mercredi 6 mars 2019

Muna LANVIN & The Devil Blues "Grand Casino" (2019), by Bruno




     Ça y est. Le bluesman français à la voix la plus chaude et rocailleuse de l'hexagone est de retour.
Et il est en pleine forme.
Avec ses Devil Blues, il a décidé de frapper un grand coup, et pour sûr, c'est un sacré coup de latte qui devrait logiquement secouer les chaumières et les scènes de France et de Navarre. Pour les médias, on cessera hélas d'être optimiste ...
Manu et Neal Black

     Cette fois-ci, le chaleureux Blues-rock'n'Roll de Manu Lanvin a pris du poil aux pattes et a gagné en testostérone. Sans pour autant partir dans le Hard-blues, ça rentre tout de même dans le lard. La raison en incombant probablement à monsieur Neal Black (1) qui co-signe la grande majorité des originaux. Ces deux là s'étaient rencontrés en 2013, et le courant passant, avaient réalisé une tournée commune, le "Paris Texas Tour". (on en retrouve quelques bouillant témoignages sur la toile). En 2016, après une nouvelle et attendue édition du "Paris Texas Tour", le dernier album de Manu et ses Devils Blues, "Blues, Booze & Rock'n'Roll" présente deux excellentes pièces qui sont le fruit d'une première collaboration. 
Enfin, bref, que cela soit de son fait seul ou de l'aide extérieure, la musique de Manu a pris de l'envergure et de la consistance. C'est nettement plus rugueux, plus Rock.

     Et ça chauffe d'entrée. Sur un Blues d'obédience chicagoanne, "The Devil Does it Right" déboule dans une ferveur chaleureuse, poussé en avant par une Beverly Jo Scott en pleine forme, et soutenu par l'harmonica exalté de Diabolo. Somme tout plutôt classique, mais l'engagement et la ferveur des musiciens couplés au timbre rocailleux de Manu marié à celui de Beverly séduisent immédiatement l'auditeur.

   La température est maintenue avec un Heavy-blues Stonien qui n'est en fait rien d'autre que le célébrissime "Highway to Hell" des Australiens dans une version revisitée et pertinente. Plutôt que de rejouer l'emblématique riff - reconnaissable entre mille -, les Devil Blues ont pris le parti de le reconvertir en quelque chose de définitivement moins carré et de foncièrement moins vindicatif, pour l'amener dans un univers entre Rock fiévreux Stonien et un Rhythm'n'Blues viril à la J. Geils Band.

     Bien décidé à mettre le feu, ces diables enchaînent sur un boogie fougueux à la John Lee Hooker. En intro, en entend un bref monologue téléphonique où une voix pâteuse, celle des lendemains difficiles et des nuits courtes, se présente comme Johnny Gallagher. L'Irlandais sympathique et bon vivant, au look de Rubeus Hagrid, amateur de bon vin, passé maître pour enflammer le public. C'est probablement lui qui envoie les deux brûlant soli embrasant ce morceau au rythme typé Canned Heat - Hooker.


     Manu et ses diables continuent à se faire plaisir en reprenant des grands classiques qu'ils revisitent à leur sauce. Ainsi, ces garnements s'attaquent impunément à "Satisfaction". Exercice périlleux et exposé à toutes les critiques, mais néanmoins fort réussi. Là encore, le riff est restructuré au point de perdre toute ressemblance, et en conséquence, c'est bien moins proche des Rolling Stones que de Willy DeVille. Seuls le refrain et surtout le dernier mouvement dans son accélération, se connectent à l'original.


     Par contre, "Rock Me Baby" (J.Josea, Riley B. King) et "Spoonful" (Willie Dixon) ne profitent pas du même traitement de rénovation et gardent donc leur apparat initial. Le premier gagne seulement en rage et en callosité, au détriment de la subtilité de B.B. King. Tandis que le second, en dépit de la présence de Popa Chubby - qui n'a jamais été aussi discret-, n'a rien de particulier, sinon le dynanisme de l'harmonica. Et puis cette composition de Willie Dixon a déjà fait l'objet de tant de versions, et ce dès les années soixante - exercice alors impératif à tous les groupes de british blues -, qu'il est difficile d'être objectif. A ce titre donc, les profanes apprécieront à sa juste valeur cette très bonne interprétation.

     Pour continuer et conclure dans le rôle des invités, Manu a l'immense fierté d'accueillir Taj Mahal. pour parfaire et donner plus de crédibilité à une pièce ("So Come Down") qui sent bon la New-Orleans avec ses airs de blues festifs aux accents Zydeco.


     Après un relatif "creux de la vague" avec "Spoonful", "A Bluesman in Hong-Kong" relance la machine sur un Blues-rock cossu et fébrile, saupoudré de quelques phrases d'accordéon, et dont le refrain évoque irrémédiablement celui du Heavy-comics-boogie "Burger Man" de ZZ-top.



