Exploitation d'un filon ou Simple plaisir de jouer de la bonne zique ?
Petit Rappel historique : Foghat est, à l'origine, un groupe anglais fondé en 1971, et issu d'une scission de Savoy-Brown : à savoir, le batteur Roger Earl, le bassiste Tony Stevens, et enfin Lonesome Dave Peverett, le guitariste rythmique (également chanteur sur sa dernière contribution au groupe de Kim Simmonds, « Looking In »). Ils recrutèrent Rod Price, auparavant dans Black Cat Bones, (le groupe de British-blues où officiait Paul Kossoff avant son intégration au sein de Free), dont le jeu en slide, en héritage direct d'Elmore James, était une composante indissociable du son Foghat.
Ainsi, Foghat développa un Boogie-Blues-rock chaleureux, festif et incandescent, plongeant son inspiration dans le Chicago-blues avec quelque chose de moite qui le rallie au Sud, au Mississippi. Presque une marque déposée qui ne laissera pas insensible les futurs Blackfoot, Point-Blank et Michael Katon. Le succès outre-atlantique fut considérable, forçant ainsi le combo à s'expatrier. Certainement le plus américain des groupes anglais issus du British-blues-boom.
S'ensuivit une période chaotique, où l'absence de Price se faisait cruellement ressentir, et Lonesome avait toutes les peines du monde à renouer avec le succès. Après diverses moutures (il y eut même, dans les années 90, deux Foghat distincts, qui tournèrent simultanément !), en 1993, sous l'insistance de Rick Rubin (célèbre producteur et co-fondateur du label Def American - connu notamment pour son travail avec Slayer, Cult, Four Horsemen, Danzig, Red Hot Chili Peppers, Johnny Cash, S.O.A.D., R.A.T.M., Run DMC) , Foghat retrouva ses membres originaux. Le très bon et bien nommé « Return of the Boogie men » concrétisa cette reformation. Hélas,des problèmes de santé de Lonesome Dave vinrent grever ce nouvel élan. Il décéda d'un cancer le 7 février 2000. Quant à Rod, il mourut d'une crise cardiaque le 22 mars 2005. La sève, le cœur en binôme de Foghat n'étaient plus.
Bryan Bassett
Toutefois, Stevens et Earl voulurent continuer l'expérience ; non seulement scénique, mais également studio. Pour ce faire, ils embauchèrent Charlie Hunn (Nugent, Dirty Finger's Gary Moore, Victory, Jerry Shirley Pie) en tant que guitariste et chanteur ainsi que Bryan Bassett (Wild Cherry, Foghat's Earl, Molly Hatchet, on le retrouve aussi en tant que musicien de studio et/ou ingénieur sur des albums de Kenny Neal, Trudy Lynn, Sonny Rhodes, Rafus Neal, Lucky Peterson) à la guitare. Après le moyen « Family Joules » en 2003, Tony Stevens quitta à nouveau le groupe, et fut remplacé par celui qui avait déjà repris le flambeau de 75 à 92, Graig MacGregor.
De son côté, Stevens fonda un groupe, "Slow Ride", en 2005, qui joue bien évidemment une musique dans la tradition des albums de Foghat auxquels il a participés. Un disque sympathique et de bonne tenue est sorti en 2009, "Join Together".
De son côté, Stevens fonda un groupe, "Slow Ride", en 2005, qui joue bien évidemment une musique dans la tradition des albums de Foghat auxquels il a participés. Un disque sympathique et de bonne tenue est sorti en 2009, "Join Together".
Hunn déploie une belle énergie pour se fondre dans le langage du regretté Lonesome, et s'il n'atteint pas son niveau ou sa puissance, il s'intègre plutôt bien, et fait plus qu'une bonne impression. On peut même avancer qu'il n'a jamais aussi bien chanté. Bassett essaye également de coller au style de Price, avec toutefois un son un tantinet moins épais, un bottleneck moins baveux, sans le débordement d'énergie dont faisait preuve son prédécesseur.
