mardi 15 juillet 2025

QUEEN :”Made in Heaven“ (1995) par Pat Slade



On pensait que ”Innuendo“ serait le dernier album de Queen, mais le miracle de la technique fera revivre Freddy Mercury


  Mercury au Paradis




Quatre ans après leur dernier album ”Innuendo“ et la mort de leur charismatique chanteur, les membres restant du groupe vont déterrer des bandes, des enregistrements de la voix de Mercury captée pendant les sessions d’”Innuendo“ et d’autres albums retravaillés en studio. Mercury enregistrera jusqu’à son dernier souffle... Certains diront que ”Made in Heaven“ n’est pas le dernier album de Queen. Il y aura une Guest-star comme Georges Michael en 1992 qui donnera un mini album live et en 2008 ils avaient enregistré ”The Cosmos Rocks“ avec Paul Rodgers (ex. Free et Bad Company). Les trois membres restant ont régulièrement confirmé ne jamais vouloir remplacer officiellement Mercury, Le plus affecté de la mort du chanteur sera le bassiste John Deacon. Il choisit de ne pas collaborer avec Paul Rodgers et il prendra définitivement sa retraite, il a toujours dit que Queen sans Freddy ce n’est plus Queen. 

Made in Heaven“ un très belle album pour fermer la page de Queen.  
It's a Beautiful Day“ : Freddy et Deacon travaillent ensemble pendant les sessions de ”The Game“. ”Made in Heaven“ : une chanson que l’on trouve sur l’‘album solo de MercuryMr BadGuy“, il sera retravaillé après sa mort en y ajoutant un chœur et des guitares. ”Let Me Live“ : il devait figurer sur ”The Works“ un morceau qui balance entre la soul et le gospel. ”Mother Love“ : la dernière chanson enregistrée par Freddie,  le chanteur n'a pas pu terminer la chanson et ce sera Brian May qui chantera le dernier couplet. La chanson se termine par des extraits du concert à Wembley en 1986. ”My Life Has Been Saved“ : un morceau de John Deacon qui prouve encore une fois qu’il était un bon compositeur et Freddy le poussait toujours à composer. ”I Was Born To Love You“ : encore un morceau de ”Mr Bad Guy“ elle sera retravaillé en y ajoutant des instruments supplémentaires pour prolonger la chanson.

Heaven For Everyone“ : un morceau de Roger taylor que l’on peut trouver sur l’album de son groupe The CrossShove It“. ”Too Much Love Will Kill You“ : une très belle chanson de Brian May que l’on peut retrouver sur son album solo ”Back to the Light“ et que j’ai pu entendre en live quand ce dernier donna un concert à l’Élysée Montmartre en 1993. Pour l’anecdote, je me suis  présenté au Zenith, l’endroit où le concert devait avoir lieu ; c’était imprimé sur les billets d’entrée. Arrivé à La Villette, pas un chat et en croisant des fans qui comme moi se retrouvaient perdus et désappointés,  nous avons eu l’information où avait réellement lieu le concert, et nous voila partis au pas de course jusque dans le XVIIIe arrondissement. ”You Don't Fool Me“ : enregistré en 1991 elle sera retravaillée par le groupe, un très bon titre.

A Winter's Tale“ : le testament musical de Freddy, la dernière chanson qu’il écrira et enregistrera à capela. En 1995 le groupe captera la musique et une partie vocale supplémentaire. ”It's a Beautiful Day (reprise)“ : simplement la suite de ”It's a Beautiful Day avec une lourde rythmique. ”Yeah“ : quatre secondes en forme de bouche trou pour conclure l’album ? Non, il y a un dernier morceau long de 22 minutes, une longue phrase instrumentale constituée essentiellement de bruitages et de claviers. On entend trois fois Freddie répéter «Are You Runnin?». Voilà un morceau qui rappellerait Tangerine Dream, étrange, inquiétant, surréaliste avec le rire de Freddy en écho. Après écoute, il fait froid dans le dos.

Dès sa sortie, l’album se classera en haut des ventes dans la plupart des pays. En un an, il s'est écoulé à plus de 8 millions d'exemplaires dans le monde et sera certifié disque de platine plusieurs fois un peu partout.

