Mais bon sang,
Joe ! T'as craqué ou quoi ? C'est la troisième galette
qui sort en 2013 avec ton nom dessus. Et ce, en seulement cinq mois
!! Qu'est-ce qui se passe ? T'as pas de maison ? Tu fuis ta femme ?
Elle te court sur le haricot ? Tu as quelque chose à prouver ?
Tu cherches à être sur plusieurs fronts à la fois
afin d'accaparer l'attention, les médias ? Tu veux filer des
complexes à Warren Haynes ?
Ou bien tu as cru
à toutes ces fadaises d'Armaggedon (qui, au passage, ont bien
fait marrer les Mexicains) et tu as donné un grand coup de
collier pour en faire un maximum, craignant de ne plus pouvoir jouer
et enregistrer après le 21/12/12 ?
Ou bien est-ce
tout simplement un amour immodéré de la musique, que tu
envisages comme un sacerdoce, qui te force à t'abandonner à
elle sans compter ?
On comprend mieux
le coup de gueule de Glenn Hughes : tu as l'énergie et le
temps pour trois projets parallèles mais pas pour le collectif
Black Country Communion (1), qui, pour le coup, se retrouve en
veilleuse. Peut-être même en hibernation pour un temps
indéterminé, vu la tournure qu'ont pris les derniers
échanges par voie de presse.
Sacré Joe
! En tout cas tu as fait preuve de rigueur et d'organisation pour
pouvoir mener à bien et à terme ces projets.
Après ton splendide live acoustique, "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House" (3), ton intégration à la formation de Funk-rock jazzy, Rock Candy Funk Party, tu collabores à nouveau avec la charmante Beth Hart. Si cela continue comme ça, 2013 sera l'année Joe Bonamassa. En tout cas, ce semestre semble t'être déjà acquis.
Tu n'aurais pas
un clone qui t'aiderait, par hasard, non ?
Et ce disque
alors ?
Le « Don't
Explain » (2) paru en automne 2011 en avait laissé plus
d'un sur le ... son postérieur. Un opus qui s'écoute
toujours avec un plaisir intact, la multitude d'écoutes
répétées n'altérant pas le bonheur que
procure ce disque. Faire aussi bien paraît difficile mais
réalisable pour ces deux interprètes de talent.
Comme
précédemment, c'est un album de reprises, alternant
entre des grands classiques à succès et des pièces
moins connues (évidemment, et malheureusement, certains
auditeurs n'auront jamais entendu aucun des originaux).
Un projet certes
facile dans le sens où il n'y a aucun travail de composition –
et donc de doute - , toutefois il reste un engagement réel et
sincère qui fait la différence entre cet essai et tant
d'autres.
« Don't
Explain » a placé la barre vraiment haut avec les
magnifiques interprétations de « Your Heart is as
Black as Night", « Don't Explain », « I'd
rather Go Blind », « I'll take care of you »
et « Ain't no Way », et ce n'est pas ce nouvel
essai qui la franchira. Il ne donne pas l'impression d'avoir autant
de fraîcheur et d'implication.
Un effet
peut-être tout simplement généré par la
sélection d'un matériel qui se retrouve en définitive
moins fort. Il y a aussi le choix d'essayer de proposer quelque chose
d'un peu différent (même si l'on retrouve quelques
compositeurs et interprètes identiques), tout en restant
connecté à une certaine forme de registre, et un
millésime « roots ».
Avec « See
Saw », Beth & Joe rendent un peu plus hommage à
la Soul.
A mon sens, ce
sont les deux premières pièces, les moins intéressantes
de l'album, qui grèvent l'ensemble.
En effet, l'entrée en matière sur du Jump blues / Jumpin' Jive, en Big Band frôlant la comédie musicale américaine jazzy des 50's est, certes, charmante, mais ne supporte aucunement la comparaison avec le Brian Setzer Orchestra ou le Little Big Band de Colin James. Et surtout ça sonne trop propre, et en inadéquation avec l'ensemble. Comme un exercice de style. C'est réussi mais il manque un timbre de voix graveleux, comme celui de son premier interprète, Louis Amstrong, ou même celui enfumé et légèrement cassé de Billie Holiday, sa première interprète féminine.
La piste suivante
fait dans le slow-blues clean, aseptisé, froid. Une
composition d'un duo de publicitaires allemands.
D'un autre côté
le binôme (ou même trinôme car le producteur, Kevin
Shirley, veille au grain, et a très certainement son mot à
dire) tente de ne pas se calquer sur le même schéma que
leur premier essai.
Fort
heureusement, on remet vite les pendules à l'heure. Changement
de décor radical avec le remuant et torride « Nutbush
City Limits » où Beth se frictionne les cordes
vocales au papier de verre.
