lundi 26 mai 2025

VIVALDI – 6 concertos pour flûte (1728) – Lisa BEZNOSIUK & Trevor PINNOCK (1988) – par Claude Toon



- Ah, déjà deux concertos pour violoncelle il y a peu Claude, six pour flûte ce jour, comme tu l’avais écrit Vivaldi a composé des concertos pour presque tous les instruments existants à son époque…

- Exact Sonia, de la mandoline aux vents en passant par une production infinie dédiée au violon, au hautbois, ou des groupes divers… Et en effet voici un recueil de six concertos pour flûte daté de 1728.

- Flûte à bec je suppose ? les flûtes en argent ou en métal n’existait pas encore je pense ?

- Les flûtes en métal son apparues en 1830 Sonia. Mais la première flûte traversière en bois aurait vu le jour au IXème siècle… Quant à la flûte à bec, il semble que l’on puisse remonter à la préhistoire !!!! Lisa Beznosiuk joue sur une flûte traversière baroque à la sonorité plus flatteuse que celle à bec. En 1728, il est possible que l’une ou l’autre des flûtes aient été utilisées…


Vivaldi

Onzième chronique consacrée au Prêtre Roux, surnom donné à Vivaldi par ses contemporains, cette teinte de chevelure étant rare chez les habitants de la péninsule italienne (1 à 2% de la population contre 13% en Écosse ou en Irlande, 3 à 4% sur la planète). Luc risque de me gourmander une fois de plus de sortir du sujet et de couper les cheveux en quatre sur des détails de peu d’intérêt. À ma décharge, je n’ai plus grand-chose à ajouter dans ce treizième billet dédié au plus célèbre des compositeurs italiens de l’époque baroque dont le premier article présentait l’un des chef-d’œuvres de son temps : les quatre saisons ! Quelle surprise 😊 (Clic) ! Magnifique ensemble qui au-delà de l’originalité, la réjouissance et la poésie posait la première pierre de la musique descriptive à l’aide d’un modèle de composition souvent destiné à mettre en valeur un ou plusieurs virtuoses. Il faut attendre l’oratorio Les Saisons de Haydn et la Symphonie Pastorale de Beethoven, donc le romantisme, pour retrouver le désir d’illustrer musicalement la nature et le bucolisme de façon aussi magistrale…

En présentant les deux concertos pour violoncelle sous l’archet de Rostropovitch il y a un bon mois, je précisais que contrairement à ses confrères de l’Europe de nord, notamment allemands et autrichiens, Vivaldi avait fait preuve d’une immense inventivité dans le choix de l’instrumentation de ses centaines de concertos, même si en tant que violoniste de très grand talent, le violon se taille la part du lion… L’article se focalisait sur Giuseppe Tartini, plus tardif mais lui aussi violoniste d’exception et théoricien de l’instrument dont le catalogue connu réunit pas moins de 150 concertos pour violon (Clic) !

Je m’aperçois que les éléments biographiques pour Vivaldi sont éparpillés façon puzzle sans grande logique dans les chroniques précédentes. L’article Wikipédia est un roman fleuve à la hauteur de ce géant du baroque dont le travail ne se limite pas à des myriades de concertos mais aussi à des opéras (peu joués), de la musique religieuse haut de gamme (Gloria, Dixit dominus, etc.). Aucun intérêt à rédiger un abrégé scolaire de plus, mais je recommande pour les curieux la lecture de cet article : Vivaldi Antonio 1678-1741 du site musicologie.org, toujours pertinent et surtout concis…

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Lisa Beznosiuk

Les six concertos pour flûte et orchestre sont rassemblés dans l’opus 10 et pourtant chacun porte un numéro du catalogue moderne RV. Lors du commentaire du récital Rostropovitch j’avais tenté d’éclaircir pourquoi une telle pluralité de catalogues associée au legs musical de Vivaldi. Je vous y renvoie si nécessaire. J’avoue que la taxonomie appliquée aux répertoires musicaux peut sembler aride 😉. (Même Beethoven dispose de trois index distincts : Opus, WoO et Hess.)

RV x sont des références à visée chronologique (au mieux). Il a existé cinq catalogues au fil du temps. Opus x (œuvre) classement très courant pour les grands compositeurs est une tradition passéiste et incomplète inadapté à l’art baroque… RV provient du nom du musicologue danois Peter Ryom Ryom-Vivaldi qui, suite à un travail éprouvant, a permis de classer et dater avec précision les ouvrages de Vivaldi. Le site Wikipédia traitant du sujet montre la difficulté de la tâche !!!

Chaque concerto porte un N° de 1 à 6. Ce n’est pas l’ordre de leurs compositions. D’autant que d’autres ouvrages ont vu le jour entre temps, Vivaldi étant un bourreau de travail. Les lecteurs peuvent-ils s’interroger sur l’utilité de se préoccuper de ces classements ? Ils permettent de suggérer une indication sur la valeur d'une partition. Un numéro élevé indique que l’œuvre est tardive et doit, a priori, avoir bénéficié des longues années d’expérience du compositeur.

La date associée à chaque concerto ou autre peut le confirmer, ici 1728-1729 (?). Vivaldi a cinquante ans et maîtrise désormais à merveille la fantaisie de son inspiration et l’art de l’écriture.

