- "Et le dernier The Angels... Tu en penses quoi ? J'ai écouté quelques titres qui étaient pas mal du tout"
- "Qui ça ?... Mince ! Cela m'était sorti de l'esprit. Il faut dire que le prix prohibitif de l'album alors uniquement disponible en import, était des plus dissuasifs"
Mais bon, il n'empêche qu'un nouvel album des Australiens de Melbourne reste un petit évènement. Et si en Europe, le quintet n'a plus la côte qu'il avait dans les années 80, - voire jusqu'au début des années 90 -, dans le top trois (ou cinq) des groupes aussies, il demeure chez lui, en Australie, un incontournable poids lourd. Un groupe majeur soudé à l'histoire de la musique du pays, dont on salue toutes les manifestations - qui, forcément, ces derniers temps, se sont considérablement ralenties avec l'âge des acteurs principaux. C'est que cela fait tout de même un demi-siècle que le groupe officie (évidemment ponctué de quelques larges pauses - du groupe, mais pas forcément des musiciens), et les frères Brewster ont tous deux déjà dépassé les soixante-dix ans. 75 même pour John, depuis le 9 novembre dernier. L'année dernière, en 2024, ils ont effectué une tournée baptisée "On Tour 50", pour célébrer les cinquante années d'existence du groupe.
50 ans pendant lesquels le groupe gouta aux doutes, aux petits clubs miteux quasiment déserts, à la disette, au succès international, aux foules à perte de vue, aux joies, aux afflictions et déceptions et à la peine. La peine causée par le départ de compagnons de route, d'amis ; l'abattement, avec la maladie, puis le décès de l'irremplaçable "Doc" Neeson, et quelques mois avant, celui de Chris Bailey, alors qu'il avait bien entamé l'enregistrement du treizième opus.
Mais alors qu'on pouvait croire que The Angels profitait d'une semi-retraite amplement méritée, en se contentant de quelques régulières mini-tournées événementielles, après dix années de silence discographique, un quatorzième album voit le jour. "Ninety Nine". Avec un nouveau chanteur. Poste ô combien problématique pour la formation, tant il est complexe de trouver un digne successeur à Doc Neeson ; encore moins le faire oublier. Car si la personnalité de The Angels repose avant tout sur les guitares ciselées et tranchantes de Rick Brewster, le chant tendu et parfois théâtralisé de Neeson, alternant malicieusement humeurs survoltées et d'autres plus posées, faisait tout le sel de ce groupe fabuleux.
Ainsi, même si les deux précédentes galettes, "Take it to the Streets" et "Talk the Talk", sorties respectivement en 2012 et 2014, restent du heavy-rock aussie de haut niveau, l'absence de Neeson est préjudiciable. Malgré tous les efforts de Dave Gleeson qui s'en sort pourtant avec les honneurs. Et maintenant que ce dernier a préféré se consacrer entièrement au groupe qu'il a co-fondé, The Screaming Jets, il a fallu chercher un nouveau qui ne craindrait pas trop de supporter le lourd fardeau. Soit l'inévitable comparaison avec feu-Bernard Patrick Neeson.
Ce qui n'a pas dû prendre bien longtemps puisqu'il s'agit de Nick Norton. Oui, celui-là même qui officie aux fûts depuis la reformation de 2011. Rien de vraiment surprenant sachant que le gars est déjà connu chez lui pour être un multiinstrumentiste se produisant déjà régulièrement, depuis une vingtaine d'années, en solo ou en accompagnateur ; en tant que batteur, mais aussi en qualité de guitariste et chanteur. Il est aussi un habitué des studios Albert pour lesquels il offre ses services pour des sessions d'enregistrement, ainsi que pour l'écriture et la composition. De plus, avant même son intégration à la nouvelle mouture des Angels de 2011, il accompagnait déjà les frères Brewster en tournée - pour l'entité Brewsters Brothers -. Là, sur scène, il passait alors tranquillement de la guitare aux fûts tout en assurant plutôt deux fois qu'une au micro. C'est donc en toute logique qu'on a proposé à Norton de passer sur le devant de la scène. Sur l'album et sur scène, Nick empoigne occasionnellement sa guitare.
Mais les changements ne s'arrêtent pas là, car cette nouvelle mouture a la particularité de comporter un fort pourcentage de "Brewster" au m² (80 %). A tel point qu'on aurait pu rebaptiser la formation "Brewster Family Band", ou simplement The Brewsters. En effet, outre les deux originaux, les vétérans John et Rick, on retrouve encore Sam Brewster à la basse (dans la troupe depuis 2013), le fils de John, ainsi que Tom Brewster, frère de Sam, enrôlé pour prendre le tabouret vacant derrière les caisses. Néanmoins, sur l'album, Tom et Nick se sont partagés la tâche aux baguettes.
Mais alors... est-ce que cette quatorzième œuvre, sortie dix ans après la précédente, est toujours du "The Angels" pur jus ? A n'en pas douter, oui. Même si l'âge d'or du quintet semble loin derrière lui. Il n'empêche, les ingrédients propres au groupe sont bien là. Comment pourrait-il en être autrement puisque les frères Brewster ont toujours été les principaux architectes du groupe, et qu'ils continuent à l'être ? Quant à Norton, il est depuis son intégration un membre participatif dans l'élaboration des chansons.
