mercredi 5 juin 2013

Beth HART & Joe BONAMASSA "See Saw" (2013) By BiBi


     Mais bon sang, Joe ! T'as craqué ou quoi ? C'est la troisième galette qui sort en 2013 avec ton nom dessus. Et ce, en seulement cinq mois !! Qu'est-ce qui se passe ? T'as pas de maison ? Tu fuis ta femme ? Elle te court sur le haricot ? Tu as quelque chose à prouver ? Tu cherches à être sur plusieurs fronts à la fois afin d'accaparer l'attention, les médias ? Tu veux filer des complexes à Warren Haynes ?
Ou bien tu as cru à toutes ces fadaises d'Armaggedon (qui, au passage, ont bien fait marrer les Mexicains) et tu as donné un grand coup de collier pour en faire un maximum, craignant de ne plus pouvoir jouer et enregistrer après le 21/12/12 ?
Ou bien est-ce tout simplement un amour immodéré de la musique, que tu envisages comme un sacerdoce, qui te force à t'abandonner à elle sans compter ?
   On comprend mieux le coup de gueule de Glenn Hughes : tu as l'énergie et le temps pour trois projets parallèles mais pas pour le collectif Black Country Communion (1), qui, pour le coup, se retrouve en veilleuse. Peut-être même en hibernation pour un temps indéterminé, vu la tournure qu'ont pris les derniers échanges par voie de presse.

     Sacré Joe ! En tout cas tu as fait preuve de rigueur et d'organisation pour pouvoir mener à bien et à terme ces projets.
 

   Après ton splendide live acoustique, "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House" (3)
, ton intégration à la formation de Funk-rock jazzy, Rock Candy Funk Party, tu collabores à nouveau avec la charmante Beth Hart. Si cela continue comme ça, 2013 sera l'année Joe Bonamassa. En tout cas, ce semestre semble t'être déjà acquis.
Tu n'aurais pas un clone qui t'aiderait, par hasard, non ?

Et ce disque alors ?
Le « Don't Explain » (2) paru en automne 2011 en avait laissé plus d'un sur le ... son postérieur. Un opus qui s'écoute toujours avec un plaisir intact, la multitude d'écoutes répétées n'altérant pas le bonheur que procure ce disque. Faire aussi bien paraît difficile mais réalisable pour ces deux interprètes de talent.

     Comme précédemment, c'est un album de reprises, alternant entre des grands classiques à succès et des pièces moins connues (évidemment, et malheureusement, certains auditeurs n'auront jamais entendu aucun des originaux).
Un projet certes facile dans le sens où il n'y a aucun travail de composition – et donc de doute - , toutefois il reste un engagement réel et sincère qui fait la différence entre cet essai et tant d'autres.

     « Don't Explain » a placé la barre vraiment haut avec les magnifiques interprétations de « Your Heart is as Black as Night", « Don't Explain », « I'd rather Go Blind », « I'll take care of you » et « Ain't no Way », et ce n'est pas ce nouvel essai qui la franchira. Il ne donne pas l'impression d'avoir autant de fraîcheur et d'implication.
Un effet peut-être tout simplement généré par la sélection d'un matériel qui se retrouve en définitive moins fort. Il y a aussi le choix d'essayer de proposer quelque chose d'un peu différent (même si l'on retrouve quelques compositeurs et interprètes identiques), tout en restant connecté à une certaine forme de registre, et un millésime « roots ».
Avec « See Saw », Beth & Joe rendent un peu plus hommage à la Soul.

    A mon sens, ce sont les deux premières pièces, les moins intéressantes de l'album, qui grèvent l'ensemble.

     En effet, l'entrée en matière sur du Jump blues / Jumpin' Jive, en Big Band frôlant la comédie musicale américaine jazzy des 50's est, certes, charmante, mais ne supporte aucunement la comparaison avec le Brian Setzer Orchestra ou le Little Big Band de Colin James. Et surtout ça sonne trop propre, et en inadéquation avec l'ensemble. Comme un exercice de style. C'est réussi mais il manque un timbre de voix graveleux, comme celui de son premier interprète, Louis Amstrong, ou même celui enfumé et légèrement cassé de Billie Holiday, sa première interprète féminine.
La piste suivante fait dans le slow-blues clean, aseptisé, froid. Une composition d'un duo de publicitaires allemands.
D'un autre côté le binôme (ou même trinôme car le producteur, Kevin Shirley, veille au grain, et a très certainement son mot à dire) tente de ne pas se calquer sur le même schéma que leur premier essai.

   Fort heureusement, on remet vite les pendules à l'heure. Changement de décor radical avec le remuant et torride « Nutbush City Limits » où Beth se frictionne les cordes vocales au papier de verre.

