mercredi 29 mars 2023

MOHO VIVI " Komando " (2023), by Bruno



   Voilà ce qui s'appelle une bonne surprise. Les vieux copains Moho et Vivi se sont réunis et ont sorti un disque pas piqué des hannetons. Au contraire, damoiselles et messires, voilà t'y pas que ces deux flibustiers au long cours ont carrément réalisé un des albums de rock français les plus excitants de ces cinq dernières années. Voire plus. Pourtant, majoritairement, ce n'est que du hard-rock, du style ayant fait ses racines dans les années 80. Oui, mais c'est du bon, du réjouissant, du revitalisant. Du "Yeaaahhh !!! Rock'n'rolll" ! Vouaille !


   Mais qui sont donc Moho et Vivi ? Une question qu'on ne devrait pas se poser si l'on est un amateur francophone de rock dur, car tous deux ont eu leur quart-d'heure de gloire, d'une gloire qui a réussi à s'exfiltrer des frontières de l'hexagone, réussissant même à avoir le respect d'une frange du public "blouson et jean cloutés" de la perfide et chauvine Albion. Quand d'autres ont ramassé, à tort ou à raison, de la caillasse au festival de Reading, eux, avec leur groupe, ont récolté le respect. Faut dire que les gars en question avaient tout de même réussis à être pris pour faire la première partie l'un des fleurons de la NWOBHM pour une tournée au Royaume-Uni ; puis, rassérénés par l'accueil du public, s'offre le luxe d'une petite tournée en tête d'affiche dans le pays de la dame de fer.

     Vivi, évidemment, c'est monsieur Yves Brusco, auparavant bassiste du bulldozer Tru$t de 1979 jusqu'au naufrage. Puis de 2006 à 2011, sans oublier le bref réveil de la bête en 1996. Entretemps, il suit Bernie pour la première partie de sa carrière solo et ses trois premières galettes. Mais précédemment, il était le bassiste-chanteur de Volcania (ex-HLM), vaillante formation évoluant quelque part entre Ganafoul et Téléphone, et auteur d'un disque en 1977, "L'Agression". Un disque qui se passait sous le manteau entre initiés. Brusco est un forçat de la musique rock, un accro de la scène. Entre les différents épisodes "Trust & Co", il prend la guitare et le chant au sein du trio Decorum, auteur d'un album : "A Zéro". On le retrouve aussi à la "râpe" sur "Carton Rouge", le disque du groupe Boxer, qu'il intègre en 2001. Disque remarqué mais malheureusement mal distribué. En 2011,  il retrouve le comparse des dernières années de Trust, le batteur Farid Medjane avec qui il monte Handful of Dust, avec Izo Diop à la basse (futur Trust) et Sylvain Laforge (quasi sosie de Rich Robinson). Il reprend la basse pour dépanner Koritini en 2012 et il est invité en guest sur les albums "Night Goes on for Days" et "Rolling". Infatigable, il enchaîne avec Buzz, un quintet éphémère (le temps de quelques concerts et d'un album) regroupant deux jeunettes, une bassiste néo-zélandaise et une guitariste issue de la scène Metal, un chanteur avec qui il partage le chant, et toujours Medjane. Pour finir, en 2018, il embarque à sa suite le fiston, Bruno, pour un nouveau quintet, The Black Vault, et un nouvel album, "One Way". Hélas, les confinements de 2020 stoppe le groupe dans son élan. Cependant, d'un autre côté, Vivi profite de ces confinements et restrictions successifs pour déjà travailler sur autre chose, avec un vieil ami.


   Moho, c'est Mohamed Chemlakh qui incorpore Tru$t en 1981, faisant du groupe un quintet, et le quitte avant l'enregistrement de "Rock'n'Roll". Moho qui connaissait déjà Vivi, en intégrant Volcania(-HLM) pour quelques derniers barroufs d'honneur (77-78), avant de continuer la route - toujours avec Vivi -, avec l'éphémère Paris. Moho, qui se lance dans un ambitieux et chromé projet sous le nom de Morho qui ne trouva pas son public parce qu'ayant nettement plus d'affiliation avec le Hard-FM US que Trust. Plus tard, dans les années 90, il travaille pour Pow Wow, Pagny, Corneille.

