mercredi 23 avril 2025

RED BEANS & PEPPER SAUCE " Supernova " (2025), by Red Bruno

 


     Voilà maintenant quinze ans que le groupe biterrois opère, et il n'a pas chômé. Même si dès le premier disque, "Le Guardien" en 2010, il reçut un bon accueil du public et de la presse - et du web -, il semblerait que jamais il ne se reposa sur ses lauriers, en se contentant de ressortir un disque dans la droite ligne du précédent. Lorsque le groupe n'est pas sur la route ou en studio, il n'a de cesse de travailler pour s'améliorer, s'affiner, s'affûter. Un travail payant avec des albums de qualité croissante.

     La dernière cuvée, sortie en début d'année, ne déroge pas à la règle. Ainsi, les Occitans ont franchi un nouveau palier. Visiblement décomplexés, - désinhibés ? -, ils déboulent fièrement en 2025 avec un bel album chaud-patate. Toujours ancrés dans le heavy-rock, avec une prédominance pour celui des 70's, copieusement imbibé de soul sensuelle et de funk bouillant. Pour un album généreux et chaleureux, pérennisant un heavy-rock abreuvé de soul et de funk. Un album où Deep-Purple Mark III et Mark IV, Atlantis, Mother's Finest, Stevie Salas, Aerosmith, Lucky Peterson (90's), Trapeze, Rare Earth, Bernard Allison, Fastway, Glenn Hughes, s'enlacent, fusionnent. 

     Surtout, plus que jamais, le groupe, soudé, semble marcher comme une seule et même personne. C'est solidement compact, tout en restant groovy.


 Manifestement, le quintet veut d'entrée frapper fort. Harponner l'auditeur avec un 
"The Shadows" nerveux, jouant avec des ingrédients inflammables estampillés "Whitesnake 80's - additifs 84 + 87 -". On a même droit à un (trop) bref duel orgue-guitare. Sur les refrains, pour appuyer le riff, Niko Sarran (arrivé en 2014/2015 et également producteur) ne ménage ni ses fûts, ni ses efforts - il doit avoir de solides épaules ce gaillard, pour soutenir cette apparente force de frappe. Alors que la première cartouche est plutôt "rentre-dedans", "Another One" préfère s'immerger dans des eaux bouillonnantes d'une soul flirtant avec le heavy. Jessyka Aké y est remarquable, trouvant un juste équilibre entre la morgue d'une Betty Davis et la présence d'une Joyce "Baby Jean" Kennedy. Plus sombre et menaçant, "Hel" plante un décor "méphistophélique". Ce qui se prête au sujet puisque "Hel" narre l'histoire d'un guerrier viking devant passer dans l'au-delà, dans l'autre monde. Invité de marque, Fred Chapellier nous fait la bonne surprise de sortir du Blues stricto sensu pour réellement se fondre dans l'univers des RB&PS, se plonger dans un heavy-rock sulfureux, où il se révèle, encore une fois, remarquable.

     Alors que l'album paraît s'enfoncer dans une forme de heavy-soul, la troupe déboule avec un "Same Old Story" franchement heavy, qui aurait pu se raccorder avec les premiers Rainbow s'il n'y avait cette part de féminité bienvenue avec le chant de Jessyka. Avec peut-être une petite touche de stoner ; d'ailleurs, on pense aussi au tournant de Spiritual Beggars, avec les albums "Earth Blues" et "Sunrise to Sundown" (lien).

     Particulièrement en verve, la troupe déballe un "Gone in the Sand" inquiétant. Rock occulte appelant au réveil d'entités démoniaques, créatures de cultes anciens et sanglants, confinées en quelques lieux secrets, de no-man's land dans des geôles marquées de runes. Le violon du montpelliérain Rabie Houti participe à cette atmosphère non pas funeste, mais comme des réminiscences de magie ancienne, antédiluvienne, voletaientSorte de hard-country-blues où se mêlent les parfums épicés des Tom Waits, Dr John, Page & Plant ("Walking into Clarksdale") et de Doyle Bramhall II. Bande son idéale pour la bande-dessinée (à la narration et mise en page cinématographique) des Dorison et Bec, "Le Sanctuaire". 

     Presque étourdi après avoir pris déjà autant de claques d'affilée, on ne s'attend pas au vif et fonceur "I'm a Woman" ; ça sent la Strat patinée et belliqueuse, venimeuse, qui cherche à mordre - jusqu'à réussir à planter ses crocs avec un solo assassin. La section rythmique (Pierre Cordier à la basse et Niko aux tambours) impose une pulsation coriace, tribale et hypnotique, évoquant Rare Earth, dans ses moments live les plus forts et ardus.