     Autre bonne surprise, une chanson d'Al Kooper (compositeur, guitariste, pianiste, chanteur et producteur. Fondateur de Blood, Sweat & Tears et découvreur de Lynyrd Skynyrd). Le beau slow-blues « I Love You More Than You'll Ever Know », déjà repris par Gary Moore, Donny Hathaway et Amy Winehouse. Une belle composition magnifiée par la performance de Beth Hart qui balaye les précédentes, en dépit de discrets violons larmoyants s'immisçant sur quelques mouvements.
Sympathique incursion en Louisiane avec « Can't Let Go » dans un format plus proche de celui de Lucinda Williams que de son géniteur, le méconnu Randy Weeks ; entre Sonny Landreth, que l'on croirait invité pour dispenser ses traits de slide chantants, et C.J. Chenier. Un vent de fraîcheur qui redouble avec « Miss Lady » et son riff hendrixien entêtant porté par une section de cuivres pro-Stax. Beth se mue en chatte sauvage enrouée et bravache pour coller au timbre de Buddy Miles, et ça le fait.

   Un peu plus surprenant, ce « If I Tell You I Love You » de Melody Gardot, qui, aidé d'un accordéon flegmatique, évoque Paris à l'aube, à l'heure où la rosée – ou l'humidité – colle aux trottoirs et aux murs, à l'heure où les fêtards rentrent les yeux brillants, chargés de souvenirs fiévreux. Une impression non surfaite puisque Beth glisse pudiquement un doucereux « Oh, oui je t'aime – Oh, oui je t'aime ».

   Passage chez Al Green avec « Rhymes » qui embaume tant la Soul à son âge d'or que le rock grâce à son riff stonien.
Après Turner et Gardot, retour à l'univers des chanteuses qui comptent pour Beth. Cette fois-ci c'est Etta James avec son superbe « Sunday Kind of Love », chanté et joué dans un total respect de l'original, en gardant hélas ses violons qui sonnent désormais vraiment désuets. Un titre difficile à chanter avec justesse, permettant de démontrer que Beth est bien au-dessus des greluches qui confondent chanter et piaffer, en donnant des effets de voix à tort et à travers.
Et on continue sur la lancée des icônes de Beth, avec cette fois-ci Aretha Franklin et son « See Saw » qui donne son nom au disque. Beth s'électrise, se laisse emporter par le tempo tel que le faisait la reine de la Soul en concert.
   Dernière pièce, qui pourrait aussi clôturer la liste des divas qui ont influencé Beth  - s'il ne manquait Janis Joplin, qu'elle a interprétée dans une comédie musicale d'ailleurs -, avec le monument « Strange Fruit » indissociable de la légende de Billie Holiday. Toutefois, ici, c'est la version de Nina Simone qui a été retenue, et même si elle n'est guère dénuée d'intérêt (loin s'en faut), elle n'a pas le même degré d'émotion. L'orgue a été subtilisé au profit d'un piano flâneur et d'une guitare fantomatique (notes jouées au potentiomètre de volume). Quoi qu'il en soit, si ce grand classique de la musique américaine pouvait être remis sur le circuit, ce ne pourrait être que bénéfique tant il véhicule en quelques mots des choses fortes.
(pour en savoir plus sur "Strange Fruit" X)

     Encore plus que sur « Don't Explain », Joe se montre plutôt discret, ne prenant jamais le risque d'ébranler la structure de la chanson, laissant le champs libre à la belle.
De plus, il y a Blondie Chaplin qui le seconde en rythmique, et surtout l'orchestre est souvent plus riche avec l'apport de cuivres et parfois l'adjonction d'instruments à cordes, qui le décharge d'une part de travail. Quant aux soli, aucune mesure avec Black Country Communion ou en solo. Ici, ils sont assez rares, ou généralement courts et totalement fondus dans la musique. L'ego est mis de côté. Joe ne se lâche que sur « I Love You More Than You'll Ever Know », un poil long même, et sur « Miss Lady » avec une wah-wah crémeuse et vintage, typée 70's, omniprésente, tout simplement pour coller à la version originale.
Bonamassa n'a nullement besoin de se faire remarquer, ses autres activités musicales, surtout évidemment sa carrière solo, lui donnant l'espace nécessaire pour rassasier l'ego le plus vorace.


     Finalement, une fois de plus, cette galette place Beth Hart sur un piédestal  et démontre qu'elle est décidément bien plus à son aise dans un registre roots, cru et organique, où son talent prend toute sa dimension, au contraire de certaines de ses productions parfois embourbées (pas trop quand même) dans un excès de production.

     Son précédent disque, le mitigé « Bang Bang Boom Boom » qui a surfé sur le succès de la chanson « I'd rather go blind » (popularisé par Etta James), et porté aux nues un peu trop précipitamment, fait bien pâle figure à côté de ses collaborations avec Joe. Et même, à vrai dire, à côté d'autres de ses réalisations honteusement boudées.

