Oui,
apparemment, The Angels est bien de retour sur la scène, et
impatient de prouver qu'il a encore les aptitudes pour rivaliser avec
ses pairs, plus jeunes de vingt ans.
La reformation et
le disque qui en résultait en 2012 n'étaient pas un
dernier et fier sursaut avant la retraite. En effet, dès
l'année suivante (ou presque) déboule, un nouvel opus : « Talk
the Talk ».
de G à D : Bailey, J. Brewster, R. Brewster et Gleeson |
La pochette,
de prime abord bâclée et repoussante, résume
néanmoins l'essentiel. Le logo en rouge sur fond noir et gris
saute aux yeux, attirant de suite l'intérêt de l'amateur
potentiel. Ensuite - et surtout - Rick Brewster s'expose fièrement
et impassiblement, guitare stratoïde en bandoulière, prêt
à faire résonner ses riffs tranchants, alors
qu'auparavant l'honneur était réservé à
Doc Neeson. Même pour « Howling » où
le groupe était présenté dans son ensemble, le
Doc était au premier plan. Seul « Live Line »
échappait à la règle (avec tout de même
l'image du Doc reflétée dans les lunettes de Rick)
ainsi que la compilation où l'on ne voyait que l'ombre de Rick
Brewster.
Le chanteur à
la forte personnalité qui faisait alors office de frontman et
de leader n'étant plus là, pour diverses raisons, et en
particulier de santé, c'est tout naturellement que Rick
Brewster prend les rênes. La pochette, sans ambiguïté, LE présente donc comme le leader du groupe.
Cette dernière
mouture pourrait même actuellement se rebaptiser Brewster's
Angels tant il y a dorénavant de Brewster au m² (3/5ème
du groupe).
« Talk
the Talk » aurait pu sortir plus tôt s'il n'y avait
eut les graves problèmes de santé de Chris Bailey et
par la suite son décès le 4 avril 2013. D'après
Nick Norton, le batteur, les premières sessions du matériel
qui allait constituer ce disque auraient débuté peu de temps après la
réalisation de « Take it to the Street ».
Ces premières sessions débutées en 2012, donc
avec Chris Bailey qui continua en dépit de la déclaration
d'un second cancer, non sans humour et optimisme. Sam Brewster, le fils de
John, l'accompagnait au studio, parfois pour l'aider...
jusqu'à ce qu'il doive, finalement, tristement, le remplacer.
De la sorte, on retrouve Chris Bailey sur cinq pièces, le
reste étant donc assuré par Sam.
de G à D : Rick, Dave, Sam, Nick et John |
Un disque
finalisé dans la douleur avec le décès de
Bailey, ainsi que les soins intensifs que dut impérativement
commencer Doc Neeson pour soigner sa tumeur au cerveau.
Pourtant, même
si deci-delà, on peut déceler un côté
sombre surgissant quelque fois à la surface, jamais le spleen
ne vient obscurcir les compositions. Derrière la morgue
faussement bravache et vraisemblablement crâneuse du Rock de
The Angels, surnagent toujours des émotions saines comme
l'espérance, l'optimisme, ...
« Talk
the Talk » s'inscrit dans la continuité des
classiques du groupe d'Adelaïde. A savoir « No
Exit », « Dark Room », « Night
Attack » et « Face to Face » (ce
dernier titre semble d'ailleurs faire écho au dernier né).
C'est pratiquement un retour total aux sources, au Rock droit et
tranchant qui avait tant fait son succès et sa réputation.
En ce sens, pas de crossover ou quoi que ce soit pour s'attirer les
faveurs des radios ou de MTV. La production est dépouillée
pour mieux servir le son droit, sec et mat du quintet, qui parvient
miraculeusement à sonner organique en dépit d'une
apparente raideur. Toutefois, malgré ses qualités, Dave
Gleeson ne parviendra jamais à effacer le souvenir de Doc
Neeson. On serait tenté de dire que c'est une évidence
tant le Doc avait une présence forte, indélébile
et marquante. En comparaison, Gleeson pêche par une voix plus
étouffée, une « gorge serrée »,
et une relative retenue. Mais inutile de faire la fine bouche car cet
acétate peut se présenter la tête haute devant
les albums mentionnés ci-dessus. Et puis Gleeson donne
l'impression d'être bien plus à son aise, plus naturel
et détendu.