Queen is dead, long live Queen


 

dimanche 13 juillet 2025

L’ACCIDENT DE BEST-OF.


LUNDI : Luc ne sort pas de chez lui uniquement pour aller au cinéma, au concert aussi, il a vu Melody Gardot à l’Olympia, où la diva du New Jersey a régalé la salle de son répertoire jazzy et bossa, une prestation toute en humour et décontraction.

MARDI : Pat était fâché avec Pink Flyod, la fin de l’ère Waters, le voilà rabiboché grâce à « Momentary Lapse of Reason » et aux compositions du seul David Gilmour, plus mélodieuses, un très bon cru, même s’il n’égale pas les classiques du groupe.

MERCREDI : le retour discographique du duo landais, The Inspector Cluzo, alias Laurent Lacrouts et Mathieu Jourdaindes, « Less is more » contient son lot de pièces brûlantes, mid tempo, brutes, brassant dans ses redoutables remous blues terreux, proto-stoner, heavy-rock abrasif.


JEUDI : suite de notre feuilleton de l’été, Jeff a quitté Dora en apprenant qu’elle était enceinte du frère siamois de l’oncle Ramòn, Pénélope s’interroge sur ses sentiments pour Humphrey après l’accident qui lui a coûté un ongle, Victoria a vendu l'hôtel du Fermoir-de-Monssac à un oligarque népalais, et... Heu, pas du tout, il s’agit de la saga de Benjamin sur le « Rock Progressif », avec King Crimson, Yes, Genesis...

VENDREDI : séance cinéma avec le dernier Quentin Dupieux, moins frappadingue, mais toujours aussi juste et féroce « L’Accident de piano » montre une journaliste peu scrupuleuse tenter de percer le mystère d’une super star du Web. Humour et malaise règnent sur cette fable sur la célébrité, un bon cru.

👉 La semaine prochaine, côté musique on aura du Queen et du Max Reger (plus Bruno of course, mais à l’heure où nous mettons sous presse… bla bla bla…) et au cinéma un thriller chinois de Ji Zhang

Bon dimanche 

vendredi 11 juillet 2025

L'ACCIDENT DE PIANO de Quentin Dupieux (2025) par Luc B.


La semaine dernière, à propos du dernier Wes Anderson, j’entamais mon billet par « Les films de Wes Anderson se suivent et… se ressemblent ». A propos de cet iconoclaste de Quentin Dupieux, c’est l’inverse, ses films se suivent et ne se ressemblent pas. A chaque fois c’est la surprise, quelle veine va-t-il suivre ? Le fantastique bricolé, la comédie potache déjantée, le jeu absurde de mise en abîme, la réflexion métaphysique mélancolique ?

Raison pour laquelle il convient d’aller voir ses films, vierge de toutes informations, accepter de faire confiance au réalisateur pour nous amener dans son univers. Evitez notamment l’article de Wikipédia qui raconte bêtement l’intrigue par le détail… mais vous pouvez lire le mien !

L’ACCIDENT DE PIANO est plus classique dans la forme. Ce n’est pas un ovni cinématographique comme DEUXIEME ACTE qui était construit autour de longs plans séquences et jeux de miroirs. Dupieux, qui cumule aussi les postes de directeur photo, compositeur et monteur, opte ici pour un découpage plus académique. Mais l’écriture y est ciselée (Dupieux est un formidable scénariste qui sait construire une intrigue) et entretient habilement le mystère autour du personnage de Magalie, star des réseaux sociaux sous le nom de Magaloche. Imbuvable, égocentrique, autoritaire, dotée d’un melon inversement proportionné à son QI. Lorsque l’histoire commence elle emménage dans un chalet isolé à la montagne, comme pour s’exclure du monde. Qui est-elle, d'où lui vient sa renommée, que s’est-il passé pour passer de millions de vues à une vie d’ermite ?

