On a déjà évoqué ici le
réalisateur Jacques Tourneur, à travers ses Films Noirs ou
d’épouvante. L’HOMME LÉOPARD se situe dans la deuxième
catégorie, le dernier film de la trilogie
produite par Val Lewton. Petit rappel des faits, les deux hommes ont
mis au point une recette simple, efficace, des films courts, pas
chers, angoissants, exotiques. Le premier était LA FÉLINE (1942),
qui avait généré un bénéfice de presque dix fois son budget, le
champ’ avait coulé à la RKO dont les comptes étaient dans le
rouge.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, les deux compères
sortent coup sur coup VAUDOU et L’HOMME LÉOPARD (1943) utilisant
les mêmes recettes. Sauf que des trois, ce LEOPARD MAN est le plus faible, le talent de Tourneur n’y éclate
qu’avec parcimonie, la faute à un scénario un peu neuneu et
prévisible.
L’action se passe au Nouveau Mexique. Jacques Tourneur
aimait ces histoires qui confrontaient deux cultures, aimait plonger
ses héroïnes dans un contexte étranger, la meilleure démonstration
étant l’infirmière de VAUDOU confrontée aux rites haïtiens.
Bon, sauf qu’ici, de Los Angeles au Mexique, il n’y a qu’un
pas.
Kiki
Walker, une danseuse, accepte l’idée un peu stupide de son
impresario Jerry Manning de faire son numéro avec un léopard, qu’il
a loué pour 10 dollars à un cirque ambulant. C’est un fiasco. Le
fauve apeuré par le public et l’horrible son des castagnettes se
fait la malle. Dans les jours qui suivent, plusieurs jeunes femmes
sont retrouvées mortes, déchiquetées par les griffes d’un
félin…
Le son des castagnettes, et ce dès le générique, va
rythmer le film, amenant cet élément exotique et finalement
angoissant : première bonne idée. Comme lorsque Jerry Manning
provoque les cris hystériques de Kiki et de son habilleuse, en
arrivant dans sa loge avec la panthère en laisse. Un plan qui
renvoie bien sûr à LA FÉLINE, qui le parodie presque puisque
l’effet recherché ici est le comique et non l’horreur.
Les
premières tensions arrivent avec la rivalité entre Kiki et Clo-Clo,
une danseuse mexicaine (la joueuse de castagnettes). Superbe scène
lorsqu’elle est alpaguée en rentrant chez elle par une tireuse de
cartes, dont on ne voit que les mains sortir du noir, brandir un as
de pique. Tourneur introduit des éléments de superstition. Il y a
aussi ce gamin qui pour effrayer sa grande sœur Teresa, reproduit au
mur, en ombre chinoise, le profil d’un léopard. Ce qui nous amène
à la première mort violente du film, Teresa, partie chercher de la
farine (en pleine nuit naturellement).
Et qui a évidement peur du noir. Sur le chemin du retour, elle doit
passer sous un pont de chemin de fer, plongé dans l’obscurité.
L’art de Tourneur est dans toute cette scène où le danger n’est
que suggéré : l’obscurité, Teresa semble aspirée par la
nuit, le silence juste ponctué par le son des gouttes d’eau qui
tombent dans un égout, les reflets fantomatiques de l’eau projetés
dans le tunnel, le bruit assourdissant d’un train qui
passe au dessus, puis les deux yeux du léopard qui brillent dans le
noir. Superbe !
La mort de la fillette restera hors champ, juste des cris, des coups tambourinés à la porte, celle de la maison de
Teresa, dont sa mère n'arrive pas débloquer le loquet, et un filet de sang... Tourneur
joue beaucoup avec les ombres, les
éléments baroques, les décors surchargés, les
plantes luxuriantes en amorce.
La suite de l’intrigue tient du polar. D’autres jeunes
femmes trouveront la mort dans des circonstances analogues, et Jerry
Manning commence à croire que l’agresseur n’est peut être pas
le fauve du cirque…
C’est là où ça coince. L’enquête du
shérif est ni faite ni à faire. C’est l’impresario Manning et
la danseuse Kiki qui s’y collent (à cause des remords ?), avec
l’aide d’un spécialiste des fauves, le directeur du musée
local. Il y a trois malheureux suspects dans l’histoire,
l’une sera tuée, l’autre a une bonne tête d’innocent, donc
bonne pioche pour le troisième ! Le dénouement est assez
prévisible, et la justification de l’affaire est franchement capillotractée (tirée
par les cheveux). Résumée ainsi par Manning en regardant une
fontaine dont le jet d’eau fait rebondir une balle : « Les
gens sont bousculés par des choses qui les dépassent »
(faisant donc référence à la baballe ballottée, c'est un peu court, jeune homme, on pouvait dire bien des choses...).