Graig MacGregor & Charlie Hunn
Cependant, il faut bien admettre que même sans atteindre des sommets, ce « Last train home », en reprenant les éléments du meilleur Foghat original, parvient à convaincre,notamment grâce à des titres comme « Born to the Road », la reprise de Savoy-Brown « Needle & Spoon », « Feel so Bad », « Louisiana blues » (dans une version proche de celle de Savoy-Brown que l'on trouve sur la face live de "Blue Matter" et chantée par Peverett), « Last train home », et « Rollin' & Tumblin' / You need love », bien dans la veine Heavy-boogie-rock bluesy ; ici, au carrefour des opus « Foghat II » (ou "Rock'n'Roll", la sobre pochette avec le petit-pain et la pierre) et « Return of the Boogie men ». D'autres, plus dispensables, comme le « So many roads, So many trains » d'Otis Rush et le boogie instrumental « 495 Boogie », ne sont pas pour autant dénués d'intérêt.
Et on retrouve, en clôture, le bluesman Eddie Kirkland (qui avait accompagné John Lee Hooker de 49 à 62) en invité sur les sympathiques « Good Good Day » et « In my Dreams ». Kirkland fut déjà invité par Foghat pour un concert organisé à New-York réunissant divers bluesmen, où le quatuor anglais servait d'accompagnant. Ce concert en partie retransmis sur le DVD « Foghat & Guest - Blues tribute ».
Assurément, cet opus est d'une bonne tenue, et passe aisément le cap des multiples écoutes; mais certaines choses s'avèrent néanmoins gênantes. D'abord, il y a quelques plans qui semblent directement ressurgir du « Foghat mark I » (ce qui peut se justifier par un souci de continuité, pour ne pas couper le lien avec un passé glorieux), mais surtout, il y a huit reprises sur douze pièces. De plus, trois de ces chansons ont déjà été enregistrées par le Foghat original. Sans compter (en titre caché ? Erreur de pressage ? il n'est pas mentionné sur le livret du CD), le méga tube du groupe, « Slow Ride », en live, avec paroles, musique et interprétation presque conforme à celle du « Foghat Live ». Certes, Foghat a toujours incorporé des reprises sur ses disques, mais jamais autant (exception faite de l'album « In the Mood... for Someting Rude» de 1982, ère post-Price).
Rogerl Earl
Alors en finalité, même si le groupe écrit "blanc sur noir" s'être directement inspiré de l'"esprit Rock'n'Roll" des deux anciens frontmen disparus, on peut se demander si cet enregistrement est bien le fruit de musiciens intègres désirant entretenir la flamme d'un groupe formidable, ou bien celui de personnes cherchant la facilité et à assurer leurs fins de mois en évitant soigneusement toute prise de risque. Pourtant « Born for the Road » et « Last train home » se révèlent être les meilleurs moments du disque. Preuve que cette formation a bien les capacités requises pour composer du matériel neuf de qualité, même s'ils ne sortent pas des sentiers battus.
A n'en pas douter, une réalisation qui séduira les amateurs du genre, mais qui pourra néanmoins laisser un goût plus amer, mitigé, aux fans purs et durs du Foghat authentique.
- Born for the Road
- Needle & Spoon (Chris Youlden - album Savoy-Brown "Raw Sienna" - )
- So Many Roads, So Many Trains (Otis Rush)
- Last Train Home
- Shake Your Money Maker (Elmore James)
- It's Hurt me Too (version Elmore James)
- Feel so Bad (Willis)
- Louisiana Blues (McKinley Morganfield)
- 495 Boogie
- Rollin' & Tumblin / You Need Love (McKinley Morganfield / Willie Dixon)
- In my Dreams (avec Eddie Kirkland)
- Good Good Day (avec Eddie Kirkland)
Le Foghat nouvelle formule a dédié Lest Train Home à la mémoire de Lonesome Dave Peverett et de Rod Price.
Commentaire sur le live de Foghat de 1977 : http://ledeblocnot.blogspot.com/2010/12/foghat-foghat-live-1977.html
Salut Bruno!
RépondreSupprimerJe viens de lire (et écouter) ton comm, que me conseilles tu de Foghat à part celui-là, sachant que je n'ai jamais pris la peine d'explorer leur music! Merci
A mon avis, le meilleur de Foghat est leur Live de 77 (voir lien ci-dessus).
RépondreSupprimerSinon en studio, "Fool for the City" et "Stone Blue" sont des incontournables, auxquels on peut rajouter "Return of the Boogiemen" de 94 ; disque de la reformation avec Price, Peverett, Stevens et Earl.