En ce début d'année 2007, une belle surprise arrive pour tous les amateurs de Blues-rock raffiné, trempant naturellement, sans a priori dans le Rock dur et une forme de psychédélisme maîtrisé hérité des 70's. Messieurs Jack Bruce et Robin Trower ont remis le couvert. Plus d'un quart de siècle après leur première collaboration, un disque sort avec leurs deux noms respectifs.
Seulement de l'eau a coulé sous les ponts, et en conséquence les deux musiciens ont déjà dépassé la soixantaine (64 ans en mai 2008 pour le premier et 63 en mars pour le second). La question qui se pose est est-ce qu'ils ont encore la ressource de composer quelque chose d'intéressant. Ou encore est-ce que leur association peut être fructueuse ?
La réponse est positive. Cependant, en toute objectivité, il ne faut pas s'attendre à retrouver la quintessence de ce que les deux hommes ont composé et fait de mieux. "Seven Moons" est un très bon disque, ce qui ne signifie pas pour autant que l'on y retrouve des pièces du gabarit de "Too Rolling Stone", "Daydream", "I Can't Wait Much Longer", "Pride", "It's Only Money", "In This Place", "Bluebird", "Messin' the Blues", "Alethea", "Victims of the Fury", "Sweet Wine of Love", "Man of the World", "For Earth Below", ou même "Whiskey Train" etc, etc. Ou bien "Sunshine of Your Love", "The Doctor", "As You Said", "To Isengard", "We're Going Wrong", "White Room", "November Song", "Slow Blues", "Never Tell Your Mother She's Out of Tune", "He the Richdmond", "Victoria Sage", "David's Harp", "Theme for An Imaginay Western".
Quel florilège de chefs-d'oeuvre ! Le niveau est tellement haut. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour passer à côté de cet album.
Tout d'abord, il s'agit réellement d'une rencontre où les deux styles de ces artistes fusionnent en pure osmose et où le respect mutuel est palpable. Ensemble, ils réalisent un disque ressuscitant les périodes dorées de chacun ; celle de Cream pour Jack Bruce avec quelques incursions dans sa carrière en nom propre, et celle millésimée 70's pour Robin Trower, Néanmoins, post-"Brigde of Sighs"; Il y a parfois des sommets que l'on ne gravit qu'une fois dans sa vie.
D'un côté, il y a la voix de Jack Bruce, qui, même si elle a évidemment vieilli, est toujours mélodieuse, et son jeu extraordinaire de basse, plus serein et moins démonstratif qu'auparavant. De l'autre, la guitare « Hendrixienne », flamboyante et ardente, gouaillante et expressive, de Robin Trower.
Forcément, parfois l'affiliation est flagrante avec "B.L.T.", le disque de 1981 regroupant déjà Jack et Robin, ainsi qu'avec "Truce", qui retrouvait pour l'occasion Reg Isidore, le batteur du rugueux "Twice Removed from Yesterday" et surtout du fantastique "Bridge Of Sighs".
Cependant, la Fender Stratocaster est désormais bien moins chargée d'effets de Wah-wah et d'Univibe. Un petit regret car Trower n'a pas son égal - seulement quelques talentueux repreneurs - pour marier sa guitare à ses effets et pour en faire une entité éloquente et touchante. A croire que c'est lui qui a conçu des effets comme le phaser, la wah-wah ou l'univibe.
Cette nouvelle rencontre entre ces deux icônes évolue dans le format power trio. Et puis, a-t'on déjà vu Trower dans une autre configuration depuis qu'il a quitté Procol Harum où il étouffait ?
Pour se faire, Bruce a fait appel à un fidèle compère des années 90, Gary Husband (John McLaughlin, Allan Hodlsworth, Billy Cobham, Mike Stern, Level 42, Juicy Lucy, Gary Moore). A l'origine, c'était ce dernier qui devait faire partie du projet sous haute-tension réunissant Gary Moore et Bruce, mais, devant déjà honorer un engagement avec Billy Cobham, le lunatique Ginger Baker prit sa place.
Par la suite, ils se retrouvent autour du guitariste Clem Clempson (Bakerloo, Colosseum, Humble Pie, Alice Cooper, Rough Diamond, Jon Anderson).