On retiendra une
belle scène dans un cimetière (non mais franchement les filles,
donner rendez-vous à son flirt dans un cimetière, à la tombée de
la nuit ?!) où Tourneur joue sur le bruissement des arbres, le
craquement d’une branche, l’écho d’une voix, un labyrinthe de
buissons. Plus tard, le son qui monte crescendo des castagnettes lors
du troisième meurtre, et bien sûr la scène finale avec la procession
de pénitents en habits noirs et chapeaux à pointe.
Jacques Tourneur lui même était
conscient du manque de profondeur de son scénario, « une série
de vignettes qui ne tenaient pas ensemble ». On retiendra de
Tourneur l’art de la suggestion, de savoir appliquer l’adage less
is more (vu l’étroitesse des budgets il n’avait pas trop le
choix), le travail sur le son, le fait qu’encore une fois ce
sont les femmes qui tiennent l’affiche. Par contre, les personnages
ne valent pas un clou, et l’interprétation ne brille pas
spécialement.
Du triptyque fantastique, L’HOMME LÉOPARD est le
plus faible, avec quelques bons moments tout de même,
malheureusement situés dans le premier tiers du film.
Si le premier tâcheron du coin
avait sorti ce film, on l’aurait salué comme une excellente
surprise. Mais derrière la caméra il y a Bong Joon-ho. Ca change la
donne. C’est le réalisateur du génial et multi-primé PARASITE, et avant cela de
MEMORIES OF MURDER, THE HOST, SNOWPIERCER, MOTHER… Donc il faut
remonter le curseur, être un peu plus exigeant.
Dans le
processus de production, il y a un indice qui ne trompe pas. Prévue
pour mars 2024, la sortie du film est repoussée à une date
ultérieure, on n’sait pas quand, on vous tiendra au courant…
C’est jamais bon signe. Ca veut dire que le studio Warner Bros
n’est pas satisfait du résultat, Bong Joon-ho est prié de revoir
sa copie. Ca ne veut pas dire que c’est mauvais, mais que ça ne
correspond à ce à quoi ils s’attendaient.
Ce qui arrive souvent
quand un metteur en scène, si reconnu soit-il, répond aux sirènes
hollywoodiennes. On lui offre des moyens confortables, des stars, une
certaine liberté d’action, et ici, presque le final cut. Presque, parce que contractuellement, les deux parties se sont brouillées. Les artistes et leurs grandes idées ça va deux secondes, un film c'est fait pour rapporter du pognon. Avec les
franchises Marvel, au moins, on sait où on va. J’imagine le
brainstorming des cranes d’œuf du marketing pour vendre cet objet
au grand public. La Warner et son nouveau patron qui s’y connaît
autant en cinoche que moi en sinus cosinus (le gus qui avait écarté
le dernier Eastwood des salles pour le balancer en streaming) ont
exigé des scènes supplémentaires, et refait le montage.
Conclusion : c’est un bide, tièdement accueilli, et une
catastrophe financière. J'apprends par mes sources à Hollywood que ça y est : le film a été retiré des salles aux US pour passer direct en streaming.
C’est quoi ce film ? De la SF, de
l’action, une comédie, une satire, un truc politique, un film
marxiste, une bouffonnerie ? MICKEY 17 est un peu tout ça, Bong
Joon-ho aime croiser les genres. Ca peut faire penser à BRAZIL de
Terry Gilliam, un peu de DR FOLAMOUR de Kubrick, du AVATAR de James
Cameron (l’humour et la dérision en moins, qui ne sont pas
franchement les premières qualités du réalisateur canadien), à
NAUSICAÄ de Miyazaki, pour l’univers graphique, les bestioles de
la fin.
