dimanche 26 octobre 2014

Jack BRUCE (14.05.1943 - 25.10.2014) RIP

photo présentée sur son site officiel, avec sa Warwick Signature.


Jack Bruce... Jack Bruce, une des références ultimes de la basse des années 60 et 70, au point où tous les amateurs de la musique de ces décennies le connaissent forcément.
Jack Bruce, l'homme qui participa à l'explosion des carcans du Blues avec le power trio Cream ; et qui, par la même occasion, redéfinit la place de la basse au sein des formations Blues et Rock.
Jack Bruce, l'homme qui insuffla la passion de la quatre cordes à tant de bassistes, dont bon nombre, à leur tour, devinrent également des références en la matière.
Jack Bruce, ce musicien qui prouva que, pour un peu que l'on ait du talent et une maîtrise de la scène, l'on pouvait faire de l'ombre aux guitaristes les plus brillants et égocentriques avec un instrument normalement attribué à la rythmique (sauf dans le Jazz).
Ce Jack Bruce là, est décédé le 25 octobre 2014, à l'âge de 71 ans.

Avec Cream avec la Fender Bass VI


     John Symon Asher Bruce, né dans la banlieue de Glasgow, à Bishopbriggs le 14 mai 1943, passa une enfance légèrement mouvementée avec des parents qui voyagèrent beaucoup. Il fréquenta ainsi quatorze écoles différentes avant d'intégrer l'académie de Bellahouston puis la Royal Scottish Academy of Music où il obtint une bourse pour violoncelle et composition. Il quitta tout pour partir à Londres à l'âge de 16 ans. Là, précocement, il gagna déjà une certaine réputation locale, notamment en rejoignant le fameux Alexis Korner's Blues Incorporated (où jouait aussi un certain Charlie Watts et où un très jeune Michael Philip Jagger  fit ses premières prestations scéniques). 
Aux débuts des années 60, il joua également un temps avec John Mayall et Manfred Mann avant de fonder, avec Eric Clapton et Ginger Baker un des trio qui demeure, encore aujourd'hui (hyperbole?), un des plus influents et des plus emblématiques de la planète. Ahmet Ertengun ne s'était pas trompé en les signant sur son label Atlantic et en leur laissant le champ libre. Ce fut, en deux ans seulement, 35 millions d'albums écoulés, et le double album « Wheels of Fire » fut le premier disque de platine (sachant que les quotas pour ce genre de distinction était bien plus élevé qu'aujourd'hui). La majorité des chansons étaient écrites par Jack (parfois avec l'aide de Pete Brown) dont les succés "White room" et "Sunshine of your love". Il demeure  d'ailleurs pour beaucoup le meilleur compositeur du trio. 

     La basse de Jack dénotait déjà par rapport aux productions d'alors. Bien qu'encore très jeune (23 ans à l'époque du premier opus, « Fresh Cream »), il surprend par un jeu à la fois puissant, fluide et précis. Bien que pour ce premier essai, et par le choix du répertoire son jeu était foncièrement Bluesy, il transpirait déjà l'influence de la liberté du Jazz et, un peu paradoxalement, de la rigueur de la musique classique. Héritage évident de son enseignement classique et du violoncelle. Il dira plus tard que Jean-Sébastien Bach avait écrit les meilleures lignes de basse jamais composées. Il revendiquera l'influence de Charlie Mingus et de James Jamerson. Sa basse omnisciente et puissante, aimant s'imposer, tranchait avec sa voix plus fragile. Toutefois, elle savait faire preuve de suffisamment de coffre pour s'ériger dans un milieu Rock, sans pour cela devoir forcir le trait outre mesure, et cela sans agressivité. Un timbre singulier, comme hérité d'un barde, d'un poète antique, qui aurait franchi les siècles et aurait enrichi son vocabulaire au son du Jazz et de la Pop.
En mai 2005, lorsque le groupe se reforma pour une série de concerts au Royal Albert Hall de Londres, toutes les soirées furent « sold-out ». Preuve que la popularité de ce groupe des sixties avaient traversée des décennies sans perdre de sa superbe. Ils s'étaient réunis, exceptionnellement, en 1993, pour la cérémonie d'intronisation du trio au Rock'n'Roll of Fame.
Avec sa fameuse basse SG, et Leslie West.

