Incrédibeule batte frou !! C'est un des évènements musicaux de l'année. Des décennies que les fans de la troisième planète après le Soleil espéraient que l'Alice Cooper Band ressuscite dans sa version originale. Soit, celle qui de 1968 à 1975, s'était fait fort d'écumer tous les clubs États-uniens jusqu'à conquérir les festivals, les stades et enfin l'Europe. Celle aussi qui choqua - avec un malin plaisir - une partie de l'Amérique puritaine ; l'Europe n'étant pas en reste non plus. Un espoir encouragé par les albums post-73 qui, en dépit de leurs qualités, ne parvenaient pas à renouer avec la magie d'antan. L'espoir du retour des desperados, espoir qui au fil des ans, finit par se déliter. L'anéantir même après l'annonce du décès de Glen Buxton en 1997.
Et puis, en 2011, une bonne surprise, avec trois morceaux joués quasiment le groupe original sur l'album "Welcome 2 my Nightmare". Quasiment, car évidemment, sans Buxton. Interprétation, mais aussi composition (seuls Dennis Dunaway et Neal Smith sont crédités aux côtés du Coop'). Puis rebelote en 2017, pour l'album "Paranormal". Pas nécessairement les meilleures pièces du lot, mais du bon matos. L'espoir du retour du Alice Cooper Group renait.
En 2021, le Coop' et Bob Ezrin remettent ça pour l'excellent "Detroit Stories", mais cette fois-ci seulement pour deux morceaux. Cependant, même si ce n'est que pour une petite poignée de titres, l'invitation sur scène de vieux camarades se fait relativement plus fréquente - pas nécessairement avec les trois. Finalement, la maison "Alice Cooper" finit par annoncer un prochain disque avec l'intégralité des membres fondateurs ; soit avec l'authentique "Alice Cooper", celui désormais nommé Alice Cooper Group ou Band, pour faire la distinction avec l'interminable carrière de Vincent Damon Furnier qui, sous les conseils avisés du management, s'est approprié le nom du groupe en 1975. Enfin, des membres survivants. Avec uniquement des compositions du groupe, et du producteur historique, indissociable à l'essor de la troupe, Robert Allan "Bob" Ezrin. Ezrin qui comptabilise quatorze albums pour Alice Cooper avec celui-ci. Quinze si on inclus le live "The Alice Cooper Show" de 1977 (sorti plus tard en vidéo cassette). Un record ? Carrément un sixième membre, tant son apport a pu parfois s'avérer déterminant, sinon considérable
Était-ce un nouveau coup de pub ? Pas impossible, car depuis longtemps Vincent Furnier et son staff avaient maintes fois fait preuve d'imagination pour éveiller la curiosité du chaland. Mais, aujourd'hui, entre sa propre carrière solo et le Hollywood Vampires, ses concerts à guichets fermés, ses ventes d'albums plus qu'honorables à travers la planète (et une explosion pour les trois derniers), il n'a nul besoin de s'em... bêter.
Et puis finalement, on présente un album, avec sa pochette (un pastiche des films de la Hammer), sa date de sortie, et un premier single pour faire patienter, voire baver. Mais alors, qu'est-ce que vaut le Alice Cooper Band millésime 2025 ? Est-ce qu'on y retrouve l'incroyable magie des fabuleux "Love it to Death", et du magistral triptyque "Killer", "School's Out" et "Billion Dollar Babies" ? Non. Ce dernier peut même s'avérer aux premières écoutes un peu décevant. Notamment parce qu'il n'y a pas grand chose d'irrévocablement addictif, au contraire des quatre albums susnommés. Peut-être aussi parce qu'instinctivement, notre esgourde recherche éperdument la tonalité si distinctive du Alice Cooper Band d'antan ?
Il faut dire aussi que l'entrée en matière n'est pas ce qu'il y a de plus folichon. Ce "Black Mamba", avec Robbie Krieger en guest, déjà sorti en apéritif il y a une paire de mois, n'est probablement pas ce qu'il y a de mieux. Même s'il faut bien reconnaître qu'il pourrait faire office de chaînon manquant entre le tempérament de "Billion Dollar Babies" et celui de "Welcome to my Nightmare". Mais pourquoi donc la basse de Dennis Dunaway est-elle (relativement) noyée dans la masse ? Elle qui perçait si bien, si aisément, le mix, procurant alors un groove et une fluidité bienvenue. Pourtant, Dennis ne semble pas avoir perdu la main. Loin de là.
