mercredi 25 juin 2025

Mick RALPHS - R.I.P. [ 31.03.1944 -23.06.2025 ]


Mick Ralphs - 31.03.1944 - 23.06.2025

     Non !? Pas lui !! Non, nooonnn, pas Miiick !!! Pourquooooiii !!!! En même temps, il n'était pas spécialement tout jeune, mais, n'empêche... Son vieux copain, Paulo, a bien sorti l'année précédente un disque qui tient la route. Hélas, ainsi va la vie... 

     Mick Ralphs, un nom qui pour beaucoup ne veut pas dire grand chose, mais qui pour moi (et d'autres potos - nan, j'suis pas tout seul de cet avis) veut dire beaucoup. Etonnamment honni par une certaine presse, ou plutôt par des critiques qui jalousant probablement son retentissant succès au sein de la mauvaise compagnie, s'étaient employés à déballer leurs mots les plus acerbes pour dénigrer sa contribution dans sa précédente formation. Comme si, par un phénomène inexplicable, Mott The Hoople n'était devenu intéressant qu'à partir de l'album "Mott" de 1974. Ou plutôt que Ralphs aurait été un frein au groupe. Et "Rock'n'Roll Queen", "Rabbit Foot and Toby Time", "Thunderbuck Ram", "Whiskey Women".  "Home is Where I Want to Be", "Ready for Love / After Lights", "One of the Boys", "Violence", "I'm a Cadillac / El Camino Dolo Roso", "Drivin' Sister", c'est du pipi d'chat ? Ce serait pour cette raison qu'une partie de ses titres ont été placés en début de face ? Non mais, il faut arrêter. Aurait-il été un junkie décédé précocement, ou un adepte des mondanités, ou encore un habitué des tabloïds, que leur vision biaisée aurait été autre. 

     Alors, certes, Mick n'était pas une danseuse ou un briseur de guitares, et au niveau des postures, il n'en faisait jamais des caisses. Il se laissait juste bercer par la musique, à laquelle il portait bien plus d'attention qu'à sa coupe de cheveux ou à ses fringues. Il faisait encore moins cas d'une quelconque chorégraphie scénique. De quoi ? Car Mick Ralphs a toujours été au service de la musique, et uniquement de la musique. D'ailleurs, compositeur reconnu, il n'a jamais souffert d'être peu ou prou éclipsé par d'autres. Notamment par Ian Hunter ou Paul Rodgers. Ou même plus tard, par Brian Howe ou Robert Hart, qui n'avaient pourtant pas la même carrure que les deux précédents.


   Mick Ralphs
faisait partie de cette caste de guitaristes qui, sans être particulièrement expansif, savait faire sonner une gratte. Il suffisait de lui mettre une six-cordes dans les mains, et en quelques notes, ou même avec un riff minimaliste, le gars était capable de vous transférer dans un univers parallèle où le ciel se déchirait, les nuées bleues et ocres se séparaient, pour libérer un passage vers un lieu où les conflits sont exclus même des cauchemars les plus vils (on peut rêver... sauf s'il s'agirait d'un monde sans hommes ?). On avait d'ailleurs parfois pu le voir voler la vedette, involontairement, ou du moins éclipser le guitariste titulaire en montant sur scène sur l'invitation d'un ami, d'un ancien compagnon de route, sans rien faire d'autre que de jouer. 

     Car Mick Ralphs faisait partie de cette caste de guitaristes (bis) qui, avec des notes choisies et travaillées, savait aller à l'essentiel. Au point où toute modification, adjonction ou suppression, même minime, n'aurait été qu'injure à la pièce.

     Michael Geoffrey Ralphs vit le jour à Stoke Lacy, un petit village du Herefordshire, proche des frontières du Pays de Galles, le 31 mars 1944. Très tôt, avant même de sortir de l'adolescence, il débute sa carrière de musicien. Et en 1964, avec The Buddies, il enregistre un premier 45 tours (un single). Après divers essais au sein d'une formation changeant autant de nom que de line-up, en 1969 Mick descend sur Londres, là où tout se passe, où se recentre tous les espoirs du Royaume-Uni et d'ailleurs. Il y fait une rencontre déterminante, celle d'Ian Hunter qu'il invite à intégrer son groupe : Silence. Ou plus précisément, ce serait le producteur Guy Stevens qui aurait eu l'idée de l'incorporer au groupe de Ralphs, qu'il rebaptise au passage Mott The Hoople