  1. The There Eyes (Maceo Pinkard, Doris Tauber, William Tracey)
  2. Close My Fire (Stephanie Popp, Peter Hoppe)
  3. Nutbush City Limits (Tina Turner)
  4. I Love You More Than You'll Ever Know (Al Kooper)
  5. Can't Let Go (Randy Weeks)
  6. Miss Lady (Buddy Miles)
  7. If I Tell You I Love You (Melody Gardot)
  8. Rhymes (Al Green, Mabon Hodges)
  9. A Sunday Kind of Love (Barbara Elie, Anita Nye, Louis Prima,Stanley Rhodes)
  10. See Saw (Don Covay, Steve Cropper)
  11. Strange Fruit (Lewis Allen)





Articles (et liens) sur Joe Bonamassa et/ou Beth Hart :
(1) Black Country Communion (first album)
(2) "Don't Explain (2011)
Joe Bonamassa 'Dust Bowl" (2011) par Luc-B.
(3) Bonamassa "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House " (2013)



13 commentaires:

  1. Et la pochette, hein ? La pochette, ça ne vous rappelle pas un Live at the regal de BB King ?!!! Excellent cet hommage "graphique" !!

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    1. Mais bon sang ! Mais c'est bien sûr !!
      Heureusement que brother Luc veille au grain. Cela aurait dû être stipulé dans le commentaire. Un blâme.
      Mais j'ai une excuse car mon disque "à moi", ben, il n'a pas la même couverture. J'ai la pochette blanche avec le texte et le gros "B".

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  2. ressemblance a tel point frappante que je me suis fait avoir ce matin! j'ai cru après un rapide coup d'oeil (et j'étais pas bien réveillé , avant mon café/calva..) que Bruno avait fait une erreur et s'était trompé de photo!

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    1. Pour nos amis lecteurs, et à titre purement informatif : tu mets combien de gouttes de café dans ton calva le matin ?

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    2. Oui, mais attention Luc, Il y a des gens qui ont du mal à supporter l'eau. Alors il faut bien qu'ils trouvent un substitut, afin d'éviter la déshydratation.
      C'est pas évident...

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    3. Mmmmm, je comprends, je comprends... la déshydratation... au bord de la mer par 8°C avec un troquet tous les 20 mètres... j'n'avais pas vu ça sous le même angle...

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    4. Vous vous amusez bien le duo comique à vous moquer des bretons? cette histoire de bretons qui boivent est une pure légende et...comment? scusez moi y'a le Fanch' qui paye sa tournée..hips

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  3. ils s'amusent bien au deblocnot!! mais les lecteurs ils veulent peut être des avis sur le disque plus que sur l'alcoolisme chez les bretons..
    alors assez d'accord avec bruno.. sauf que moi je garderai les deux premiers morceaux et j'enlèverai Nutbush citylimit ( quand Beth se lâche trop elle devient insupportable.. comme Tina en son temps) et Miss Lady un peu pour la même raison... et je te trouve un peu dur sur Bang Bang Boom bien au delà de ces petites chanteuses actuelles qui minaudent et qui font un tabac. Sinon un conseil: ruez vous sur le précédent "Don't Explain" qui était quand même d'un tout autre tonneau et le live acoustic de Joe grandiose.

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    1. Effectivement, il arrive que Beth éructe plus qu'elle ne chante lorsqu'elle s'emporte. Et on m'avait déjà fait cette remarque par rapport à son Live.
      Mais "Miss Lady" colle à la version de Buddy Miles, avec cris de félins qui se brûle la queue y compris.

      Au sujet de "Bang Bang Boom Boom", oui, évidemment, il est bien largement au-dessus que ce produit une flopée de minettes (qui pense plus à la leur look qu'autre chose).
      Ce que je veux dire c'est, qu'à mon sens, il est moins bons que ses précédents ; qui eux ont été un peu ignorés, à tort.

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  4. Vous savez ce qu'ils vous disent les bretons???? Bon a part ça, plutôt d'accord avec ton comm Bruno, mais il m'a fallu trois écoutes successives pour commencer à y voir clair! Certes un petit peu en dessous de "Don't explain", mais quand même c'est vachement bon et fort appréciable de constater que ce bavard de Bonamassa peut quand il le veut se montrer juste discret comme il faut. Pour ma part le titre d'Al Kooper me fait intégralement craquer, cette guitare "vintage" à la fin du morceau! On se croirait dans les seventies, du temps de Kooper/Bloomfield.

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    1. "ce bavard de Bonamassa peut quand il le veut se montrer juste discret comme il faut"
      That's right JP

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  5. il l'est même trop sur ce disque... sur le dernier morceau strange fruit, on reste un peu sur sa faim..on attend un petit solo du maître pour finir l'album...grand seigneur il a laissé TOUTE la place à Beth et aux compos.

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  6. Quand deux talents se rencontrent, ça fait des étincelles dirait-on.
    Ça a vraiment l'air bien ! Je tente.

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