Des livres sur le cinéma, y’en a des tonnes (mes étagères en témoignent). Mais des films sur des films… Sur des chanteurs, oui, de plus en plus, mais sur des films… Ce ROOM 237 réalisé par Rodney Ascher, s’attache à décortiquer les messages cachés du film de Stanley Kubrick, SHINING (1980). Que vous ayez vu ou non SHINING, tiré d’un bouquin de Stephen King, j’imagine que vous connaissez au moins l’histoire, que je vous redonne en deux mots : Jack Torrance, écrivain, s’installe comme gardien avec Wendy sa femme, et Danny son fils, dans l’hôtel Overlook, fermé pendant l’hiver. Un isolement propice pour se mettre à son nouveau roman. Et ça va mal tourner…
Le Tom Cruise de EYES WILD SHUT qui regarde les photos de SHINING... |
Le
film ROOM 237 est d’abord très bien fait, avec un mode narratif rigolo, détournant plein d’extraits de films, de Kubrick ou autres
réalisateurs. Extraits choisis non sans humour la plupart du temps. Les intervenants sont tous en voix-off. On parle d'image, on montre des images, des extraits, des
zooms, des arrêts sur images, des croquis, du multi-écran…
C’est
dans l’étude des images que ce documentaire est le plus pertinent. En premier
lieu lorsqu’il met à jour que l’organisation de l’hôtel est
« impossible ». Je précise que tout le film se passe dans cet hôtel.
Un vrai, qui s’appelle en réalité l’hôtel Timberline, dans l’Oregon. Filmé au
début, mais ensuite entièrement reconstitué en studio près de Londres. Chose
amusante, l’hôtel initial, celui du livre de Stephen King, situé dans le
Colorado, a pour nom : l’hôtel Stanley… Véridique !
Bref,
des fanatiques ont réussi à reconstituer les plans de l’Overlook de Kubrick, en
fonction des images du film. Si le salon est là, les ascenseurs à gauche, le
couloir qui longe les cuisines, etc… Ben ça ne colle pas ! Exemple avec
le bureau du directeur, qui y reçoit Jack Torrance au début. Il y a une fenêtre
qui donne sur un paysage. C’est impossible. Quand on regarde bien le film, il ne peut pas y avoir de
fenêtre, car le bureau ne donne pas sur l’extérieur, il est complètement entouré d'autres pièces !
La fenêtre impossible |
Exemple
encore plus frappant. Danny joue aux petites voitures, dans un couloir, sur la
fameuse moquette aux losanges. Soudain, une balle de tennis roule vers
lui, sur une bande de moquette marron. Le gamin lève les yeux. Cut. On voit le
couloir : y’a personne (alors d’où vient la balle ???). Cut. On revient
sur Danny qui se relève : les motifs de la moquette sont inversés, il n’y a plus la bande
marron. Même problème : si l'angle de caméra a été inversé, Danny devrait
logiquement être filmé de dos. Sauf qu’il est toujours de
face, les petites voitures à ses pieds !
Ces
démonstrations montrent que Kubrick a délibérément faussé son film, pour désorienter
le spectateur. L’architecture de l’hôtel est vue comme le cerveau dérangé de
Jack Torrance, ce qui culminera avec la scène du labyrinthe. En plus des
travellings latéraux, du rythme des poteaux, des motifs de moquette qui
contribuent à hypnotiser le spectateur, on s’aperçoit que rien n’est logique,
tout est trompeur. Comme ses dessins trompe-l’œil, où un type monte un escalier qui pourtant descend, vous voyez ? C’est diabolique ! Kubrick peut-il vraiment ne pas s’apercevoir
au montage, que la machine à écrire de Jack Torrance change ? Que la chaise derrière lui a disparu entre deux champ /
contre-champ ? Que lorsqu'il défonce la porte de la salle de bain à la hache, un battant entier se retrouve évidé comme par miracle ? (ça c'est vérifié, et c'est hallucinant !)
