Kings of the Sun était un doux vent de fraîcheur venu des antipodes, d'Australie. Ouais, là-bas aussi, ils peuvent avoir d'la fraîcheur. A une époque où la majeur partie de la production musicale affiliée au hard-rock était engluée dans de fâcheux stéréotypes caricaturaux, une petite bande originaire de Sydney (1) s'évertuait à jouer un heavy-rock sans gras et sans ostentation. Une démarche assez proche de The Angels (aka Angel City), groupe phare australien de 1978 à l'aube des années 90, caracolant à la seconde place derrière le géant AC/DC. Une filiation qui s'étend à l'un des membres de The Young Lions - formation pré-Kings of the Sun -, le guitariste Bob Spencer qui rejoint la troupe de Doc Neeson et des frères Brewster en 1985 (ou 1986 suivant les sources), auprès de laquelle il demeure durant sept années bien remplies.
Les Hoad, véritable épine dorsale du groupe, recrutent alors deux nouveaux membres et obtiennent dans le courant de l'année une signature avec Mushroom Records. Institution historique australienne où bon nombre de groupes et artistes aussies sont passés, de Jimmy Barnes à Billy Thorpe & The Aztecs, en passant par Kilie Minogue et Nelly Furtado (glups). Un premier single se fait remarquer, s'immisçant dans le Top 20 national et ouvrant au groupe les portes de la télévision (en l'occurrence, la célèbre émission Countdown qui soutint dès ses débuts AC/DC). Ce qui attise la curiosité d'un A&R de RCA Records, qui fait l'effort d'aller assister à l'un de leurs concerts. Conquis, il entame les démarches pour les récupérer, au détriment de Mushroom Records (pas de cadeaux entre les maisons de disques, c'est la guerre). Une proposition d'un nouveau contrat qui arrive à point nommé, car délaissés par le label de Melbourne, les Hoad commencent à douter, et songent à raccrocher. Mais RCA, convaincu du potentiel du quatuor, leur offre un direct pour New-York pour y enregistrer leur premier disque, produit par un célèbre "vétéran" (il cumule déjà plus de vingt ans d'expérience), Eddie Kramer. Difficile de faire mieux comme signe de confiance quand tant de groupes d'Amérique-du-Nord n'ont pas réussi à louer ses services pour cause de planning surchargé. D'après la légende, ce serait après avoir écouté la démo du groupe qu'il aurait donné son accord pour produire le disque.
Enregistré en 1987, en trio - Glenn Morris, le second guitariste mentionné sur la pochette n'est sollicité que pour renforcer le groupe sur les tournées -, aux Bearsville Studios, l'album ne sort que tardivement en octobre 1988. Le premier single de l'album, "Serpentine", grimpe jusqu'à la 19ème place des charts américains. Le second, "Black Leather", est malheureusement censuré dès l'amorce de son ascension. Jugé trop sensuel, la chaîne musicale MTV arrête rapidement sa diffusion. Or, à l'époque, la diffusion d'un clip faisait irrémédiablement grimper les courbes de ventes (l'image prenant injustement le pas sur la musique). Rien de bien terrible pourtant, notamment en comparaison des clips de rap où les filles sont visiblement victimes de terribles bouffées de chaleur. On y voit effectivement une tripotée de jolies filles, certaines gênées par des soutifs et culottes (de cuir noir, évidemment) trop étroits. Et puis, oui, une ou deux paires de fesses, à peine dissimulées par un triangle de cuir noir. Schocking !
Cet album éponyme débarque donc au moment où la galaxie heavy-metal-rock se déchire entre différentes factions. D'un côté, des peroxydés et poseurs, attifés de haillons, adeptes d'un Glam-rock surproduit, de l'autre des chevelus ébouriffés suent sang et eau pour forger leur métal afin qu'il soit plus sombre et plus brutal, glissant parfois du côté obscur ; et puis, il y a de nouveaux venus, des apprentis sorciers ne jurant que par la technique, œuvrant pour en repousser les limites, surnommés "shredders". Des membres de cette dernière faction n'hésitant pas à rallier un camp ou un autre, du moment qu'on leur fait de la place pour qu'ils puissent démontrer l'étendue de leur vélocité (au risque de faire tache). Kings of the Sun (KOTS pour les intimes) n'a rien de tout ça ; à peine si on pourrait l'affilier au mouvement Glam US, désormais perclus de grosses guitares baveuses et de batteries au son amplifié, avec parfois en prime, un chanteur à la voix de crécelle. Mais KOTS se démarque par un tempérament relativement roots, se défendant d'excès, d'effets, de saturation, ou de batteries inexpressives, parfois synthétiques, exagérément gonflées par une réverbération de cathédrale et par un son de ballon crevé. KOTS, lui, est dans la pure tradition des groupes de rock australien (et de ses sympathisants, tel Starfighters, voire Waysted). Avec des grattes râpeuses à la tonalité de solides mais antiques P90 (micros simples, plus gros et puissants qu'un micro simple standard), voire de mini humbucker ou de TV Jones, d'apparence directement branchées dans l'ampli - aujourd'hui, on pourrait penser à l'adjonction d'une overdrive transparente de type Klon Centaur -. Le tout soutenu par des fûts au rendu franc et boisée. Une différence de tonalité des plus ténues entre la captation studio et le rendu scénique. On pourrait décrire brièvement KOTS comme la rencontre des premiers Aerosmith et de The Angels. Le groove et la gouaille du premier et le tranchant implacable et l'efficacité du second. Certains trouvent que quelques unes de leurs chansons, celles marquées par un tempo hoquetant, ont une couleur typé Southern-rock. En ce sens, KOTS pourrait être une sorte de Georgia Satelittes ayant fraternisé avec AC/DC.