Magaloche cultive un mystère qu’une journaliste, Simone Herzog, pas si affable que sa voix le suppose, lui propose de dévoiler lors d’un long entretien. Sa demande d’interview tient franchement du chantage. Herzog prétend connaitre la vérité sur l’accident de piano, menace de dénoncer Magaloche si elle n’obtient pas un rendez-vous. Et cette petite phrase lourde de sens de Patrick, secrétaire, larbin et souffre-douleur : « il faut accepter, sinon on va finir en prison »

Donc très vite dans le film, sous couvert de scènes loufoques, amusantes ou grinçantes (le fan en scooter, les repas à base de yaourt, l’accoutrement de Magaloche, quadruple épaisseur de vêtements, minerve au cou, plâtre au bras, bagues aux dents) on sent que le terrain est plus dangereux et sombre qu’il en a l’air. S’il y a une tristesse, une solitude qui se dégage des personnages, rapidement on en découvre la face obscure. Magaloche, timbrée et sociopathe, le trop gentil et vénal Patrick, Simone la journaliste vaniteuse aux procédés contestables, Roméo le fan un peu con et pervers majuscule, comme sorti d'une bédé de Vuillemin. Filmés dans un bel écrin - photographie désaturée, cadres rigoureux, décor enneigé, mouvements élégants de caméra - ces personnages font peur. Dupieux filme des monstres.

Le réalisateur lève peu à peu le voile. D’abord avec cet interview, au centre du film, égrené de flash-back sur l’enfance de Magalie. Dupieux nous régale alors de scénettes où la gamine, reprenant le concept de Jackass, s’inflige mille traumas qu’elle diffuse sur le Net, des vidéos qui feront sa gloire et sa fortune, contrainte d’aller toujours plus loin dans ses mises en scène pour consolider son audience. Et cette question qui taraude la journaliste : « Pourquoi continuez-vous alors que vous êtes si riche ? ». La question exaspère son interlocutrice, qui se ferme comme une moule.

Puis Dupieux, aux deux tiers du film, nous montre le fameux accident de piano. Scène géniale. Si Dupieux filme des monstres, ce sont des monstres froids (comme le décor de montagne) qui jamais ne se remettent en question. Parce qu’ils sont bêtes à bouffer du foin, totalement inconscients, amoraux, ou parce qu’enfermés dans une addiction perverse, prisonniers des personnages qu’ils se sont créés ?

A partir de là, on sent que le pire peut arriver, le ton du film bascule en comédie noire, macabre. Dupieux pousse, comme il sait le faire, le curseur de l’absurdité, la férocité monte crescendo, jusqu’aux dernières séquences où les monstres se bouffent entre eux, s’auto désintègrent. Mention spéciale pour la scène où Roméo pénètre dans le chalet. La frontière entre réalité et virtuel est abolie. Le type jouit presque en se frottant au poster de Magaloche punaisé au mur, pelote sa poitrine surdimensionnée. Son petit frère, dans un bref moment de lucidité, lui explique que si les seins paraissent énormes, c’est que la photo n’est pas en taille réelle... Cette abolition des sens culmine à la dernière séquence, glaçante, et hélas tout à fait réaliste.

Adèle Exarchopoulos livre une composition foutraque qui rappelle celle de MANDIBULES, elle a des fulgurances de regards, de tons, de gestuelles qui font sourire mais inquiètent, qui dénotent la folie de son personnage. Karim Leklou en Roméo cradingue est fabuleux, Jerôme Commandeur et Sandrine Kiberlain, en apparence plus posés, sont aussi impeccables, autre point fort de Dupieux, sa direction d'acteurs.

Il faut toujours un peu de temps pour digérer un Quentin Dupieux. Souvent la première impression est : c’est n’importe quoi ce truc ! Et à y repenser, non. Dupieux c’est rarement n’importe quoi, tout y est au contraire réfléchi, élaboré, millimétré. Un malaise suinte de cette fable féroce sur la célébrité et la bêtise humaine hissée au rang d’art majeur, ponctuée par la musique minimaliste de Mr Oizo (donc Dupieux lui-même !) deux notes de piano graves qui vous vrillent le crâne.


couleur  -  1h25  -  format 1:1.66   

jeudi 10 juillet 2025

LE ROCK PROGRESSIF - Episode 2, par Benjamin


Suivant la tendance d’une pop anglaise de plus en plus baroque, Peter Giles rencontra Robert Fripp en publiant une annonce pour trouver un organiste chanteur. Sobrement nommé Fripp, Giles and Giles, la formation ne parvint qu’à publier quelques 45 tours vite oubliés. Le noyau dur de ce qui devint King Crimson fut réuni lorsque le groupe intégra Greg Lake et Ian McDonald

Aussi doué à la flûte, au saxophone et au clavier, ce dernier poussa le groupe dans les bras d’un jazz fusion rêveur et angoissé. McDonald présenta également au groupe Pete Sinfield, un poète visionnaire dont les textes révélaient un homme torturé par de sombres prémonitions. Pleinement intégré au processus de composition cet oiseau de mauvais augure baptisa le groupe King Crimson, qui n’est autre que l’un des surnoms qui furent donnés au diable. Le plus important pour le poète est de développer son style, qui n’est rien d’autre que l’expression lumineuse d’une personnalité unique.