    Dès le premier album, Mott the Hoople parvient à se faire remarquer. La bonne réputation de leurs concerts, encensés même par la presse, y contribue. Cependant, si tout le monde connait le groupe, il peine à rivaliser avec les poids lourds - certains avancent sans détour qu'en dépit de son talent d'écriture et de sa présence scénique, Ian Hunter, de par sa voix traînante et limitée, est un frein à l'expansion du groupe. Les disques sont bons, inégaux mais bons, mais souffrent de la comparaison avec des galettes qui, aujourd'hui encore, font figure de référence. En particulier "Brain Carpet", qui se ramasse lamentablement. L'absence manifeste de "45 tours" dans les charts renforce cet enlisement épuisant. Le groupe songe même à arrêter jusqu'à ce qu'un fan, un certain David Robert Jones, propose un sérieux coup de pouce. Avec "All The Young Dudes", la chanson (qui fait une percée enviable aux USA) et l'album, relancent la carrière de Mott The Hoople. Mais c'est aussi à partir de cet album que naissent chez Ralphs de profondes déceptions - certains biographies les font remonter à 1971. Bien sûr, les capacités de compositeur de Hunter se sont affutées, et il finit par s'imposer - pas toujours pour le meilleur ("Brain Carpet" again) -, mais certaines chansons de Ralphs restent au placard simplement parce que la voix limitée d'Hunter ne convient pas. Bien qu'il lui arrive de prendre le chant, Ralphs sait bien que ce n'est pas son fort. Refusant même parfois catégoriquement de prendre le micro, dans l'espoir d'éviter de massacrer une chanson. Ainsi, lorsqu'il se retrouve contraint de chanter sur "Ready For Love" - parce que Hunter refuse de le faire -, le goût amer du gâchis lui reste en travers de la gorge. Même si la pièce reçut maintes fois les louanges de la presse, allant jusqu'à la considérer comme le zénith de l'album.


   Ainsi, dans la même année (1973), après un dernier fait d'armes avec Mott the Hoople, "Mott", l'un des plus appréciés du groupe, où il révèle ses talents de claviériste, il plie bagage pour rejoindre deux ex-Free : Paul Rodgers et Simon Kirke. Dans la foulée, Bad Company est signé par le label de Led Zeppelin, Swan Song, et un premier opus sort l'année suivante. Le succès est foudroyant. Boosté par un premier single signé Mick Ralphs, "Can't Get Enough", l'album squatte les charts dans plusieurs pays, caracolant à la première place aux USA. Le succès quasi spontané du quatuor semble avoir donné raison à Ralphs, à sa vision d'une direction franchement plus hard--blues. Toutefois, ce triomphe n'est pas de son seul fait, mais de celui d'une émulation de quatre musiciens particulièrement talentueux (Rodgers en tête). C'est une évidence. C'est un jardin dans lequel Ralphs s'est pleinement épanoui. Mais on omet trop souvent la mouture de l'après-Paul Rodgers qui, si elle ne parvient pas à être aussi lumineuse que l'originale, mérite bien plus que la moue dubitative qu'on attribue à son évocation. D'autant que Ralphs éblouit encore. Mieux, au contraire de bon nombre de ses contemporains, il a su faire évoluer son jeu qui, sans perdre une once de son essence bluesy, a épousé avec aisance les années 80. Notamment en grossissant le son de belles et crémeuses distos, souvent agrémenté d'un séduisant écho de chapelle romane.

     Evidemment, les reproches ont fusé, jusqu'à accuser le groupe de plagier outrageusement Foreigner. Et Mick Jones ? Mais ne serait-ce pas plutôt Foreigner qui se serait construit - en partie - à l'écoute de Bad Co ? Et tant bien même ! Même si effectivement Lou Gramm semble avoir eu un impact prépondérant sur le chanteur, Brian Howe, dans le Heavy-rock-bluesy-FM - ou AOR bluesy 🥴 -, ces disques sont généralement au-dessus du lot - à l'exception peut-être de "Fame and Fortune", qui semble peiner à trouver ses marques. Et puis, avec une classe innée et une nonchalance affirmée, Mick Ralphs déballe de fabuleuses parties de guitare, superbement structurées, agençant avec maestria silences, double-stop assassins, bends plaintifs ou pull-off/hammer-on guillerets. "Holy Water" est probablement le plus réussi. 

