mercredi 25 octobre 2023

Paul RODGERS " Midnight Rose " (2023), by Bruno

 


     - " Non, mais, attends, il a quel âge Paul Rodgers ?? Au moins autant que Toon, non ? Plus ? Incrédibeule "

     Paul Rodgers est né le 17 décembre 1949, à Middlesbrough, il atteindra donc les 74 balais en décembre prochain. Sachant qu'il a débuté sa carrière musicale aux alentours de ses 17 ans, au sein de The Roadrunners (1), où il a débuté par la basse avant que le propre chanteur de groupe l'invite à prendre le micro. Il a dix-neuf ans lorsqu'il rejoint le phénoménal Free, et réalise son premier album, "Ton of Sobs" en 1968 (sorti en 1969), et pas beaucoup plus lorsqu'il compose avec Andy Fraser l'inoxydable méga-tube interplanétaire "All Right Now" ! 


   A vingt-quatre, il fait partie du supergroupe Bad Company, dont les cinq premiers albums squattent tranquillement les charts américains. Autrement dit, Rodgers gagne suffisamment de tunes - qu'il ne dilapide pas dans la dope -, pour passer tranquillement de longues années les pieds en éventail. Mais non, en 1983, il fait un come-back avec un album magistral : "Cut Loose". Mal distribué, quasiment sans promotion, et pourvu d'une pochette ressemblant à une publicité moche pour chemisier ou de cigarettes pour "nous les hommes, qu'on est des cow-boys, des vrais, si on se goudronne bien les poumons". Une véritable injustice que ce formidable album ne soit pas érigé au rang de "classique des classiques". Il est vrai qu'en sortant un disque de pur heavy-rock'n'roll en pleine explosion du heavy-metal, perdu au milieu des "Holy Diver", "All for One", "Headhunter", "Sirens", "Thunder and Lightning", "Kill'em All", "Piece of Mind", "Power of Glory", "Shout At the Devil", "Out for Blood", "Melissa", "Born Again", "Another Perfect Day", "Pyromania", You Can't Stop Rock'n'Roll" (2), il pouvait être des plus  ardus de se faire remarquer.

     Dépité par le peu de succès rencontré, il fait une alliance remarquée, et porteuse de riches promesses, avec pas moins que Sir James Patrick Page. Bien que décevant en comparaison de l'exceptionnel passif de ces deux géants, les deux disques de The Firm se vendent assez bien (d'autant plus que c'est une époque plus clémente au heavy-metal ou au glam-pailettes-spandex de poseurs). Cependant, le groupe ne fait pas long feu. S'ensuient des années d'absence, jusqu'en 1991 où il retrouve les studios avec un vieux copain, Kenney Jones, l'ex-Small Faces, Faces, Who, avec qui il monte un groupe éphémère, The Law

     Paul Rodgers entame tranquillement, sans se mettre la pression, les années quatre-vingt-dix avec une poignée d'albums dont on retiendra deux bons crus : "Now" (1997) et "Electric" (1999).  Mais alors qu'on croyait ce bon vieux Paul rangé - se contentant à l'occasion de quelques concerts -, on le voit faire la une en rejoignant Brian May et Roger Taylor pour une nouvelle mouture du fabuleux Queen. Des concerts pleins à craquer, où les musiciens se font plaisir, reprenant aussi bien du Queen que du Free ou du Bad Company (enfin, surtout du Queen), et un seul et unique disque studio (où Paul reprend la basse d'un John Deacon à la retraite) relativement boudé parce que... ce n'est plus du Queen comme du temps de Mercury (😳  Certainement que si ça avait été le cas, on leur serrait tombé dessus à bras raccourcis).

     Par la suite, Rodgers ne se fatigue pas trop, se contentant de reformations éphémères, de concerts hommages, d'albums "tributs". Bref, le train-train, mais, passé largement la soixantaine, il continue à tourner, le bougre. Et puis voilà qu'en cette année 2023, à soixante-treize ans, Paul Rodgers déboule avec un nouveau disque sous le bras. Certes, c'est du court (il semblerait que ce soit la tendance du moment), mais mieux vaut ça que de gâcher un ensemble par du remplissage. Et là, le Paulo, il débarque avec huit morceaux originaux, signé de sa seule papatte. Dont un, co-signé avec Todd Ronning (bassiste, et employé des tournées de résurrection de Bad Co) et Rick Fedyk (batteur) et un second avec Cynthia, son épouse (une jeunette de soixante-trois ans, ex-Miss Canada 84)


   Quand d'autres se la jouent crooner ou "retour" aux racines blues (pour ne plus brusquer des cordes vocales accusant forcément leur âge), en se contentant de faire les interprètes (soit sans trop s'investir), Paul Rodgers, lui, plus de vingt longues années après "Electric", revient avec un disque frais et personnel. Un disque sans prétention, aucunement radio-friendly, mais qui a l'avantage rare de sonner authentique.

