mercredi 17 septembre 2025

GYASI " Here Comes The Good Part " (2025), by Bruno



     Suite à la demande de fidèles lecteurs qui voulaient en savoir un peu plus sur ce gars mentionné en fin de la chronique du retour du Alice Cooper Band, et sur l'insistance de Luc, une succincte chronique sur le dénommé Gyasi.

Qui c'est celui là, encore ?? ... 

Qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce qu'il a ? Qu'est c'est celui là ? Complément toqué, ce mec là. complétement gaga ! Il a une drôle de tête ce type-là

     Gyasi Heus est un échalas blond coloré, maquillé comme une voiture volée et attifé comme un as de pique. Dans la grande tradition des musiciens de glam-rock des années 70. Par contre, au contraire de la majorité des icônes du mouvement de l'époque, Gyasi n'est pas un nom de scène, mais bien son prénom. Choisi par sa mère qui l'avait trouvé dans un livre d'enfants. Un prénom d'origine africaine qui signifierait "enfant magnifique".  L'éducation musicale ? Initialement, elle vient aussi de ses parents, avec une prépondérance pour le Blues et le Jazz. Le rock suivra avec Hendrix, les Rolling Stones, avant qu'il ne plonge dans le rock psychédélique, puis le rock anglais des 60's et 70's, et, forcément le glam rock. Genre qui va l'étreindre pour ne plus le lâcher, étant autant séduit par la musique que par le côté théâtral du genre. 


     Alors oui, Gyasi n'a absolument aucun a priori pour piocher allégrement dans la musique des années 60 et 70, avec une forte proportion pour celle estampillée "made in England", pour composer ses chansons. Pour lui, il n'y a pas de raison de se gêner. Au point que le gars a tout d'une encyclopédie sur pattes  qui n'a rien oublié des classiques, évidemment, mais aussi des trucs les plus obscurs. À croire qu'il est tombé dedans étant petit. Ou du moins dès l'école primaire, à l'âge où on lui met une gratte entre les mimines (à six ans - les parents devaient probablement en avoir marre de l'entendre taper depuis deux ans, comme un sourd sur une batterie artisanale), plutôt que de s'embarrasser de matières classiques, il prend une option scolaire "British music", avec spécialisation Seventies. Car, oui, ce gars transpire bien plus le Glam-rock que les Struts (qui penchent de plus en plus vers la pop - de qualité) ou Bobbie Dazzle (nettement plus heavy). Pourtant, rien n'était gagné pour ce gamin qui dans sa tendre enfance, vivait dans un chalet perdu dans les bois, en Virginie-Occidentale. 

     Même ses études au Berklee College of Music n'ont pas réussi à atténuer sa passion pour cette période (bénie), à l'entraîner à bifurquer vers des chemins plus complexes et "savants". Rien ne parvient à le faire dévier du chemin qu'il a choisi. Même si, lors des années lycée il a tâté du Rock garage et autres trucs punkoïdes, il savait déjà qu'en son nom, il se vouerait au Glam-rock. En s'autorisant quelques infidélités, jamais loin d'un Rock british millésimé 68-74. Même ses tenues de scène, moulantes et chatoyantes, réhaussées de plateform-boots vertigineuses et de maquillage outrancier (glitter), reflètent les temps où le glam avait envahi les ondes. De quoi aujourd'hui le faire passer pour un extra-terrestre ("Starman" ?) ... ou, suivant les lieux, un olibrius provocateur à lyncher. 

     Enfin, tout porte à croire que ce Gyasi a les capacités, les atouts requis, pour lancer un glam revival 70's en cette fin de quart de siècle. Un Glam authentique, à l'opposé de celui dit "Glam-US", prisé du Sunset strip de L.A., qui, en dépit de quelques bonnes choses, comprenait tout de même pas mal d'opportunistes creux  (les meilleurs n'étant pas forcément les plus connus aujourd'hui). 

