En 1971, Peter Frampton délaisse Humble Pie qui, d'un point de vue commercial, n'arrivait pas à décoller, pour embrasser une carrière solo qui, bien que lente à démarrer, sera payante avec un des doubles live les plus vendus de l'histoire du Rock ( Frampton Comes Alive). Toutefois, au moment où il quitte le groupe de Steve Marriott, Humble Pie accède, enfin à la notoriété grâce au « Performance Rockin' The Fillmore ». Un disque brutal, sans concessions, sans overbuds, anti-commercial, avec seulement sept titres pour quatre faces, dont la reprise de Dr John, « I Walk on Gilded Splinters » dépassant les vingt minutes (!), et la suivante, le « Rolling Stones » de Muddy Waters les quinze (!). Alors que les précédents disques, pourtant excellents (et même meilleurs), accusent des ventes relativement timides (le dernier en date, « Rock On », réussit une percée dans le Billboard américain à la 118ème place), ce live que rien ne prédestinait à une carrière commerciale, grimpe à la 21ème place des ventes US et 32ème anglaises. Inespéré. La bombe incendiaire qu'est « I don't need no doctor » y étant certainement pour beaucoup. Même si Frampton dit ne rien regretter de sa longue carrière, y compris ses erreurs, il dut tout de même se poser quelques questions.
Le staff d'Humble Pie dut également s'en poser. Il fallait profiter de ce fulgurant et inopiné succès, battre le fer tant qu'il était chaud. Or, il n'est pas facile de remplacer un musicien de l'envergure de Frampton.
Ce fut Dave « Clem » Clempson, guitariste émérite, issu du British-blues (1), puis du Rock-progressif et Jazzy de Colosseum. Bien que crédité également en qualité de chanteur, Clem est à peine présent au micro pour quelques chœurs succint. Désormais, Marriott, bien plus qu'auparavant, marque et assure sa place de leader en imposant ses rythmiques brutes de décoffrage et son chant qui ne l'est pas moins. Tantôt secondé par Gregg Ridley, qui s'octroie encore quelques chansons en « lead », tantôt par des chœurs féminins dans la pure tradition de la « Black-music » des 60's issue du Gospel et du Rythm'n'Blues.
Aucune trace de l'expérience Rock-Progressive précédente de Clempson. « Smokin' » est le disque le plus lourd d'Humble-Pie, s'immergeant parfois même dans un Hard-blues des plus rugueux et rageur. Beaucoup considèrent cet opus comme l'apogée du groupe, alors que d'autres (il convient de le signaler) lui reproche de s'enliser dans un Hard-Rock pataud.
Avec le départ de Frampton, le Pie a perdu l'osmose générée par deux tempéraments différents mais complémentaires. Les duos chantés et les joutes entre une guitare élancée et cultivée et une autre nettement plus brutale et séminale, qui offraient toute la richesse du Pie, ont en bonne partie disparu. Pourtant, Clempson est un sérieux technicien, capable de muer en furieux killer, géniteur de riffs assassins, et doté d'un vocabulaire assez large. Seulement, il semble s'effacer devant l'autorité de Marriott. Or, ce dernier (comme tant de grands artistes et musiciens) donne le meilleur de lui lorsqu'il est confronté à quelqu'un de caractère.
D'ailleurs, Clempson compose bien moins que son prédécesseur, ce qui entraîne le Pie à compenser par des reprises (ce sera désormais une habitude). Heureusement, celles-ci, réarrangées, se fondent admirablement dans le répertoire ; à un tel point, que certaines deviendront des classiques du groupe, souvent jouées en concert. Comme « C'Mon Everybody » (d'Eddy Cochran), en version Hard-blues, faussement foutraque, « Roadrunner » ralenti et alourdi, « I Wonder » (composition de Gant & Leveen, popularisé par Louis Prima, Louis Amstrong et Johnny Otis) méconnaissable car ici muée en un slow-blues heavy devant autant au Chicago-blues d'Otis Rush qu'à Led Zeppelin (play it loud !).
D'ailleurs, Clempson compose bien moins que son prédécesseur, ce qui entraîne le Pie à compenser par des reprises (ce sera désormais une habitude). Heureusement, celles-ci, réarrangées, se fondent admirablement dans le répertoire ; à un tel point, que certaines deviendront des classiques du groupe, souvent jouées en concert. Comme « C'Mon Everybody » (d'Eddy Cochran), en version Hard-blues, faussement foutraque, « Roadrunner » ralenti et alourdi, « I Wonder » (composition de Gant & Leveen, popularisé par Louis Prima, Louis Amstrong et Johnny Otis) méconnaissable car ici muée en un slow-blues heavy devant autant au Chicago-blues d'Otis Rush qu'à Led Zeppelin (play it loud !).
