samedi 25 avril 2015

MOZART : Symphonie N° 28 K 200 – SCHUBERT : Symphonie N° 3 D 200 – Par Claude Toon



Chronique "Classique" opus 200

XXXXX

- C'est quoi ce titre zarbie M'sieur Claude ? Du Mozart et du Schubert, un album avec deux œuvres, mais quels interprètes ???
- Ah Ah ma chère Sonia… Aujourd'hui 200ème chronique "classique", j'ai eu cette idée farfelue d'utiliser les numéros de catalogue pour fêter cet évènement….
- C'est sûr, il fallait y penser… Vous pouvez me rappeler la signification de K et D, puisque le standard Opus n'est pas employé pour ces compositeurs…
- K comme Köchel et D comme Otto Erich "Deutsch", les noms des musicologues qui ont établi les catalogues les plus complets possibles…
- Et vous avez de belles versions à commenter ?
- Excellentes mon petit : la symphonie n° 28 de Mozart par Christopher Hogwood, et la symphonie N° 3 de Schubert par Carlos Kleiber !

Panoplie Mozart (Site)
Franchement, j'ignorais comment fêter la parution de cette 200ème chronique consacrée à la musique dite "classique" ; en exploitant le nombre 200, ça va de soi ! Il y a bien la Sonate N° 200 de Scarlatti, mais elle dure 4 minutes. Autant 100 ou 1000 permettent diverses associations d'idées (symphonie n° 100 de Haydn "militaire" ou Symphonie "les mille" de Mahler), autant 200, ben... il n'y a pas de symphonies n° 200 de qui que ce soit et pas plus de concerto d'ailleurs. Mais dans la vie, il y a des coups de bols. D'abord en tapant 200 dans mon navigateur favori : réponse symphonies K 200 de Mozart et D 200 de Schubert : 2 belles symphonies de durée équivalente et de style complémentaire. Si j'avais obtenu une symphonie et une sonate, ça aurait fait fouillis. Après, un point délicat : trouver des vidéos correctes. Je tente Schubert 3 Carlos Kleiber… Bingo, elle est disponible ! Puis une seule vidéo complète pour Mozart... Oui, mais par Christopher Hogwood, un grand maître de l'interprétation sur instruments d'époque dont j'ai, hélas, rédigé la nécrologie il y a quelques semaines (Clic).
Pour terminer cette intro : deux choses. Tout d'abord le duo Mozart et Schubert : deux compositeurs que même les moins amateurs de musique "classique" connaissent et peuvent apprécier. De la musique généreuse en mode majeur positiviste qui ne prend pas la tête, une musique bienfaisante due aux génies de deux grands adolescents surdoués de 17 et 18 ans (encore un point commun). Ensuite, inversement, mon refus d'une chronique qui commente  l'introuvable Apothéose Chromatique Infinitésimale U 200 de Sigmund von Unheilvoll (*), un machin hyper expérimental et sans âme dont tout le monde se ficherait, moi le premier.
Et avant de poursuivre, 200, non 1000 fois MERCI à ceux qui lisent fidèlement ou occasionnellement, suivant leurs goûts, mes articles hebdomadaires depuis quatre ans. (Environ 1000 pages A4 bien serrées de brouillon !)
(*) – Ça sent la blague à deux balles qui vise certains compositeurs contemporains chouchous des bobos parisiens M'sieur Claude !
- Exact ma petite Sonia… Et pendant que j'y pense, n'oublions pas que si je suis étiqueté Mister Classique du blog, mon ami Pat Slade s'est aussi aventuré quelquefois dans le genre notamment avec deux opéras célèbres : Carmen de Bizet et la damnation de Faust de Berlioz et l’opérette d'Offenbach : La Belle Hélène...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Schubert vers 16 ans (portrait supposé)
Parlons des deux artistes. Carlos Kleiber, fils de l'autoritaire patriarche Erich Kleiber a fait la une du blog pour les 5ème et 7ème symphonies de Beethoven (Clic). Deux chroniques séparées mais un seul CD qui réunit des interprétations pour l'éternité captées avec la Philharmonie de Vienne dans les années 70. J'avais retenu également les gravures réalisées lors de deux concerts du nouvel an à Vienne, rares moments où les valses de Strauss se métamorphosaient en petits poèmes symphoniques au-delà du divertissement auxquelles on les cantonne souvent.  Il a été cité dans quelques discographies alternatives. Perfectionniste jusqu'à l'obsession, ombrageux, claquant la porte sans retour possible lorsque les musiciens rataient une note, Carlos Kleiber détestait aussi le studio, mais a su heureusement parfois se faire violence. Le maestro excentrique a gravé deux symphonies de Schubert : la 8ème dite "Inachevée" et cette 3ème, une œuvre de jeunesse. Un disque indispensable. (Clic). J'écrivais en octobre 2012 :
"Carlos Kleiber a enregistré "l'inachevée" de Schubert en album simple vinyle (avec la 3ème symphonie) en 1979. Il propose une vision authentique, lumineuse, tendue et nerveuse, aux accents beethoveniens. Kleiber dirige la Philharmonie de Vienne, la beauté sonore est diabolique, une autre référence (6/6)."

