vendredi 9 juin 2017

DEEP PURPLE "Infinite" (2017) par Luc B. comme Blackmore.



Bon, franchement, c’est quoi l’intérêt d’un vingtième album de DEEP PURPLE ? Parce qu’annoncé comme le dernier ? A l’EHPAD les vieux ! Steve Morse fait figure de gamin, avec ses 62 ans, Glover et Gillan en affichent 71. Pourtant c’est Morse qui en bave le plus, gagné par l’arthrose. Toujours véloce, mais moins endurant. On sent qu’il en a gros sur la patate. Tous accusent les années (mais pas les excès, DEEP PURPLE n’a jamais trempé dans la dope - à part Hughes ou Bolin), la fatigue, peut-être la lassitude ?

Je me souviens d’une interview récente du batteur Ian Paice, à qui on demandait s’il jouait aussi rapide et technique qu’en 1970. Oui, répondait-il, par ce qu’il se repose sur l’expérience, apprend à dépenser moins d’énergie pour produire les mêmes mouvements. Ce qui le mine le plus ? La chaleur des projecteurs, sur scène, pénible pendant deux heures. Donc l’idée est venue d’arrêter, une dernière tournée pour la route, mais tout cela n’est pas clair…

Donc nous arrive cet INFINITE à la très belle photo (le brise glace) et saluons que pour 16 euros (la version tee-shirt j’en fous un peu, pis c’était du XL), on a un cd + dvd, livret avec paroles, et photos rigolotes. A l’intérieur, une fois retirés les disques, y’a une photo du groupe, façon mont Rushmore, mais les visages sculptés dans la glace d’un iceberg ! Ca rappelle une pochette de 1970…

J’ai commencé par le dvd. Très intéressant, après les 5 premières minutes péniblement hagiographiques, je te lèche, tu me lèches, on se lèche. Tous racontent le souffle d’air frais à l’arrivée de Steve Morse - on sent vraiment que Blackmore les a fait chier -  et évocation du décès de Jon Lord (le beau frère de Ian Paice, ils avaient épousé des soeurs jumelles !). Quelques images de tournée, puis le making-of de l’album. Dans un grand studio de Nashville le producteur Bob Ezrin est omniprésent (crédité comme co-auteur avec les 5 autres), ça jamme, ça explore, ça propose. Et là, on se dit que l’album va être superbe, les musiciens sont au top. Ian Gillan, le chanteur, assis à une table, écoute, sonde, prend des notes, intervient parfois. L’écriture des textes, avec Roger Glover, se fera dans un second temps, enregistrés sur les playbacks instrumentaux. Pas en direct.

On commence à tiquer quand Bob Ezrin demande les overdubs de chorus. Don Airey maltraite joyeusement ses claviers, Steve Morse besogne un peu plus, il a mal au poignet. Et on attend Ezrin dire : « ok, j’en ai 10 minutes, ça me suffit, avec les prises d’hier, on taillera dedans ». Hein ? Le producteur les engage à improviser, rallonger la sauce, pour ensuite saucissonner au mixage ? (le solo de Blackmore sur "Picture of home" était aussi une combinaison de deux prises...). Et oui, c’est comme ça qu’on enregistre des disques maintenant. Ian Paice se plaint : « avant on pouvait ralentir un tempo, jouer devant le temps, derrière, être élastique. Mais avec les nouveaux logiciels, l’ingénieur vous remet tout carré comme il faut, je ne veux voir qu’une seule tête »…

Le documentaire est vraiment bien, 1h30, sous-titré. D’où la pointe de surprise, à l’écoute du cd. On ne retrouve pas la même ambiance, la même liberté, même la voix de Gillan ne ressort pas pareille. Bref, le producteur est passé par-là.

Et à part deux titres de 6 minutes, les chansons sont assez resserrées. Certes les chorus ne manquent pas, la marque du groupe est bien là, dialogues guitare/claviers, sur un lit rythmique impeccable. Le ton général est Progressif, power-Pop, à part la surprise finale.

Ca commence par « Time for bedlam », typique du style Purple (un p'tit côté "Pictures on home" dans le tempo) , rythmique hard-boogie avec duel orgue/guitare qui rivalisent de descentes chromatiques, dérapages d'Hammond dans les grandes largeurs - du clavier. Du tout bon. « Hip boots » est plus lourdingue dans les couplets, les refrains plus pop. Belle intro sur « All I got is you », plus assagie, là encore, équilibre de pop et de parties instrumentales rock-prog, comestible, mais rien qui nous hérisse les poils. Le piano apporte une touche plus rock’n’roll à la joliment troussée « One night in Vegas ». Sur l’intro batterie de « Get me outta here » Ian Paice est en mode John Bonham, mix énorme en prime, on est dans le riff plombé à la Black Sabbath, mais au final, rien de très passionnant.

