Foghat.... FOGHHAAATTTT !!!! Il fut un temps où un petit groupe de musiciens fondus de musique américaine avait traversé l'Atlantique et conquis le cœur des foules du continent nord-américain. Fort d'un succès inébranlable chez les Yankees, ne cessant d'écumer les quatre coins de ces terres, de part et d'autre de l'océan, on finit par croire qu'ils étaient eux-mêmes natifs du pays à la bannière étoilée.
C'est que ces musiciens n'étaient pas des perdreaux de la veille. Ils profitaient déjà d'une certaine notoriété en Europe, ainsi qu'un peu aux USA, par le biais de Savoy Brown, groupe de Bristish-blues et de Heavy-boogie où officiaient les trois quarts du futur Foghat. En effet, on retrouve Dave Peverett, Roger Earl et Tony Stevens sur les albums "Blue Matter", "A Step Further", "Raw Sienna" et "Looking In". Quatre galettes qui constituent pour certains l'âge d'or du groupe de Kim Simmonds. Mais la suite, et pratiquement jusqu'à nos jours, va encore proposer quelques sympathiques moments. Peverett et Earl sont également présent sur le second album, "Getting to the Point" de 1968. Par contre, le quatrième membre, Roderick Price, le second guitariste, est encore un homme de l'ombre au moment où se forme Foghat et à l'heure de la sortie du premier disque. Quelques passionnés de British-blues savent qu'il a remplacé un certain Paul Kossof au sein de Black Cat Bones, et qu'il joue sur l'unique galette de ce quintet londonien.
Bien que Savoy Brown jouisse d'un bon facteur de sympathie en Europe et aux USA, où les albums commencent à se vendre dès fin 1969, un désaccord gangrène le groupe. Earl, Stevens et plus particulièrement Dave Peverett s'opposent au leadership de Kim Simmonds. Car ce dernier, seul membre d'origine et l'un des deux fondateurs (en 1965), tient à garder la mainmise sur son groupe et fait donc preuve d'une autorité qui irrite passablement les musiciens. Tous butent contre un mur lorsqu'il s'agit de faire accepter leurs idées (où d'être crédités). De plus, Peverett souhaiterait pouvoir avoir un peu plus l'occasion de mettre en avant ses compétences de chanteur.
Pauvre Kim Simmonds qui doit craindre d'être relégué au rang d'accompagnateur si Peverett se mettait à chanter, jouer de la guitare, prendre quelques soli, en plus d'imposer avec ses potes une majorité de leurs compositions. Il avait ses raisons. Et lorsque Chris Youlden, qui a pris le melon, quitte le groupe, Peverett prend du grade et récupère le poste de chanteur. L'album qui suit, "Looking In", restera le plus grand succès de Savoy Brown aux USA. Peut-être même à la maison, en Angleterre. Ce succès inattendu finit de convaincre Earl, Stevens et Peverett de partir fonder leur propre groupe.
Brièvement, pour Savoy Brown, malgré un prompt sursaut dans l'année, avec une nouvelle formation comprenant Dave Walker et le jeune Paul Raymond débauché de Chicken Shack (plus tard connu pour son intégration dans UFO, Waysted, MSG) et un disque de très bonne facture, "Street Corner Talking", les années suivantes ne seront qu'une interminable lutte pour ne pas tomber dans l'anonymat. Les bons disques ne manquent pourtant pas. Tandis que de son côté Foghat va récolter les disques d'or outre-Atlantique durant toute la décennie. Il parvient même à survivre durant la première moitié des années 80 - pourtant une période peu favorable au Heavy-boogie -. Cela en dépit de disques alors anémiés, sans teint, à l'exception de "In the Mood for Something Rude", qui n'est qu'un disque de reprises...
Bref, une fois formé, Foghat ne tergiverse pas. Il en a sous la patate et a hâte de partager sa vision du Blues et du Boogie. Après deux concerts au Royaume-Uni, il quitte une patrie déjà bien pourvue en matière de groupes de Heavy-boogie, et part à la conquête des Etats-Unis. Bien lui a en pris, car au bout de quelques mois d'incessantes prestations, il obtient un contrat avec Bearsville Records - le jeune label d'Albert Grossman qui a déjà signé Paul Butterfield et Todd Rundgren - qui l'envoie en studio enregistrer un premier disque.