Toutefois, comme stipulé plus haut, John & Rick ne sont pas nés de la dernière pluie, et, avec le poids de l'âge, ils ne semblent plus enclins à renouer avec la folie qui pouvait jaillir des albums d'antan. Seule la dernière cartouche, "Hue And Cry", met véritablement le feu, avec notamment l'harmonica bouillant et survolté de John B. Réponse quasi impérative après une petite suite de titres en demi-teinte.
Mais auparavant, le groupe, malin, démarre l'opus par une rafale de pièces des plus convaincantes. Du moins, celles paraissant avoir le plus d'affinités avec les épatants "Face to Face", "Darkroom" et "Night Attack". Alléchant ? La chanson éponyme lève le rideau sur un rythme relativement soutenu dans la lignée des master-pieces des albums susnommés ; Norton lui-même s'efforce de marcher sur les pas de Doc Neeson - cependant, sans la gnaque de ce dernier. "... Vous échangez votre gloire contre de l'or, les excès des banquiers, des cadres et des politiciens. Est-ce que cette merde vieillit ? Pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout ? Il n'y a pas de limite à la cupidité !". "Blue Winter", avec son voile d'orgue et un chant plus libéré et enthousiaste, va plus loin, ramenant le groupe dans une orbite qu'il n'aurait jamais dû quitter. Sur la lancée, "Heartbeats" préfère ne pas prendre de risque en reprenant les codes qui ont fait le succès du combo, avec des guitares incisives et détaillées, aptes à découper le granit, une section rythmique impassible, constituée d'une batterie quasi métronomique et une basse rude et assez groovy. Puis, "Follow the Red Thread" sort de la zone de confort, taquine avec classe la pop, et ressort pour l'occasion le saxophone autrefois tenu par Jim Hillbun - joué ici par Jode Brewster, de la formation Jazz Jode Brewster Quartet, et fils de Rick.
Cependant, après ces belles gargousses, ça rétrograde sec pour épouser un régime de confort qui évite de monter dans les tours, jusqu'à parfois tourner le dos à ce qu'on pourrait considérer comme des critères inhérents au heavy-rock. Ce qui pourrait légitimement en décevoir plus d'un. Le long (7 mn.) "Heart to Heart" s'aventure même dans une sombre ballade aux aspects gilmouriens, perdue dans une nuit de pleine lune où se dessinent des arbres nus et décharnés, nappés de brumes froides. Entre les arpèges aériens de John, les chorus et les traits de slide de Rick, le jeu des deux guitares y est particulièrement savoureux. "La lune traverse mon propre reflet, un trou noir dans mon esprit, face à face avec mon addiction, le mur du tunnel qui s'effondre passe lentement". Tandis que "Little Liars" se vautre dans une pop froide et rigide (avec Harry, autre fils de John, venu jouer de la gratte), proche de la "New Wave" des 80's, que "Style Over Substance" fricote avec le rock alternatif (dans un style imbibé de Rock aussie), et que "Escape" est parti se faufiler dans les trous perdus américains, les "petites villes" chères à John Mellecamp.
Il y a bien d'autres retours à du pur "The Angels" - chassez le naturel, il revient au galop -, avec "Into the Void", "Minor Truth (Log Live the Queen)" et plus encore avec "Under The Stone" (presque comme un ersatz de "Can't Shake It" noyé dans l'album "Stick and Bone"), mais il est certain que les "égarements" hors des sentiers battus - d'un style distinctif qu'on associe à The Angels -, risquent de décevoir les fidèles de la première heure. Les plus pointilleux pourraient même s'offusquer et, rageurs, les traiter de ramollis. Mais ce serait considérer comme "apocryphes" leur discographie des années 80, de "Watch the Red" à "Beyond Salvation" où les Australiens avaient déjà expérimenté divers courants, de la pop au funk (sans oublier leur premier essai de 1976 qui, certes, part dans tous les sens). Il est certain que si l'Irlandais fou, Doc Neeson, était encore de ce monde, il aurait pu offrir le mordant et l'expressivité à fleur de peau, (l'énergie ?), qui aurait permis à certaines pièces de s'élever. Pas sûr néanmoins qu'il aurait gardé sa voix, sachant qu'il aurait eu 78 ans le 4 janvier dernier...
En résumé, on ne peut nier, qu'en dépit de beaux sursauts, la dernière fournée de The Angels ne parvient pas avec renouer avec la teneur de leurs meilleurs albums. Cependant, cette mouture - ou la famille Brewster et Nick Norton - a réalisé un bon disque où les chansons qui, de prime abord, peuvent se révéler surprenantes, frustrantes ou faibles, se découvrent au fil des écoutes. Quoi qu'il en soit, comme tous les albums des kangourous de The Angels - mis à part le premier jet -, c'est un bon album (1). Et qui tient la dragée haute à bon nombre de réalisations de jeunes et fringantes formations encensées par la presse spécialisée.
