samedi 11 octobre 2014

MOZART – Sonate pour piano N°11 K 331 "Marche turque" – MARIA-JOÃO PIRES – par Claude Toon



- Quelle surprise M'sieur Claude… Je ne savais pas que Arlette Laguiller jouait du piano…
- Vous avez fumé la moquette Sonia ? Juste un faux air de famille, Maria-João Pires est une pianiste de renom d'origine portugaise, une grande mozartienne…
- Excusez-moi M'sieur Claude… En effet, notre mamie gauchiste a surement des talents cachés, mais de là à enregistrer les sonates de Mozart pour un grand label…
- Jouer Mozart n'est pas techniquement un exploit, mais par contre, nous offrir toute la sève musicale de ses sonates est très très difficile, le travail d'une vie…
- Je compte 18 sonates sur la liste inscrite au dos du coffret, pourquoi avoir choisi la N° 11 ?
- C'est celle qui se termine par la "marche turque", une petite fantaisie pianistique assez célèbre…

Avec Barbara, la chanson française avait sa grande dame brune… Le piano classique a sa petite dame brune : Maria-João Pires… Une personnalité discrète, une sensibilité de jeu hors du commun pour communiquer avec l'esprit de Mozart, le compositeur fétiche de cette artiste.
Née à Lisbonne à la fin de la guerre, la jeune Maria-João Pires donne son premier récital à seulement 5 ans. Au programme : Mozart, déjà ! Elle commence ses études musicales en 1953 à 9 ans au conservatoire de la capitale portugaise. En plus du piano, elle reçoit un enseignement en composition et en histoire de la musique notamment auprès de la compositrice et musicologue franco portugaise Francine Benoît (1894-1990), une musicienne élève de Vincent d'Indy à la Scola Cantorum, mais également une combattante féministe fort active au XXème siècle. La jeune pianiste partira ensuite perfectionner son art à Munich.
Elle va connaître une carrière exemplaire hors du star-system. Parcourant la planète de Chicago à Berlin en passant par Boston et Vienne, elle sera accompagnée pour interpréter les concertos par des "pointures" comme Claudio Abbado ou Charles Mackerras. Si Mozart et Chopin restent ses compositeurs de prédilection, la pianiste à également donné le meilleur de son talent dans Schumann et Schubert. Maria-João Pires ne pouvait ignorer les sonates pour violon et piano de Mozart ; c'est avec Augustin Dumay qu'elle en a gravé plusieurs en 1991.
Maria-João Pires a enregistré deux fois les sonates de Mozart. La première fois dans les années 70' au Japon, pour le label Denon, dès le début de sa carrière. Cette intégrale fougueuse a été rééditée par le label Brilliant Classics. La seconde, que je présente aujourd'hui, réalisée pour Dgg, date des années 1989-1991. Le label allemand a récemment édité un gros coffret de 20 CDs réunissant ses enregistrements solistes. Erato a fait de même en 17 CDs. C'est rare de voir paraître de telles anthologies du vivant d'un artiste classique.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Mozart a composé des sonates assez tardivement. Elles apparaissent au premier abord comme des pièces de divertissement. À l'opposé, les 27 concertos pour piano sont souvent considérés comme une forme  d'auto analyse freudienne des angoisses existentielles du musicien. En conséquence, ces œuvres concertantes présentent une richesse d'invention, une complexité et une ampleur qui annoncent l'époque romantique et les concertos de Beethoven. Mais attention, sous cette apparente économie d'écriture dans les sonates se cache le jardin secret de Mozart. A priori Mozart ne fait guère preuve d'inventivité formelle, a contrario des symphonies, concertos et opéras. Mozart conserve le modèle de Haydn, la structure en 3 mouvements. Par contre, il émaille ses sonates d'une multitude d'émotions, un jeu de cache-cache entre joie et mélancolie. Et c'est en cela que les sonates sont difficiles à interpréter. Les partitions ne sont guère virtuoses et les pianistes qui ne savent pas pénétrer l'apparente sérénité des mélodies passent à coté de leur quintessence et distillent l'ennui. (Par manque d'osmose psychologique avec l'inspiration du compositeur ?) La discographie des sonates réserve des surprises. On pouvait ainsi lire il y a quelques années dans un article de Diapason : "Comment Horowitz qui était si bête et si fat jouait si bien Mozart alors que Richter qui était si intelligent et si fin le jouait mal ?"
Les 6 premières sonates K 279 à K 284 datent de 1775. Mozart a presque 20 ans et c'est un compositeur accompli qui vient d'achever sa 29ème symphonie, une œuvre ambitieuse et parfaite pour un musicien encore jeune. 3 autres sonates, K 282 à K 284 suivront en 1777.
Les 3 sonates K 330 à K 333 auraient été écrites vers 1783. Le mystère demeure. On vient de découvrir à Budapest la partition autographe de la "marche turque" de la sonate n° 11 qui dormait sous la poussière. Cette découverte montre à quel point la publication des partitions des sonates n'était pas la préoccupation première des éditeurs. Combien d'œuvres inconnues et de qualités diverses ont échappé aux musicologues ? Mozart écrira encore 7 sonates (tout au moins celles qui nous sont parvenues) jusqu'au crépuscule de sa vie.
En 1783, Mozart vient d'épouser Constance et s'apprête à entrer dans une loge maçonnique. Ce n'est plus un adolescent surdoué mais un homme empreint des courants de pensée et des innovations musicales du siècle des lumières.

