Chronique "Classique" opus
200
- C'est quoi ce titre zarbie M'sieur
Claude ? Du Mozart et du Schubert, un album avec deux œuvres, mais quels
interprètes ???
- Ah Ah ma chère Sonia… Aujourd'hui
200ème chronique "classique", j'ai eu cette idée farfelue d'utiliser
les numéros de catalogue pour fêter cet évènement….
- C'est sûr, il fallait y penser…
Vous pouvez me rappeler la signification de K et D, puisque le standard Opus
n'est pas employé pour ces compositeurs…
- K comme Köchel et D comme Otto
Erich "Deutsch", les noms des musicologues qui ont établi les
catalogues les plus complets possibles…
- Et vous avez de belles versions à
commenter ?
- Excellentes mon petit : la symphonie
n° 28 de Mozart par Christopher Hogwood, et la symphonie N° 3 de Schubert par
Carlos Kleiber !
Panoplie Mozart (Site)
|
Franchement, j'ignorais comment fêter la parution de
cette 200ème chronique consacrée à la musique dite "classique" ;
en exploitant le nombre 200, ça va de soi ! Il y a bien la Sonate
N° 200 de Scarlatti,
mais elle dure 4 minutes. Autant 100 ou 1000 permettent diverses associations
d'idées (symphonie n° 100 de Haydn
"militaire" ou Symphonie "les mille" de Mahler), autant 200, ben... il n'y a pas de
symphonies n° 200 de qui que ce soit et pas plus de concerto d'ailleurs. Mais
dans la vie, il y a des coups de bols. D'abord en tapant 200 dans mon
navigateur favori : réponse symphonies K 200
de Mozart et D 200
de Schubert : 2 belles symphonies de durée
équivalente et de style complémentaire. Si j'avais obtenu une symphonie et une
sonate, ça aurait fait fouillis. Après, un point délicat : trouver des vidéos correctes.
Je tente Schubert 3 Carlos Kleiber… Bingo, elle est
disponible ! Puis une seule vidéo complète pour Mozart... Oui, mais par Christopher Hogwood, un
grand maître de l'interprétation sur instruments d'époque dont j'ai, hélas,
rédigé la nécrologie il y a quelques semaines (Clic).
Pour terminer cette intro : deux choses. Tout d'abord
le duo Mozart et Schubert : deux compositeurs que même les
moins amateurs de musique "classique" connaissent et peuvent
apprécier. De la musique généreuse en mode majeur positiviste qui ne prend pas la tête, une
musique bienfaisante due aux génies de deux grands adolescents surdoués de 17
et 18 ans (encore un point commun). Ensuite, inversement, mon refus d'une chronique qui commente l'introuvable Apothéose Chromatique
Infinitésimale U 200 de Sigmund von Unheilvoll
(*), un machin hyper expérimental et sans âme dont tout le monde
se ficherait, moi le premier.
Et avant de poursuivre, 200, non 1000 fois MERCI à ceux qui lisent fidèlement ou occasionnellement, suivant
leurs goûts, mes articles hebdomadaires depuis quatre ans. (Environ 1000 pages
A4 bien serrées de brouillon !)
(*) – Ça sent
la blague à deux balles qui vise certains compositeurs contemporains chouchous
des bobos parisiens M'sieur Claude !
- Exact ma
petite Sonia… Et pendant que j'y pense, n'oublions pas que si je suis étiqueté Mister Classique du blog, mon ami Pat Slade s'est aussi aventuré quelquefois dans le genre notamment avec deux opéras célèbres : Carmen de Bizet et la damnation de Faust de Berlioz et l’opérette d'Offenbach : La Belle Hélène...
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Schubert vers 16 ans (portrait supposé) |
Parlons des deux artistes. Carlos
Kleiber, fils de l'autoritaire patriarche Erich
Kleiber a fait la une du blog pour les 5ème
et 7ème symphonies
de Beethoven (Clic). Deux chroniques séparées mais
un seul CD qui réunit des interprétations pour l'éternité captées avec la Philharmonie de Vienne dans les années 70.
J'avais retenu également les gravures réalisées lors de deux concerts du nouvel
an à Vienne, rares moments où les valses de
Strauss se métamorphosaient en petits poèmes symphoniques
au-delà du divertissement auxquelles on les cantonne souvent. Il a été cité dans quelques discographies
alternatives. Perfectionniste jusqu'à l'obsession, ombrageux, claquant la porte
sans retour possible lorsque les musiciens rataient une note, Carlos Kleiber détestait aussi le studio,
mais a su heureusement parfois se faire violence. Le maestro excentrique a
gravé deux symphonies de Schubert
: la 8ème dite "Inachevée" et cette 3ème, une œuvre de jeunesse. Un
disque indispensable. (Clic). J'écrivais en octobre 2012 :
"Carlos
Kleiber a enregistré
"l'inachevée" de Schubert en album simple vinyle (avec la 3ème symphonie) en 1979.
Il propose une vision authentique, lumineuse, tendue et nerveuse, aux accents
beethoveniens. Kleiber
dirige la Philharmonie
de Vienne, la beauté
sonore est diabolique, une autre référence (6/6)."