     Bien que ce "Komando" soit le fruit de la collaboration de Moho et Vivi, tous deux, dans l'optique d'un enregistrement live respirant la ferveur viscérale du rock'n'roll, s'allient les services de Sylvain Laforge. Celui qui accompagna en concert les Rita Mitsouko dans leurs derniers instants ; poursuivant avec Catherine Ringer après le départ pour un ailleurs de Fred. Plus récemment, il forme avec la chanteuse New-Yorkaise Angela Randall, Lux the Band. Un groupe qui offre une belle musique entre folk-rock-pop et americana (ils qualifient leur musique de "Velvet Rock"). En dépit du projet "Moho Vivi", Lux the Band n'a pas mis la clef sous la porte. Pour compléter la formation, un jeunot de trente-trois piges, Camille Sullet, anciennement batteur d'Archi Deep, qui ne se fait pas prier pour cogner dur.

     Un commando ? Peut-être. En tout cas, il émane de ce skeud un souffle euphorisant ; véritable bouffée d'oxygène si forte et fraîche qu'elle parvient à faire oublier les tracas de ces temps incertains. Une belle énergie qui fait défaut à bien des groupes plus jeunes. On se demande d'ailleurs à quoi peuvent bien carburer messieurs Brusco & Chemlack pour déployer autant de pêche sur leurs morceaux. Et ce, sans en faire des tonnes, sans avoir recours à de quelconques subterfuges, apparemment avec aisance. D'ailleurs, il paraîtrait qu'ils vont très prochainement éditer un livre : " Les secrets de l'éternelle jeunesse de Vivi & Moho - Ou comment garder la gnaque après la soixantaine et foutre la honte aux jeunots ". Info ou intox ? 😁


   Les guitares charnues de Moho et Sylvain rayonnent de vitalité, plongeant leurs racines dans les années 80, voire au-delà, mais nullement poussiéreuses, mordantes, elles bouffent tout sur leur passage. Comme un barrage cédant sous la pression, suivie d'une monstrueuse vague avalant tout dans un déferlement assourdissant. Même le funky "Paré à Plonger" finit par se laisser entraîner par une insatiable faim d'ogre, finissant en bourre-pif. 

     Il y a une énergie qui nous replonge à l'époque de "Marche ou Crève" et "IV - (Idéal)", le côté sombre et revanchard en moins. Une saine furie évoquant cette époque glorieuse, que l'on retrouve dans "Tic Tac", "Game Overet plus particulièrement "C'est Pas Facileoù l'on s'attend après chaque mouvement à entendre surgir le binôme Bernie et Nono. Ces titres, c'est d'la bombe - (comme dirait l'ami Gégé). C'est que monsieur Yves Brusco se révèle aussi en tant que chanteur de hard-rock, convaincant ; il chante avec la force et la passion d'un gars qui n'a pas encore passé la trentaine. Qui a dit que le Heavy-rock vieillissait prématurément ses représentants ?

   "Bang Bang Bang", tout en gardant encore une franche sensibilité trustienne, dégage quelques tonalités propres à Van Halen (ou plutôt de Van Hagar), avec un Moho des plus étincelants.

   Après cette déferlante de heavy-rock, MohoVivi fait le choix de terminer l'album sur des sonorités plus légères. Petite récréation avec "Camden Square" qui s'offre une parenthèse avec cet instant pop entre l'Affaire Louis Trio et la Mano Negra en mode heavy-rock, et un "Le Temps qui passe" printanier et un brin mélancolique, acoustique jusqu'au coda qui réenclenche le disjoncteur. Retour au calme pour ne pas ressortir de l'écoute en état de surexcitation. Petit problème... l'album tourne inlassablement en boucle. Et puis, quelle bande de coquins, voilà t'y pas que le groupe remet le couvert avec une version électrique de "Le Temps qui passe".

     Un disque qui fait plaisir, d'autant qu'il est le produit de deux anciens et sympathiques routiers, authentiques passionnés qui sont parvenus à garder la foi dans un pays pas toujours réceptif au Rock. L'album est court, mais qu'importe car la quantité n'a jamais fait la qualité. Ils réussissent là à faire un disque de pur Hard-rock, quasiment irréprochable, dont même les morceaux les plus "bulldozer" ont cette faculté d'envoyer le bois sans fracasser les esgourdes (enregistrement analogique ?). Messieurs Vivi et Moho ont réalisé un disque dont ils peuvent être fiers. Probablement l'un de leurs meilleurs depuis ...




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