     Quand retentissent les premières notes de "Coming Home", Paul surprend autant par sa forme vocale -même s'il est évident qu'il ménage ses cordes vocales - que par le tempérament de son fringuant heavy-rock/classic-rock réveillant les souvenirs du Glam-rock british et de Bad Company. Un peu sur la même tonalité, mais un chouia plus énergique, cimenté par des ingrédients plus corsés issus des albums solo de Rodgers, réhaussé d'une slide omniprésente (évoquant parfois feu-Leslie West), "Photo Shooter" dévore le bitume, sans but, juste pour l'ivresse d'une liberté offerte par la vitesse et l'air giflant le visage.

     La chanson éponyme, "Midnight Rose", co-écrite avec madame Rodgers, déroule un tapis acoustique où mandoline, guitare et piano, sont soutenus discrètement par des cordes langoureuses, créant une douce atmosphère où fusionneraient Bad Company, Shooter Jennings et U2. 

   Co-écrit avec Ronning et Fedyk, "Living It Up" frappe dans le gros heavy-blues tel que l'affectionne actuellement Lance Lopez. Cependant, même si la production peut souffrir d'un manque de brillance et d'éclat, et que la paire de guitaristes se garde bien d'en faire des caisses, une fois encore, Rodgers fait la différence. Un Classic-rock (heavy) entraîné par une rythmique et un riff relativement simple et lourd, aéré par de brillants traits de guitare façon Robin Trower. Dans le duo de gratteux électriques, on retrouve deux canadiens : l'ex-Stonebolt Ray Roper, et surtout le mésestimé Keith Scott, fidèle à Bryan Adams depuis 1983.

   Avec sa guitare néo-flamenco et la choriste qui lâche des vocalises inopportunes (style "diva" de Argh n'Bi - et elles sont plusieurs pour ça ??), "Dance In the Sun" dérape vers la variété, du genre "montée" spécialement pour une comédie hollywoodienne à l'eau-de-rose cousue de fil-blanc. La voix chaleureuse extirpe in-extremis la chose de la gadoue. A force, ça devient même supportable. Une écoute distraite la rendrait même presque agréable.

   Instant vite oublié dès le superbe et enjoué "Take Love", pour une rencontre du Rock'n'roll avec la Soul, une fusion du regretté Delaney & Bonnie avec Bad Company ; avec la participation de Chuck Leavel aux claviers. Plus sombre, "Highway Robber" conte les mésaventures d'un pionnier (ou d'un colon ?) qui par la force des choses, devient bandit de grand chemin (thème inspiré par l'histoire de Jesse James ? Ou de tant d'autres pauvres hères qui, à force d'être malmenés, brimés, exploités et spoliés, ont fini par montrer les dents - ou simplement par s'armer et tirer dans le tas).

   Depuis toujours, Paul est un fan de Blues. Ce qu'attestent sans ambiguïtés les disques de Free, ainsi que Bad Company qui en a fait son terreau, et ses albums solos dont, évidemment, son "Muddy Waters Blues : a tribute to Muddy Waters" avec une pléiade de guitaristes prestigieux. Il le rappelle avec "Melting" qui clôture - déjà - l'album. Un morceau qui démarre sur une acoustique en mode country-blues et une grosse caisse imposant un tempo oppressant, un poil rapide par rapport à la guitare. Une électrique se glisse furtivement avant de faire craquer un gros riff , comme si la foudre tombait. Cependant, ce n'est pas une tempête qui surgit alors, mais une atmosphère lourde, pré-orageuse

     Rien de nouveau sous le soleil, rien de stupéfiant, rien pouvant rivaliser avec Free ou Bad Company (inégalables ?), juste un album pour se faire plaisir. Pour enfanter et présenter fièrement des compositions, avant qu'il ne soit trop tard et qu'elles soient perdues. Des chansons bien suffisamment bonnes pour être intégrées à un répertoire scénique (qui a malheureusement tendance à s'enfermer dans un cocon invariable). Il manque peut-être un peu de ferveur et de gnaque qui siéent si bien au (hard-)rock, apanage d'une certaine jeunesse, mais on sent bien que c'est un partie pris de Rodgers qui n'a probablement pas voulu s'aventurer sur des terrains belliqueux.

(1) Que va rejoindre Micky Moody.

(2) Jeu concours : Accoler le bon groupe au titre d'album cité. A gagner, la démo jamais sortie, ni enregistrée, du groupe avant-gardiste de heavy-boogie-metal-blouze, "Démons Hurlants". Voir les modalités avec Claude et Luc.


