Bibi, Liv et Ingmar |
On
ne va pas se mentir, le maître suédois - pas Bjorn Borg, l’autre - n’est pas
aussi fun et glamour que Michel Lang, Patrick Schulmann ou Max Pécas, pour ne citer que quelques-uns
de mes metteurs en scène préférés. On va en parler quand même, d'Ingmar Bergman, et carrément
avec un de ses films les plus ardu, complexe, déroutant, expérimental.
PERSONA
a été tourné en 1966. Il a été écrit très vite, alors que son auteur est à
l’hosto, malade, et craignant sa carrière finie. Elle sera au contraire relancée
suite au succès du film. Deux infirmières se succèdent au chevet du cinéaste qui remarque leur ressemblance physique. Ca lui donne une idée, qu’il relie à la
doctrine du psychiatre Carl Gustav Jung. A savoir : l’homme est dualité, il y a une face publique, ce qu’on montre, le masque extérieur, et puis l’intime,
la psyché, qu’il appelle l’âme.
Et je vous le donne en mille ? Comment on dit masque en latin ? Persona. Et comment s’appelle le film ? (fastoche, c’est écrit plus haut). Et comment on dit âme ? Alma. Et comment s’appellent les deux protagonistes ? Elisabeth et… Alma.
L’Histoire : Elisabeth
Vogler est comédienne de théâtre qui perd sa voix en pleine représentation. Envoyée
à l’hôpital les médecins lui prescrivent du repos. Elle partira donc sur l’île
de Faro accompagnée d’une infirmière : Alma. Elisabeth, c’est Liv Ullmann,
et l’infirmière est jouée par Bibi Andersson, un p'tit air de Jean Seberg. Chacune ont tourné (et vécu) avec
Bergman de nombreuses fois. Deux très belles comédiennes qui ont effectivement
un air de ressemblance, notamment dans les profils, que Bergman se plait à
filmer comme des ombres chinoises. Liv Ullmann n’a pas beaucoup de dialogue (et
pour cause) au contraire de Bibi Andersson. Car plus la première s’enferme dans
son mutisme, plus la seconde parle, de tout, ses impressions, sa vie, ses
angoisses, ses amours. « Tu es la première personne qui m’écoute »
lui dit Alma. Elisabeth ne répond pas, ne l’interrompt pas, lui laisse le champ et la parole libre. Mais les silences sont font pesants. Quand Alma en viendra à détester
Elisabeth, elle lui hurlera au contraire : « Mais parle-moi !! ».
Alma
se confie, en dit beaucoup sur elle. A ce propos, cette scène magnifique où elle
raconte un souvenir érotique (une plage, une autre femme, nue, deux jeunes voyeurs, désir, exhibition) un très long monologue pudique et cru à la fois. Un sommet d’intimité,
bouleversant, excitant, alors que ce ne
sont que des mots.
Alma intercepte
une lettre d’Elisabeth à son médecin, évoquant sa convalescence et la présence bavarde de son
infirmière. Alma comprend alors qu'elle est plus un sujet de curiosité et d'observation, qu'une amie ou confidente. Les
relations entre les deux femmes vont se détériorer, Bergman renforce les nuances noires de ses images, Alma glisse vers la méchanceté, la jalousie, la folie…
Mais alors pourquoi PERSONA est-il si déroutant ? Moins par son propos que par sa forme. Et ce
prologue de 6 minutes, montage dadaïste halluciné, images stroboscopiques, une lampe à
arc de projecteur de cinéma qui s’allume en très gros plan, défilement de
pellicule (image récurrente du film, elle défile, se casse, brûle), télescopage d’images presque subliminales (oui oui, il y a bien un sexe en
érection qui passe à l'écran !), un mouton égorgé (on pense au CHIEN ANDALOU de Bunuel), les viscères à l’air, un dessin animé
humoristique... Et soudain, comme ressuscité d'une morgue, un jeune garçon se relève
d’une table d’opération, et caresse un visage de femme projeté en gros plans (Liv Ullmann).
Générique,
puis ce décor d’hôpital, immaculé, murs blancs, draps blancs. Bergman abat le
quatrième mur, la distance entre sa caméra et l’action est grande, le
spectateur a l’impression de regarder une pièce de théâtre, assis au dernier
rang. Le film est une somme d’images magnifiques, cadrages, lumières,
contrastes maximum ou au contraire voile diaphane, à la limite de l’abstrait,
parfois. Une première partie dominée par le blanc, quand la seconde
s’assombrit, robes et lunettes noires, ombres des rochers sur la plage…
Scène
célèbre, ce ballet de visages, Elisabeth caressant les cheveux d'Alma, lui effleurant la nuque des lèvres (comme un vampire s’apprêtant à
sucer le sang de sa victime) en longs fondus enchainés. Les visages se
troublent, qui est qui, qui fait quoi ? Puis, idée géniale de simplicité, la
juxtaposition des deux demi-visages des actrices, qui n’en formeront plus
qu’un. Les deux femmes ont fusionné. Bergman multiplie les audaces, les
challenges techniques (le visage de Liv Ullmann s’enfonçant dans l’ombre jusqu’à
ce que ses pupilles ne soient plus que deux têtes d’épingle lumineuses), son
film s’apparente à un dédale mental que devraient apprécier les amateurs de David
Lynch, ceux de MULHOLLAND DRIVE notamment, avec là aussi deux femmes qui
semblent n’en faire qu’une.
Je
vais être franc. Le film désoriente. On ne sait pas bien de quoi nous sommes
témoin : transfert, métamorphose, cannibalisme psychique… Sur la fin, le
même dialogue est montré deux fois, sous deux angles de caméra différents, pour
chaque point de vue des personnages. En ce sens, PERSONA est un film absolument
fascinant, mais extrêmement déroutant aussi. Passé le prologue, qui déjà peut
en rebuter plus d’un, il peut même ennuyer. Bergman n’est pas dans la narration
"classique", il rappelle le travail d’Alain Resnais, autant que sa
sophistication formelle. Il crée réellement une nouvelle forme de cinéma,
pousse l’expérimentation et les fulgurances picturales. On peut ne rien y piger et pourtant l'apprécier, voire, l'adorer !
PERSONA d'Ingmar Bergman (1966)
noir et blanc - 1h20 - format 1:1.37
Pas vu celui-là, enfin je crois pas ... c'est sûr que Bergmann c'est pas de la comédie légère, c'est un austère, du cinéma janséniste ...
RépondreSupprimerpas toujours captivant, mais quand même une poignée de films irréprochables, esthétiquement et narrativement, même si c'est vrai faut s'accrocher pour suivre ...
le coup des deux actrices qui se ressemblent, ça arrive souvent chez lui, ne serait-ce qu'avec Ulmann et Andersson, elles ont du tourner trois mille films ensemble avec lui ...
sinon le maître suédois c'est incontestablement zlatan ibrahimovic ...
Zlatan qui ? Ah oui, le mec qui est venu travailler chez nous, un temps, a pris 200 millions de boules, pour nous expliquer qu'on est tous de cons ? Je vous, oui, je vois...
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