Vivaldi nous quittera en 1741 à 63 ans. Certains mouvements lents concurrencent les plus beaux arias de Bach.

Opus 10

Numéro

Date

Sous-titre

RV 433

N° 1

1728

"La tempesta di mare" ( La tempête en mer)

RV 434

N° 5

1728

 

RV 435

N° 4

1728

 

RV 437

N° 6

1728

"La notte" (la nuit)

RV 439

N° 2

1728

(En six mouvements comme un concerto grosso)

RV 428

N° 3

1728

"Il gardellino" (le chardonneret)

L'enregistrement de Trevor Pinnock suit la numérotation décimale basique.

Orchestration : Flûte traversière solo – Violons I et II, altos, violoncelles, contrebasses, clavecin ad libitum ou orgue.

Ci-contre : flûte traversière de Christophe Delusse (Paris, 1729 - Paris, 8 novembre 1794 (18 Brumaire An 3)).

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Trevor Pinnock
 

Les gravures de l'opus 10 sont peu nombreuses par rapport aux quatre saisons. Pourtant, la fraîcheur et la bonhomie de ce cycle en font un programme de grand style pour découvrir l'art de Vivaldi. Le largo du concerto N°1 est un moment de pure élégie.

Pour ce billet j'avais le choix d'interprétation sur flûte traversière, flûte à bec et flûte métallique moderne. Dans ce dernier cas, impossible de ne pas mentionner l'interprétation de Jean-Pierre Rampal, le flûtiste de légende illumine la partition par la pureté de son jeu. En l'année 1966, il est accompagné par Claudio Scimone, immense chef qui assura la transition vers le baroque sur instruments d'époque et la légèreté d'un son plus authentique (EratoApex – 4/6) On peut juste ne pas apprécier une contrebasse un peu ventrue 😊.

Côté flûte à bec, Giovanni Antonini fait voltiger les notes acidulées (je ne pensais pas que l'on pouvait obtenir une telle folie musicale de cet instrument primitif ! et tant pis pour les rares fausses notes). Le virtuose dirige son orchestre Il Giardino Armonico en 2020. Le concerto N° 2 est omis à la place d'une transcription sidérale du Nisi Dominus (α – 5/6). Les mêmes interprètes avaient déjà gravé l'intégrale de l'opus 10 en 1992 pour Teldec. (Comme aurait dit Raoul Volfoni alias Bernard Blier… "C'est du brutal !" 😊) L'antithèse de la version retenue…

La redécouverte du baroque a parfois donné libre cours à des excès de virtuosité et de tempo vertigineux, mettant la poésie et la dimension festive de côté. Vivaldi démontra avec les quatre saisons entre autres, que sa musique anticipait la séduction et la méditation à venir avec Mozart et Haydn puis les premiers grands du romantisme, Beethoven et Schubert.

La flûtiste Lisa Beznosiuk, flûtiste anglaise d'origine ukrainienne et irlandaise, a consacré sa carrière à la résurrection du jeu sur les flûtes en bois de l'époque baroque. Elle obtient un son de sa flûte traversière plus velouté que la facétieuse acidité des flûtes à bec. Deux sonorités qui s'opposent sans se concurrencer.

Élève de Stephen Preston, pionnier du retour de ces instruments au-devant de la scène, Lisa née en 1956, a travaillé soit comme soliste soit comme flûtiste solo des ensembles baroques les plus prestigieux : The English Concert, l'Orchestra of the Age of Enlightenment, les English Baroque Soloists, l'Academy of Ancient Music, les London Classical Players et le New London Consort… Beau palmarès.

Trevor Pinnock a déjà participé à des chroniques, notamment la symphonie 39 de Mozart. Pour sa biographie comme claveciniste et maestro voir (Clic). Il dirige The English Concert, orchestre avec lequel il grava une belle intégrale des symphonies de Mozart.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

 

Je ne commente pas ces charmants concertos dans le détail. Le 2ème adopte la forme du concerto grosso chère à Haendel, en six mouvements. Les cinq autres respectent le schéma académique usuel : vif-lent-vif pour les tempos.

Dans le premier Largo du concerto N°2 Lisa atteint un sommet de finesse et de spiritualité. Elle récidive dans le second Largo. Quelle régularité rythmique dans les trilles. Le troisième largo nous entraîne dans une rêverie dont on regrettera la brièveté. "La notte", ce largo à l'onirisme en forme de voyage astral justifie ma comparaison avec les arias les plus bienvenus de Bach.

Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée.

Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…


INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. 

Concerto no 1 en fa majeur RV 433

"La Tempesta Di Mare"

Concerto No 4 en sol majeur RV 435

1.        Allegro

2.        Largo

3.        Presto

13.     Allegro

14.     Largo

15.     Allegro

Concerto no 2 en sol mineur RV 439

"La Notte"

Concerto No 5 en fa majeur RV 434

4.        Largo

5.        Presto (Fantasmi)

6.        Largo

7.        Presto

8.        Largo (Il Sonno)

9.        Allegro

16.     Allegro Ma Non Tanto

17.     Largo E Cantabile

18.     Allegro

Concerto No 3 en ré majeur RV 428

 "Il Gardellino"

Concerto No 6 en G Majeur RV 437

10.     Allegro

11.     Tempo non indiqué (lent)

12.     Allegro

19.     Allegro

20.     Largo

21.     Allegro



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire