

Jacques Tourneur lui même était conscient du manque de profondeur de son scénario, « une série de vignettes qui ne tenaient pas ensemble ». On retiendra de Tourneur l’art de la suggestion, de savoir appliquer l’adage less is more (vu l’étroitesse des budgets il n’avait pas trop le choix), le travail sur le son, le fait qu’encore une fois ce sont les femmes qui tiennent l’affiche. Par contre, les personnages ne valent pas un clou, et l’interprétation ne brille pas spécialement.

Du triptyque fantastique, L’HOMME LÉOPARD est le plus faible, avec quelques bons moments tout de même, malheureusement situés dans le premier tiers du film.

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Autres films de Jacques Tourneur chroniqués : VAUDOU  ;  RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR



Noir et blanc - 1h06 - format 1:1.37 

A défaut d'une bande annonce correcte, cet extrait : 

vendredi 21 mars 2025

MICKEY 17 de Bong Joon-ho (2025) par Luc B.



Si le premier tâcheron du coin avait sorti ce film, on l’aurait salué comme une excellente surprise. Mais derrière la caméra il y a Bong Joon-ho. Ca change la donne. C’est le réalisateur du génial et multi-primé PARASITE, et avant cela de MEMORIES OF MURDER, THE HOST, SNOWPIERCER, MOTHER… Donc il faut remonter le curseur, être un peu plus exigeant.

Dans le processus de production, il y a un indice qui ne trompe pas. Prévue pour mars 2024, la sortie du film est repoussée à une date ultérieure, on n’sait pas quand, on vous tiendra au courant… C’est jamais bon signe. Ca veut dire que le studio Warner Bros n’est pas satisfait du résultat, Bong Joon-ho est prié de revoir sa copie. Ca ne veut pas dire que c’est mauvais, mais que ça ne correspond à ce à quoi ils s’attendaient.

Ce qui arrive souvent quand un metteur en scène, si reconnu soit-il, répond aux sirènes hollywoodiennes. On lui offre des moyens confortables, des stars, une certaine liberté d’action, et ici, presque le final cut. Presque, parce que contractuellement, les deux parties se sont brouillées. Les artistes et leurs grandes idées ça va deux secondes, un film c'est fait pour rapporter du pognon. Avec les franchises Marvel, au moins, on sait où on va. J’imagine le brainstorming des cranes d’œuf du marketing pour vendre cet objet au grand public. La Warner et son nouveau patron qui s’y connaît autant en cinoche que moi en sinus cosinus (le gus qui avait écarté le dernier Eastwood des salles pour le balancer en streaming) ont exigé des scènes supplémentaires, et refait le montage. Conclusion : c’est un bide, tièdement accueilli, et une catastrophe financière. J'apprends par mes sources à Hollywood que ça y est : le film a été retiré des salles aux US pour passer direct en streaming. 

C’est quoi ce film ? De la SF, de l’action, une comédie, une satire, un truc politique, un film marxiste, une bouffonnerie ? MICKEY 17 est un peu tout ça, Bong Joon-ho aime croiser les genres. Ca peut faire penser à BRAZIL de Terry Gilliam, un peu de DR FOLAMOUR de Kubrick, du AVATAR de James Cameron (l’humour et la dérision en moins, qui ne sont pas franchement les premières qualités du réalisateur canadien), à NAUSICAÄ de Miyazaki, pour l’univers graphique, les bestioles de la fin.

Au départ c’est un roman de Edward Ashton : MICKEY 7. Le Mickey du titre c’est Mickey Barnes. Sa fonction : remplaçant. Un type jetable, comme un kleenex, on l’utilise pour diverses missions, s’il meurt c’est pas grave, on le réimprime, on lui réinjecte sa mémoire, et hop, il repart au turbin. Il est sympa Mickey, un peu benêt, mais un vrai gentil. Robert Pattinson se sort très bien des deux rôles. Sur Terre, son projet de se lancer dans la vente de macarons (oui, les p’tits gâteaux aux amendes!) tombe à l’eau, il doit du fric à des mafieux, doit déguerpir, s’engage dans une colonie humaine en partance pour la planète Nilfheim. Quand il signe son contrat on lui dit bien : « Vous avez lu les petites lignes ? ». Heu, oui… Visiblement non. Boum, on le flingue, on le ressuscite, il devient donc un remplaçant.

On retrouve l’univers de Bong Joon-ho, sarcastique, humour noir, dès le premier plan : Mickey en sortie orbitale, sans protection face aux rayonnements, et une voix goguenarde lui dit dans l'oreille « On va voir en combien de temps tu deviens aveugle, à partir de quand ta peau va brûler, et... cerise sur le gâteau, en combien de temps tu vas mourir ! ». Le ton est donné. 

Mark Ruffalo s’amuse comme un fou à camper un Kenneth Marshall, gourou pathétique, qui exige d'être constamment filmé par son assistant avec une caméra 32K ! Ruffalo prend les intonations de voix de Donald Trump, délaisse son brushing-choucroute pour une coupe à la Brando dans LE PARRAIN (on entend dans la bande son un clin d'oeil à la musique), un type imbu(vable), un bouffon flanqué d’une épouse survoltée, Ylfa, qui ne vaut pas mieux (Toni Collette). Bong Joon-ho a souvent traité de cette lutte des classes, la hiérarchie sociale, dans PARASITE évidemment (il y a auto-référence avec la scène dans un appartement aux larges baies vitrées), dans SNOWPIERCER qui recréait dans un train les castes fondées sur le pouvoir et l’argent. Ici, ça va encore plus loin, avec ce concept d’employé jetable, considéré comme de la merde, au sens propre, Mickey filmé comme un étron qu'on jette (parfois encore vivant) aux chiottes, ou sortant de l'imprimante 3D comme une crotte d'un côlon ! 

Bong Joon-ho aime aussi les films de monstres, ici ce sont les rampants, des gros cafards qui habitent la planète Nilfheim. C’est cet aspect qui rappelle l’AVATAR de Cameron, avec cette idée de créatures autochtones que les humains viennent coloniser, anéantir. MICKEY 17 est aussi une parabole écologique (comme THE HOST, OKJA). On pense évidemment à la conquête de l’Ouest et au sort fait aux Indiens, le fait d’utiliser des gaz toxiques rappelle un autre génocide. Comme le hurle, contrarié, Kenneth Marshall : « Je voulais les exterminer avec dignité, ils ne veulent pas, qu’ils aillent se faire foutre ! ». Y’a deux ou trois répliques excellentes, comme dans la séquence du dîner (Mickey teste une viande synthétique, puis le médicament censé lui éviter les diarrhées mortelles!), où Ylfa Marshall annonce péremptoire, amatrice de bonne cuisine : « La sauce, c’est ce qui sépare l’homme de l’animal ». Amen.

Le film trouve un second souffle avec la naissance de Mickey 18. Misant sur la mort du précédent, on en a généré un nouveau, mais ça ne c’est pas passé comme prévu. On se retrouve avec deux Mickey, on appelle ça des multiples, et c'est interdit. Verboten. Un des deux doit disparaître. Sauf que la copine de Mickey, adepte du kamasutra, voit bien quel profit tirer (sic) sexuellement de la situation, et garder les deux dans son lit !

Cette partie centrale du film est très réussie, même si la confrontation entre 17 et 18 arrive un peu tard. Bong Joon-ho est dans son élément quand il filme ses personnages, avec ce ton décalé, qui verse clairement dans la farce, un peu grivoise. Ce n’est pas le registre habituel des blockbusters SF, on imagine la Warner gênée par cet humour grinçant, et réclamer plus d’actions, plus d’effets. D’où un final grandiloquant, qui se traine, un peu niais, avec l'idée du traducteur, du Cameron tout craché ! La (fausse) dernière scène qui semble être un rêve est juste inutile, à moins. Bref, le film peine à conclure.

MICKEY 17 est très bien filmé (directeur photo Darius Khondji)divertissant, il fourmille d'idées. Bien qu'un peu longuet et avec un p'tit goût d’inachevé. Est-ce vraiment le film que Bong Joon-ho voulait faire ? Pas sûr, il a publiquement renié ce montage hybride. Verra-t-on un jour sa version ? En tous cas, c'est loin d'être la catastrophe décrite ici ou là (comme le dernier Coppola injustement descendu en flamme), un film qu'on regardera sans doute différemment dans quelques années.


couleur - 2h17 - format 1:1.85 (et Imax). 

mardi 14 janvier 2025

”Dracula Prince des Ténèbres” (1966) de Terence Fisher - par Pat Slade


Dracula, un mythe du cinéma d’horreur qui aura beaucoup d’interprètes mais Christopher Lee sera celui qui restera le plus dans la mémoire des cinéphiles .



Dracula : ”appelez moi mon Saigneur !“



Bram Stoker
Dracula est et restera un personnage récurent dans le cinéma d’horreur, tout comme le monstre de Frankenstein ou le lycanthrope nommé aussi loup-garou. Bram Stoker, Mary Shelley avaient l’imagination fertile et surement une bonne dose d’ennui pour écrire des histoires horrifiques qui créeront une psychose auprès des personnes impressionnables. Pourtant en cherchant dans l’historique, jamais un homme aux canines pointues, ne vivant que la nuit et dormant dans un cercueil ne fut recensé dans l’histoire du commun des mortels. Bram Stocker s'est juste inspiré de la vie de Vlad Tepes un prince roumain de Transylvanie qui avait la fâcheuse habitude d’empaler la tête des ses ennemies au bout d’un pieu, où quand il était encore plus cruel, la victime était vivante avant l'empalement, parfois par "le fondement" pour prolonger l'agonie. Mais d’où vient ce nom de Dracula ? Vlad Tepes aura un fils qu'il nommera Dracula ”Fils du dragon“.  

Mais trêve de faits historiques et revenons au cinoche. Le prince des vampires. Beaucoup d’acteurs ont interprété le saigneur de ces dames, mais peu auront autant marqué le personnage que Bela Lugosi dans ”La Marque du Vampire“ de Tod Browing en 1935

Pour l’anecdote, à sa mort, Bela Lugosi  sera enterré habillé dans sa tenue de vampire. (Humour noir : Peter Lorre envisagera de planter un pieu dans la poitrine de son vieux copain. Boris Karloff l'en dissuadera...). Autre acteur d'envergure : Gary Oldman dans ”Dracula“ de Francis Ford Coppola en 1992 et surtout Christopher Lee qui incarnera l’image emblématique du prince des ténèbres en ayant endossé dix fois le costume (et le dentier) du seigneur des Carpates. Même en 1976 dans le lamentable ”Dracula père et fils“ d’Édouard Molinaro avec comme partenaire Bernard Ménez

J’ai toujours été étonné que ”Dracula prince des ténèbres“ soit le second de la série réalisé par la Hammer, le premier étant ”Le cauchemar de Dracula“ en 1958 déjà réalisé par Terence Fisher. Que ce soit ”Dracula prince des ténèbres“ ou ”Le bal des vampires“ de Polanski  dans tous les films dédiés au comte à la canine féroce, les clichés sont toujours les mêmes : le miroir qui ne réfléchit pas l’image, le crucifix qui lui donne la nausée, l’ail (mais je ne me rappelle pas d'un film où Dracula finit comme un rôti piqué à l’ail), l’eau vive, la manière dont il ”mourra“ dans le second film, la lumière du jour, comme dans ”Le cauchemar de Dracula“ et pour finir, le pieu dans le cœur (comme il n’aime pas les crucifix, il ne peut pas être très pieu). 

Une chose que l’on ne peut lui enlever, il plait aux femmes. Il a un charme diabolique, certains films abordent le sujet comme ”Les maitresses de Dracula“ mais ce film ne met pas en scène Dracula lui-même mais le Dr Van Helsing seul en chaêron (Peter Cushing) et ”Dracula et les femmes“  titre original : ”Dracula Has Risen from the Grave“ (Dracula est ressuscité de la tombe). Le titre racoleur d'un film qui n’amène rien de nouveau à la série.