     Après un premier album auto-produit, "Androgyne", où il fait presque tout lui-même, à l'exception de la batterie et de la basse, un second (excellent) pour un nouveau départ concrétisant la signature avec le label indépendant Alive Natural Sounds Records (co-fondé par le français Patrick Boissel pour promouvoir une musique crue et sincère, toutes grattes dehors), "Pronounced Jah-See" (absolument aucun lien avec Lynyrd Skynyrd), et un (très bon) live brut et sauvageon (quelque part entre Mott the Hoople, Ziggy et Slade) (1), "Rock'n'Roll Sword Fight", Gyasi revient en 2025 avec un album qui devrait ravir tous les amateurs du genre. Certes, les références fusent (fuzz ?) et les emprunts sont relativement fréquents, et nombreux sont ceux qui pourront grincer des dents. Toutefois, n'est-ce pas l'apanage de quasiment tous les groupes – quel que soit le genre abordé – se référant à une période. Metal-indus, thrash, stoner inclus. Ne parlons même pas du Blues... Déjà, Blackmore lui-même avouait recycler des extraits de musique classique pour élaborer son solide heavy-rock. Ou encore Geezer Bultzer, qui emprunte à Gustav Holst, pour une chanson singulière, "Black Sabbath".

     De toute façon, il ne s'agit pas d'ouvrir la voie vers de nouvelles dimensions, mais seulement de pérenniser d'anciennes. Et, en ce domaine, il faut bien avouer que Gyasi Heus excelle.


   Bien sûr, on ne manquera pas de remarquer les analogies de « Sweet Thing » et de « Snake City » avec Ziggy-Bowie. Le premier fusionnant « Rebel Rebel » avec « Jean Genie » pour terminer sur un emportement façon Stones des 60's. L'ombre de Bowie encore sur la ballade affligée « American Dream », à l'atmosphère pluvieuse, soutenue par son saxophone solitaire. Avec « Baby Blue », c'est carrément T-Rex qui est ressuscité – même son de Les Paul-Marshall, même intonations vocales, même attaque de la section rythmique, et pourtant rien de pompé, juste du Bolan-like. Tout comme « Street Life » pour Led Zeppelin – même si la basse et la batterie ne parviennent pas à reproduire la puissance et l'alchimie de Bohan et Jones. À savoir que si sur cet opus, en matière de chant, Gyasi semble avoir beaucoup appris auprès des Bowie, Bryan Ferry et Bolan, il revendique plus l'influence prégnante de Robert Plant, qui est pour lui, l'un des meilleurs chanteurs anglais. Tandis qu'avec « Star », c'est l'essence du meilleur de Mott The Hoople, piano compris, qui surgit. Un "Mott 2.0".

Uniquement dispo sur le format CD, « Apple Tree », ballade colorée aux accents Beatles, est un peu plus aventureux, les guitares s'écartant pour laisser place à de belles parties de piano.

     Mais, Gyasi n'a pas les esgourdes uniquement pointées vers la perfide Albion. Ainsi, parfois, on pourrait considérer que ce sont les White Stripes (nettement plus contemporains) qui surgissent au détour d'un break, ou carrément les Stooges avec « Cheap High », qui laisse tout de même derrière lui quelques odeurs de terre brûlée façon Motörhead. Alors que « Bang Bang (Runaway) », en comparaison « plus futuriste », aurait très bien pu s'insérer dans la discographie des 90's de l'Iguane.

Mention spéciale pour « 23 » qui serait une sorte de tango errant dans New Orleans, nous ramenant aux bons souvenirs du regretté Willy DeVille.

     Si Gyasi est un peu las des éternelles comparaisons avec les icônes des 70s, alors que sa vocation n'est pas de faire office de covers band, d'imitateur, mais bien de redonner vie au Glam-rock – et de manière générale, à la période d'un rock des plus créatif et exaltant -, il apprécie néanmoins que cela soit généralement positif, et que ceux mentionnés correspondent à ceux qu'il considère comme l'élite, le meilleur du genre.