Christopher Hogwood, disparu
en octobre 2014, appartenait à la génération des musiciens qui ont cherché à redonner
leurs couleurs instrumentales originelles aux œuvres baroques et classiques. On pourra lire
sa biographie dans l'hommage rendu à l'époque (Clic).
À la fin des années 70, Christopher
Hogwood enregistre une intégrale complète (plus de 50
symphonies) du corpus symphonique de Mozart.
Si la numérotation Köchel ne retient
que les N° 1 à 41, avec sans doute des imprécisions chronologiques, il existe
une bonne douzaine d'œuvres de Mozart
gamin. C'est avec l'Academy of
Ancient Music, un orchestre qu'il avait créé, que ce monument
discographique verra le jour pour le label L'Oiseau
Lyre. À l'époque, comme enregistrements notables, il n'existe guère que l'intégrale de Karl Böhm à Berlin datant des années 60 et une demi-intégrale par Josef Krips avec le Concertgebouw
d'Amsterdam. Christopher Hogwood apporte un éclairage nouveau avec
ses instruments d'époque, une approche pétillante, comme on va l'entendre…
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XXX |
Mozart :
Symphonie N° 28 K 200 en do majeur
L'ouvrage aurait été écrit en 1773 : une symphonie au sein d'un triptyque comportant les symphonies 27 et 29 (K 199 et 201). Des
musicologues contestent cette chronologie et la situe plus avant… Bof, on s'en
f**t un peu… D'ailleurs des lesdits pinailleurs n'aiment guère cette œuvre
jugée simplette voire taxée de musique de cours. Ils me font marrer !
J'aimerais savoir écrire de la musique aussi pimpante, élégante et pleine de
vie. (Mozart a 17 ans !!). Certes
avec ses quatre mouvements de 4-5 minutes, on est proche du divertissement : du Mozart joyeux et déjà adulé.
Orchestration : hautbois, cors et
trompettes par 2, cordes, mais ni flûtes ni trombones, par contre un clavecin.
C'est très mozartien ces jeux de timbres par orchestrations interposées qui
sortent du traditionnel 2/2/2/2 de mise pour la petite harmonie. En conséquence, la partition ne
comporte que 7 portées, Mozart
aimait la simplicité au bénéfice de la clarté. La tonalité est la plus basique
et joyeuse qui soit : do majeur. D'ailleurs comme on va le voir et surtout
l'entendre, Mozart Innove et l'épithète parfois
attribué de "musique galante"
me semble fort contestable…
L'Allegro con spirito attaque bille en tête :
claquement de timbales, furie des cordes. Un discours vivifiant et farouche qui
n'est pas sans rappeler l'énergie de la 25ème symphonie (oui je sais Sonia
: la "symphonie Barilla"… Car en ce bas monde, les pub pour les
nouilles permettent de cultiver les masses laborieuses). On pense à un lendemain
victorieux de bataille. Pourquoi des soldats ? Car la symphonie
K 200 de Mozart
revêt un caractère martial. Mais attention, pas du tout guerrier, un défilé de
soldats de plomb… Christopher Hogwood avec son
orchestre allégé en cordes fait briller chaque pupitre. Un Mozart
fougueux et une transparence dont a toujours rêver. NON, Mozart
n'est pas un romantique qui nécessite 60 cordes qui noieraient l'agilité du
chant de l'harmonie restreinte mais colorée.
L'Andante s'écoule avec galanterie certes. Mais dans ce second mouvement, le rythme se veut acéré. C'est beaucoup plus dansant et
nocturne que certains musicologues chagrins le pensent. Le développement
apporte une ambiance douce et nostalgique. La sonorité des cordes en boyaux de l'Academy of Ancient Music
apportent cette couleur suavement râpeuse qui souligne
l'esprit élégiaque du morceau.
Le Menuet et Trio tourne le dos au mouvement dit
"de détente" (manière élégante pour signifier "de
remplissage"). La mélodie est légère, joyeuse avec ses appels de cors qui établissent
un lien soldatesque avec l'allegro initial. Quant au trio, Mozart
fait intervenir un violon solo comme dans un micro-concerto. C'était très
innovant et même risqué à une époque où les musiciens mis à la disposition des
compositeurs n'étaient pas toujours au top.
Le Presto final reprend des accents de fanfares avec
un tempo furieux. Christopher Hogwood accentue
sans retenue la vitalité de cette musique victorieuse. Le chef ne laisse rien
échapper et montre comment avec un orchestre relativement modeste, Mozart obtenait une fantaisie chorale
inouïe. Une version vertigineuse de bonhomie et de verdeur. Quelques
concurrents de marque : Josef
Krips (Clic), Karl
Böhm sur instruments modernes, Trevor Pinnock sur instruments d'époque
et surement d'autres…
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Christopher Hogwood dans les années 70 Carlos Kleiber |
Schubert :
Symphonie N° 3 D 200 en ré majeur
1815 : Schubert a 18 ans et sa puissance créatrice
tourne à plein régime. Comment savoir que dix ans plus tard, la maladie
l'entraînera dans sa descente en enfer et vers la mort à 31 ans… (Clic).