"A table !!!!"
Mais ”Dracula prince des tenebres“, même s’il reprend les éternels clichés, raconte l’histoire de deux couples qui se perdent dans une forêt en Transylvanie et se retrouvent dans le château du comte Dracula disparu depuis longtemps. Le sang frais d’un des ”invité“ servira de plat de résistance et redonnera, à son insu, et grâce à l’aide de son dévoué et fidèle serviteur Klove, la vie au sinistre vampire. Cette fois-ci, l'action se déroule intégralement dans les Carpates et Dracula reste dans les environs de son château ce sera un huis clos entre les murs de la forteresse.    

Il y aura pas un chasseur de vampire, Van Helsing (Peter Cushing déjà cité) qui était en tournage sur ”L’ile de la terreur“ avec Terence Fisher, il fallait trouver un intérimaire, un moine nomade, connaisseur des secrets occultes et des créatures de la nuit et comme c’est un homme de foi et qu’il est très pieu, ce sera lui qui enfoncera l'instrument vampiritueur dans le cœur des créatures à la dent longue. Un moine truculent et haut en couleur qui mettra un peu de rythme au film.

Barbara Shelley "ferme ta goule !!"
Les apparitions de Dracula sont rares et le réalisateur joue avec le spectateur en lui faisant croire qu’il apparait alors que c’est son serviteur vole la vedette. Entre Klove son serviteur poussiéreux et Ludwig un simple d’esprit enfermé dans le monastère du moine et qui comme repas dévore des mouches, le premier tiers du film est un peu plat. Il faudra attendre que la seconde victime qui sera Barbara Shelley, la figure emblématique des films de Fischer et de la Hammer soit mordue pour devenir une goule au service de son maître.   

Dracula n'aime pas l'eau vive ! 

Le scénario est plutôt bancal comparé au premier volet ”Le cauchemar de Dracula“, mais Terence Fischer arrive à sauver les meubles avec des scènes impressionnantes comme la résurrection du vampire, la mise à mort de la goule et la destruction de Dracula dans les douves gelées. Les décors sont splendides et les trucages pour l’époque particulièrement réussis, le genre gothique est incomparable. L’ambiance glaciale des films de la Hammer reste les mêmes avec sa musique toujours sinistre et inquiétante.

Ce sera le dernier Dracula réalisé par Terence Fisher, il fera d’autres films en se tournant plus sur le personnage de Frankenstein. Dracula, il ne fallait pas qu’il ait une dent contre vous, sinon vous vous seriez fait du mauvais sang.


mardi 29 octobre 2024

SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan (1999) par Pat Slade


Le paranormal a toujours été un sujet qui me passionne et je me devais parler de ”Sixième Sens“ à ne pas confondre avec ”Le Sixième Sens“ le film de Michael Mann de 1986.


Quand les morts ont besoin d’aide



J’avais déjà par deux fois abordé le sujet du paranormal en chroniquant le livre de Matthew ManningD'où me viennent ces pouvoirs ?“ et le film ”La voix des morts“. Je récidive avec le sujet sensible du sixième sens qui est une référence parmi les perceptions extrasensorielles, c’est-à-dire qui n’est pas l'un des cinq sens physiologiques et que l’on nomme aussi la proprioception qui recèle encore bien des mystères. Le sixième sens pourrait se rapprocher du troisième œil qui est associé à des notions de clairvoyance donc de la faculté de percevoir des phénomènes autres qu’avec les sens habituels. Je n’ai pas le sixième sens et pourtant je peux savoir certaines choses sur les gens, je pratique le pendule et je peux prédire s’il y a du bon ou du mauvais qui tourne autour d’une personne.  

Sixième Sens“ : un film sombre et fantastique, j'ajouterais qu’il pourrait illustrer un événement dans la vie réelle, aller savoir... mais les sceptiques et les incrédules resteront dubitatifs sur la question même après avoir vu le film. 
Tout commence par un drame. Le Dr Malcolm Crowe (Bruce Willis) psychologue pour enfants rentre un soir chez lui avec sa femme après avoir reçu une récompense quand il s’aperçoit qu’un homme à moitié nu et mentalement perturbé s’est introduit chez lui. Ce dernier lui reproche de l’avoir abandonné, de ne pas l’avoir aidé. Malcom recherche dans ses souvenirs pour retrouver l’identité de l’intrus quand l’homme sort une arme et lui tire dessus pour ensuite se suicider. Six mois plus tard on le retrouve assis sur un banc à prendre des notes et à attendre quelqu’un. De la maison en face sort Cole Sear (Haley Joel Osment) un jeune garçon de neuf ans qui lui rappelle l’homme qui lui a tiré dessus au même âge. Il va faire entreprendre une psychanalyse de l’enfant qui à un secret très particulier.