Lorsque l'on connait la carrière des deux leaders du projet, on peut être certain que leur recrutement n'est pas hasardeux. En effet, Gary Husband est un monstre sans limite, apte à s'installer confortablement dans n'importe quel style. Et à donner des complexes aux marteleurs de fûts. Un gars très demandé, au point où il y est courant qu'il participe à trois ou quatre disques dans une seule année, en sus des tournées et de sa carrière solo. Et comme si cela ne suffisait pas, il est également pianiste.
Il n'y a rien eu de commandité à l'origine de ce projet. Les deux amis évoquaient seulement entre-eux la possibilité de remixer leurs deux albums en commun ; à la suite de quoi, Jack Bruce propose de composer une paire de nouvelles chansons pour les insérer à la réédition. Sur ce, la magie opérant toujours, les morceaux arrivant sans heurt ni aucune difficulté, ils continuent sur leur lancée avec au final de quoi remplir un album.
Bruce, encore enflammé par la réunion éphémère de Cream de 2005 et les quelques concerts qui en découlèrent, avait repris goût à la scène. Clapton et Baker ne souhaitant pas poursuivre, il est allé voir son copain, Robin, au cas où il ne serait pas réfractaire à l'idée de reprendre leur collaboration là où ils l'avaient laissée en 1982.
Tous les titres, excepté le dernier, sont bons et, sans en atteindre le niveau d'antan, on pense parfois à des enfants de « In City Dreams », ou de « Twice Removed from Yesterday », ou encore, dans une moindre mesure, de « Disraeli Gears ». Des enfants qui n'ont certes pas la maturité de leurs parents mais qui ont suivi leurs préceptes. Cependant, probablement une conséquence de l'humeur de l'époque, ils s'égayent dans un environnement nettement plus sombre. De plus, ils accusent de moins fougue et d'ardeur. Vraisemblablement la triste conséquence du poids de l'âge. En comparaison, ils pourraient paraître un tantinet apathiques. Du Heavy-blues-rock psychédélique porteur d'un flegme britannique.
La chanson éponyme, par contre, est à mettre au palmarès déjà fourni des classiques des deux artistes. De plus, elle est la parfaite représentation de la fusion de leur signature stylistique. Et le solo de Trower, tout en atmosphère planante, est à mettre au crédit de ses nombreuses grandes réussites.
Autre cas de fusion, "Lives of Clay" qui est allé piquer quelques briques au célébrissime "Politician" pour édifier une nouvelle critique sociétable ; celle de l'appauvrissement totale de la Terre.
On y retrouve aussi ces singuliers slow-blues entre féerie, émanations de flux de magie, et volutes d'encens dont Trower a le secret. La perle "Just Another Day" en est le plus bel exemple, avec un Jack Bruce émouvant, au bord de la fêlure.
Simplement du pur blues aussi avec "Come to Me" où le fantôme d'Hendrix adoube la réunion, et
avec "Bad Case of Celebrity", dans le genre Chicago-blues. Le poids de la célébrité.
Des morceaux un peu plus énergiques, à l'écart de toute agressivité gratuite, avec "So Far to Yesterday" au tempérament proche de ... "Twice Removed From Yesterday" ; « Perfect place » qui présente des similitudes dans la rythmique avec le « Killers » d'Alice Cooper (sur l'album de 1971 du même nom ⇰ lien ), mais aussi dans l'intonation du chant des couplets (emprunt ou coïncidence ?) ; "The Last Door" qui passe la cinquième avec un Bruce vénère ("Ce qui a été perdu de la conscience ... Le temps n'a pas effacé la mémoire, seulement la peur de ce que tout cela en coûte ... et tous ne croient en rien de vrai. Ce qui a été perdu de la conscience consciente ! ")
Ainsi qu'avec "Lives of Clay" (déjà mentionné plus haut)
L'enregistrement sobre, pratiquement « live », ne comprenant ni chœurs, ni claviers ou autre accompagnement, tranche justement avec ces albums mythiques énumérés, mais on ressent toujours cet esprit de liberté, désirant créer sans complexe des blues cosmiques, hallucinés et habités.
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excellent disque c'est sûr , le live "Seven Moons Live" qui a suivi en 2009 est un parfait complément puisqu'il reprend 8 titres de "seven" plus quelques classiques de Cream .
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