     Toutefois, c'est en 1995, avec une nouvelle mouture et l'album "Company of Strangers" - incroyablement passé sous les radars -, que Bad Co retrouve l'esprit initial. Cependant, cette fois-ci, Ralphs y est ouvertement secondé par David Cowell (qui a déjà joué auparavant avec Ralphs en solo et qu'on retrouvera au sein de la reformation d'Humble Pie). Mais quel bel album ! 

     Auparavant, après la dissolution du Bad Co original, et une petite pause largement méritée, Mick soutient David Gilmour pour la tournée qui a suivi "About Face". L'année suivante, Mick réalise un premier album solo décevant, à la production anémié. A trop vouloir couper les chaînes le reliant à son passé, il finit par perdre en substance. Cependant, le remaster réalisé par Cherry Red Records pour son coffret "On The Run - 1984-2013", dépoussière habilement ces pièces et leur donnent un lustre bienvenu. Un étonnant second opus solo sort en 2001. Instrumental, il explore librement d'autres pistes, parfois teintées de pop synthétique ou de jazz. Relativement plus conventionnel, plus en accord avec son passif, "That's Life" de 2003, est malheureusement grevé par son chant qui, avec le temps, s'est encore affaibli. La production aux allures de démos n'arrange rien. Dommage, car il y a du bon matos.


     Les années suivantes, Ralphs poursuit tranquillement une carrière entre des concerts à forte audience avec un Bad Company fortifié par un second guitariste , Howard Leese, et à nouveau mené par Paul Rodgers, quelques rares retrouvaille avec Ian Hunter, et des prestations largement plus modestes avec son Mick Ralphs Blues Band. Jusqu'à ce qu'en 2016, probablement épuisé par une tournée avec Bad Company qu'il avait initialement pensé ne pas pouvoir faire, il doit, à la suite d'un accident vasculaire cérébral, se retirer.  

     Le mardi 24 juin 2025, on apprend qu'il est décédé la veille, des suites d'un AVC.

     Sa guitare et ses magistrales compositions sont depuis longtemps passées à la postérité. Son travail pour Mott The Hoople et plus particulièrement pour Bad Company auront marqué plus d'un guitariste. De Luke Morley à Guy Griffin, en passant par Rich Robinson - auquel d'ailleurs Mick avait songé pour le remplacer sur une tournée de Bad Co.

     Finalement, dans la vie, Mick Ralphs avait été un gars simple, mais un grand bonhomme dans la musique.

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Joe Bonamassa : "... l'un des plus grands de tous les temps. Un homme merveilleux et gentil, avec le meilleur son "rock'n'roll" de Les Paul. R.I.P."

Joe Elliott (Def Leppard) : "J'ai le coeur brisé... Mick a été compagnon constant de mon voyage musical, et il été l'une des personnes les plus gentilles que je n'ai jamais rencontré... "

Paul Rodgers : "Il nous a laissé des chansons et des souvenirs exceptionnels. C'était mon ami, mon partenaire d'écriture, un guitariste incroyable et polyvalent, doté d'un sens de l'humour hors pair. Lors de notre dernière conversation, il y a quelques jours, nous avons partagé un fou rire ; mais ce ne sera pas le dernier. Condoléances à tous ceux qui l'aimaient, en particulier à son grand amour, Susie. Je vous verrai au paradis"

Simon Kirke "c'était un ami cher, un formidable auteur-compositeur et un guitariste exceptionnel. Il nous manquera terriblement"

David Coverdale : "Une nouvelle déchirante. J'adorais Mick. Un homme adorable et un super auteur-compositeur"

Tommy Thayer (Kiss) : "L'un des plus grands de tous les temps et l'une de mes plus grandes influences a quitté la scène. R.I.P."