Autre bonne
surprise, une chanson d'Al Kooper (compositeur, guitariste, pianiste,
chanteur et producteur. Fondateur de Blood, Sweat & Tears et
découvreur de Lynyrd Skynyrd). Le beau slow-blues « I
Love You More Than You'll Ever Know », déjà
repris par Gary Moore, Donny Hathaway et Amy Winehouse. Une belle
composition magnifiée par la performance de Beth Hart qui
balaye les précédentes, en dépit de discrets
violons larmoyants s'immisçant sur quelques mouvements.
Sympathique
incursion en Louisiane avec « Can't Let Go »
dans un format plus proche de celui de Lucinda Williams que de son
géniteur, le méconnu Randy Weeks ; entre Sonny
Landreth, que l'on croirait invité pour dispenser ses traits
de slide chantants, et C.J. Chenier. Un vent de fraîcheur qui
redouble avec « Miss Lady » et son riff
hendrixien entêtant porté par une section de cuivres
pro-Stax. Beth se mue en chatte sauvage enrouée et bravache
pour coller au timbre de Buddy Miles, et ça le fait.
Un peu plus
surprenant, ce « If I Tell You I Love You » de
Melody Gardot, qui, aidé d'un accordéon flegmatique,
évoque Paris à l'aube, à l'heure où la
rosée – ou l'humidité – colle aux trottoirs et aux
murs, à l'heure où les fêtards rentrent les yeux
brillants, chargés de souvenirs fiévreux. Une
impression non surfaite puisque Beth glisse pudiquement un doucereux
« Oh, oui je t'aime – Oh, oui je t'aime ».
Passage chez Al Green avec « Rhymes » qui embaume tant la Soul à son âge d'or que le rock grâce à son riff stonien.
Après
Turner et Gardot, retour à l'univers des chanteuses qui
comptent pour Beth. Cette fois-ci c'est Etta James avec son superbe
« Sunday Kind of Love », chanté et joué
dans un total respect de l'original, en gardant hélas ses
violons qui sonnent désormais vraiment désuets. Un
titre difficile à chanter avec justesse, permettant de
démontrer que Beth est bien au-dessus des greluches qui
confondent chanter et piaffer, en donnant des effets de voix à
tort et à travers.
Et on continue
sur la lancée des icônes de Beth, avec cette fois-ci
Aretha Franklin et son « See Saw » qui donne
son nom au disque. Beth s'électrise, se laisse emporter par le
tempo tel que le faisait la reine de la Soul en concert.
Dernière
pièce, qui pourrait aussi clôturer la liste des divas
qui ont influencé Beth - s'il ne manquait Janis Joplin, qu'elle a interprétée dans une comédie musicale d'ailleurs -, avec le
monument « Strange Fruit » indissociable de la
légende de Billie Holiday. Toutefois, ici, c'est la version de
Nina Simone qui a été retenue, et même si elle
n'est guère dénuée d'intérêt (loin
s'en faut), elle n'a pas le même degré d'émotion.
L'orgue a été subtilisé au profit d'un piano
flâneur et d'une guitare fantomatique (notes jouées
au potentiomètre de volume). Quoi qu'il en soit, si ce grand
classique de la musique américaine pouvait être remis
sur le circuit, ce ne pourrait être que bénéfique
tant il véhicule
en quelques mots des choses
fortes.
(pour en savoir plus sur "Strange Fruit" X)
(pour en savoir plus sur "Strange Fruit" X)
Encore plus que
sur « Don't Explain », Joe se montre plutôt
discret, ne prenant jamais le risque d'ébranler la structure
de la chanson, laissant le champs libre à la belle.
De plus, il y a
Blondie Chaplin qui le seconde en rythmique, et surtout l'orchestre
est souvent plus riche avec l'apport de cuivres et parfois
l'adjonction d'instruments à cordes, qui le décharge
d'une part de travail. Quant aux soli, aucune mesure avec Black
Country Communion ou en solo. Ici, ils sont assez rares, ou
généralement courts et totalement fondus dans la
musique. L'ego est mis de côté. Joe ne se lâche
que sur « I Love You More Than You'll Ever Know », un poil long
même, et sur « Miss Lady » avec une
wah-wah crémeuse et vintage, typée 70's, omniprésente,
tout simplement pour coller à la version originale.
Bonamassa n'a
nullement besoin de se faire remarquer, ses autres activités
musicales, surtout évidemment sa carrière solo, lui
donnant l'espace nécessaire pour rassasier l'ego le
plus vorace.
Finalement, une
fois de plus, cette galette place Beth Hart sur un piédestal
et démontre qu'elle est décidément bien plus à
son aise dans un registre roots, cru et organique, où son
talent prend toute sa dimension, au contraire de certaines de ses
productions parfois embourbées (pas trop quand même)
dans un excès de production.
Son précédent
disque, le mitigé « Bang Bang Boom Boom »
qui a surfé sur le succès de la chanson « I'd
rather go blind » (popularisé par Etta James), et
porté aux nues un peu trop précipitamment, fait bien
pâle figure à côté de ses collaborations
avec Joe. Et même, à vrai dire, à côté
d'autres de ses réalisations honteusement boudées.