Christopher Hogwood, disparu en octobre 2014, appartenait à la génération des musiciens qui ont cherché à redonner leurs couleurs instrumentales originelles aux œuvres baroques et classiques. On pourra lire sa biographie dans l'hommage rendu à l'époque (Clic).
À la fin des années 70, Christopher Hogwood enregistre une intégrale complète (plus de 50 symphonies) du corpus symphonique de Mozart. Si la numérotation Köchel ne retient que les N° 1 à 41, avec sans doute des imprécisions chronologiques, il existe une bonne douzaine d'œuvres de Mozart gamin. C'est avec l'Academy of Ancient Music, un orchestre qu'il avait créé, que ce monument discographique verra le jour pour le label L'Oiseau Lyre. À l'époque, comme enregistrements notables, il n'existe guère que l'intégrale de Karl Böhm à Berlin datant des années 60 et une demi-intégrale par Josef Krips avec le Concertgebouw d'Amsterdam. Christopher Hogwood apporte un éclairage nouveau avec ses instruments d'époque, une approche pétillante, comme on va l'entendre…
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

XXX
Mozart : Symphonie N° 28 K 200 en do majeur
L'ouvrage aurait été écrit en 1773 : une symphonie au sein d'un triptyque comportant les symphonies 27 et 29 (K 199 et 201). Des musicologues contestent cette chronologie et la situe plus avant… Bof, on s'en f**t un peu… D'ailleurs des lesdits pinailleurs n'aiment guère cette œuvre jugée simplette voire taxée de musique de cours. Ils me font marrer ! J'aimerais savoir écrire de la musique aussi pimpante, élégante et pleine de vie. (Mozart a 17 ans !!). Certes avec ses quatre mouvements de 4-5 minutes, on est proche du divertissement : du Mozart joyeux et déjà adulé.
Orchestration : hautbois, cors et trompettes par 2, cordes, mais ni flûtes ni trombones, par contre un clavecin. C'est très mozartien ces jeux de timbres par orchestrations interposées qui sortent du traditionnel 2/2/2/2 de mise pour la petite harmonie. En conséquence, la partition ne comporte que 7 portées, Mozart aimait la simplicité au bénéfice de la clarté. La tonalité est la plus basique et joyeuse qui soit : do majeur. D'ailleurs comme on va le voir et surtout l'entendre, Mozart Innove et l'épithète parfois attribué de "musique galante" me semble fort contestable…
L'Allegro con spirito attaque bille en tête : claquement de timbales, furie des cordes. Un discours vivifiant et farouche qui n'est pas sans rappeler l'énergie de la 25ème symphonie (oui je sais Sonia : la "symphonie Barilla"… Car en ce bas monde, les pub pour les nouilles permettent de cultiver les masses laborieuses). On pense à un lendemain victorieux de bataille. Pourquoi des soldats ? Car la symphonie K 200 de Mozart revêt un caractère martial. Mais attention, pas du tout guerrier, un défilé de soldats de plomb… Christopher Hogwood avec son orchestre allégé en cordes fait briller chaque pupitre. Un Mozart fougueux et une transparence dont a toujours rêver. NON, Mozart n'est pas un romantique qui nécessite 60 cordes qui noieraient l'agilité du chant de l'harmonie restreinte mais colorée.
L'Andante s'écoule avec galanterie certes. Mais dans ce second mouvement, le rythme se veut acéré. C'est beaucoup plus dansant et nocturne que certains musicologues chagrins le pensent. Le développement apporte une ambiance douce et nostalgique. La sonorité des cordes en boyaux de l'Academy of Ancient Music apportent cette couleur suavement râpeuse qui souligne l'esprit élégiaque du morceau.
Le Menuet et Trio tourne le dos au mouvement dit "de détente" (manière élégante pour signifier "de remplissage"). La mélodie est légère, joyeuse avec ses appels de cors qui établissent un lien soldatesque avec l'allegro initial. Quant au trio, Mozart fait intervenir un violon solo comme dans un micro-concerto. C'était très innovant et même risqué à une époque où les musiciens mis à la disposition des compositeurs n'étaient pas toujours au top.
Le Presto final reprend des accents de fanfares avec un tempo furieux. Christopher Hogwood accentue sans retenue la vitalité de cette musique victorieuse. Le chef ne laisse rien échapper et montre comment avec un orchestre relativement modeste, Mozart obtenait une fantaisie chorale inouïe. Une version vertigineuse de bonhomie et de verdeur. Quelques concurrents de marque : Josef Krips (Clic), Karl Böhm sur instruments modernes, Trevor Pinnock sur instruments d'époque et surement d'autres…
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Christopher Hogwood dans les années 70                                   Carlos Kleiber            
Schubert : Symphonie N° 3 D 200 en ré majeur
1815 : Schubert a 18 ans et sa puissance créatrice tourne à plein régime. Comment savoir que dix ans plus tard, la maladie l'entraînera dans sa descente en enfer et vers la mort à 31 ans… (Clic). Cette année là le musicien compose lied sur lied, une bonne centaine. Pour se changer les idées, entre le 8 et 19 mai, il écrit vite fait les 64 premières mesures du début de cette 3ème symphonie, puis, passe à autre chose jusqu'en début juillet où il couche sur les portées l'intégralité de l'ouvrage en… 3 jours !
Il est possible que des extraits aient été joués lors des soirées dites "schubertiades" du vivant de l'auteur, mais en réalité elle ne sera publiée et créée qu'en 1881. Le propre des génies est de composer pour la gloire posthume. Avec une vingtaine de minutes, l'œuvre fait preuve d'une concision qui renvoie à leurs études ceux qui ironisent sur les divines longueurs chez Schubert (l'expression peut susciter l'ironie). L'orchestration est très classique : 2/2/2/2 – 2 cors et 2 trompettes, timbales et cordes.
L'Adagio maestoso attaque de manière olympienne et avec gravité la symphonie. Un accord en tutti, mais déjà quelques phrases ludiques et poétiques dédramatisent le propos. Ce style d'introduction fait penser aux londoniennes de Haydn et à la 4ème symphonie de Beethoven (1806). L'Allegro con brio établit le contraste par ses rythmes de danse, ses motifs guillerets aux vents. La direction de Carlos Kleiber se révèle jubilatoire à la tête de cette philharmonie de Vienne décidément hors norme, aux couleurs si veloutées, jamais épaisses comme on peut parfois craindre des orchestres allemands et autrichiens. Mention spéciale au hautbois solo gouailleur.
L'Allegretto fait office de mouvement lent et dure moins de 3 minutes. C'est quasiment les dimensions rencontrées à la fin du baroque (Haendel) ou au début de l'ère classique (C.P.E. Bach). Une pièce ravissante en forme de marche interrompue dans sa partie centrale par une douce sérénade. Là, on pense à Mozart, à ses divertissements. Mais l'orchestration et la délicatesse du phrasé mises en valeur par Kleiber signent le discours enchanteur de la patte de Schubert.
Le Menuetto Vivace aux accents très marqués ne fait pas double emploi avec l'allegretto en forme de menuet. Les accords virils de cors et timbales appartiennent à l'univers romantique. Globalement, cette symphonie fait œuvre de positivisme. Le trio nous entraîne dans une fête campagnarde à l'instar de "La pastorale" de Beethoven. Inutile de chercher les sombres interrogations métaphysiques de la symphonie inachevée (Clic).
Dans le Presto vivace, Carlos Kleiber libère la douce folie imaginée par un jeune homme au faîte de sa force créatrice. Avec cette 3ème symphonie qui clôt son premier cycle symphonique, Schubert annonce la violence contenue et la rythmique obsédante que l'on entendra plus tard dans le final de la 4ème symphonie "Tragique" et même au crépuscule de sa vie dans la 9ème symphonie "La grande". Carlos Kleiber introduit une dimension joyeuse voire malicieuse dans la coda, aidé en cela par ses musiciens d'exception. Comme toujours, une version idéale à ranger à coté de celles de István Kertész, Karl Böhm (encore lui dans une interprétation dont l'allegretto musarde poétiquement, un bijou chez Dgg - intégrale à 6/6) et Herbert Blomstedt, etc.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~