H.J Osment - T.Colette
Son secret ? Il a des visions étranges, visions qu'il est le seul à percevoir. Sont-elles les conséquences de pouvoirs extrasensoriels ou d'une psychose à identifier. Ainsi, alors  qu’il est dans la cuisine avec sa mère, au moment ou elle s’absentera l’espace de dix secondes, à son retour elle retrouvera tous les placards et les tiroirs ouverts, visions et psychokinésie ??? Cole ne veux pas parler de son secret, mais il le dévoilera au Dr Malcolm Crowe, qui arrivera à gagner sa confiance. Cole voit des morts, que ce soit chez lui ou dans d’autres endroits, morts qui ne savent pas qu’ils sont décédés et continuent de vivre comme si de rien n’était  Cole est une véritable encyclopédie des phénomènes paranormaux, ce qui le terrorise. Il fait de l’écriture automatique (Les esprits peuvent se manifester par l’écriture), déplacement d’objet et peut avoir des contacts verbaux et physiques avec les apparitions et tout cela au grand dam de sa mère (Toni Collette) qui après avoir vu une lumière blanche sur toutes les photos de son fils se retrouve très perplexe. On le serait à moins !!

Refusant tout d'abord de croire à son histoire, le Dr Crowe en conclut qu'il ne peut pas aider le jeune garçon. Mais un soir, en réécoutant les enregistrements sonores de celui qui lui a tiré dessus, et en montant le volume, il entendra une voix : une TCI (Transcommunication Instrumentale). Il se rend à l’évidence que les deux garçons ne lui ont pas menti. La seule solution qu’il donnera à Cole sera d’écouter leurs doléances et de les aider. L'initiative s'avère bientôt payante puisque Cole reprend peu à peu confiance en lui, et finit par accepter ce don : il aide ainsi l'esprit d'une fillette à révéler qu'elle est morte empoisonnée par sa belle-mère

B.Willis - O.Williams
Toute cette histoire obsédante se déroule au détriment de sa vie de couple. Sa femme ne lui parle plus et semble l’ignorer complètement, ne pas le voir... Après avoir fini un échange auprès de Cole, il rentre chez lui et trouve sa femme endormie, elle laissera échapper un anneau qu'elle serrait dans sa main sa main et qui n’est rien d’autre que l’alliance de Malcolm... Il interroge à voix basse son épouse endormie, qui dans son sommeil l’entend, et lui parle pour la première fois depuis des mois et c’est à ce moment qu’il comprend...  
 

Il y a une scène que j’aime beaucoup, c’est quand Cole et sa mère  (qui est toujours plongée dans le scepticisme) sont en voiture et que, pris dans un embouteillage, Cole lui dit que c’est un accident avec une cycliste qui à été tuée et quand sa mère lui demande comment il le sais, Cole lui répond que la victime est à coté de lui derrière la vitre ! Après il parlera avec sa mère de l’histoire d’un médaillon qui a disparu et qui appartenait à sa grand-mère ; il fera des révélations que personne d’autre que sa mère ne pouvait connaitre. Une très belle scène, très touchante et dramatique. 

Manoj Nelliyattu Shyamalan 
 Sixième Sens“ est le troisième film de Manoj Nelliyattu Shyamalan qui réalisera ensuite ”Incassable“ encore avec Bruce Willis. Le film est considéré comme un thriller, mais pour moi c’est un drame-fantastique, un nouveau genre. Avec quatre claps de satisfaction pour l’histoire et le jeu des interprètes. Une autre chose qui attire l’œil ce sont les couleurs du film, les teintes rouge représente le monde des vivants alors que les teintes brune presque sépia celui des morts.


 

vendredi 4 octobre 2024

MEGALOPOLIS de Francis Ford Coppola (2024) par Luc B.