     Malgré le fait qu'il n'a jamais pu renouer avec un succès approchant celui de Cream, Jack Bruce garda à jamais sa renommée. Une renommée qui fut entretenu par une carrière intéressante, des concerts de qualité qui était parfois un subtil résumé de son travail passé, mais aussi par un grand nombre de musiciens qui n'a jamais cessé de s'en référer, et de vanter ses mérites.

     Ses albums solo furent généralement acclamés par la critique (surtout les premiers, « Songs for a Trailor », « Out of the Storm », et « Harmony Row »), mais pas toujours suivis par le public qui souhaitait retrouver l'effervescence de Cream. Des albums solo qui révèlent plus que jamais ses talent de multi-instrumentiste (outre la basse, Jack jouait du violoncelle, du piano, de la contrebasse et de l'harmonica) et de compositeur éclairé et éclectique. Ce qui fut presque le cas lorsqu'il fonda un nouveau power trio avec Leslie West et Corky Laing ; deux orphelins de Mountain traumatisé à jamais par le tsunami Cream. Deux très bons disques de Hard-blues naquirent de cette expérience. Malheureusement, les égo sur-dimensionnés, exacerbés par l'alcool et la drogue, mirent fin à cette aventure prometteuse. Et sur scène, on reproduisit les mêmes erreurs en frôlant parfois le chaos avec des pièces étirées au possible par des soli à n'en plus finir qui pouvaient s'apparenter à une foire d'empoigne où chacun essayer de tirer la couverture à lui. Du gâchis. Après le naufrage de West, Bruce & Laing, il lâche un temps les décibels pour se tourner vers le Jazz en enregistrant avec Michael Mantler (« No Answer »). Parallèlement à sa carrière solo, ses collaborations à divers groupes Rock, Jack Bruce participera dorénavant à divers groupes et projets Jazz, notamment avec Carla Bley (un temps avec Mick Taylor) et Kip Hanrahan.


Basse fretless Warwick

     En 1981, c'est le retour, encore une fois, à la formule du trio. Cette fois-ci avec le bouillonnant Robin Trower qui venait de perdre son formidable bassiste chanteur James Dewar. Bien que le fruit de cette rencontre, baptisé « B.L.T » (les initiales des trois musiciens et aussi le nom d'un sandwich américain), soit présenté comme un disque de Robin Trower, les noms de Jack Bruce et de Bill Lordan (le batteur) sont imprimés sur la pochette verso, juste au dessus de celui de Trower. Le bon accueil que reçu cet opus permit un second essai, enregistré dans la foulée (avec le retour provisoire de Reg Iisidore, le premier batteur de Trower).
Jack Bruce s'implique bien plus sur « Truce » que précédemment, mais ne renouvellera pas l'expérience. Jusqu'en 2008, où cette fois-ci, les deux amis s'allient sous leurs deux noms pour réaliser un séduisant disque de Blues-rock sobre avec « Seven Moons ». Un album live suivit. Ce sera sa dernière escapade en trio.
 Quinze ans auparavant, il y eut B.B.M. Un groupe hélas éphémère où il renouait avec son ancien compère de Cream, Ginger Baker. Gary Moore y tenait la place de guitariste (très certainement un vieux rêve pour ce dernier). Le disque se vendit assez bien et resta près d'un mois dans les charts anglais (atteignant la 9ème place) mais les relations entre Ginger Baker et Gary Moore (deux caractères de cochon) se détériorant rapidement, l'aventure prit fin l'année même de la parution du disque (en 1994). Néanmoins, Bruce retrouva en quelques occasions l'irlandais pour quelques jam sur le répertoire de classiques du Blues, de Cream et de B.B.M.

     En 2003, on lui diagnostiqua un cancer du foie, qui l'obligea à mettre ses activités en stand-by. Jusqu'à la reformation provisoire de Cream pour une série de concerts (peut-être déclenchée par la nouvelle de sa maladie et l'incertitude).

Généralement apprécié par ses pairs, il participa à quelques collaborations (parfois pour un titre, sur scène ou en studio). Il joua avec Ringo Starr dans son All Starr Band, mais aussi John McLaughin, Buddy Guy, Lou Reed (sur "Berlin"), Uli Jon RothGraham Bond, Frank Zappa ("Apostrophe"), Mick Taylor, Jimi Hendrix, Michael Schenker, Glenn Hughes, John Cage.