« The surprinsing » commence comme une ballade apaisée, un break de batterie vient tout casser au bout de deux minutes pour laisser place à une longue plage instrumentale pur-Prog, ruptures à gogo, cascades de riffs et rêves aériens futuristes. On se souvient que Steve Morse est passé chez Kansas ou Flying Colors. Le titre le plus ambitieux certainement, qui aurait mérité encore plus de développements. L’ironique « Johnny’s band » revient aux fondamentaux, évident, facile d’écoute, avec clin d’œil au « Louie Louie » des Kingsmen sur le chorus d'orgue (Ian Paice n’était pas trop pour, « attention au procès ! » dit-il sur le dvd) au contraire de « On top of the world » qui jongle avec les surprises, du riff lourdaud, au chorus plus rock de Morse, et paf, plus d’une minute parlée par Gillan, comme dans le générique du film DUNE !

« Birds of prey » sur un riff de Glover donne dans le Prog à la construction chiadée, virages sur l'aile, dommage pour le long chorus de fin de Steve Morse maladroitement noyé par les nappes de claviers, qu'on aurait eu envie d'entendre plus - le titre se termine en fondu, une hérésie ! Puis, une guitare à la ZZ Top, un piano bastringue, un harmonica… késako ? « Roadhouse blues » des Doors, déboule en fin de disque, un poil sur la soupe, comme s’il fallait payer son tribut au Blues. On ne s’en plaindra pas, ça sent la jam pépère et sans filtre.

La première écoute n’est pas facile, les titres ne s'offrent pas à l'auditeur naturellement.  Les constructions trop souvent sophistiquées n’aident pas. Il faut avoir à l'esprit que Gillan, Airey et Morse ont en commun le Prog dans les veines. Des titres plus simples, directs, punchy n’auraient pas nui à l’affaire. Le potentiel musical du groupe n'est plus à prouver, même à cet âge, alors pourquoi cette sensation d'inachevé. Plutôt que de superposer les couches, il fallait au contraire dégraisser la bête. Bob Ezrin dit au début des sessions : « n’hésitez pas à rallonger la sauce, éclatez-vous, je raccourcirai ensuite ». Ben, fallait pas. Et les laisser s'éclater. 

C'est parce que c'est eux... sinon, 3,5 !!!


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11 commentaires:

  1. Johnny's band, excellent clip!

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  2. Acheté machinalement ... par contre ... l'écoute ... a été pénible. Et c'est bien la première fois que cela m'arrive avec Deep Purple, dont j'ai été longtemps un inconditionnel (jusqu'au Mark III).
    Bizarrement, le "mange-CD" le refusait. J'ai dû insister (oui, j'ai un mange CD très sélectif).
    Je n'ai pas eu la patience de renouveler l'expérience.
    Et une reprise de "Roadhouse Blues", c'est d'un commun qui ne me semble pas digne d'un dinosaure comme Deep Purple.

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  3. Contrairement a vous Messieurs, je trouve ce disque très réussi. Qui joue comme ça aujourd'hui ? La pochette est superbe, le coffret splendide et la production toute en puissance et en relief. Bref que du bon. 3 points m'empêche toute fois d'apprécier encore d'avantage ce disque.

    Le premier rejoint Luc. Le superbe chorus qui clos "Birds of Pray" se termine en fondu. Quel dommage ! Mais qu'est ce qui a bien pu passer par la tête de Bob Ezrin ?
    Le deuxième point qui me gêne est la longue partie parlée de Gillan sur "On Top of The World". D'autant que ce titre n'est pas non plus renversant je veux bien le reconnaître.
    Le troisième est la durée du disque: Un peu short je trouve.

    Dernier point: Si vous aviez lu la presse chers amis, vous auriez su que la présence ici de la reprise de The Doors n'était en aucun cas du fait de Deep Purple. Ian Gillan en est d'ailleurs passablement irrité. Quelqu'un de la maison de disque c'est tout simplement octroyé cette liberté.

    Voilà. Libre a vous de faire la fine bouche, moi perso je ne boude pas mon plaisir d'un disque tel que celui là et que je considère comme franchement très bon et dont "The Surprising" constitue (toujours selon moi) l'un des moments fort de l'album.

    PS: Le T-Shirt me va a ravir.

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  4. Pour "Roadhouse blues" c'est effectivement une surprise, aucune trace dans le dvd. J'ai cherché de ci de là à comprendre la présence de ce morceau. Après tout, ils l'ont bien enregistré, non ? Il se murmure que la maison de disque n'était pas ravie du résultat, un peu court (on pouvait faire, oh dieu, bien des choses en somme...), sans réel potentiel. Un "Roadhouse" bouche-trou.

    Oui, Bruno, la première écoute surprend. Pourtant le son et les gimmicks de DP sont là. Mais les titres sont trop complexes ? Pas assez "évidents" ?

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    1. ??? ça veut dire quoi ? Complexe ? Ce "Infinity" ? Pas vraiment, bien que Steve Morse demeure un très grand technicien, avec toujours cette humilité et ce respect qui font qu'aujourd'hui encore, il a parfois ce petit truc qui évoque irrésistiblement l'héritage de Blackmore.

