Le parcours de monsieur Neal Black est assez particulier. En effet, alors que la plupart
des musiciens américains restent attachés à un
état, une région, ou une ville, que ce soit par
affinités ou par besoins commerciaux, Neal Black, lui, s'est
singularisé par quelques longs voyages qui l'amenèrent
à s'installer pour un temps dans divers coins.
Né à Washington, sa famille part rapidement s'installer au Texas (à San Antonio). C'est donc dans le plus vaste état des Etats-Unis qu'il fait ses classes en arpentant les scènes de l'état
et en parvenant à ouvrir pour des musiciens endémiques
dont la réputation à rayonner au-delà des mers
(Omar & the Howlers, Fabulous Thunderbirds, Stevie Ray Vaughan,
Johnny Winter, Johnny Copeland), en jouant pour Jimmy Dawkins, Papa John Creach (le bluesman violoniste qui jouât avec Hot Tuna), les Chambers Brothers et
Johnnie Johnson, et aussi en entrant au conservatoire « Southwest »
pour parfaire ses connaissances guitaristiques auprès de
Jazzmen réputés (Herb Ellis, Barney Kessel et Jacky
King). En bref, le gaillard a déjà un solide bagage lorsqu'il décide de partir pour "The Big Apple".
Ainsi donc, aux débuts des années 90, il déménage pour s'installer à New-York, où il régnait, à ce moment là, une effervescence profitable aux musiciens de Blues-rock (dont Popa Chubby, Bill Perry et Steve Johnson furent plus ou moins les fers de lance, avec les clubs Manny's Car Wash et Lonestar Roadhouse). C'est l'époque où il parvient à enregistrer un premier album de Blues-rock bien cossu, fleurant autant le Boogie-rock graisseux des trois barbus que celui des quatre anglais américanisés de Foghat avec une influence encore palpable d'un Heavy-rock furieux et entreprenant tel que pouvait le pratiquer un Nugent ou un Marino dans les 70's. La presse américaine le remarque et un journaliste le décrira comme « one of the most important blues songwriters/performers on the scene today », alors qu'un autre l'affublera du titre de « Master of high voltage Texas Boogie ».
Lorsqu'il
retourne dans son Texas natal, sa musique s'enrichit de quelques
vagues touches country-blues et Rock'n'Roll. Et quand il émigre au Mexique, pour fuir une
justice qu'il jugeait trop implacable (plus précisément parce qu'il refusait de faire quelques mois à l'ombre pour conduite avec un verre, ou deux, de trop dans l'nez), ce sont quelques couleurs Tex-Mex qui viennent fleurir son Blues rugueux. Non pas que l'homme soit
influençable, mais il parait tout simplement sensible à
l'ambiance musicale qui plane sur le lieu où il vit.
Toutefois - et heureusement - sans que cela ne soit jamais prégnant.
Pendant
son séjour prolongé au Mexique, il entre à
l'université « Pan American » de Mexico
en tant que professeur de musique.
Enfin,
ne pouvant retourner au Texas sans risquer la tôle et en
désaccord avec la politique américaine, il s'expatrie
en France en 2004, où il est très rapidement adopté
par la scène Blues nationale, à commencer par
les artistes de Dixiefrog, le label qui le soutient depuis son
premier essai, en 1993. L'éloignement de l'Amérique n'entache en
rien sa passion et son engagement pour le Blues. Au contraire, par rapport au désabusé, austère et sombre « Dreams are for Losers » (enregistré
au Mexique), il semble même y revenir plus profondément. Neal participe même, à
divers degrés, à différents projets musicaux,
jouant alors pour ou avec Nico Wayne Toussaint, Gaëlle Buswell, Fred
Chappelier, Nina Van Horn, Manu Lanvin, Leadfoot River. Voir le collectif live : B.T.C. (la chro.)
Même s'il peut y avoir un monde entre son premier opus New-Yorkais et
« Sometimes the Truth » de 2011 (la chro.), chacun de ses
disque porte très profondément son sceau, même
les quelques rares et bonnes reprises qui sont marquées au fer
rouge de son fort tempérament (le fameux « I
can see clearly now
» avec un accordéon, la superbe échappée de l'orchestre sur "Who Do You Love").
Ne serait-ce que
cette
voix unique, grave, bourrue, enrouée, virile, profonde et
rocailleuse, (entre John Campbell et Howlin' Wolf). Et puis Neal Black, au
contraire d'une légion de musiciens, et a fortiori de
Blues-rock, ne se contente pas de ressasser des plans éculés
surchargés d'interminables soli qui tournent en rond, asphyxiant le morceau par une surabondance de plans démonstratifs. Non,
Neal est un authentique compositeur ayant suffisamment de
personnalité pour que cela transparaisse naturellement dans ses chansons.
Autant
ses blues, plus ou moins acoustiques, dégagent d'irrésistibles
parfums bucoliques et sont empreints d'une certaine mélancolie,
autant ses Blues-rock sont énergiques et incandescents, puent
l'asphalte, les gaz d'échappement, et les trottoirs saturés
d'une faune humanoïde déambulant sans but. Il aime agrémenter ses pièces d'harmonica, de piano ou d'orgue, de dobro ou de guitare folk, parfois même de mandoline ou, bien plus occasionnellement, d'accordéon. Il aime ses Blues riches, pourtant il y a toujours de la respiration ; ce n'est jamais étouffé par une orchestration inutilement chargée. Parfois c'est une joie un tantinet introvertie, tantôt c'est une colère emmagasinée qui transparaît. Il a de plus
la faculté à s'épanouir dans l'un comme dans l'autre, et certains de ses boogie-rock torrides sont parmi les plus
fameux composés depuis deux décennies.
Si
son jeu de guitare respire le Blues Texan (un picking joué à l'aide d'un seul onglet au pouce), avec quelques
réminiscences de celui de Chicago (incontournable ?), il apparaît parfois un petit quelque chose échappé du
Hard du milieu des 70's, notamment dans l'attaque furieuse que
peuvent avoir ses soli et/ou ses instrumentaux. Sa guitare est
incisive, nerveuse, toujours sur le qui-vive, prête à mordre.
Son
petit dernier qui vient juste d'être présenté au
monde en mars dernier ne terni pas la bonne réputation de sa
discographie (si chacun peut légitimement avoir ses préférés,
tous ses disques valent le détour) ; au contraire, « Before
Daylight » a les attributs nécessaires pour se
placer aux côtés des meilleurs.
Peut-être
plus serein que les précédents - certainement plus en
tout cas que « Dreams are for Losers » et
« Handful of Pain » -, il donne la sensation
d'un artiste ayant le Blues si ancré dans son âme que
même en en brisant les plans, les frontières, son
appartenance au genre ne fait aucun doute. Même si certains
gardiens du Temple le réfutent avec force.
« Before
Daylight » est peut être son disque le plus
équilibré entre slow-Blues / Country-Blues, Blues-rock
/ Boogie-rock et Blues... Blues façon « Neal
Black » : légèrement bastringue évoquant
un Tom Waits bluesy, aventureux et respectueux à la fois (Taj
Mahal ?), une tension nerveuse et tribale inquiétante, parfois
morose, chevillée au corps (John Campbell ?). Neal gère
le chaud et le froid, le champêtre et l'urbain comme s'ils ne
faisaient qu'un, ou du moins comme s'ils ne faisaient partie que d'une
seule et même famille.
« Hangman's
Tree » et « Dead By Now », voire la
reprise de Willie Dixon et Chester Burnett « Mama's Baby »,
renoueraient presque, si ce n'est le son, avec les boogie-rock
canailles de ses deux premiers opus, avec en sus l'harmonica
incendiaire de Pascal "Bako" Mikaelian (Jean Louis Murat, Patrick Verbeke, Charlelie Couture, Bill Deraime, Hugues Aufray). Y'a pas à dire : Neal excelle
vraiment dans ce genre.
Des instants
acoustiques avec un country-blues crépusculaire « The
Peace of Darkness », qui pourrait presque descendre des
Appalaches ; une pièce d'apparence simple qui saisit
aux tripes. Avec « American Dream » aussi,
uniquement construit autour d'un piano en mode boogie de Lattrell, de l'harmonica de Bako et la voix singulière de Neal.
« Goin'
down the Road », un traditionnel réarrangé,
aurait également pu en faire parti s'il n'était ponctué
de fins chorus de guitare. Entre ballade et road-song qui vous
téléporte sur une route d'un Texas arride, balayé d'une brise sèche propulsant des
volutes de poussière.
La
basse de Kris Jefferson et le piano de Mike Lattrell (ce dernier déjà présent sur le précédent) apportent une
couleur jazzy sur le slow-blues « The Same Color ».
Notons que ces deux musiciens sont connus pour avoir été
longtemps les mercenaires de l'imposant Popa Chubby.
« The
Road Back Home » est un Rock hybride hésitant entre
un Heavy-rock et un Chris Réa bluesy.
La
chanson titre est un rayon de Soleil perçant l'ambiance
ombrageuse sous-jacente qui traînait jusqu'alors. Neal semble
heureux, satisfait, profitant de l'effet revitalisant d'un printemps
chaud et fleuri. Les paroles, bien que cyniques, sont chantées
avec une désinvolture optimiste. « Surrounded by
strangers with masks on their faces, they're all hiding in a
midnight bottle and a cloud of blue smoke. Everybody's laughing but
they don't get the joke... I'm tired of all you monkeys and fools in
this town, nobody wants to help when I'm comin' down ».
Et justement, en parlant de "paroles". Il convient de rappeler que bon nombres de chansons de Neal ont cette qualité rare de dépeindre par une poésie crue (vestige de ses lectures passées de Baudelaire et de Rimbaud) les choses de la vie, les travers, les paradoxes et les aberrations de l'être humain, ou de la société dans laquelle il (sur)vit. Des sujets qui sortent de l'ordinaire du matériel Blues et Rock.
La patte de Neal Black est immédiatement reconnaissable, pourtant, tous ses disques sont différents, et chacune de ses chansons a sa propre personnalité. L'apanage des grands.
Petite précision sur le matos de Neal : Depuis quelques années, Neal est endossé par les guitares Lâg. De superbes grattes conçus dans la région Toulousaine (since 1979) qui ont su séduire des artistes aussi divers que Dweezil Zappa, Phil Campbell de Motörhead, Keziah Jones, Gus G, Mathieu Chedid, Pat O'May, Jean-Félix et Francis Lalanne, Manu Livertout, Chris George de Waysted, Brendan Benson, Judge Fred, Jennifer Batten.
Outre sur son modèle signature (voir photo ci-dessus), Neal joue sur Lâg Imperator 15 Custom, Imperator 50 Custom, Louisiane, et les acoustiques Primavera et Tramontane. Quelques infidélités occasionnelles avec une Gibson Les Paul "60's tribute" et une Fender Stratocaster "Eric Johnson". De superbes pelles qu'il branche dans des amplis IT-11 (Supercharger Spring 70's) et des pédales de la même marque, elle aussi de fabrication française. Et apparemment, ça sonne du tonnerre de diable !
Je suis d'accord, très bon album de Néal Black, ses compos sont variées et très bien jouées. Reste que son chant me laisse parfois sans voie..J'avoue avoir de la peine à le supporter (le chant) plus de 3-4 titres à la suite. Mais pour le reste entièrement OK avec ce com d'un blues-rock-man pas tout à fait comme les autres.
RépondreSupprimerYo, Guy. Comme quoi les "goûts et les couleurs"... personnellement, j'adore sa voix. Même lorsqu'elle atteint ses limites, se brisant sur une note trop haute, ou basse, lui donnant ainsi encore plus d'humanité, d'authenticité.
Supprimer(Elle est pas mal cette Laly...)
Je suis presque sûr que la fille du cimetière est une actrice qui jouait dans "Hélène et les Garçons"... Bruno, je demande officiellement confirmation !!
RépondreSupprimerNom di Diou ! Luc ! Quelle culture !
SupprimerNe connaissant pas "Hélène et les Garçons" (pas Ma culture...), j'ai dû faire de longues et âpres recherches, faire une demande auprès de Neal himself, après être passé par le management et le label (montrer "patte blanche", offrir quelques coups à boire) pour avoir une réponse.
Et bien OUI ! Il s'agit bien de Laly Meignan qui a débuté avec une série télévisée ("élène et les garçons" donc). Je suis scotché.
Alors là, passer de Neal Black à Hélène et les garçons les guitares (Lâg) m'en tombent. Y'a un psy près de chez vous ?
SupprimerPsy ? Psy ! Celui qui "chante" la bouse électronique, "Gang-nem style" ? Ha ! Non ! Pas de ça chez nous !
SupprimerHé... sinon, Guy, entre-nous, elle est pas mal cette Laly, même si son timbre est un peu viril.
Yeah!, je reconnais que sa plastique a pu émouvoir Luc, au point de s'en souvenir quelques dizaines d'années plus tard et cela même en l'ayant surement vu que très occasionnellement....
RépondreSupprimertrès occasionnellement... Mais c'est pas ma faute, parait que je suis physionomiste...
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