🎼👍
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10 commentaires:

  1. Etonnant que tu aies passé sous silence le "Muddy Water Blues" paru en 1993 , avec pléthore d'invités (Buddy Guy , Jeff beck , Gary Moore .....) Un disque plutôt réussi non? Grand fan de Free , je suis pour le moins réservé en ce qui concerne Bad Co . Mick Ralphs guitariste à la peine n'arrive pas à la cheville du grand Paul Kossof

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    1. J'avais franchement adoré le "Muddy Waters Blues" qui avait alors longtemps squatté mon mange-CD. Même si tout n'était pas du même tonneau.
      La performance de David Gilmour y est étonnante, avec un authentique solo de Blues (-rock). J'avais récemment dans l'idée dans faire un p'tit papier... et puis, j'sais pas ; sur le moment, j'ai été un peu déçu.

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    2. Mick Ralphs est un guitariste mésestimé. Le fait qu'il n'ait jamais fait dans l'esbrouffe ou quoi que ce soit de démonstratif, n'a pas aidé à le mettre en avant. D'autant plus dans un genre où le paraître, la gestuelle, le charisme, comptent (hélas) beaucoup, pouvant aller jusqu'à prévaloir sur la musique . A mon sens, c'est un musicien bourré de feeling, parvenant à mettre de l'âme dans un riff de deux ou trois accords ("Gone, Gone, Gone"), autant que sortir une rythmique complexe (à jouer) sans que cela sonne tarabiscoté (progressif, jazz ou pompeux). Même lors de la mouture sans Rodgers, on trouve dans le travail de Mick Ralphs de véritable petits bijoux - dommage que chant ne soit alors plus à la hauteur.

      On a pu constater sur scène, lors d'une reformation avec Rodgers, la différence entre lui et Howard Leese. Ce dernier (ex-Heart) est un excellent technicien et connait son petit Bad Co par cœur, mais quand Mick Ralphs débarque avec une gratte toute simple, à un seul humbucker, ça sonne grave. Ca respire et transpire le Hard-Rock. Howard Leese paraît plus fin et "savant", mais Ralphs possède Le Toucher adéquate. Il fait la différence.

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  2. Shuffle Master.25/10/23 08:49

    Je confirme tout ce qui est dit. Un des plus grands chanteurs de rock avec les 4 ou 5 habituels, dont l'oublié Frankie Miller. Et pas d'esbroufe, très rare. Cut Looose, je l'ai mais je ne sais plus sous quelle forme et ou.....Les deux premiers Bad Co valent les premiers Free. Après, il y a une nette baisse de niveau, comme chez Free, d'ailleurs.

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    1. Effectivement, on peut constater une petite baisse après le magistral "Straight Shooter" (mais comment faire aussi bien après un tel disque) ; le groupe constamment sur la route - sans omettre que les quatre musiciens sont quasiment à 100 % depuis 1968-69 - commence à accuser le coup. Cependant, jusqu'à "Desolation Angels", ça reste du très haut niveau.
      Par contre, avec "Rough Diamonds", on se demande ce qui a pu se passer. Ce n'est plus le même groupe.

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  3. Bon, je sais que ça n'a rien à voir avec la qualité du disque, et du gosier du monsieur, mais les coups de bistouri au visage, c'est juste pas possible... le pauvre est momifié.

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    1. Du bistouri ?? Tu crois ? Quoi qu'effectivement, il avait une petite paire de valises qui ont mystérieusement disparues. Sinon, je pencherai plutôt pour quelques petites piquouses de botox. Après, à mon sens, il a toujours eu une tête bizarre. Notamment par rapport à ses yeux chafouins. Un peu comme si on avait mis les yeux de Lee Van Cleef à Winnie 😉

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  4. A l'attention de Bruno : J'ai récemment découvert un cd " Texas Scratch " soit un trio de fines gachettes texanes à savoir Buddy Whittington ( ex Bluesbreakers) , Jim Suhler ( Thorogood band) et Vince Converse (ex Sunset Heights) . Je t'en informe car je sais que tu apprécies Converse qui avait disparu de la circulation depuis l'excellent Sunset heights. Les trois compères s'en donnent à coeur joie , même si c'est pas vraiment original! Par ces temps de disette on va pas jouer les difficiles!

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    1. Crénom !! Crénom di diou ! Pour une surprise, c'est une surprise. Vince Converse de retour ! Avec l'ex-lieutenant de Thorogood (époque des stades et de "Bad to the Bone", si je ne m'abuse). Mille mercis pour l'info, l'ami 😁

      (au Deblocnot', y'en a pas un qui a été foutu de me mettre au parfum... j'te jure.. )

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  5. Shuffle Master29/10/23 20:36

    Par curiosité (et mauvais esprit, aussi), j'ai écouté deux trois trucs sur YouTube. Franchement, ça casse pas trois pattes à un canard atteint de la grippe aviaire. Et puis Buddy Whittington (avec un "h", môssieur), c'est un bon guitariste (j'ai même son CD avec une reprise de ZZ TOP, parfaitement inutile), mais des comme lui, il y en a des dizaines de milliers. Le type recycle à tour de bras, et fait 30 kilos de trop, ce qui n'arrange rien (suivez mon regard).

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