Gleeson, Brewster, Brewster, Norton and Brewster |
Dès
l'entrée en matière avec le titre éponyme, le
décor est planté, on annonce la couleur : c'est du
grand « The Angels », assis sur des riffs de
tueurs-à-gages, précis et inébranlables, d'une
efficacité redoutable. Les Brewster Brothers alternent des
arpèges cinglants, tranchants comme un katana, avec des
power-chords redoutables, à l'exécution paradoxalement
chirurgicale mais non dépourvue de chaleur, soutenus par une
rythmique impavide. Des riffs édifiés sur l'interaction
entre deux grattes franches, crunchies, qui ne s'embarrassent pas
d'effet (peut-être un léger compresseur et une p'tite
overdrive pour les soli).
Et la pression ne
retombe pas pendant quatre titres de haute volée, avec au
passage un « Every Man » qui se marierait
plutôt avec le « Skin & Bones » de
1998, et clôturé par « Broken Windows ».
Superbe titre de Hard-blues limite boogie, sautillant comme un
kangourou en joie, mis en valeur par son chaleureux riff en picking
hybride, et ses traits d'harmonica irradiant d'électricité.
Soit quatre titres d'affilée de haut niveau
« Heart
of Stone », la cinquième piste aux accents de
Rolling-Stones fatigués, s'essouffle quelque peu.
On récupère
le temps de deux chansons en demi-teinte, pour reprendre avec le
virulent pamphlet contre l'aliénation mondiale à un
système politique économique impitoyable, « Nation
are Falling », empreint d'une sourde et froide colère,
mais qui ne libère pas cette dernière dans un déluge
sonore stérile mais plutôt dans une ambiance
boogie-hard-blues à la AC/DC. Un délice.
« You
Might make it » enchaîne avec les penchants
Punk-Rock d'autrefois. Du rock nerveux sur un rythme accéléré,
mais toujours canalisé, et un chant fébrile et tendu.
Et « Book of Law », une composition du fiston
Sam, fait appel à l'art du « riff-scalpel »
pour accompagner ce Rock qui aurait pu venir enrichir le répertoire
le plus nerveux des Cars.
Et « I
Come in Peace » résonnerait presque comme le AC/DC
de « Powerage », pourvu de refrains plus Pop.
Le final semble
s'abandonner à la morosité et la grisaille mais, dès
le premier refrain les premiers rayons de soleil font leur
apparition, et une lente lueur d'espoir fleurit progressivement,
nourrie de chœurs cordiaux, presque triomphants, et d'une guitare
lead résonnant sainement de licks bluesy enthousiastes. Un
simple et beau final.
Avec « Talk
the Talk », The Angels revendique un héritage
australien, mais surtout affirme un son, un genre, sa propre
personnalité.
- Talk the Talk - 4:59 (Brewster, Marcus Ahhern, Brewster)
- Got an Itch - 3:22 (Rick, Gleeson, John)
- Every Man - 5:35 (John, Norton)
- Broken Windows -3:52 (John, Gleeson)
- Heart of Stone - 3:42 (Rick, Gleeson)
- Got a Feeling 4:09 (Rick, Gleeson)
- Nations are Feeling - 4:18 (John, Norton, Rick)
- You Might Make it - 3:11 (Norton)
- Book of Law - 3:32 (Sam, Norton)
- I Come in Peace 4:12 (Rick Brewster, Ross Wilson)
- Personnal Thing - 4:39 (Rick Brewster)
- No Rhyme Nor Reason - 4:18 (Rick Brewster)
Rick Brewster - guitares
John Brewster - guitares, harmonica, chœurs
Dave Gleeson - chants
Chris Bailey - basse, chœurs - (sur pistes 1, 3, 7, 9 et 12)
Nick Norton - batterie, chœurs, chant / "Book of Law"
Sam Brewster - basse, chœurs, guitare solo / "Book of Law"
Autre article / The Angels : "Take it to the Streets" (2012)
Rick Brewster a été récemment
nominé dans le top 5 des meilleurs guitaristes australiens par
une revue de guitare du pays. Rick a été bien
évidemment flatté de cet honneur, et surpris de se
retrouver aux côté d'Angus Young (placé premier,
il me semble), sa principale influence, le guitariste qui lui a donné
envie d'en apprendre plus, d'être meilleur (mais dont le jeu de
scène n'a eu aucun impact sur lui). Pour mémoire, The
Angels a tourné avec AC/DC dès 1975, ce qui permit à
Rick de jammer avec Angus sur de bons vieux Blues.
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