     Bien que restant un cran en-deça du titre d'ouverture, le diptyque final n'en demeure pas moins une fiesta exaltante apte à réveiller les publics les plus apathiques. D'abord "Hoochie Coochie Ya Ya Yeah" qui, avec son refrain fricotant avec celui de"Lady Marmelade" (de "Eleventh Hour" et popularisé par Patti LaBelle) renforcé par la présence de choeurs féminins, tâte du Southern-rock teinté de Soul (Wet Willie ?). Ensuite, la seule pièce francophone, "Je Suis le Diable", avec Paul Personne. Sur un rythme emprunté à Bo Diddley, Paulo envoie des soli magmatiques gorgés de wah-wah tandis que Manu fait sa confession. Le diable, la tentation, la séduction, sont des sujets récurrents chez Manu. Une obsession ou plutôt la culture d'un folklore, d'une imagerie. "Ils disent que je suis le diable quand je branche ma guitare ..."


     Depuis 2012, hormis le fidèle Jimmy Montout, par ailleurs l'un des meilleurs batteurs des territoires de l'hexagone, les Devil Blues ont maintes fois changé de personnel, et c'est la première fois que la base semble s'être consolidé depuis l'intégration de Nicolas Bellanger, qui a récupéré le poste de bassiste depuis 2016, peu après la réalisation de "Blues, Booze & Rock'n'Roll". Nicolas qui a gagné une réputation nationale grâce au groupe quasi-familial "A L'Ouest", qui a accompagné pendant plusieurs années Paul Personne, et avec qui il a enregistré de très bons albums.

Jimmy Montout, Manu & Nicolas Bellanger.

     On retrouve l'acolyte Mike Latrell, qui avait déjà apporté son aide sur le précédent. Claviériste toujours pertinent, jamais pris en défaut, bien connu des fidèles de Popa Chubby et de Neal Black. Ce multi-instrumentiste (il pratique aussi la guitare et la mandoline) possède cette faculté d'embellir et de donner du corps à la musique, en se calant parfaitement sur le tempo, et surtout sans jamais jouer une note superflu.

Pour les parties de slide, on a fait appel à Jérémy Lacoste, un gratteux que l'on retrouve sur "Il Etait une Fois la Route", le double live de 2007 de Paul Personne. Normal, c'est son fiston. Une slide métallique et incisive, contrastant avec la guitare crachotante, crunchy, émoussée, dynamisant le (moyen) bas du spectre.   

     On connaissait Manu sur les planches, mouillant littéralement sa chemise, s'offrant totalement au public, sans une once d'économie. C'est ce que l'on ressent avec "Grand Casino". Simplement le meilleur disque de Manu Lanvin à ce jour.
Tout comme nombre de cd de la première moitié des années 90, on retrouve un titre "caché" à la fin. Alors, laissez le mange-cd tourner jusqu'à la fin.



(1) Neal Black est un auteur-compositeur-interprète Texan qui a commencé à bourlinguer dès les années 80. Après avoir complété des études de guitare au conservatoire (avec Herb Ellis et Barney Kessel, entre autres, pour enseignants !), et écumé tous les clubs de l'état, il part à New-York où sa carrière décolle avec un premier disque (1993) qui flirte avec le Heavy-rock. Désormais lancé, il rentre à la maison, au Texas où il peaufine son Blues-rock, en y incluant diverses ingrédients (Jazz, Hard-rock, Tex-mex). Cependant, quelques années plus tard, des ennuis avec la police locale l'incitent à s'expatrier au Mexique où il trouve un emploi de professeur. La culture mexicaine influe alors sur sa musique, ainsi que son amertume. Par crainte d'être rattrapé par la justice et dépité par la tournure que prend depuis quelques temps la politique américaine (suivit de la mentalité de certains de ses congénères), il s'exile de lui-même en France, où il séjourne toujours depuis 2004. Pas vraiment connu, du moins à sa juste valeur, souvent décrié par les puristes, la discographie de Neal Black est pourtant un incontournable des années 90 à aujourd'hui. (à lire ↦ "Sometimes The Truth"(2011) et "Before Daylight" (2014) ↤ liens). Ne serait-ce que parce qu'il sort des sentiers battus.


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6 commentaires:

  1. Manu Lanvin a eu les honneurs de l'émission C à vous il y a quelques semaines. Sachant que Arte n'est pas avare non plus quand il s'agit de mettre en lumière une scène plus underground. Restons donc optimistes en toute chose.

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  2. Idem pour les Rival Sons. Dans la même émission en première parie de soirée.

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  3. Je confirme, Lanvin a fait une télé (j'ai même été très surpris) comme Yarol Poupaud d'ailleurs, qui y a joué un titre en direct. Conclusion, il ne faut pas désespérer... Si un rédac chef d'émission a du goût, il peut faire venir les bons artistes...

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  4. Ouais, super. Une télé sur .... 2232 chaînes (ou 200, c'est pareil). Auparavant, avec seulement deux ou trois, quatre chaînes, la programmation était plus éclectique, et fournie (un bien grand mot). Même si ce n'était pas non plus le Pérou. Cherchez l'erreur.
    On nous jette des miettes et on remercie. Evidemment, lorsque que je parle de "secouer", je n'attends pas seulement deux ou trois brefs passages télés.
    Quant à la radio ...

    Par contre, j'ose espérer que le passage de Rival Sons sur la téloche "franchouillarde" représente une première (et timide) ouverture.

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  5. Je ne suis pas dupe que la présence de Lanvin soit peut être due aussi à son patronyme, et pour Yarol Poupaud, à ses 10 ans passés auprès d'Hallyday...

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    1. Sans oublier le frangin Melvin, pour Yarol.
      Mais, hélas, je ne pense pas que cela soit suffisant pour faire bouger les choses.

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