Les ayant vus lors de l’un de leurs premier concerts, les deux managers du groupe furent si impressionnés par leur cauchemar majestueux que l’un d’eux hypothéqua sa maison pour lui permettre d’enregistrer son premier album. Devenu une attraction d’un Londres ayant déjà fini de swinguer, King Crimson devint la nouvelle lubie du programmateur John Peel, qui fit tourner ses premiers titres en boucle sur les ondes de la BBC. Ayant eu vent de l’ascension fulgurante du groupe, les Stones l’engagèrent pour effectuer la première partie de leur concert historique à Hyde Park. Nageant à contre courant de l’histoire, le groupe de Keith Richards dut abandonner la pop planante au moment où Brian Jones se perdit dans ses délires narcotiques.

Il faut dire que, malgré ses dons de multi instrumentiste, le martyr blond n’eut jamais la grandiose imagination du duo Lennon / McCartney. Ayant entamé quelques jours plus tôt leur retour aux sources sur l’incontournable « Beggar’s banquet », les Stones laissèrent à d’autres le soin de défricher les nouveaux chemins d’une musique en pleine expansion. Sur la scène d’Hyde Park, King Crimson déploya le chaos tonitruant du « 21st century schizoid man ». Les hippies présents ce soir là ne le savaient pas encore, mais cet enfant schizoïd du 21e siècle sera le fils maudit de leur hédonisme insouciant. Poursuivant sa prestation avec la mélodie cotonneuse d’« Epitaph », le groupe déclama sur un ton prophétique « and I guess tomorrow I will be cryin ».

Quelques jours plus tard advint le chaos d’Altamont, où les hells angels massacrèrent le rêve hippie à grands coups de poignard. Loin de suivre la noirceur de l’acte de naissance du mouvement progressif, qui fut l’enregistrement du premier album de King Crimson, les enfants du roi cramoisi dessinèrent ensuite la carte de son grand rêve musical.

Commençons donc par l’album qui canalisa toute la haine que certains eurent pour le mouvement, le symbole de ce que les esprits étroits n’hésitèrent pas à qualifier de "virtuosité pompeuse". Si le progressisme fut d’abord un majestueux acte de résistance face à la simplification tonitruante du rock, alors « Tales of the topographic ocean » est un chef d’œuvre du genre. En composant quatre longues pièces s’étalant chacune sur une face de vinyle, Yes atteint sur cet album le sommet de sa splendeur onirique.

Le clavier de Rick Wakeman nous immerge dans un océan lumineux, la guitare de Steve Howe bâtit des escaliers vers des Edens que Jimmy Page n’aurait pu imaginer. Puis il y’a la voix de Jon Anderson, qui sut retrouver le lyrisme des grandes cantatrices à l’époque des hurleurs du heavy blues. Yes remit la douceur et le raffinement au centre de toutes les préoccupations, les notes des chorus de guitare éclatant telles des bulles de savon, gouttelettes de virtuosité illuminant les mélodies sans les brusquer. Le groupe récupéra la philosophie de ces grands orchestres symphoniques, dans lesquelles chaque musicien fut l’humble ouvrier au service de la mélodie. Peut on encore parler simplement de rock devant une telle somme de beautés introspectives ? 

Au diable les étiquettes et le purisme, la musique faisait ici un pas de géant. Esquissé sur « Sergent pepper » et « Day of the future passed », la reprise en main de la pop par le génie mélodique européen se concrétisait sur quatre grandes fresques classico rock. Il est bien sûr essentiel de se laisser porter par les mélodies aventureuses de l’album « Fragile », de laisser son esprit divaguer sur les plaines musicales de « Close to the edge », sans oublier que ces monuments préparent le terrain aux merveilles aquatiques de « Tales from a topographic ocean ». S’il n’est qu’une contrée de la fabuleuse carte tracée par le rock progressif, le rock symphonique fut doté de possibilités apparemment infinies.