Tout de même, ça force le respect. Sans doute pas le film en lui-même, quoique, on verra dans 40 ans, avec le recul, mais au moins la démarche, celle d’un réalisateur parmi les plus célèbres, parrain du Nouvel Hollywood, qui lorsqu’on lui en a donné les moyens a toujours donné dans la démesure. Et lorsqu’il n’avait plus un kopeck, aussi. Le budget explosé d’APOCALYPSE NOW avait été renfloué par l’hypothèque de ses biens. Jackpot ! Palme d’Or ! Aussi sec, le fric déboule pour COUP DE COEUR. Qui se ramasse, retour à la case départ, sans passer par la banque.

Avec Coppola, ça passe ou ça casse. MEGALOPOLIS, projet de longue date, a été financé à hauteur de 120 millions de dollars, grâce à la vente d’une bonne partie de son vignoble. Fait rarissime dans l’industrie du cinéma. Chez nous il y avait eu le cas Tati, avec PLAYTIME, financé sur ses deniers personnels. Résultat : ruiné. Monsieur Hulot a fini sa vie hébergé chez des amis, incapable de payer un loyer… « Je n’aime pas l’idée de donner des prix aux œuvres d’art, mais si on m’en remet un, j’aimerais que ce soit le prix Jacques Tati » disait Coppola dans une interview. Geste fraternel.

Vu comme cela s’annonce, le Francis doit déjà de nouveau être au bord de la banqueroute. Nous étions 9 spectateurs dans la salle, ce qui frise l’injure, et 5 à la fin. Là, c’est un camouflet. Qui résume ce que tout le monde pense du dernier projet pharaonique de Coppola, inutile, mégalo, boursouflé et insipide. Sauf que moi, je n’ai pas détesté, loin de là, et je le prouve !

Le souci, c’est le fond. A part parler de lui en mode artiste incompris mais visionnaire - on aura saisi les multiples allusions – que raconte ce film ? Dans la première partie, les tableaux sont magnifiques mais une intrigue peine à surgir. Le maire conservateur de New Rome, Franklyn Cicéro, a des projets pour rebâtir sa ville qui s’opposent à la vision progressiste de l’architecte star, César (qui roule en DS Citröen). Ils se conspuent à coup de conférences de presse délirantes retransmises en direct à la télé. C’est maigre, d’autant que Coppola n’a pas grand-chose à proposer en termes de réflexion sur l’environnement de vie, mais mine de rien, ça reflète cette Amérique dominée par les coups médiatiques, à la Trump en campagne. 

Par contre, sur la forme, il y a de fameuses idées (fumeuses diraient d’autres), comme cette conférence de presse au dessus des maquettes de la future citée, les protagonistes perchés sur des échafaudages, le public surchauffé, la présentatrice vedette avide de scoop, les jeux du cirque, Coppola nous refait même la course de char de BEN-HUR (au Madison Square Garden!). Tout ça commence plutôt bien, si les propos sont abscons ou naïfs, au moins à l’écran y’a de l’action.

[<= Shia Labeouf en mini-toge, qui s'est visiblement beaucoup amusé avec la costumière !] On apprécie la présence de Jon Voight, il joue Crassus, l’oncle richissime de César, et de Dustin Hoffman en éminence grise corrompue jusqu’à l’os. Le rôle avait été prévu pour James Caan, qui était de l’aventure du PARRAIN (décédé avant le tournage) et on retrouve aussi sa partenaire d'alors, la frangine de Coppola, Talia Shire. Deux générations d’acteurs, le nouvel et le nouveau Hollywood, les jeunes étant Adam Driver et Shia Labeouf qui en font des tonnes, tous sont assez excessifs dans leurs jeux, c'est raccord avec la mise en scène. Laurence Fishburne est aussi de la fête, en majordome de César. J’ai bien aimé la prestation de Aubrey Plaza dans le rôle de Wow Platinum, la starlette télé volcanique et vraie salope quand il s’agit de toucher le magot. Par contre, Nathalie Emmanuel (vue dans GAME OF THRONES) qui joue Julia la fille du maire, n’insuffle rien de décisif à son personnage, faut dire aussi que le rôle est assez fade.