2 commentaires:

  1. Quelle belle version de la symphonie n° 3 ( La 8 aussi ! ) de Schubert par Kleiber !!! Je connais bien cette version ayant l'album ci-dessus. La 28 de Mozart est assez enlevé, plus légère à l'écoute par rapport à la version d'Abbado avec le Philarmonique de Berlin ( Sony) qui pourtant sont tous les deux, que ce soit le chef comme l'orchestre, des références. Je me demandais si il existe un enregistrement de la symphonie 3 et de la 8 de Schubert par papa Kleiber pour pouvoir comparer avec le fiston. Dans mes incartades dans le classique, tu as oublié l'opérette avec "La Belle Hélène" d'Offenbach, le plus français des allemands. Pour la suite de tes chroniques, tu continue à suivre le catalogue Köchel ?? :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Erich Kleiber (le père dans la famille Kleiber) a enregistré au moins une fois la symphonie N°3 de Schubert en 1946 avec l'orchestre de la NBC (1 CD Tarha) et l'inachevée avec la philharmonie de Berlin en 1935 avec, soit des coupures, soit des tempos "avis de tempête" (Oro). Ça gratouille, mais b**l quel nerf !!!

      Dans les interprétations modernes de Mozart mais subtilement allégées, je confirme : Abbado nous a donnés de beaux disques gravés dans ses dernières années…

      Désolé pour Offenbach, je viens de l'ajouter… avec nos 1902 articles et malgré l'index, ma mémoire me joue des mauvais tours…

      Supprimer