   Laurent Galichon
, auteur-compositeur et guitariste, non content de
 pondre des riffs qui donnent irrésistiblement envie de brancher la gratte pour les reprendre (ou du moins essayer), il s'avère aussi particulièrement habile dans la maîtrise de son. Avec une prédilection - du moins pour cet album - pour la Stratocaster. Certes, chaudement habillée d'effets, mais toujours en gardant des tonalités farouchement organiques. A savoir qu'avant les Red Beans, Laurent avait créé un tribut-band d'Hendrix. On sent d'ailleurs que ses sources remontent principalement aux 70's. Toutefois, en gardant des esgourdes curieuses. D'ailleurs, John Mayer, Lance Lopez, Scott Holiday, Kenny Wayne Sheperd semblent avoir été inclus dans le vocabulaire.
Question matos, Galichon possède quelques belles grattes. Des Fender Stratocaster donc, mais aussi des Gibson Les Paul et une très belle Meloduende Dragonfly (en aluminium, of course - c'est la spécialité de la boîte) qui va droit à l'essentiel avec son unique micro P90 "Mississippi Queen" (pas la peine de faire un dessin avec un tel nom) de Bare Knuckle (photo de l'engin ci-dessus).

     Plus sage, "I'm Done" se "contente" de reprendre (temporairement) le flambeau des Red Hot Chili Peppers. C'est sûr que jamais les Amerloques ne passeront ce titre sur leurs radios, par crainte de se faire piquer "leurs biens" par des frog-eaters. Ou sinon, ils s'offusqueront, crieront au sacrilège... d'autant que, sur cette pièce, les Biterrois pourraient s'avérer meilleurs que les Californiens, avec le jeu de Laurent qui évoque ici un John Mayer dans ses moments Hendrixo-Vaughaniens (en live, quoi), et le joker Serge Auzier, qui, sans jamais chercher à s'imposer, n'a de cesse de renforcer la cohésion du groupe tout en jetant des touches de couleurs bariolées. Sur le coda, l'air de rien, en une poignée de secondes, il concasse dans un mix Donny Hathaway, Hensley, Lord et Sly. 

   Incrédibeule, Galichon et sa troupe maintiennent la pression. "Show Me Love Your Love" est un funk sensuel saupoudré d'Aerosmith brutalisé par le Deep Purple Mark III - ou une Betty Davis qui aurait pris les commandes du quintet anglais. L'Américain Sax Gordon pointe son nez sur la dernière partie, pour immersion plus profonde dans un funk concupiscent.


   "Another Way" tape dans le Blues-rock Hendrixien, creusant le même sillon que celui de Lance Lopez.
 Enfin, pour le final, Galichon et sa troupe décident de faire retomber la pression. Un retour au calme - retour préventif avant claquage - avec le concours de l'Irlandais Johnny Gallagher. "Don't Let It Down" est comme un doux crépuscule, peignant l'horizon de traits ocres, orangés et bleu sombre, atténuant la chaleur accablante d'un été indien. 

     Et puis, avant tout ça, petit bijou perdu au milieu d'autres, la reprise incendiaire du célèbre "I Want to Take You Higher" de Sly & The Family Stone. Pour s'attaquer à ce genre de titre, poids-lourd de la musique des 70's (oui, c'est sorti en 1968), il faut être sûr de son coup. Au risque d'être une proie facile pour les critiques. Mais les RB&PS s'en sortent haut la main, et sans chercher à parfaitement coller à l'original, ils retrouvent l'enthousiasme et le côté festif qui caractérisent ce morceau emblématique. Avec peut-être même un peu plus de punch. Des invités ont été conviés pour donner encore plus d'ampleur à la fiesta : Boney Fields, Manu Lanvin, Yarol Poupaud, Emmanuel Djob et Fred Wesley (ouais, le fameux, le "funkiest trombone player ever" - ex-James Brown, Funkadelic, Parlamient, entre autres) apportent une chaleur et une vigueur qui devrait réjouir Sylvester Stewart - s'il était amené à l'écouter.

     Les Red Beans & Pepper Sauce ne sont pas là pour rigoler. Après deux années de silence discographique, ils débarquent conquérants, avec un album de Heavy-soul-rock incandescent, chaud bouillant, probablement leur meilleur. Un album qui a les épaules suffisamment larges pour faire de l'ombre à toute la scène hexagonale, voire européenne. Du lourd. A écouter au casque pour une totale immersion - et profiter des petits détails, ne pas en perdre un miette -, ou à fond la caisse - si l'appart jouit d'une bonne isolation... 


🎶🌟🔥
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1 commentaire:

  1. Shuffle Master.25/4/25 13:41

    Un peu trop "lourd" pour mes fragiles feuilles, mais très bien fait. Et pour avoir vu quelques vidéos de concert, le batteur est effectivement très "dynamique". Pas le genre de type à qui j'achèterais des cymbales...

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