1 - Tema : Andante grazioso : Très peu de notes, une berceuse. Ainsi commence cette sonate. Il s'agit d'un thème folklorique allemand qui se déploie dans une mélodie de style français. Tema : oui un thème auquel Mozart va faire subir six variations tantôt joyeuses, tantôt sereines. C'est tout à fait inhabituel dans le premier mouvement d'une sonate classique. Même les très imaginatifs Beethoven et Schubert ne recourent aux variations que dans les mouvements lents ou les finals de leurs sonates. Maria-João Pires adopte une telle délicatesse de touché tel que l'on pourrait parler de pointillisme du clavier. Bien entendu, pour nous faire voyager à travers mille couleurs, Mozart alterne dans les six variations des modes majeurs et mineurs. On entend aussi par-ci par-là resurgir des motifs du thème initial pour assurer une cohérence proche d'un mouvement de forme sonate classique. La pianiste adopte un jeu staccato avec un subtile legato qui rappelle que ces sonates ont été composées pour le piano "forte". Le jeu de la pédale doit être réduit au minimum, si tant est qu'elle soit utilisée. Un excès contribuerait à "romantiser" et alourdir le phrasé et masquer toute la fraîcheur et la tendresse de la musique.
La 6ème et dernière variation se veut plus altière avec une détermination plus marquée que dans les mesures qui précèdent, hardiesse de composition qui annonce la marche finale notée allegretto et non andante comme tout ce premier mouvement.

2 – Menuetto : avec un tempo allègre, le menuet aborde un monde sonore plus guilleret, plus ensoleillé puisque je parlais de berceuse en introduction de l'andante. Là encore, Mozart économise ses notes au bénéfice d'une transparence que Maria-João Pires joue avec précision et dynamisme.

3 – Rondo alla Turca : Allegretto : c'est l'un des thèmes les plus connus de Mozart. La pianiste oppose un jeu ludique, léger et malicieux dans la première partie du thème turc de la marche à une énergie plus farouche dans le développement. Un tonus un rien martial qui nous entraîne vivement jusqu'à la conclusion…
La lecture de la partition laisse pantois. Il y a si peu de notes et de difficultés de solfège par rapport à la densité rencontrée chez Chopin, Liszt ou Rachmaninov que l'on s'attend à écouter un exercice pour élève pianiste de 3ème année… Et c'est là le secret de la magie de cet enregistrement : explorer les rêves de Mozart en évitant toute virtuosité hédoniste qui n'est… absolument pas écrite sur les portées.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

La discographie des sonates est pléthorique, on s'en doute. Le coffret de la seconde intégrale de  Maria-João Pires est à prix doux. Il existe un CD avec la sonate K 331 commentée ce jour et quelques autres pièces. Pour un Mozart jouissif et percutant, sans chichis, le pianiste de Jazz Friedrich Gulda a enregistré l'intégrale qui sied à ce style. Nous avions déjà rencontré ce pianiste dans quatre concertos de la maturité, accompagné par Claudio Abbado à la tête de la Philharmonie de Vienne (Clic). (Dgg – 6 CD – 6/6).
Autre approche encore, celle d'Alfred Brendel dans un double album réunissant des sonates captées au fil du temps dans les années 70'. Brendel est l'un des rares pianistes masculins à redonner virilité à la musique de Mozart sans s'évader vers le pathos romantique que l'on trouve par exemple, et c'est dommage, chez Daniel Barenboïm. (Philips Duo – 6/6).

L'intégralité de la Sonate sous les doigts de Maria-João Pires.


1 commentaire:

  1. Arlette Laguiller au piano et Alain Krivine (cousin d' Emmanuel) à la baguette !! ^^ Toute la classe politique d'extreme gauche représentée ! Il ne manque plus que les Lambertistes et les Maoïstes et l'orchestres sera complet.. au programme, une symphonie pour pavé et C.R.S rut majeur avec un lacrymosa sans gène !

    RépondreSupprimer