Les australiens sont pris pour accompagner Joe Satriani aux USA et Kiss en Europe. Etonnamment, ils refusent de participer aux Monsters of Rocks avec Van Halen en tête d'affiche (4), ainsi qu'à une tournée avec Rod Stewart et une autre avec Poison. Fine bouche ? Probablement, mais ils ont aussi le mal du pays et regrettent amèrement d'être obligé de s'exiler pour tenter de récolter un peu de succès. A ce moment là, même leur propre pays a tendance à scruter ce qui ce fait en Europe et aux USA, au détriment de sa propre scène nationale.
Férocement attachés à leur pays (3), les frères Hoad se battent pour qu'on reconnaisse à leur juste valeur les groupes nationaux. N'hésitant pas à fustiger les groupes américains qui, à leur sens, ont pillé le patrimoine aussie. Ils sont cash, parlant sans détours. Ce qui déplaît fortement aux amerloques. Ainsi, lors d'une tournée avec Guns N' Roses, Clifford répond aux journalistes qu'il est regrettable qu'on encense tant le quintet toxique alors qu'on ignore Rose Tattoo, auxquels, d'après lui, les Californiens doivent beaucoup. Résultat, par faute d'un Axel contrarié, ils se font expulser sans ménagements de la tournée des Guns. Bien possible que cela ne soit qu'une mauvaise excuse car sur scène le groupe assure, et fait de l'ombre à des Guns pas toujours très frais (pour mémoire, à l'époque, la presse était unanime pour douter que le groupe réussisse à survivre aux années 80, voire même à l'année en cours). Jeffrey sait tenir une scène qu'il arpente de long en large, tel un Mick Jagger biberonné au tempérament du heavy-rock aussie. En tout cas, le groupe s'était très bien entendu avec les leaders de Kiss, Simmons et Stanley, qui n'ont pourtant pas la réputation d'apprécier la concurrence.
Malgré tout, l'album perce modestement aux USA et les lecteurs de la revue "Kerrang !" (spécialisée dans le rock et plus particulièrement le hard et le métôl) classent le groupe troisième meilleur espoir, après Quireboys et... Guns N'Roses. Grâce à d'assez bons résultats (financiers) RCA offre au groupe un nouveau ticket pour un second album. Un deuxième peut-être meilleur, mais qui, par faute de restructuration de la boîte, n'obtient quasiment pas de promotion ou de soutien.
(1) En fait, les frères Hoad sont originaires de Gold Coast, haut lieu touristique du Queensland. Ils s'installent à Sydney pour entamer sérieusement leur carrière musicale, avec The Young Lions, sans pour autant couper les ponts avec la ville où ils ont passé leur enfance, Néanmoins, ils regrettent amèrement son développement "tout tourisme".
(2) Suivant les versions, ce serait Clifford Hoad le fondateur du groupe, qui aurait alors recruté Bob Spencer, rencontré la première fois à Brisbane.
(3) A ce titre, ils refusent qu'on leur impose une pochette de disque cultivant les clichés américains. La photo de groupe dans les grottes de Jenolan (dans les Blue Moutains) est leur choix.
(4) Des années plus tard, Clifford dira que le groupe ne s'estimait alors pas suffisamment bon pour supporter un groupe comme Van Halen.
🎶👑ot🌞
Connais pas. Mais je ne pense pas rater grand-chose. De plus, le 1er clip me fait penser à un titre de Bruce Springsteen (lequel? Pas facile, ils se ressemblent tous), ce qui ne milite pas en faveur du groupe. On notera le goût des Australiens pour les noms à la c.....: Billy Thorpe & the Aztecs , mais aussi (sic...) Johnny Diesel and the Injectors (pas mal du tout d'ailleurs).
RépondreSupprimerNan, pense pas que les kangourous aient la palme des noms benêts... Loin de là même. même s'il y a aussi AC/DC (😁), Men At Work (patronyme plutôt rédhibitoire), Amyl & the Sniffers, ou encore Deströyer 666 (😂 si, si, ça existe).
SupprimerSpringsteen ? Springsteen ?? Celle-là, on ne me l'avait pas encore sortie 😂
J'avais eu droit à AC/DC, Angel City et Stones, mais Springsteen... M'enfin
Un titre de Springsteen ? On parle du même, ou un homonyme !
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