Évidemment, à 77 balais - 78 pour Dunaway - ça peut difficilement délivrer autant d'énergie, de testostérone et de folie douce qu'à vingt-trois, mais il semblerait que sir Ezrin se soit évertué à faire sonner la troupe comme un groupe actuel. Autant que faire ce peut. Et c'est bien là l'essentiel du problème, car cette actualisation paraît desservir la pertinence de l'orchestre. À moins que cela soit délibéré de la part des vieux loups, qui craignaient d'être considérés comme anachroniques. Qui sait ? Même les guitares ont perdu leur savoureux timbre de Gibson crunchy et de lampes rincées pour adopter des saturations plus propres, linéaires et mates. Quant aux parties d'orgue rugueux de Michael Bruce, ou ses intermèdes fantomatiques, croisement du western spaghetti et des films de genre typé Hammer à la sauce rock-psyché, à l'exception de quelques rares bribes, elles font partie d'un passé révolu. Parfois, c'est comme si la troupe manquait de confiance, qu'elle n'osait pas, comme auparavant, prendre des risques. Préférant assurer son coup en traçant tout droit sur de larges highways bien goudronnées. Quoi qu'il en soit, cela n'en fait pas un mauvais album pour autant. Il y a même quelques petites pépites qui ont suffisamment d'éclat pour briller sur scène, et compléter un répertoire riche en classiques imparables.
En fait, l'album prend de l'essor à partir de la troisième piste, avec le percutant "Up All Night", qui aurait pu être un oublié des séances de "Billion Dollar Babies". Impression fondée, car cette pièce a été effectivement inspirée par une vieille démo - avec un riff principal de Buxton. Une pièce qui aurait gagné à ouvrir les festivités. Assez rock également dans la structure, "Kill the Flies" permet à Alice-Vincent de se glisser dans cette peau de barjo qui lui sied si bien, inauguré avec "Ballad of Dwight Fry" - qui servit d'ailleurs, avec d'autres, de tremplin à ses premiers succès, et qui resta longtemps un incontournable de son répertoire scénique. "... j'aime ces murs et ces couloirs solitaires. C'est là que je suis censé être. Mais quand je suis allongé, éveillé la nuit... ooh sous le choc de mes médicaments, il y a quelque chose qui vole autour de mon visage, bourdonnant autour de ma tête !! Oooh-ooh... Oooh-ooh... Des mouches ! Ces satanés mouches !! Je déteste ces mouches ! Tuez ces mouches !! Tout le monde est si gentil avec moi, me nourrissant chaque jour, me promenant dans ces beaux jardins. C'est quoi ça que je me sens chez moi; Mais quand je suis en transe, à regarder le ciel bleu clair, je sais qu'ils me regardent tous, attendant juste que je meure ! Oooh-ooh ! Mouches ! Satanées mouches !!"
Dans le style de riff quasi primitif, mijoté aux power-chords, "Money Screams" s'impose aussi. D'un ton las et désabusé, sur un rythme harassant, comme un ouvrier-employé croulant sous le fardeau d'une besogne sans fin, Alice exprime son désespoir, une vie sans issue "Nous travaillons et travaillons et travaillons toute la journée. Nous travaillons toute notre vie. L'argent ne parle pas, il crie. L'argent est à la racine de tous nos rêves. C'est le diable à la porte... Tu veux le pouvoir, tu veux de l'or. Tu veux des gens à contrôler, pour être un maître des marionnettes tirant nos ficelles". Et pour finir dans les riffs basiques - qui font toujours du bien par où ça passe -, "Famous Face" qui permet à Michael Bruce de venir pousser la chansonnette. Pièce aux accents de subtile relecture du "Should I Stay or Should I Go" 😁
Bien plus léger, comme un petit rock-jazzy - évoquant la période "School's Out" -, avec clin d'œil appuyé à Cab Calloway, "What a Syd" conte la vie insouciante et inconsistante d'un jeune prétendant à la vie de rock star "Je n'ai pas de maison, mais j'm'en fiche. J'ai des bottes en peau de serpent et de longs cheveux blonds. Une puce (?) sur mon épaule et une guitare volée. Mettez tout ça ensemble et j'suis une rock star ! J'suis défoncé toute la nuit et je dors toute la journée. Je fumerai et boirai tous mes soucis". Réminiscences "Killer" cette fois-ci, avec "Intergalatic Vagabond Blues", où Alice ressort son harmonica pour cingler ce rock-doo-woop-bluesy déjanté. Harmonica encore sur une exceptionnelle reprise réalisée par Alice Cooper - groupe et mister inclus - : "I Ain't Done Wrong" qui n'apporte pas grand chose, sinon de rappeler que les Yardbirds ont aussi été une influence notable - et revendiquée - pour le Alice Cooper Band. Pour mémoire, avant même l'appellation "Alice Cooper", les musiciens se sont fait les dents sur des titres des Yardbirds - avec d'autres des Rolling Stones. Ils adoptèrent temporairement pour patronyme de ralliement "The Nazz", en hommage aux Anglais et leur chanson "The Nazz are Blue".
