Sobrement appelé « Johnny Winter », le second album de notre albinos fait partie des joyaux définissant le blues rock. On retrouve ici la lutte entre le moderne et la tradition, qui faisait déjà la beauté de « The progressive blues experiment ».
Mais la modernité a changé de visage, les échos
hypnotiques ont fait place à des solos rapides et tranchants. Le tempo du rock
a changé, des guitaristes comme Alvin Lee ou Hendrix ont remplacé les
contemporains de Jerry Garcia, et la force et la vitesse sont devenues des
principes sacrés. Pour être entendu, il faut désormais aligner un maximum
d’accords, avec le maximum de puissance.
Johnny a
donc aiguisé son jeu, mais n’allez pas croire qu’il a laissé tomber le feeling
de ses modèles. C’est même tout le contraire, « Johnny Winter » est
un pur album de blues, il atteint la frontière qui le sépare du barnum rock ,
sans jamais la dépasser. « Mean Mistreater » a d’ailleurs toute la
puissance menaçante que Led Zeppelin et Cactus reproduiront quelques mois plus
tard. Contrairement à eux, Johnny Winter ne tente pas d’embarquer cette
puissance dans de longs délires sauvages. Il sait qu’il a atteint une limite
indépassable, que toute fioriture sonnerait comme une trahison de son identité
artistique.
S’il
avait parsemé des titres comme « I'm yours and I’m hers » de solos
interminables, nous le saluerions aujourd’hui comme le père du hard rock. Mais
il ne veut pas de ce titre, et balance ses solos dans l’urgence, s’empresse de
raccrocher son riff à la rythmique pour préserver son swing. Une
trop grande incartade à ses principes puristes aurait donné à « Good
morning little schoolgirl », « When you got a friend », ou
« I’ll drown in my tears » des airs de symboles du passé.
Tout le charme de cet album est contenu dans cet équilibre fragile entre la violence de son époque, et la somptuosité de ses balades bluesy cuivrées. « Johnny Winter » est un album unique dans la carrière du texan, il ne retrouvera jamais cette sensibilité, cette classe dans la violence comme dans la douceur. « I’ll drown in my tears » donne d’ailleurs l’impression que Johnny Winter rend hommage à cette Ella Fitzgerald qui fut à l’origine de sa vocation musicale.
Sur la pochette, son visage apparaît d’ailleurs dans un décor lugubre, comme le visage d’Ella chantant le blues de Pete Kelly. Ce second album, c’est le blues d’un gamin qui a réalisé son rêve, et jette un dernier regard attendri sur le rétroviseur. Quelques mois avant la sortie de l’album, Columbia annonce à son poulain qu’il est à l’affiche du festival de Woodstock.
Mmouais....Ce n'est pas la période que je préfère. Les albums du début des années 70 (la triplette magique Still Alive and Well / Saints and Sinners / Lord Dawson Winter III) m'apparaissant bien supérieurs. Avant le naufrage du Captured live, boursouflé et caricatural.
RépondreSupprimerD'accord avec SM, la trilogie mentionnée est exceptionnelle. Généralement, on retrouve un peu partout "Still Alive and Well", alors que les deux suivants sont du même niveau sinon meilleurs.
Supprimer"Captured Live" est resté longtemps une référence, au détriment du premier "Live J. Winter And". Le "Captured Live" reste un bon disque, mais souffre effectivement d'un excès de soli interminables. C'est parfois saoulant. Comme si Winter et Radford était en compétition.
Floyd Radford débauché du power-trio Tin House 😉 (combo abordé dans ses pages)
Pas mon guitariste préféré loin de là ! Je trouve son jeu de slide brouillon . La trilogie dont parle SM est à sauver effectivement . J'aime assez la période chez Point Blank au début des années 90 et ses derniers disques "Step Back" et "Roots" sont écoutables , sauvés par tous les invités. Je garde quand même un souvenir ému de son dernier concert au festival Cahors Blues , deux jours avant sa mort! Le pauvre Johnny faisait quand même peine à voir ( et à entendre!)
RépondreSupprimerLe jeu de Johnny Winter est extrêmement véloce. Principalement grâce à sa technique de jeu aux onglets ; cependant, cette facilité lui procure un débit qui peut paraître étourdissant - et parfois, sur certains albums, c'est un peu surjoué.
SupprimerHa, oui, la période Point Blank présentait un Johnny Winter requinqué, semblant en paix avec lui même et en pleine possession de ses moyens. Deux savoureux disques à (re)découvrir.
RépondreSupprimerPour ma part, je conseillerai aussi la période Alligator datant des années 80.
J'ai découvert Johnny Winter avec l'album "Captured Live", chez un copain, sur la chaine hifi de ses parents, on était en quatrième ou en troisième. La première face est tout de même sacrément bonne, très rock, même si le titre d'entrée "Bonnie Moronie" est trop long et démonstratif. Mais je retiens surtout sa version speedée de "Highway 61 Revisited" que je trouve incroyable, le batteur m'avait halluciné, le passage batterie / guitare, avant une reprise de chorus phénoménale. Le dernier morceau, un blues lent, est effectivement long et boursoufflé. L'album "Nothin' but the blues" avec le personnel de Muddy Waters est superbe.
RépondreSupprimer