Au départ c’est un roman de Edward Ashton : MICKEY 7. Le Mickey du titre c’est Mickey Barnes. Sa
fonction : remplaçant. Un type jetable, comme un kleenex, on
l’utilise pour diverses missions, s’il meurt c’est pas grave,
on le réimprime, on lui réinjecte sa mémoire, et hop, il repart au
turbin. Il est sympa Mickey, un peu benêt, mais un vrai gentil. Robert
Pattinson se sort très bien des deux rôles. Sur Terre, son projet
de se lancer dans la vente de macarons (oui, les p’tits gâteaux
aux amendes!) tombe à l’eau, il doit du fric à des mafieux, doit
déguerpir, s’engage dans une colonie humaine en partance pour la
planète Nilfheim. Quand il signe son contrat on lui dit bien :
« Vous avez lu les petites lignes ? ». Heu, oui…
Visiblement non. Boum, on le flingue, on le ressuscite, il devient
donc un remplaçant.
On retrouve l’univers de Bong Joon-ho, sarcastique, humour
noir, dès le premier plan : Mickey en sortie orbitale, sans protection face aux rayonnements, et une voix goguenarde lui dit dans l'oreille « On va voir en combien de temps tu deviens aveugle, à partir de quand ta peau va brûler, et... cerise sur le gâteau, en combien de temps tu vas mourir ! ».Le ton est donné.
Mark Ruffalo s’amuse comme un fou
à camper un Kenneth Marshall, gourou pathétique, qui exige d'être constamment filmé par son assistant avec une caméra 32K ! Ruffalo prend les intonations de voix de Donald Trump, délaisse son brushing-choucroute pour une coupe à la Brando dans LE PARRAIN (on entend dans la bande son un clin d'oeil à la musique), un type
imbu(vable), un bouffon flanqué d’une épouse survoltée, Ylfa, qui ne vaut
pas mieux (Toni Collette). Bong Joon-ho a souvent traité de cette
lutte des classes, la hiérarchie sociale, dans PARASITE évidemment
(il y a auto-référence avec la scène dans un appartement aux
larges baies vitrées), dans SNOWPIERCER qui recréait dans un train
les castes fondées sur le pouvoir et l’argent. Ici, ça va encore
plus loin, avec ce concept d’employé jetable, considéré comme de la merde, au sens propre, Mickey filmé comme un étron qu'on jette (parfois encore vivant) aux chiottes, ou sortant de l'imprimante 3D comme une crotte d'un côlon !
Bong Joon-ho aime
aussi les films de monstres, ici ce sont les rampants, des gros
cafards qui habitent la planète Nilfheim. C’est cet aspect qui
rappelle l’AVATAR de Cameron, avec cette idée de créatures
autochtones que les humains viennent coloniser, anéantir. MICKEY 17
est aussi une parabole écologique (comme THE HOST, OKJA). On pense
évidemment à la conquête de l’Ouest et au sort fait aux Indiens,
le fait d’utiliser des gaz toxiques rappelle un autre génocide.
Comme le hurle, contrarié, Kenneth Marshall : « Je
voulais les exterminer avec dignité, ils ne veulent pas, qu’ils
aillent se faire foutre ! ». Y’a deux ou trois répliques
excellentes, comme dans la séquence du dîner (Mickey teste une
viande synthétique, puis le médicament censé lui éviter les
diarrhées mortelles!), où Ylfa Marshall annonce péremptoire,
amatrice de bonne cuisine : « La sauce, c’est ce qui
sépare l’homme de l’animal ». Amen.
Le film trouve un second souffle avec la naissance de Mickey 18. Misant sur la mort du précédent, on en a généré un nouveau, mais ça ne c’est
pas passé comme prévu. On se retrouve avec deux Mickey, on appelle ça des multiples, et c'est interdit. Verboten. Un des deux doit
disparaître. Sauf que la copine de Mickey, adepte du
kamasutra, voit bien quel profit tirer (sic) sexuellement de la
situation, et garder les deux dans son lit !
Cette partie centrale du film est très réussie, même
si la confrontation entre 17 et 18 arrive un peu tard. Bong Joon-ho
est dans son élément quand il filme ses personnages, avec ce
ton décalé, qui verse clairement dans la farce, un peu grivoise. Ce
n’est pas le registre habituel des blockbusters SF, on imagine la
Warner gênée par cet humour grinçant, et réclamer plus d’actions, plus d’effets. D’où un final grandiloquant, qui se traine, un peu niais, avec l'idée du traducteur, du Cameron tout craché ! La (fausse) dernière scène qui semble être un rêve est juste inutile, à moins. Bref, le film peine à conclure.