Le musicien est un peintre, le silence est sa toile, les notes sa palette de couleurs, les vides qu’il laisse des traits dessinant ce qu’il souhaite imprimer dans l’esprit de l’auditeur. Musique de studio par excellence, l’histoire du rock progressif n’en fut pas moins jalonnée de grandes performances scéniques. Le public de cette soirée apparemment banale ne sut à quoi s’attendre, Genesis n’étant alors qu’un groupe planant aux ambitions artistiques mal assumées. Folk rock vaguement baroque, pop bucolique flirtant timidement avec un symphonisme limité, « Trespass » pose des pistes qu’il n’ose pas encore explorer. Dans le public, les mieux renseignés firent l’éloge de la nouvelle recrue de ce jeune groupe, Steve Hackett, véritable clef de voute de ce symphonisme rêveur. Les plus admiratifs garantissaient que, pour Genesis, l’arrivée de Steve Hackett fut comme le passage du noir et blanc à la couleur. Ils n’eurent pas besoin d’argumenter, les premières notes de synthétiseur introduisant le concert telle une porte s’ouvrant sur un autre monde. Affublé d’une majestueuse robe rouge et d’un masque de renard, Peter Gabriel chanta avec le lyrisme troublant d’une veuve de marin : « I’ve been so far from here, So far from your warm arms, It’s good to feel you again, It’s been for a long time »

Et la mélodie se déploya telle une grande fresque, dévoilant un monde à mi chemin entre les décors merveilleux de Lewis Carroll et l’Odyssée d’Homère. Planté au milieu d’un foisonnement de notes de flûtes et d’orgue, Steve Hackett entretint la tension dramatique à grands coups de chorus atmosphériques. Prenant toute la face B de « Foxtrot », « Supper’s ready » est une véritable pièce de théâtre rock dont les virages mélodiques sont autant d’actes. « Close to the edge » venait alors de sortir, son morceau titre donnant envie à chaque groupe de graver sa fresque musicale. Genesis ne s’y essaya véritablement que sur « Supper’s ready », le groupe ayant toujours eu soin de trouver un compromis entre la beauté séduisante de la pop anglaise, la poésie rêveuse de Peter Gabriel et l’énergie spectaculaire du rock’n’roll. Ainsi naquit « Selling England by the pound », ultime chef d’œuvre de ce symphonisme électrique, chant du cygne d’un monde dont la porte fut fermée par le monumental « The lamb lies down on Broadway ». Les notes cristallines du synthétiseur forment un rideau mystérieux, qu’un crescendo mélodique ouvre avec la nonchalance gracieuse des rideaux des vieux cinémas. « The lamb » répond d’abord à un défi simple, trouver une nouvelle forme d’expression à l’ambition musicale progressive.

Critique comme public commençaient alors à se lasser des grandes fresques musicales, des groupes tels que les Stooges ou les Who ayant déjà annoncé la grande révolution punk à venir. Si les titres de « The lamb lies down on Broadway » sont relativement courts, leurs mélodies sont de véritables facettes d’un diamant dont la beauté chatoyante est entretenue par l’union du clavier et des arpèges rêveurs de Steve Hackett. Véritable film pour les oreilles dont le scénario rappelle les grands romans initiatiques d’Hermann Hesse, « The lamb lies down on Broadway » est une succession de grandes mélodies dont les Beatles n’auraient pas renié la complexité séduisante. 

Voilà ce que fut au fond Genesis, un héritier de l’ambition populaire du groupe de Paul McCartney, une sorte de savant fou cherchant la formule du rock de demain. Après un tel coup d’éclat, Peter Gabriel refusa de stagner, son groupe eut le sentiment de ne pouvoir aller plus loin. Le chanteur claqua alors la porte, laissant ainsi son groupe célébrer un génie qu’il n’avait plus. Ainsi naquit « Wind and wuthering », chant du cygne d’une virtuosité rock moribonde, l’une des dernières fresques rock avant l’avalanche de guimauves pop.

A suivre...