Si, dans l'ensemble, ce premier essai essai est relativement classique, il débute néanmoins par un petit bijou. Une reprise totalement métamorphosée de l'ultra classique "I Just Want Make Love to You". Si méconnaissable que l'on n'aurait rien trouvé à redire s'ils avaient apposé leur signature sur ce morceau (auparavant, d'autres ne se sont pas gênés pour le faire, sur des pièces pourtant bien moins transformées). Mais voilà, ce sont avant tout de respectueux passionnés de Blues, et pour eux il n'est que justice de déclarer leurs sources. Dans ce même élan de profond respect, comme d'autres combos anglais, dès qu'il le put, Foghat profita de sa célébrité pour entraîner à sa suite des Bluesmen afin que le public les (re)découvre.
"I Just Want Make Love to You", chanson de Willie Dixon pour Muddy Waters, transformée en saturnales de guitares enflammées. Certes, Dave et Rod semblent user de vieilles ficelles, mais à l'époque elles ne l'étaient pas encore. D'autant plus à deux guitares, en question / réponses . Ainsi, d'entrée, Foghat dépose sur un plateau d'argent un grand classique du Boogie-blues en mode Heavy. Une pièce désormais indéboulonnable de tous les concerts à venir. En comparaison, après cet instant disons héroïque, la suite peut paraître moins transcendante. Pour la petite histoire, Willie Dixon en personne invita le groupe à manger chez lui, en famille. Il leur dit apprécier leur version ; et il était aussi reconnaissant d'avoir eu un retour sur royalties, de ne pas avoir été occulté pour les droits d'auteur (Dixon dut faire quelque recours en justice pour essayer de récupérer quelques gains - surtout pour la famille -, notamment sur quelques chansons qui eurent un succès retentissant).
Par la suite, les compositions sont relativement plus conventionnelles, comportant parfois quelques rémanences rock'n'rolliennes. Probablement encouragées par le producteur, qui n'est autre que Dave Edmunds (Love Sculpture, Rockpile). Ce dernier ne résistant pas au plaisir de sortir sa guitare de temps à autre. Comme le classique "Fool's Hall of Fame" avec le piano de Colin Earl (de Mungo Jerry, et frère de Roger) ou la reprise de "Maybellene" flanquée d'un turbo et poussée par un piano en mode Jerry Lee Lewis "les doigts dans la prise". Probablement la version la plus speedée jamais réalisée. On raconte qu'à la fin de son enregistrement, une fumée âcre s'échappait des instruments à cordes et des amplis... Info ou intox ? Voire sur le boogie-rock "Trouble, Trouble" - avec la participation de Todd Rundgren au piano - où l'on saisit tout le sens de "slide chantante". C'est d'ailleurs elle, tel un leitmotiv, qui impose son rythme au chant. Dans une certaine mesure, "A Hole to Hide In" aussi, bien que ce dernier rejoigne la cause d'un Heavy-rock quelque peu sombre. Traitant de l'impasse d'un pauvre bougre submergé par les dettes et la déprime "J'ai trop de factures dont je n'ai plus besoin. Jen e sais pas ce que je vais faire, mais pendant que je me décide, pour sauver mon âme, je vais trouver un trou dans lequel me cacher". Le morceau se fend en clôture d'un bel instrumental avec une juxtaposition de guitares sur un fond rythmique résolument hard, sur lequel vient s'égayer une gratte heavy-funk portée par une wah-wah bondissante.
Dans le genre plombé, le pesant "Highway (Killing Me)" fait une incursion dans le Hard-blues, en se contentant de reprendre le travail de Willie Dixon pour l'amener à un niveau à la fois plus ténébreux et plus proche d'une transe vaudoue. Peverett transcrit ici la fatigue inhérente aux longues et incessantes tournées "Je sais que je dois voyager mais la grande route me tue. Je suis tellement fatigué, comment puis-je me reposer. La route est caillouteuse et je me sens si déprimé que je ferme les yeux, et me demande combien de temps cela va prendre". Rappelons que Peverett est sur la route depuis 1967. Tandis que "Leavin' Again (Again)" s'installe au carrefour des genres susnommés avec une once de Funk en sus. La gratte de Peverett claque, tranche dans le mix - préfigurant Billy Gibbons sur "Tejas" -, Rod fait roucouler sa slide, et Stevens, de sa basse, badigeonne le tout de bitume caoutchouteux . Dans l'ensemble, cette chanson préfigure étrangement le James Gang époque Tommy Bolin... dont le premier disque, "Bang", sortira l'année suivante, en 1973 "... encore un long chemin à parcourir. C'est un sentiment triste... le billet est acheté et le contrat signé. C'est trop tard pour changer d'avis... Aide-moi à préparer ma valise. Je serai pour longtemps dans d'autres endroits. Je travaille pour quelque chose et ce n'est pas un mensonge. Et ça aurait pu me prendre toute une vie..."
Foghat finit en dévoilant une facette Soul (soul-blues), avec la reprise de "Gotta Get to Know You", popularisée par Bobby "Blue" Bland (souvent considérée comme un original du groupe car celle de Bland n'a injustement pas atteint le grand public). Le groupe l'a épurée, en supprimant les cuivres (plutôt encombrants sur l'original) et en temporisant sévèrement les claviers qui ne se déclarent alors qu'à partie de la mi-temps. La basse, très Motown, est mise en avant, donnant ainsi plus de corps et de groove à cette chanson. Auparavant, le joyeux "Sarah Lee" expose déjà une coloration Soul, agrémentée pour l'occasion d'un bon quart de West-coast, un zeste de Chicago-blues, et deux pincées de British-pop.
Foghat possède déjà une couleur affirmée, une personnalité propre. Notamment grâce à ce mariage entre deux guitares à la texture mate et boisée. L'une se singularise par une tonalité plus tranchante, parfois exacerbée par une slide chantante, tandis que la seconde est plus terreuse, donnant la sensation de jouer plus avec le micro manche, ou avec les deux (à moins que simplement, il ne modère les aigüs de son ampli ou de sa six-cordes). Les deux guitaristes ont une nette prédilection pour les Gibson Melody Maker et LesPaul Junior (un plus tard, dès que les poches commenceront à se remplir, Rod alternera avec des Gibson SG). Toutefois, pour la fameuse intro de "I Just Want Make Love to You", Rod utilise une Fender Stratocaster (une noire, branchée dans un Hiwatt). Et puis, il y a la voix de Lonesome Dave Peverett. Bien qu'encore un poil timide, elle dégage une chaleur et une puissance naturelle qui lui permettent de se présenter au club restreint des blues shouters. Et puis, il y a cette solide section rythmique, fluide, groovy et soudée. Autant inspirée par l'âpreté du Chicago Blues que par la souplesse de la Motown, qu'elle exacerbe, tonifiée par la fraîcheur et l'impétuosité de leur jeunesse. Néanmoins, les premiers albums ne lui rendent pas vraiment justice ; en particulier à cause de la batterie légèrement en retrait, un peu délaissée par le mixage.
Au contraire de bien des groupes dits de Boogie, Foghat s'efforça longtemps de faire des albums différents. Sans toutefois quitter une large route, "highway", tracée par le Blues et le Boogie. Les disques suivants vont d'ailleurs progressivement durcir le ton jusqu'à revenir au Blues avec l'immense "Stone Blue". Foghat était un sacré grand groupe. Qu'on se le dise !
👌👍 Approuvé par Luc B. 😁
- Face A
- I Just Want to Make Love to You – 4:18 (Willie Dixon)
- Trouble, Trouble – 3:16 (Dave Peverett)
- Leavin' Again (Again) – 3:34 (Dave Peverett, Tony Stevens)
- Fool's Hall of Fame – 2:57 (Dave Peverett)
- Sarah Lee – 4:33 (Rod Price, Dave Peverett)
- Face B
- Highway (Killing Me) – 3:47 (Dave Peverett, Rod Price)
- Maybellene – 3:32 (Chuck Berry)
- A Hole to Hide In – 4:06 (Dave Peverett, Rod Price, Roger Earl)
- Gotta Get to Know You – 7:42 (Deadric Malone, Andre Williams)
🎼🌁
Oui, oui, j'approuve ! (les rancunes sont tenaces...)
RépondreSupprimer😁😁😉
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