MICKEY 17 est très bien
filmé (directeur photo Darius Khondji), divertissant, il fourmille d'idées. Bien qu'un peu longuet et avec un p'tit goût d’inachevé. Est-ce vraiment le film que Bong Joon-ho voulait faire ? Pas sûr, il a publiquement renié ce montage hybride. Verra-t-on un jour sa
version ? En tous cas, c'est loin d'être la catastrophe décrite ici ou là (comme le dernier Coppola injustement descendu en flamme), un film qu'on regardera sans doute différemment dans quelques années.
Dracula, un mythe du cinéma d’horreur qui aura beaucoup d’interprètes
mais Christopher Lee sera celui qui restera le plus dans la mémoire des
cinéphiles .
Dracula : ”appelez moi mon Saigneur !“
Bram Stoker
Dracula est et restera un personnage récurent dans le cinéma d’horreur,
tout comme le monstre de Frankenstein ou le lycanthrope nommé aussi
loup-garou. Bram Stoker, Mary Shelley
avaient l’imagination fertile et surement une bonne dose d’ennui pour
écrire des histoires horrifiques qui créeront une psychose auprès des
personnes impressionnables. Pourtant en cherchant dans l’historique,
jamais un homme aux canines pointues, ne vivant que la nuit et dormant
dans un cercueil ne fut recensé dans l’histoire du commun des mortels. Bram Stocker
s'est juste inspiré de la vie de Vlad Tepes un prince roumain de
Transylvanie qui avait la fâcheuse habitude d’empaler la tête des ses
ennemies au bout d’un pieu, où quand il était encore plus cruel, la
victime était vivante avant l'empalement, parfois par "le fondement"
pour prolonger l'agonie. Mais d’où vient ce nom de Dracula ?
Vlad Tepes aura un fils qu'il nommera Dracula ”Fils du dragon“.
Mais trêve de faits historiques et revenons au cinoche. Le prince des
vampires. Beaucoup d’acteurs ont interprété le saigneur de ces dames, mais
peu auront autant marqué le personnage que
Bela Lugosi dans ”La Marque du Vampire“ de Tod Browing en
1935.
Pour l’anecdote,
à sa mort, Bela Lugosi sera enterré habillé
dans sa tenue de vampire. (Humour noir :
Peter Lorre envisagera de planter un
pieu dans la poitrine de son vieux copain.
Boris Karloff l'en dissuadera...).
Autre acteur d'envergure :
Gary Oldman dans ”Dracula“ de Francis Ford Coppola en
1992 et surtout
Christopher Lee qui incarnera l’image
emblématique du prince des ténèbres en ayant endossé dix fois le costume
(et le dentier) du seigneur des Carpates. Même en 1976 dans
le lamentable ”Dracula père et fils“ d’Édouard Molinaro avec comme
partenaire Bernard Ménez.
J’ai toujours été étonné que ”Dracula prince des ténèbres“ soit le second de la série réalisé par la Hammer, le premier étant ”Le cauchemar de Dracula“ en 1958 déjà réalisé par
Terence Fisher. Que ce soit ”Dracula prince des ténèbres“ ou ”Le bal des vampires“ de Polanski dans tous les films
dédiés au comte à la canine féroce, les clichés sont toujours les mêmes :
le miroir qui ne réfléchit pas l’image, le crucifix qui lui donne la
nausée, l’ail (mais je ne me rappelle pas d'un film où Dracula finit comme
un rôti piqué à l’ail), l’eau vive, la manière dont il ”mourra“
dans le second film, la lumière du jour, comme dans ”Le cauchemar de Dracula“ et pour finir, le pieu dans le cœur (comme il n’aime pas les crucifix, il ne peut pas être très pieu).
Une chose que l’on ne peut lui enlever, il plait aux femmes. Il a un
charme diabolique, certains films abordent le sujet comme ”Les maitresses de Dracula“ mais ce film ne met pas en scène
Dracula lui-même mais le Dr Van Helsing seul en chaêron (Peter Cushing) et ”Dracula et les femmes“ titre original : ”Dracula Has Risen from the Grave“ (Dracula est ressuscité de la tombe). Le titre racoleur d'un
film qui n’amène rien de nouveau à la série.