Phil Campbell (Motörhead) : "Repose en pais Mick. Quel talent de guitariste il avait, et il a écrit de magnifiques chansons"


Articles liés (liens) :

💥 MOTT The HOOPLE : 👉 " Wildfire " (1971)

💥 BAD COMPANY : " Bad Co " (1974)  " Straight Shooter ' (1975) ⇰  " Run With the Pack " (1976) ⇰ " Burnin' Sky " (1977)  ⇰  " Desolation Angels " (1979)  ⇰  "Live in Albuquerque"  (1976)  ⇰ "Rough Diamonds" (1982) ⇰  "Live 1977 - Live 1979 " (2016) La Story 1986-1998 by Philou

16 commentaires:

  1. Comme le disait son vieux complice Simon Kirke : " un merveilleux auteur-compositeur et un guitariste exceptionnel"....

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  2. Un décès qui va sûrement faire les gros titres. Bad Co, c'est quelque chose. Le type était visiblement très fatigué depuis un bon moment, cf les concerts dont tu parles avec le guitariste d'appoint.

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    1. Je ne vois pas pourquoi il le ferait, ce n'est "que" de la musique (même si pour les passionnés, c'est beaucoup). Et de plus, il n'était pas français.

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    2. Shuffle Master27/6/25 12:08

      Pour la mort de Sly Stone, il y avait eu une ou deux colonnes dans Libération et Le Figaro (bien connu pour être un défenseur du funk). Là, rien. Bad Co porte bien son nom, même post mortem.

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    3. Et bien ce doit être parce que Stone était quand même plus connu et influent que ce guitariste...

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  3. Ca doit être parceque Bad Co n'était pas à Woodstock ! Oui je sais le groupe n'était pas né , même Free si ma mémoire est bonne , la renommée de certaines formations qui sont passées à Woodstock est quand surfaite à commencer par Sly and the Family Stone dot la prestation à l'époque est carrément foutraque.....Sue ce suite à la disp

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    1. Y'a un peu d'vrai là dedans. A ce titre, c'est bien sa prestation filmée qui a propulsé du jour au lendemain Ten Years After. Santana aussi, même s'il commençait déjà à marcher fort en radio.

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  4. Oups! le bordel c'est parti tout seul (comme disait Desproges ; c'est les meilleurs qui partent les premiers , à propos de....?) Je disais que je réécoute mes Bad Co avec une oreille plus attentive que par le passé et ouais Mick Ralphs était un excellent bretteur!

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  5. Si Free est né en 1968 ! Pas assez mûr pour Woodstock mais suffisamment pour Wight en 70

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  6. Shuffle Master.27/6/25 17:12

    Eh ben JP, tu vas bientôt m'égaler dans l'indigence numérique...

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    1. il s'entraîne, il s'entraîne 😁 mais il a encore du chemin à faire 😂
      (friendly joke)

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  7. Sinon, aux USA, l'info a été plutôt bien diffusée. Probablement aidée par l'intronisation du groupe (tant demandée depuis des années par public et musiciens) au Rock'n'Roll Hall of Fame.

    A savoir que chez les ricains, le groupe est resté un gros vendeur même lors de la période controversée sans Rodgers.
    Alors qu'en France, bien que le groupe y ait réalisé des ventes plus qu'honorables, une large frange du public "rock" ne le connaissait pas. Le nombre de fois où j'ai fait écouter ce groupe à des amateurs qui ne l'avaient jamais écouté (et qui ont adoré)

    Il faut souligner que la presse hexagonale n'a pas été particulièrement tendre avec ses loustics ; du moins les rares fois où elle en parlait. Sinon pour rabâcher, des années plus tard, les "incidents d'Orange". "Incidents" qui avaient d'ailleurs incité le quatuor à ne plus venir se produire chez les français.

    (Remerciements à Hervé Picart qui, lui, en avait dit du plus grand bien - du groupe, pas des "incidents")

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  8. Hey les gars, si vraiment c'est insurmontable, vous pouvez aussi nous envoyer vos commentaires par courrier postal dûment affranchi (Le Déblocnot, France cedex 72) on a des petites mains payées en vieux cd's AAD qui ensuite retapent le texte sur le blog. Ca prend juste quelques jours...

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  9. Ah parceque tu crois que la Poste est encore fiable? Pour fréquenter (assidûment) une postière , je peux te garantir que c'est un foutu bordel! Tu est bien résident en France Luc ?

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    1. Shuffle Master.28/6/25 18:21

      Attention, à nos âges, fréquenter "assidûment", fût-ce une postière, est-ce bien raisonnable? (cf syndrome Félix Faure).

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  10. Ah bon ? La Poste de Monaco fonctionne très bien.

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