Sur "One Night Stand", au tempérament post-punk / rock-gothique (Bauhaus ?), - avec un bon jeu alerte de Dunaway - on a le plaisir de retrouver un chant plus mesuré et apaisé, plus varié d'Alice-Furnier, se situant pour le coup quelque part entre Iggy, Morrison et Peter Murphy, avec en sus la froideur d'un tueur-à-gages. Une certaine raideur, telle l'indifférence du serial killer devant ses victimes inertes, enveloppe un "Blood on the Sun", pas très loin d'un Blue Öyster Cult.
Une belle surprise avec "What Happened To You", récupéré des sessions de "Muscle of Love" de 1973 - dernier opus du Alice Cooper Band - où des bandes originales avec des parties de guitares de Glen Buxton ont pu être exploitées et réaliser ainsi une chanson inespérée avec le quintet historique au complet
En final, une power ballade jonglant avec les poncifs du genre à l'américaine - instants intimes, et montées en puissance avec chœurs, grosse batterie et grosse disto - et dédiée à leur ami disparu trop tôt. Disparu - en partie - avant même son décès, avant la fin du groupe, déjà copieusement absent des dernières sessions d'enregistrement car alors perdu dans les vapeurs d'alcool. Quasiment absent aussi de la dernière tournée. "See You on the Other Side" est un hommage à leur ami Glen Buxton. Copain de lycée, de Cortez, avant même que tout commence avec les Earwings (première formation où seule Glen possédait alors quelques rudiments musicaux). Comme l'album : "dédicacé à notre frère Glen Buxton". "Tes rivières se déchaînaient, tes montagnes étaient trop hautes, et tes océans si sombres et profonds. Tes cauchemars si effrayants que tu ne pouvais dormir. Ces longues nuits solitaires étaient une chevauchée agitée... mais tu as touché le cœur de millions d'amis et je sais qu'un jour, nous jouerons à nouveau ensemble... Nous serons tous avec toi de l'autre côté et nous ferons du rock'n'roll toute la nuit. On se voit là-bas"
En dépit d'un départ en demi-teinte, ce "The Revenge of Alice Cooper (The Return Album the World Was Afraid Of)" se révèle être un bien bon disque. Imparfait, mais une bonne cuvée qui semble se révéler au fil des écoutes. Evidemment, le soliste attitré d'origine n'étant plus de ce monde, l'absence a été comblée par le jeune Gyasi ; nouveau phénomène du glam-rock, fortement traumatisé par la scène glam anglaise des 70's, et qui aurait probablement aimé être Mick Ronson à la place de Mick Ronson. Ou Ziggy, ou Bolan, ou Ian Hunter, ou tous à la fois. Un blondin décoloré et talentueux bien habile pour trousser des soli courts et accrocheurs - et sans esbrouffe ou propos déplacés (genre tapping de la mort sur une pièce tempérée). Un échalas qui semble parfois avoir étudié et adopté quelques gestuels propres au Alice Vincent Cooper d'antan. Plus étonnant, on peut trouver sur le net une version de "I'm Eighteen", avec Dunaway, où Gyasi chante certains couplets comme un clone d'Alice. Et si un certain Rick Tedesco (plus connu pour sa collection de grattes et pour avoir fondé la boutique spécialisée Guitar Hangar) apporte également sa contribution en matière de lead, c'est bien Gyasi qui prendra sur scène la place de Glen Buxton.
Titre | Auteurs | Durée | |
---|---|---|---|
1. | Black Mamba | Alice Cooper, Bob Ezrin, Michael Bruce | 4:58 |
2. | Wild Ones | Alice Cooper, Bob Ezrin, Dennis Dunaway | 4:18 |
3. | Up All Night | Alice Cooper, Bob Ezrin, Michael Bruce | 3:07 |
4. | Kill the Flies | Alice Cooper, Bob Ezrin, Neal Smith | 4:13 |
5. | One Night Stand | Alice Cooper, Bob Ezrin, Dennis Dunaway | 3:06 |
6. | Blood on the Sun | Dennis Dunaway | 3:06 |
7. | Crap That Gets in the Way on Your Dreams | Alice Cooper, Bob Ezrin, Neal Smith | 3:00 |
8. | Famous Face | Michael Bruce | 4:09 |
9. | Money Screams | Alice Cooper, Michael Bruce, Neal Smith | 3:44 |
10. | What a Syd | Alice Cooper, Dennis Dunaway | 2:42 |
11. | Inter Galactic Vagabond Blues | Alice Cooper, Bob Ezrin, Michael Bruce, Neal Smith | 3:11 |
12. | What Happened to You | Alice Cooper Group, B. Ezrin | 4:00 |
13. | I Ain't Done Wrong | Keith Relf | 3:43 |
14. | See You on the Other Side | Alice Cooper, Dennis Dunaway, Neal Smith | 3:58 |
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- "Killer" (1971)
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