- The There Eyes (Maceo Pinkard, Doris Tauber, William Tracey)
- Close My Fire (Stephanie Popp, Peter Hoppe)
- Nutbush City Limits (Tina Turner)
- I Love You More Than You'll Ever Know (Al Kooper)
- Can't Let Go (Randy Weeks)
- Miss Lady (Buddy Miles)
- If I Tell You I Love You (Melody Gardot)
- Rhymes (Al Green, Mabon Hodges)
- A Sunday Kind of Love (Barbara Elie, Anita Nye, Louis Prima,Stanley Rhodes)
- See Saw (Don Covay, Steve Cropper)
- Strange Fruit (Lewis Allen)
Articles (et liens) sur Joe Bonamassa et/ou Beth Hart :
(1) Black Country Communion (first album)
(2) "Don't Explain (2011)
- Joe Bonamassa 'Dust Bowl" (2011) par Luc-B.
(3) Bonamassa "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House " (2013)
Et la pochette, hein ? La pochette, ça ne vous rappelle pas un Live at the regal de BB King ?!!! Excellent cet hommage "graphique" !!
RépondreSupprimerMais bon sang ! Mais c'est bien sûr !!
SupprimerHeureusement que brother Luc veille au grain. Cela aurait dû être stipulé dans le commentaire. Un blâme.
Mais j'ai une excuse car mon disque "à moi", ben, il n'a pas la même couverture. J'ai la pochette blanche avec le texte et le gros "B".
ressemblance a tel point frappante que je me suis fait avoir ce matin! j'ai cru après un rapide coup d'oeil (et j'étais pas bien réveillé , avant mon café/calva..) que Bruno avait fait une erreur et s'était trompé de photo!
RépondreSupprimerPour nos amis lecteurs, et à titre purement informatif : tu mets combien de gouttes de café dans ton calva le matin ?
SupprimerOui, mais attention Luc, Il y a des gens qui ont du mal à supporter l'eau. Alors il faut bien qu'ils trouvent un substitut, afin d'éviter la déshydratation.
SupprimerC'est pas évident...
Mmmmm, je comprends, je comprends... la déshydratation... au bord de la mer par 8°C avec un troquet tous les 20 mètres... j'n'avais pas vu ça sous le même angle...
SupprimerVous vous amusez bien le duo comique à vous moquer des bretons? cette histoire de bretons qui boivent est une pure légende et...comment? scusez moi y'a le Fanch' qui paye sa tournée..hips
Supprimerils s'amusent bien au deblocnot!! mais les lecteurs ils veulent peut être des avis sur le disque plus que sur l'alcoolisme chez les bretons..
RépondreSupprimeralors assez d'accord avec bruno.. sauf que moi je garderai les deux premiers morceaux et j'enlèverai Nutbush citylimit ( quand Beth se lâche trop elle devient insupportable.. comme Tina en son temps) et Miss Lady un peu pour la même raison... et je te trouve un peu dur sur Bang Bang Boom bien au delà de ces petites chanteuses actuelles qui minaudent et qui font un tabac. Sinon un conseil: ruez vous sur le précédent "Don't Explain" qui était quand même d'un tout autre tonneau et le live acoustic de Joe grandiose.
Effectivement, il arrive que Beth éructe plus qu'elle ne chante lorsqu'elle s'emporte. Et on m'avait déjà fait cette remarque par rapport à son Live.
SupprimerMais "Miss Lady" colle à la version de Buddy Miles, avec cris de félins qui se brûle la queue y compris.
Au sujet de "Bang Bang Boom Boom", oui, évidemment, il est bien largement au-dessus que ce produit une flopée de minettes (qui pense plus à la leur look qu'autre chose).
Ce que je veux dire c'est, qu'à mon sens, il est moins bons que ses précédents ; qui eux ont été un peu ignorés, à tort.
Vous savez ce qu'ils vous disent les bretons???? Bon a part ça, plutôt d'accord avec ton comm Bruno, mais il m'a fallu trois écoutes successives pour commencer à y voir clair! Certes un petit peu en dessous de "Don't explain", mais quand même c'est vachement bon et fort appréciable de constater que ce bavard de Bonamassa peut quand il le veut se montrer juste discret comme il faut. Pour ma part le titre d'Al Kooper me fait intégralement craquer, cette guitare "vintage" à la fin du morceau! On se croirait dans les seventies, du temps de Kooper/Bloomfield.
RépondreSupprimer"ce bavard de Bonamassa peut quand il le veut se montrer juste discret comme il faut"
SupprimerThat's right JP
il l'est même trop sur ce disque... sur le dernier morceau strange fruit, on reste un peu sur sa faim..on attend un petit solo du maître pour finir l'album...grand seigneur il a laissé TOUTE la place à Beth et aux compos.
RépondreSupprimerQuand deux talents se rencontrent, ça fait des étincelles dirait-on.
RépondreSupprimerÇa a vraiment l'air bien ! Je tente.