L’autre
partie de ROOM 237 s’attache aux messages sous-entendus du film, et là, ça
devient vraiment comique. Vous connaissez la thèse comme quoi Kubrick, approché
par la CIA, aurait réalisé les images de l’alunissage d’Apollo 11 (1969), en
studio, réutilisant les décors et techniques de 2OO1 ? Une vieille rumeur
qui court depuis des lustres (voir le documentaire de William Karel "Opération Lune" (2002), un "fake" étonnant et très rigolo). Si Kubrick a pu obtenir de la NASA un objectif
photo ultra-sensible pour filmer certaines scènes de BARRY LYNDON en 1975,
c’est que la NASA lui était redevable… CQFD. La preuve : Danny a un pull
en laine avec une fusée tricotée dessus. « Room n°237 ». Mélanger les
lettres… R, O, O, M, N = MOON ROOM ! Et
en miles, quelle est la distance de la terre à la Lune ? 237 000… Kubrick
se servirait donc de SHINING pour s’excuser auprès de sa femme de lui avoir
menti pendant des années : oui j’ai filmé Neil Armstrong sur une fausse Lune en
1969… On est prié de ne pas rire.
On
a le gars qui pense que SHINING est un film sur l’Holocauste. Génocide décidé
par les nazis en 1942. Retenez le nombre 42. La chambre maudite de l’hôtel est
la 237. 2 fois 3 fois 7 = 42. C’est aussi le nombre inscrit sur le maillot de
baseball du gamin… C’est le nombre de voitures garées sur le parking de
l’hôtel. Et le film que regarde Danny et sa mère à la télé, c’est « Un été
42 »… D’ailleurs, la machine à écrire de Jack Torrance est de marque
allemande, Aigle. Aigle = nazi, c’est bien connu. J’en passe et des meilleurs.
La
théorie sur le génocide indien n’est pas mal non plus, la preuve, dans
la réserve de nourriture, on voit une boite de conserve de la marque
« calumet », et aux murs des tentures sioux… Autre énormité : Stephen King n’aimait pas le film, l’intrigue ayant été
trop remaniée par le cinéaste (il tournera sa propre version pour la télé). Démonstration : la Volkswagen Coccinelle des Torrance est
rouge dans le roman, et jaune dans le film. A la fin du film, quand Hallorann revient
vers l’hôtel, on voit un accident de la route : une Coccinelle rouge est encastrée sous un
camion. Ce serait un bras d’honneur de Kubrick aux réflexions de
Stephen King… J'écrase ta voiture, j'écrase ta version, j'écrase ton bouquin. Théorie qui ne tient évidemment pas, puisqu'au moment de tourner cette scène, Kubrick ignorait l'avis de Stephen King sur un film qui n'était pas encore fini de tourner !!! Cette histoire de bagnole me fait penser à la pochette d’Abbey
Road, des Beatles, avec cette théorie fumeuse qu’elle divulguerait que Paul
McCartney était décédé pendant l’enregistrement !
Ils nous font aussi le coup des images
subliminales, une centaine dans le film, mais sur les exemples montrés, arrêt sur image à l'appui, rien
ne m’a particulièrement frappé… le coup du directeur d'hôtel qui bande(rait) en serrant la main de Torrance... Trop drôle ! Le top, c’est le gars qui a eu l’idée de
superposer sur un même écran, le film projeté à l’endroit et à l’envers !
Des messages apparaissent (comme les disques de hard rock passés à l'envers ?!!) expliquant tout. Bon, le cinoche c'est 24 images/seconde, le film dure 2 heures, je vous laisse calculer… Ça me parait évident qu’à un
moment, deux images vont se superposer, et qu’on pourra y trouver du sens…
ROOM
237 relève d’un genre inédit. Mais plutôt que de laisser la parole aux seuls
fanatiques, adeptes des théories du complot (car y’a ça aussi, of
course !) j’aurais aimé avoir l’avis d’ex-collaborateurs de Kubrick, de
critiques, d’autres cinéastes. Cela aurait été plus rigolo, et aurait relativisé ces observations parfois fumeuses. Car
si Stanley Kubrick pensait chacune de ses images avec un soin quasi
maniaque, on sait aussi qu’une image peut donner bon nombre d’interprétations,
différentes, voire opposées. ROOM 237 en est la preuve éclatante.
Soit nous sommes devant des coïncidences, des hasards heureux, soit face à des délires qu'on balaie du revers de la main, soit devant des images... effectivement extrêmement troublantes...
Soit nous sommes devant des coïncidences, des hasards heureux, soit face à des délires qu'on balaie du revers de la main, soit devant des images... effectivement extrêmement troublantes...
Pas de véritable bande annonce disponible, mais ces extraits. C'est en anglais, pardon, pas le choix ! Mais les images parlent d'elle même.
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