Encore un vétéran qui n'a aucune intention de raccrocher. 78 ans pour mister Robin Leonard Trower et une trentaine d'albums au compteur - en comptant ceux de Procol Harum. Sans chercher à faire le buzz ou l'extravagance, mister Trower continue tranquillement son petit bonhomme de chemin en restant fidèle à sa politique musicale. Soit sans tricherie, sans édulcorants chimiques, sans bidouillages. Une musique sincère qu'il peut reproduire en toute intégrité en concert. Fidèle à sa direction musicale et à son matériel qui n'a guère évolué depuis les années soixante-dix. L'indéfectible couple entre la Fender Stratocaster et un double corps Marshall. Seul son petit kit de pédales d'effets a évolué avec un (solide) mariage avec la marque Fulltone dans les années quatre-vingt-dix.
Cependant, il faut bien admettre que les dernières productions du monsieur avaient un peu perdu de leur éclat. D'autant que le guitariste avait décidé de tenir seul le chant. Si des efforts notables ont été faits à ce niveau - Robin avait alors travaillé pour adapter son timbre à son registre -, il ne soutient pas la comparaison avec tous les chanteurs qui ont émaillé sa longue carrière. Il a voulu se faire plaisir, et en ce sens il a bien fait. Cela fait des années qu'il se contrefout de savoir . En tant qu'authentique musicien, uniquement mu par la passion, les notions commerciales sont pour lui une hérésie. D'ailleurs, s'il avait quitté Procol Harum, ce n'était pas parce qu'il avait pris la grosse tête (comme tant d'autres de ses collègues aveuglés par le succès), mais essentiellement pour pouvoir enfin enregistrer et interpréter ses propres compositions - refusées par son ancien groupe car inadéquates avec son registre. Conscient, il dit parfois avec amusement que pour assurer son compte en banque, il aurait dû rester avec le groupe de Rock-progressif (il fait aussi partie du groupe en 1991 mais ne s'éternise pas et, après l'album "The Prodigal Stranger" où sa guitare est honteusement écrasée par la batterie et les claviers, le quitte l'année suivante). Depuis les années 90, les portes des charts lui sont inaccessibles, et les disques d'or ne sont qu'un lointain souvenir. Mais il ne regrette absolument rien, sachant prendre la vie du bon côté, heureux d'être encore en forme malgré son âge, d'avoir encore les compétence pour composer et jouer. De pouvoir encore enregistrer des disques et faire des concerts. Il n'en demande pas plus. Modeste, il ne dit pas qu'après son départ, et après un dernier succès avec le pompeux "Grand Hotel" de 1973, Procol Harum tombe dans un rapide et irréversible déclin.
Pour la première fois - sans aucune pression d'associations faisant du wokisme leur cheval de bataille -, Trower s'allie les services d'une dame. En l'occurrence, ceux de Sari Schorr. Une ancienne choriste qui a travaillé pour Popa Chubby, Joe Luis Walker, Warren Haynes, Taj Mahal, Keb Mo', Carly Simon et Walter Trout, et qui, poussée par Mike Vernon, a entamé une carrière solo en 2015. Grâce au support du producteur quasi légendaire, la New-yorkaise enregistre deux albums qui parviennent à se faire remarquer par les amateurs de Blues-rock robuste et charnu. Son album live de 2020, "Live in Europe", témoigne d'une chanteuse manifestement plus à l'aise sur scène qu'enfermée dans un studio.
Son apport est des plus opportuns car il atténue un lourd spleen qui imprègne cet album. Un Blues relativement lourd, moite et boueux, paraissant transpirer les maux et les déceptions accumulés au fil des ans. Pas de morceaux vraiment enlevés dans cet album qui privilégie les tempi lents, entre slow-blues nimbés de scories jazzy et ballades baignées dans un brouillard épais de peines et de détresse. Toutefois, en dépit de son titre, « Joyful Sky » n'est pas un album particulièrement réjouissant - ensoleillé - qui s'écoute à la légère ou pour se donner de l'entrain. Il pourrait même être carrément déconseillé aux déprimés. L'album peut d'ailleurs nécessiter quelques efforts pour s'apprécier, les premières écoutes pouvant s'avérer déstabilisantes, même pour un aficionado du guitariste. D'autant que la première partie cumule les pièces les plus fangeuses.
Ce n'est qu'à partir de la cinquième pièce, avec « Change It », qu'on change un peu d'humeur en allant tâter d'une forme de Soul 70's. Élan stoppé par la chanson éponyme cultivant une atmosphère dramatique, avec des accords – coïncidence ? - échappés de la formidable musique de la série « The Persuaders » composée par John Barry. Finalement, ce n'est que sur la fin que Trower renoue avec son heavy-blues volcanique avec « The Circle is Complete » (qui aurait bien pu être un truc repêché des sessions de "Victim of the Fury") et « Flatter to Deceive ». Moins éruptif qu'auparavant, c'est plus nonchalant – un peu comme si l'âge l'avait tout de même fait accuser le coup. On pourrait aussi incorporer dans le lot "Need For You", qui est un simple heavy-blues aux légères vapeurs psychédéliques.
"Joyful Sky" est complétement à l'opposé des disques de Blues-rock tonitruants. Sari Schorr se garde bien d'en faire des caisses ; jamais elle ne cherche à se faire valoir en se mettant en avant, ou en dérapant avec des vocalises de "bêtes à l'agonie". Tandis que Sir Robin Trower paraît jouer à l'économie - less is more -, cherchant seulement la note et le timbre justes, qu'il s'efforce de faire vivre, vibrer.
Les avis et impressions sur cet album restent partagés, toutefois cette collaboration a permis à Robin Trower de renouer avec le billboard où l'album - aux USA - est parvenu à se placer en pole position des charts "Blues" à la fin de l'automne dernier.
*** Le matos de mister Robin Leonard Trower :
Outre ses indispensables Fender Stratocaster (dont des modèles signature - voir ci-contre) et ses amplis Marshall, un petit lot de pédales est indispensable à l'élaboration de son son particulièrement organique et identifiable. Quasiment une marque déposée, certes initialement inspiré du travail d'Hendrix, souvent imitée, jamais égalée. D'ailleurs les bonnes reprises de Trower se comptent sur les doigts d'une main (ou deux). Depuis donc les années 90, il reste fidèle aux effets de la marque Fulltone. Il est probablement l'un des premiers artistes reconnus à s'enticher de la marque américaine, l'une des pionnières en matière de pédales boutiques. Créée en 1993, c'est l'année suivante que Trower découvre les boîtes magiques et s'en entiche. Le fondateur, Michael Fuller, travaillera personnellement avec Robin pour des effets répondant à ses attentes. Ainsi, Trower a beaucoup fait pour populariser la marque, notamment à travers la célèbre overdrive OCD. Dans une moindre mesure, sa notoriété mettra en lumière les Wah-wah Clyde et univibe Deja'Vibe, Occasionnellement, son set s'est paré d'une Soul Bender, d'une disto '69, d'une Plimsoul et d'une Full-Drive Mosfet (toutes de la marque Fulltone). Sans oublier la WahFull, une wah-wah fixe pour répondre à une demande de Trower (à l'époque où il avait retrouvé Jack Bruce, pour disque et tournée). La marque a fini par réaliser une pédale d'overdrive signature : la Robin Trower Overdrive. Malheureusement, alors que pour des effets boutiques, Fulltone restait relativement abordable, depuis que son fondateur et président, Michael Fuller a décidé de passer à autre chose, ses prix se sont envolés.
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