(1) Les albums du groupe qui sont généralement considérés comme moyens ou passables, sont ceux qui souffrent peu ou prou de la comparaison avec les meilleurs. Le problème collant aux baskets des grandes formations, qui ont eu le tort de réaliser de grands disques de Rock...
🎶😇🐨
c'est un peu Dr Feelgood sans Lee Brilleaux ou Thin Lizzy sans Phil Lynott, je passe.
RépondreSupprimerC'est peu comme, effectivement, mais pas autant 😁
SupprimerLynott était la moelle épinière de Lizzy, son essence, et les divers essais de reformation du groupe ne valaient pas grand chose.
Probablement que les prestations étaient des plus sympathiques, mais les rares éditions live sont sans intérêts.
Quant à Lee Brilleaux... encore un gars difficilement remplaçable.
Sinon, ce The Angels, bien qu'inégal, tient la route. Même s'il est indéniable que Neeson manque.
J'ai un album "Face to face" : est-ce bien le même groupe ? Je ne suis pas assez "qualifiée" pour le juger, je l'écoute de temps en temps, j'aime bien.
RépondreSupprimerOui, tout à fait. Si ce n'est que des musiciens œuvrant sur "Face to Face", ils ne restent aujourd'hui que les frères Brewster.
SupprimerLe chanteur Doc Neeson est décédé en juin 2014, et le bassiste, Chris Bailey, en avril 2013. Tandis que le batteur, Buzz Bidstrup, 72 balais, a pris sa retraite.
Pour beaucoup, "Face to Face" fait partie des grands classiques des australiens, avec une grande majorité de classiques dont certains encore joués sur scène. Mais attention 😊, il existe deux versions : l'australienne de 1978 et celle de 1980 qui a faire connaître le groupe en Europe et en Amérique du nord qui regroupe le meilleur de deux disques du groupes. Soit des versions australiennes de "Face to Face" et de "No Exit".
Merci pour la réponse :) Lu sur la pochette intérieure, (quelqu'un m'a piqué la pochette cartonnée?), 1980.
SupprimerIl s'agit donc de la version européenne (et américaine ?). Celle qui avait alors mis en émois une bonne partie des amateurs de Rock fort 😀 Et qui permis aux Australiens de partir en Europe - sauf erreur, aux côtés de Cheap Trick et une autre avec Rose Tattoo ; pour les deux premières.
SupprimerJe ne suis pas un fin connaisseur de The Angels, donc je ne peux comparer avec leur gloire d'antan, mais franchement, il n'est pas mal du tout cet album ! Ca s'écoute très bien, les petits grains de "pop" n'ont pas de quoi faire hurler. On parlait de Thin Lizzy plus haut, il me semble que justement, par rapport à beaucoup de groupes estampillés "hard rock", ce qui différenciait la bande à Lynott c'était l'aspect très mélodique de leur musique, ça ne jouait pas bourrin (Status Quo aussi). Ok pour "Heart to heart", un début plutôt british pop (le départ lancinant comme un Oasis) et carrément gilmourien ensuite. Le dernier album de Deep Purple (qui ça ?) n'a quasiment plus rien à voir avec le hard speedé ou progressif, presque c'est du pop-rock bluesy, forcément plus pépère avec l'âge des participants, mais loin d'être honteux ou déshonorant.
RépondreSupprimerC'est bien le fond du problème. Cet album, et les deux précédents sont vraiment bons, et en dépit de l'âge des intervenants, ils font facilement de l'ombre à bien des groupes (rock) plus jeunes. Les Brewster ne sont pas là pour faire de la redite (même si, on peut déceler de part et d'autres quelques légères similitudes - c'est le style), ils ont encore de la matière.
SupprimerMalheureusement, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec Neeson, tant celui-ci participait à la personnalité des Angels, et aucun des deux derniers chanteurs ne parvient à le faire oublier.
effectivement, the Angels (ou Angel City) sont pour moi un des meilleurs groupes de hard en provenance des Antipodes avec AC/DC et Rose Tattoo. Juste derrière ce trio de tête, je trouve les Casanovas, Wolfmother, Airbourne et Cold Chisel.
RépondreSupprimerCold Chisel, encore un autre oublié, voire totalement méconnu, en dehors des frontières australiennes. Et qui dit, Cold Chisel, dit Jimmy Barnes ! 👍🏼
SupprimerLes Casanovas ne sont pas vraiment prolifiques (5 disques en près de 20 ans). Bad Reputation Records (le label français d'E.C.) s'en est visiblement entiché, distribuant leurs disques depuis "All Night Long" - leur meilleur.
Dommage qu'il n'en fasse de même avec The Angels, d'autant que leurs disques valent désormais un bras (pas intérêt à en flinguer un... 🥴)
Par contre, j'ai un peu de mal avec les Airbournes qui me paraissent un brin répétitifs et pas mal gueulards 😁
Sinon, dans le genre "groupes heavy / hard-rock" australiens, je conseille chaudement les 3 opus de Kings of the Sun. Ceux de 1988, 1990 et 1993.
(Ce qui est sorti lors de ce siècle - à partir de 2011 - est une version tronquée du groupe et ne tient pas la comparaison avec ces trois premiers disques)