"A table !!!!"
Mais ”Dracula prince des tenebres“, même s’il reprend les éternels clichés, raconte l’histoire de
deux couples qui se perdent dans une forêt en Transylvanie et se
retrouvent dans le château du comte Dracula disparu depuis
longtemps. Le sang frais d’un des ”invité“ servira de plat
de résistance et redonnera, à son insu, et grâce à l’aide de son
dévoué et fidèle serviteur Klove, la vie au sinistre vampire.
Cette fois-ci, l'action se déroule intégralement dans les Carpates
et Dracula reste dans les environs de son château
ce sera un huis clos entre les murs de la forteresse.
Il y aura pas un chasseur de vampire, Van Helsing (Peter Cushing
déjà cité) qui était en tournage sur ”L’ile de la terreur“ avec Terence Fisher, il fallait trouver
un intérimaire, un moine nomade, connaisseur des secrets occultes et des
créatures de la nuit et comme c’est un homme de foi et qu’il est très pieu,
ce sera lui qui enfoncera l'instrument vampiritueur dans le cœur des
créatures à la dent longue. Un moine truculent et haut en couleur qui mettra
un peu de rythme au film.
Barbara Shelley "ferme ta goule !!"
Les apparitions de Dracula sont rares et le réalisateur joue avec le
spectateur en lui faisant croire qu’il apparait alors que c’est son
serviteur vole la vedette. Entre Klove son serviteur poussiéreux et
Ludwig un simple d’esprit enfermé dans le monastère du moine et qui
comme repas dévore des mouches,
le premier tiers du film est un peu plat. Il faudra attendre que la
seconde victime qui sera Barbara Shelley, la figure emblématique des films de Fischer
et de la Hammer soit mordue pour devenir une goule au service de son
maître.
Dracula n'aime pas l'eau vive !
Le scénario est plutôt bancal comparé au premier volet ”Le cauchemar de Dracula“, mais Terence Fischer arrive à sauver les
meubles avec des scènes impressionnantes comme la résurrection du vampire,
la mise à mort de la goule et la destruction de Dracula dans les douves
gelées. Les décors sont splendides et les trucages pour l’époque
particulièrement réussis, le genre gothique est incomparable. L’ambiance
glaciale des films de la Hammer reste les mêmes avec sa musique toujours
sinistre et inquiétante.
Ce sera le dernier Dracula réalisé par
Terence Fisher, il fera d’autres films en
se tournant plus sur le personnage de Frankenstein. Dracula, il ne fallait
pas qu’il ait une dent contre vous, sinon vous vous seriez fait du mauvais
sang.
Le paranormal a toujours été un sujet qui me passionne et je me devais
parler de ”Sixième Sens“ à ne pas confondre avec ”Le Sixième Sens“ le film de Michael Mann de 1986.
Quand les morts ont besoin d’aide
J’avais déjà par deux fois abordé le sujet du paranormal en chroniquant
le livre de Matthew Manning
”D'où me viennent ces pouvoirs ?“ et le film ”La voix des morts“. Je récidive avec le sujet sensible du sixième sens qui est une
référence parmi les perceptions extrasensorielles, c’est-à-dire qui
n’est pas l'un des cinq sens physiologiques et que l’on nomme aussi la
proprioception qui recèle encore bien des mystères. Le sixième sens pourrait se
rapprocher du troisième œil qui est associé à des notions de
clairvoyance donc de la faculté de percevoir des phénomènes autres
qu’avec les sens habituels. Je n’ai pas le sixième sens et pourtant je
peux savoir certaines choses sur les gens, je pratique le pendule et
je peux prédire s’il y a du bon ou du mauvais qui tourne autour d’une
personne.
”Sixième Sens“ : un film sombre et fantastique, j'ajouterais qu’il pourrait illustrer
un événement dans la vie réelle, aller savoir... mais les sceptiques et
les incrédules resteront dubitatifs sur la question même après avoir vu le
film.