Cette année là le musicien compose lied
sur lied, une bonne centaine. Pour se changer
les idées, entre le 8 et 19 mai, il écrit vite fait les 64 premières mesures du
début de cette 3ème symphonie,
puis, passe à autre chose jusqu'en début juillet où il couche sur les portées l'intégralité
de l'ouvrage en… 3 jours !
Il est possible que des extraits aient été joués lors
des soirées dites "schubertiades" du vivant de l'auteur, mais en
réalité elle ne sera publiée et créée qu'en 1881. Le propre des génies est de composer pour la gloire posthume.
Avec une vingtaine de minutes, l'œuvre fait preuve d'une concision qui renvoie
à leurs études ceux qui ironisent sur les divines longueurs chez Schubert (l'expression peut susciter
l'ironie). L'orchestration est très classique : 2/2/2/2 – 2 cors et 2
trompettes, timbales et cordes.
L'Adagio maestoso
attaque de manière olympienne et avec gravité la symphonie. Un
accord en tutti, mais déjà quelques phrases ludiques et poétiques dédramatisent
le propos. Ce style d'introduction fait penser aux londoniennes
de Haydn et à la 4ème
symphonie de Beethoven
(1806). L'Allegro
con brio établit le contraste par ses rythmes de danse, ses motifs
guillerets aux vents. La direction de Carlos
Kleiber se révèle jubilatoire à la tête de cette philharmonie de Vienne décidément
hors norme, aux couleurs si veloutées, jamais épaisses comme on peut parfois
craindre des orchestres allemands et autrichiens. Mention spéciale au hautbois
solo gouailleur.
L'Allegretto fait office de mouvement lent et dure
moins de 3 minutes. C'est quasiment les dimensions rencontrées à la fin du
baroque (Haendel) ou au début de
l'ère classique (C.P.E. Bach). Une pièce
ravissante en forme de marche interrompue dans sa partie centrale par une douce
sérénade. Là, on pense à Mozart,
à ses divertissements. Mais l'orchestration et la délicatesse du phrasé mises
en valeur par Kleiber signent
le discours enchanteur de la patte de Schubert.
Le Menuetto Vivace
aux accents très marqués ne fait pas double emploi avec l'allegretto en forme
de menuet. Les accords virils de cors et timbales appartiennent à l'univers
romantique. Globalement, cette symphonie fait œuvre de positivisme. Le trio
nous entraîne dans une fête campagnarde à l'instar de "La pastorale"
de Beethoven. Inutile de chercher les sombres
interrogations métaphysiques de la symphonie inachevée (Clic).
Dans le Presto vivace, Carlos Kleiber libère la douce folie
imaginée par un jeune homme au faîte de sa force créatrice. Avec cette 3ème symphonie qui clôt son premier
cycle symphonique, Schubert annonce la violence
contenue et la rythmique obsédante que l'on entendra plus tard dans le final de la 4ème
symphonie "Tragique"
et même au crépuscule de sa vie dans la 9ème
symphonie "La grande". Carlos Kleiber introduit une dimension
joyeuse voire malicieuse dans la coda, aidé en cela par ses musiciens
d'exception. Comme toujours, une version idéale à ranger à coté de celles de István Kertész, Karl Böhm (encore lui dans une interprétation dont l'allegretto musarde poétiquement, un bijou chez Dgg - intégrale à 6/6) et Herbert Blomstedt, etc.
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Quelle belle version de la symphonie n° 3 ( La 8 aussi ! ) de Schubert par Kleiber !!! Je connais bien cette version ayant l'album ci-dessus. La 28 de Mozart est assez enlevé, plus légère à l'écoute par rapport à la version d'Abbado avec le Philarmonique de Berlin ( Sony) qui pourtant sont tous les deux, que ce soit le chef comme l'orchestre, des références. Je me demandais si il existe un enregistrement de la symphonie 3 et de la 8 de Schubert par papa Kleiber pour pouvoir comparer avec le fiston. Dans mes incartades dans le classique, tu as oublié l'opérette avec "La Belle Hélène" d'Offenbach, le plus français des allemands. Pour la suite de tes chroniques, tu continue à suivre le catalogue Köchel ?? :D
RépondreSupprimerErich Kleiber (le père dans la famille Kleiber) a enregistré au moins une fois la symphonie N°3 de Schubert en 1946 avec l'orchestre de la NBC (1 CD Tarha) et l'inachevée avec la philharmonie de Berlin en 1935 avec, soit des coupures, soit des tempos "avis de tempête" (Oro). Ça gratouille, mais b**l quel nerf !!!
SupprimerDans les interprétations modernes de Mozart mais subtilement allégées, je confirme : Abbado nous a donnés de beaux disques gravés dans ses dernières années…
Désolé pour Offenbach, je viens de l'ajouter… avec nos 1902 articles et malgré l'index, ma mémoire me joue des mauvais tours…