C'est en mars de cette année que sorti le dernier disque de Jack Bruce : « Silver Rails ».

     Jack Bruce est décédé à son domicile, dans le Suffolk, entouré de sa famille ; épouse, enfants et petits-enfants.
Ce samedi 25 octobre 2015, un grand musicien et compositeur a quitté ce monde. Un musicien sans frontières, qui pouvait aussi bien être à l'aise dans des ambiances Blues, Jazz, Heavy-rock, folk, sans aucun a priori.
Rapidement, dès l'annonce de son décès par la famille, le net a été inondé par un flot continu de divers hommages (des textes comme des vidéos). 

     En hommage à sa mémoire, on écoutera, religieusement, « Disreali Gears », «Harmony Rows », « Why Don't Cha », « Truce », « BBM », "Seven Moons" et son dernier, « Silver Sails ». Et pour les insomniaques, un petit DVD du concert au Royal Albert Hall de 2005.

Les débuts de Cream (avec des tenues alors plus sobres) ; puis Cream, le 25 novembre 1967, "We're Going Wrong"
Avec Chris Spedding ; puis "Theme For An Imaginary Theme", une composition attribuée au groupe Mountain (album "Climbing !"), mais composé par Jack Bruce et Pete Brown (et présent sur "Songs for a trailor" de 69). Cette version, en hommage à Félix Pappalardi, ancien producteur de Cream et bassiste-chanteur de Mountain qui la chantait, est interprétée par Jack Bruce. Jack l'interprétait parfois seul au piano.


B.B.M. et  "The Last Door" de l'album "Seven Moons" de Robin Trower & Jack Bruce


Article concernant Jack Bruce :
West, Bruce & Laing "Why Don't Cha"

7 commentaires:

  1. Réponses
    1. Comme tu dis, HRT.
      Enfin, voilà un gars qui a eut une vie bien remplie.

      Supprimer
  2. "Jean-Sébastien Bach avait écrit les meilleures lignes de basse jamais composées"
    Je suis sensible à cette remarque qui prend tout sons sens quand, de mémoire, j'entends la basse "continuo" (dont des violes de gambe et contrebasse) dans la plupart des concertos pour instrument ou groupe d'instruments : violon(s), clavier, suites pour orchestre,concertos brandebourgeois... Les bonnes trouvailles traversent les siècles...
    Condoléances à mes amis rockers.... Je ne connaissais pas cet artiste...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. à savoir que Bach a été pendant longtemps une référence pour de nombreux musiciens d'obédience Rock ou Pop ; à commencer par les Beatles.

      Supprimer
  3. Je suis tombé il y a un an ou deux, sur un concert filmé du groupe Spectrum Roads. A la basse, Jack Bruce, à la batterie, une dame, Cindy Blackman (Mme Santana)... Sorte de jam jazz rock fusion incroyablement libre, où là encore son jeu était très loin de la rythmique classique. Comme la batterie de Cindy Blackman, qui faisait feu de tout bois, il y avait tout simplement quatre solistes sur scène ! Je crois qu'ils ont sorti une paire de disques, vers 2010...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mmmm... cela parait intéressant. Spectrum Roads était un groupe réunissant donc Jack Bruce, Cindy Blackman (ex-drummeuse chez Kravitz), Vernon Reid (ex-Living Color) et John Medeski (pianiste de Jazz et de Funk qui a joué avec John Scofield). Ce groupe est apparemment passé inaperçu (du moins pour ma part).
      J'avais vu il y a quelques temps, sur la chaîne Mezzo, un concert de Jazz où officiait Mme Blackman-Santana ; elle y était phénoménale.

      Supprimer
    2. Je pense que nous avons vu le même concert... Et c'est sur mezzo que j'avais aussi découvert Spectrum Roads. Ce qui m’avait incité à aller voir un peu plus loin, et découvrir ce groupe (ce "collectif" ??) qui visiblement ne s'est réuni que pour le plaisir de jouer, en toute liberté... Jack Bruce, la classe ultime, dans son maintien, et son jeu. Je me souviens (est-ce avec Spectrum ?) de Cindy Blackman, en concert, abandonnant les fûts pour ne jouer qu'en frappant ses cymbales, avec une force, une rage, incroyable, et en plus, elle chantait !

      Supprimer