Tout commence par un drame. Le Dr Malcolm Crowe (Bruce Willis) psychologue pour enfants rentre un soir chez lui avec sa femme après
avoir reçu une récompense quand il s’aperçoit qu’un homme à moitié nu et
mentalement perturbé s’est introduit chez lui. Ce dernier lui reproche de
l’avoir abandonné, de ne pas l’avoir aidé. Malcom recherche dans ses
souvenirs pour retrouver l’identité de l’intrus quand l’homme sort une
arme et lui tire dessus pour ensuite se suicider. Six mois plus tard on le
retrouve assis sur un banc à prendre des notes et à attendre quelqu’un. De
la maison en face sort Cole Sear (Haley Joel Osment) un jeune garçon de neuf ans qui lui rappelle l’homme qui lui a tiré
dessus au même âge. Il va faire entreprendre une psychanalyse de l’enfant
qui à un secret très particulier.
H.J Osment - T.Colette
Son secret ? Il a des visions étranges, visions qu'il est le
seul à percevoir. Sont-elles les conséquences de pouvoirs
extrasensoriels ou d'une psychose à identifier. Ainsi, alors
qu’il est dans la cuisine avec sa mère, au moment ou elle s’absentera
l’espace de dix secondes, à son retour elle retrouvera tous les
placards et les tiroirs ouverts, visions et psychokinésie ??? Cole ne
veux pas parler de son secret, mais il le dévoilera au Dr Malcolm Crowe, qui arrivera à gagner sa confiance. Cole voit des morts, que ce
soit chez lui ou dans d’autres endroits, morts qui ne savent pas
qu’ils sont décédés et continuent devivre comme si de rien n’étaitCole est une véritable encyclopédie des phénomènes paranormaux, ce
qui le terrorise. Il fait de l’écriture automatique (Les esprits peuvent se manifester par l’écriture), déplacement d’objet et peut avoir des contacts verbaux et
physiques avec les apparitions et tout cela au grand dam de sa mère
(Toni Collette) qui après avoir vu une lumière blanche sur toutes les photos de son
fils se retrouve très perplexe.
On le serait à moins !!
Refusant tout d'abord de croire à son histoire, le Dr Crowe en conclut qu'il ne peut pas aider le jeune garçon.
Mais un soir, en réécoutant les enregistrements sonores de celui
qui lui a tiré dessus, et en montant le volume, il entendra une
voix : une TCI (Transcommunication Instrumentale). Il se
rend à l’évidence que les deux garçons ne lui ont pas menti. La
seule solution qu’il donnera à Cole sera d’écouter leurs doléances
et de les aider. L'initiative s'avère bientôt payante puisque Cole
reprend peu à peu confiance en lui, et finit par accepter ce
don : il aide ainsi l'esprit d'une fillette à révéler qu'elle
est morte empoisonnée par sa belle-mère
B.Willis - O.Williams
Toute cette histoire obsédante se déroule au détriment de sa vie de
couple. Sa femme ne lui parle plus et semble l’ignorer complètement,
ne pas le voir... Après avoir fini un échange auprès de Cole, il
rentre chez lui et trouve sa femme endormie, elle laissera échapper un
anneau qu'elle serrait dans sa main sa main et qui n’est rien d’autre
que l’alliance de Malcolm... Il interroge à voix basse son épouse
endormie, qui dans son sommeil l’entend, et lui parle pour la première
fois depuis des mois
et c’est à ce moment qu’il comprend...
Il y a une scène que j’aime beaucoup, c’est quand Cole et sa mère
(qui est toujours plongée dans le scepticisme) sont en voiture et
que, pris dans un embouteillage, Cole lui dit que c’est un accident avec
une cycliste qui à été tuée et quand sa mère lui demande comment il le
sais, Cole lui répond que la victime est à coté de lui derrière la vitre !
Après il parlera avec sa mère de l’histoire d’un médaillon qui a disparu
et qui appartenait à sa grand-mère ; il fera des révélations que personne
d’autre que sa mère ne pouvait connaitre. Une très belle scène, très
touchante et dramatique.
Manoj Nelliyattu Shyamalan
”Sixième Sens“ est le troisième film de ManojNelliyattu Shyamalan
qui réalisera ensuite ”Incassable“ encore avec Bruce Willis. Le film
est considéré comme un thriller, mais pour moi c’est un
drame-fantastique, un nouveau genre. Avec quatre claps de satisfaction
pour l’histoire et le jeu des interprètes. Une autre chose qui attire
l’œil ce sont les couleurs du film, les teintes rouge représente le
monde des vivants alors que les teintes brune presque sépia celui des
morts.
Tout de même, ça force le respect.
Sans doute pas le film en lui-même, quoique, on verra dans 40 ans, avec le recul, mais au moins la démarche,
celle d’un réalisateur parmi les plus célèbres, parrain du
Nouvel Hollywood, qui lorsqu’on lui en a donné les moyens a
toujours donné dans la démesure. Et lorsqu’il n’avait plus un
kopeck, aussi. Le budget explosé d’APOCALYPSE NOW avait été
renfloué par l’hypothèque de ses biens. Jackpot ! Palme
d’Or ! Aussi sec, le fric déboule pour COUP DE COEUR. Qui se
ramasse, retour à la case départ, sans passer par la banque.
Avec
Coppola, ça passe ou ça casse. MEGALOPOLIS, projet de longue date,
a été financé à hauteur de 120 millions de dollars, grâce à la
vente d’une bonne partie de son vignoble. Fait rarissime dans
l’industrie du cinéma. Chez nous il y avait eu le cas Tati, avec
PLAYTIME, financé sur ses deniers personnels. Résultat :
ruiné. Monsieur Hulot a fini sa vie hébergé chez des amis, incapable de payer
un loyer… « Je n’aime pas l’idée de donner des prix aux
œuvres d’art, mais si on m’en remet un, j’aimerais que ce soit
le prix Jacques Tati » disait Coppola dans une interview. Geste fraternel.
Vu
comme cela s’annonce, le Francis doit déjà de nouveau être au
bord de la banqueroute. Nous étions 9 spectateurs dans la salle, ce
qui frise l’injure, et 5 à la fin. Là, c’est un camouflet. Qui résume ce que tout le monde pense du dernier projet
pharaonique de Coppola, inutile, mégalo, boursouflé et insipide.
Sauf que moi, je n’ai pas détesté, loin de là, et je le prouve !
Le
souci, c’est le fond. A part parler de lui en mode artiste
incompris mais visionnaire - on aura saisi les multiples allusions – que
raconte ce film ? Dans la première partie, les tableaux sont magnifiques mais une intrigue peine à surgir. Le maire
conservateur de New Rome, Franklyn Cicéro, a des projets pour
rebâtir sa ville qui s’opposent à la vision progressiste de
l’architecte star, César (qui roule en DS Citröen). Ils se conspuent à coup de conférences
de presse délirantes retransmises en direct à la télé. C’est
maigre, d’autant que Coppola n’a pas grand-chose à proposer en
termes de réflexion sur l’environnement de vie, mais mine de rien, ça reflète cette Amérique dominée par les coups médiatiques, à la Trump en campagne.
Par
contre, sur la forme, il y a de fameuses idées (fumeuses diraient
d’autres), comme cette conférence de presse au dessus des
maquettes de la future citée, les protagonistes perchés sur des
échafaudages, le public surchauffé, la présentatrice vedette avide de scoop, les
jeux du cirque, Coppola nous refait même la course de char de
BEN-HUR (au Madison Square Garden!). Tout ça commence plutôt bien,
si les propos sont abscons ou naïfs, au moins à l’écran y’a de
l’action.
[<= Shia Labeouf en mini-toge, qui s'est visiblement beaucoup amusé avec la costumière !] On
apprécie la présence de Jon Voight, il joue Crassus,
l’oncle richissime de César, et de Dustin Hoffman en éminence
grise corrompue jusqu’à l’os. Le rôle avait été prévu pour James Caan, qui était de l’aventure du PARRAIN (décédé
avant le tournage) et on retrouve aussi sa partenaire d'alors, la frangine de Coppola, Talia Shire. Deux
générations d’acteurs, le nouvel et le nouveau Hollywood, les
jeunes étant Adam Driver et Shia Labeouf qui en font des tonnes, tous sont assez excessifs dans leurs jeux, c'est raccord avec la mise en scène. Laurence Fishburne est aussi de la fête, en majordome de
César. J’ai bien aimé la prestation de Aubrey Plaza dans le rôle
de Wow Platinum, la starlette télé volcanique et vraie salope quand
il s’agit de toucher le magot. Par contre, Nathalie Emmanuel (vue
dans GAME OF THRONES) qui joue Julia la fille du maire, n’insuffle rien de décisif
à son personnage, faut dire aussi que le rôle est assez fade.
Si
les patronymes renvoient à la Rome antique, c’est que le film est
un savant mélange des deux époques / civilisation,
Coppola jouant sur l’architecture (Wall Street et ses colonnes
devient comme un temple romain), les intérieurs, les vêtements,
grappes de raisin sur les tables. Joli plan d’un manteau soufflé
par le vent, qui semble emmitoufler le personnage dans une toge. On aura compris la métaphore, la chute de Rome vs la fin de l'Amérique dorée des 70's vécue par Coppola.
Coppola
s’offre un long délire limite psychédélique, César boit pas
mal, gobe plein de pilules, et comme Coppola – d’après des
indiscrétions – passait son temps à fumer des six feuilles de
ganja pendant le tournage, c’est assez raccord, et pourrait expliquer beaucoup de choses... Là, le film patine
un peu, ballet de personnages grotesques, le film tient de la farce, chacun y va de son numéro, on se demande où le réalisateur
veut en venir, s’il le sait lui-même.
Et
puis MEGALOPOLIS se recentre sur ce que Coppola sait faire de mieux, le
drame familial sous influence shakespearienne. Entre Julia la fille
du maire qui passe dans le camp de César (par amour), Wow Platinum délaissée
qui se console dans les bras du vieux Crassus pour fomenter sa
vengeance, puis dans ceux de son fils Clodio pour siphonner les
comptes en banque du vieux, le même Clodio, populiste des basses
œuvres qui complote pour assassiner César… D’un coup, le film a
un regain de vitalité, on est dans des intrigues plus classiques,
toujours servies par une mise en scène qui enchaîne les morceaux de
bravoure.
Coppola
cite beaucoup. On pense tout de suite à CITIZEN KANE avec ces
magnas emprisonnés dans leurs palais, le jeu volontairement grotesque d’Adam Driver (Welles et les cènes au journal) et y'a même la boule de neige ! Citation directe à LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton avec ce
cadavre de femme sous l’eau, dans une voiture, cheveux flottants. Certains plans de la
cité renvoient au BLADE RUNNER de Ridley Scott, on pense aussi à
Christopher Nolan, celui de TENET ou de INCEPTION (la poésie en plus chez Francis F.) car César a le pouvoir d’arrêter le temps : très
belle scène d’ouverture, et plus tard de la destruction d'un immeuble. Que fait-il de ce pouvoir ? Nada…
Coppola non plus. Beaucoup de pistes alléchantes sont inabouties.
Entre
autres influences, en vrac, Cocteau et les statues vivantes, celle de
la justice tombe de son piédestal, le film muet avec l’usage des
encarts, les fermeture à l’iris, et surtout Abel Gance* dont il
reprend l’idée du triptyque de NAPOLÉON. On peut même remonter
jusqu’à George Mélies, dans l’usage des trucages. On pense à
son DRACULA, dont les effets visuels étaient produits dès le
tournage, sans ajout de numérique. Coppola utilise la vieille
technique du fond vert, superbes plans de la robe transparente, où
le personnage devient comme invisible, et il y a aussi des séquences
animées. Coppola utilise toutes les ressources du cinéma pour
servir son récit, de manière souvent artisanale, parfois avec la 3D, paradoxalement vieillotte. Une esthétique
assez années 80 (date où l’idée du film a germé
dans l’esprit de son auteur, et le satellite russe tagué d'un CCCP anachronique !), je n’ai pas détesté ce mélange
de SF / Peplum.
MEGALOPOLIS
n’est pas un film chiant. Le rythme est relativement soutenu,
Coppola élève même le tempo dans la seconde partie. On pourra lui
reprocher d’être soit trop naïf, convenu, soit trop confus, comme si Coppola ne savait pas organiser ses pensées, son discours. Mais visuellement,
c’est un feu d’artifice à chaque instant, le cinéaste laisse la
concurrence loin derrière, parce qu’il ose, quitte à être
pompeux, voire pompier. De la part d’un homme de 85 ans, croire
encore à la force du cinématographe, oui, ça force le respect. Son
cinéma n’a peut être plus grand chose à dire mais il a tout à montrer.
* Coppola avait racheté les droits du film "Napoléon" d'Abel Gance, pour le restaurer, et avait inventé pour l'occasion le concept de ciné-concert, son père Carmine ayant composé la nouvelle musique du chef d'oeuvre de Gance. Pour plus d'infos, clic vers l'article : NAPOLEON par Abel Gance