Si les patronymes renvoient à la Rome antique, c’est que le film est un savant mélange des deux époques / civilisation, Coppola jouant sur l’architecture (Wall Street et ses colonnes devient comme un temple romain), les intérieurs, les vêtements, grappes de raisin sur les tables. Joli plan d’un manteau soufflé par le vent, qui semble emmitoufler le personnage dans une toge. On aura compris la métaphore, la chute de Rome vs la fin de l'Amérique dorée des 70's vécue par Coppola.

Coppola s’offre un long délire limite psychédélique, César boit pas mal, gobe plein de pilules, et comme Coppola – d’après des indiscrétions – passait son temps à fumer des six feuilles de ganja pendant le tournage, c’est assez raccord, et pourrait expliquer beaucoup de choses... Là, le film patine un peu, ballet de personnages grotesques, le film tient de la farce, chacun y va de son numéro, on se demande où le réalisateur veut en venir, s’il le sait lui-même.

Et puis MEGALOPOLIS se recentre sur ce que Coppola sait faire de mieux, le drame familial sous influence shakespearienne. Entre Julia la fille du maire qui passe dans le camp de César (par amour), Wow Platinum délaissée qui se console dans les bras du vieux Crassus pour fomenter sa vengeance, puis dans ceux de son fils Clodio pour siphonner les comptes en banque du vieux, le même Clodio, populiste des basses œuvres qui complote pour assassiner César… D’un coup, le film a un regain de vitalité, on est dans des intrigues plus classiques, toujours servies par une mise en scène qui enchaîne les morceaux de bravoure.

Coppola cite beaucoup. On pense tout de suite à CITIZEN KANE avec ces magnas emprisonnés dans leurs palais, le jeu volontairement grotesque d’Adam Driver (Welles et les cènes au journal) et y'a même la boule de neige ! Citation directe à LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton avec ce cadavre de femme sous l’eau, dans une voiture, cheveux flottants. Certains plans de la cité renvoient au BLADE RUNNER de Ridley Scott, on pense aussi à Christopher Nolan, celui de TENET ou de INCEPTION (la poésie en plus chez Francis F.) car César a le pouvoir d’arrêter le temps : très belle scène d’ouverture, et plus tard de la destruction d'un immeuble. Que fait-il de ce pouvoir ? Nada… Coppola non plus. Beaucoup de pistes alléchantes sont inabouties.

Entre autres influences, en vrac, Cocteau et les statues vivantes, celle de la justice tombe de son piédestal, le film muet avec l’usage des encarts, les fermeture à l’iris, et surtout Abel Gance* dont il reprend l’idée du triptyque de NAPOLÉON. On peut même remonter jusqu’à George Mélies, dans l’usage des trucages. On pense à son DRACULA, dont les effets visuels étaient produits dès le tournage, sans ajout de numérique. Coppola utilise la vieille technique du fond vert, superbes plans de la robe transparente, où le personnage devient comme invisible, et il y a aussi des séquences animées. Coppola utilise toutes les ressources du cinéma pour servir son récit, de manière souvent artisanale, parfois avec la 3D, paradoxalement vieillotte. Une esthétique assez années 80 (date où l’idée du film a germé dans l’esprit de son auteur, et le satellite russe tagué d'un CCCP anachronique !), je n’ai pas détesté ce mélange de SF / Peplum. 

MEGALOPOLIS n’est pas un film chiant. Le rythme est relativement soutenu, Coppola élève même le tempo dans la seconde partie. On pourra lui reprocher d’être soit trop naïf, convenu, soit trop confus, comme si Coppola ne savait pas organiser ses pensées, son discours. Mais visuellement, c’est un feu d’artifice à chaque instant, le cinéaste laisse la concurrence loin derrière, parce qu’il ose, quitte à être pompeux, voire pompier. De la part d’un homme de 85 ans, croire encore à la force du cinématographe, oui, ça force le respect. Son cinéma n’a peut être plus grand chose à dire mais il a tout à montrer. 

* Coppola avait racheté les droits du film "Napoléon" d'Abel Gance, pour le restaurer, et avait inventé pour l'occasion le concept de ciné-concert, son père Carmine ayant composé la nouvelle musique du chef d'oeuvre de Gance. Pour plus d'infos, clic vers l'article : NAPOLEON par Abel Gance  

 


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