     On ne peut nier que bien des fantômes surgissent de la musique de Gyasi, mais ça semble réalisé avec tant de sincérité et de passion qu'on se laisse happer par ce vortex temporel. Tout au long de cette œuvre, recouvrant treize morceaux, jamais l'ennui n'étreint l'auditeur. La raison étant sa synthèse, sa concision et ses arrangements au cordeau. Malgré l'ouvrage parfois relativement complexifié par des changements de rythme et quelques breaks, ça va à l'essentiel. Les soli sont à cet effet concis ou noyés dans la masse. C'est d'ailleurs parfois une frustration, certains morceaux, notamment les plus apaisés, auraient probablement gagné à être un peu plus développés. Mais c'est un choix assumé de l'artiste. Pas de remplissage, on va à l'essentiel. Pour l'heure, les étirements, divagations, et autres échappées solitaires, sont réservées à la scène. Et encore, ça reste mesuré. (le live présente un "Teacher" de près de six minutes et "All Messed Up" les dépasse. En live, Gyasi retire la muselière aux grattes et ne se prive pas pour quelques joutes)

     Ce n'est pas sans raison qu'un vieux routard comme Alice Cooper, qui en plus de cinquante ans a travaillé avec bien des musiciens, a fait appel à Gyasi Heus pour participer à l'album du retour du Alice Cooper Band, et à la tournée qui suit.


(1) On retrouve sur ce live les premières versions de « Baby Blue », « Cheap High » et « 23 ». Une bonne partie des chansons de Gyasi sont parfois testées et peaufinées en live. "Baby Blue" est également le nom d'un Ep sorti en 2023, comprenant en plus de la chanson éponyme trois titres lives.


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"Glam... vous avez dit Glam ?" [liens]
💥 T. REX   👉  " Electric Warrior " (1971)  👉  " The Slider " (1972)
💥  SILVERHEAD  👉  " Silverhead " (first - same) 1972
💥  KISS  👉  " Kiss Album " (1974)  👉  " Kiss Alive II " (1977)  👉  " Sonic Boom " (2009)
💥  David BOWIE  💀  R.I.P. 08.01.1947 - 10.01.2016 
💥  Bobbie DAZZLE  👉  " Fandabidozi " (2024)

6 commentaires:

  1. A rapprocher des frangins d'Addario (The Lemon Twigs) adeptes du look et de la musique glam à leurs débuts, ultra référencé aussi, sans doute moins hard et plus pop chez Lemon Twigs.

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    1. Les frères D'Addario ? Vraiment ? C'est dans leurs cordes ?

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    2. Ah bah ouais, je confirme, ils sont excellents ces p'tits cons de frangins ! Multi-instrumentistes, made in à la maison, ils composent des perles pop-glam, et sur scène (je les ai vus) ça dépote grave, avec solos à rallonge. Ils ont régurgité le rock 70's, entre glam et west coast. Franchement, je vois (j'entends) la même fibre chez Gyasi. Pour résumer, des gars qui jouent la musique que leurs parents écoutaient. Donc, des gens bien !

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    3. Sinon, de ce que j'ai pu écouter d'eux, il me semblerait qu'ils soient bien plus typés Brit'Pop 60's que Glam.
      En live, Gyasi se lâche et plonge dans le Heavy-rock millésimé. Et là, effectivement, l'influence revendiquée de Led Zep saute aux esgourdes -😁

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  2. Donc, si j'comprend bien, The Lemon Twigs, c'est plus mieux sur les planches, en live 😁

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  3. The Lemon Twigs est un très bon groupe (un duo) en studio, j'aime beaucoup la fraicheur et l'inventivité de leur musique, tendance Beach Boys ou Love (Arthur Lee). Sur scène, ils se présentent à cinq, donc forcément moins de fioritures, d'arrangements, c'est plus brut, très rock avec soli à rallonge (j'adore !) et glam-punk dans les postures.

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