      "Pas assez évidents" ? Et même si c'était le cas ?
      Non, ce qui m'a le plus gêné c'est Don Airey. Dans l'ensemble. Je n'apprécie pas toujours le son de Don Airey. Tant qu'il reste dans des tonalités "Hammond", ça va (c'est même très bon ... évidemment) mais sinon ... Même si sur "Bedlam" il fait une pâle copie de Jon Lord en live. Alors que c'est un gars capable de grandes choses. Il semble à l'usine. C'est comme son solo en concert, c'est d'un convenu. Et ici, sa prestation sur "All I Got is You" où il enfonce le clou avec ses trompettes de supermarché.
      Je ne dirai rien sur Ian Gillan.
      Ian Paice, Glover et Morse sont toujours au top.

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. Sur leur précédent, l'excellentissime "Now What", DP c'était déjà fendu d'une reprise en fin d'album. Sauf que celle ci était bien crédité en guise de Bonus. Comme l'expliquait Gillan dans l'article (passionnant) que j'ai lu le mois dernier (RockHard), ce dernier expliquait qu'il était fréquent chez eux de jouer des standards de temps a autres histoire de s'échauffer ou de se relaxer avant une prise. Tout en permettant au producteur de peaufiner ses réglages.

    Tu n'as pas fait mention des textes de Gillan sur ce disque Luc. C'est aussi l'un de ces points fort aussi a ce disque. Il y a une certaine gravité, dû a cette époque trouble qui est la notre (le climat, la politique internationale, le terrorisme, etc). Cela s'en ressent également dans la musique jouée ici. Plus Lourde, plus sombre, plus Heavy !
    Et puis le jeu de Ian Paice fait une nouvelle fois des merveilles. En fait, Deep Purple c'est du Heavy/Jazz. Mais personne n'ose se l'avouer tant les deux styles sont apparemment a l'opposé l'un de l'autre.


    Blackmore n'a finalement jamais aussi bien porté son nom qu'aujourd'hui. Il n'y a qu'a voir les dernières images de son Rainbow/Purple réactivé en Live. C'est d'une platitude et d'une tristesse !
    Ce Purple Mark VII prends son pied lui. Et ça s'entendant autant que ça se voit. Il n'y a qu'a voir les 2 Live de la tournée "Now What" (le bleu au Waken Festival et surtout le rouge a Tokyo) pour s'en apercevoir.
    Deep Purple, avec Steve Morse et Don Airey, aura fini par devenir enfin un vrai groupe. Même si il est toujours dur pour les puristes de l'admettre. Et puis ça fait quand même 20 ans que ça dure. ;-)

    "Infinite" n'est pas un Chef d'Œuvre, certes, mais qu'est ce qu'on en a a f**tre ? Il est sincère et vrai. Et rien que ça, ce n'est déjà pas rien.

    A voté !

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  7. J'ai été voir aussi la prestation de Blackmore avec le Rainbow 2017... Il dirige tout. C'est lui + les 4 autres. Ca fait peine pour lui, et en même temps, tellement de respect pour ce musicien.

    Finalement, oui, ce Mark 8, 9, 10 ??? est celui qui aura produit le plus de disques. Deep Purple n'a jamais pu être rangé dans une catégorie. Heavy métal, sur un disque seulement, hard-blues, rock, progressif, pop... C'est la raison de leur succès (d'estime) et leur insuccès commercial. Jamais là où on les entend. Pas de plan de carrière. C'est pourquoi je les aime tant, outre qu'ils ont bercé mes premiers pas dans le monde de la musique rock - et de la batterie - et ça, ça ne s'oublie pas.

    "Now what" excellentissime ? Faut pas poussé... C'est un bon disque.

    Les textes ? Bah, je ne comprends pas tout, même avec le livret. Mais je sais que Gillan écrit bien (avec R. Glover) joliment, sarcastique, humoristique, un anglais quoi... des petites piques ici ou là. "Johnny's band" en est un exemple.

    Pas lu "Rockhard", mais "Rock'n'folk", "Batterie magazine", "Rollind Stone"... en supermarché. ma petite revue de presse à moi !

    Ian Paice m'émerveille à chaque instant. Ce mec est tellement... Si j'organise un diner, tu en seras ? Avec Shuffle, sauf si son aversion pour les anglais est trop forte !

    "Infinite" sincère ? J'espère, mais je crois que Bob Erzin a beaucoup (trop) compté dans la balance. C'est lui qui a les bandes, et il en fait ce qu'il veut. Franchement, quand tu vois le dvd et que tu écoutes disque, on voit bien l'écart entre les deux, non ?

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  8. Tiens, Deep Purple, ça me fait penser à l'équipe de France ce soir: Autant de talents réunis pour pondre une zique aussi chiante, c'est...consternant!

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  9. Je veux pas être méchant, hein, vous me connaissez, pas mon genre, mais bon, cette affaire-là, ça commence à sonner spinaltapien ...
    Avec le guitar hero qui a de l'arthrose, les morceaux qui sont sur le skeud on sait pas pourquoi...
    Pour le prochain, je suggère de rajouter au line up:
    - pour remplacer Paice un batteur manchot (celui de Def Leppard ou celui de Moulty & the Barbarians s'il est encore de ce monde feront l'affaire)
    - pour remplacer Gillan une choriste du mime Marceau.
    - et Rob Reiner pour tourner l'artwork et les clips ...

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