Outre ces trois covers qui feront donc désormais partie intégrante du matériel de scène, il y a également « 30 days in the Hole » (que Marriott interprètera sans jamais s'en lasser jusqu'à ses dernières prestations en solo), un savant mélange du maître de conférence, à base de Rythm'n'Blues, de Gospel, de réminiscences Stoniennes, le tout dans une ambiance franchement Heavy-rock. Un titre tellement évident que l'on pourrait le croire extrait du patrimoine des grands classiques de la musique populaire. Et le 1er titre, « Hot'n'Nasty », qui justifie à lui seul l'acquisition de l'opus : un puissant Heavy-Rock introduit par un orgue (qui laissera sa place au piano sur les dernières mesures) jouant le riff, appuyé par une batterie franche (et aucunement monolithique), charpenté par une basse lourde mais « swingante », avec cette voix habitée, vibrante, transcendée (répétons-le, une des meilleures de la musique des 70's qui chante du Heavy-Gospel-rock - ça n'existe pas ? Tant pis, Marriott l'a inventé !), où une guitare rageuse vient larder le tout de furieux traits de wah-wah. Magnifique. Ces 5 titres sont donc à jamais inscrits en lettres d'or au répertoire des classiques d' Humble Pie.
Steve Marriott les utilisera aussi lors de son erratique carrière solo.
L'album ne se résume pas pour autant aux titres mentionnés ci-dessus, car les quatre autres conservent une qualité quasi égale, voire supérieure avec le magnifique « You're so good for me », ballade Country-blues virant Heavy avec renfort de chœurs Gospel, où l'on retrouve la voix rocailleuse de Ridley. Un titre qui nous ramène à l'album éponyme de 70.
L'album ne se résume pas pour autant aux titres mentionnés ci-dessus, car les quatre autres conservent une qualité quasi égale, voire supérieure avec le magnifique « You're so good for me », ballade Country-blues virant Heavy avec renfort de chœurs Gospel, où l'on retrouve la voix rocailleuse de Ridley. Un titre qui nous ramène à l'album éponyme de 70.
Smokin' est certainement le dernier grand disque d'Humble Pie (à mon sens, à classer parmi les incontournables de la décennie). Toutefois les albums suivants ne sont pas à délaisser (malgré ce qui a pu être écrit).
Petit survol rapide de la suite et de la fin de carrière du Pie.
Le suivant, « Eat It » (1973), est consacré à la Soul et au Rhythm'n'blues, et met en exergue les Blackberries ; une formation de chanteuse issues de la Motown, rassemblé initialement pour la tournée de l'automne 72. En l'occurrence Clydie King et Sherlie Matthews. Venetta Fields arrivera plus tard, pour l'enregistrement de ce double album. Sherlie, à cause de ses deux jeunes enfants laissés à Los Angeles et aussi d'un compagnon jaloux (le producteur Derek Richards), laissera sa place à Billie Barnum, dès la finalisation du disque. Son nom sera omis sur l'album.
Malheureusement, « Eat It » souffre d'une production compressée et d'un mixage semblant aléatoire (pratiquement inécoutable sur mp3), avec Marriott parfois en retrait par rapport à l'orchestration et surtout les Blackberries. Un choix peut être, car c'est l'album de Steve. Il signe seul les deux-tiers des chansons, le reste étant des reprises à part une composition co-signée Marriott / The Pie (face 1 et 3 dédié à Marriott, la face 2 aux reprises, et la 4 à trois titres live). En plus de faire partie de la production, Marriott est crédité en tant qu'ingénieur du remix. (****)
(1974) « Thunderbox » (terme du XVIIème siècle désignant les toilettes), bien que toujours marqué par la Soul, sonne un peu plus Rock. Il est bien mieux enregistré et laisse à nouveau un peu de champs libre aux autres comparses. Clempson parvient à poser son empreinte à travers deux riffs Stoniens et pesants (« Thunderbox » et « Every Single Day »). L'inspiration du Pie semble s'essouffler avec sept reprises sur douze pièces. Un succès en demi-teinte qui peut s'expliquer par une première face un peu molle, avec un « I Can't Stand the Rain » moribond , le gentillet « Anna » échappé de l'univers "Small Faces", et des compositions aux rythmes funky et patauds qui ont dû refroidir ceux qui ne vénéraient que le côté Heavy du band. Le moins bon de cette formation, mais à ne pas négliger. (**,5)
Pour « Street Rats » (1975), Andrew Oldham (ancien manager des Stones et co-fondateur du label Immediate Records) vient en renfort. Le résultat : une production plus nette et définie. Les Blackberries sont remerciées, et le groupe revient à quelque chose de relativement plus direct, avec le retour du bûcheron Gregg Ridley au chant. « Street Rats » est le résultat logique des précédentes réalisations depuis l'intégration de Clempson. Le Pie est encore capable de montrer les dents (mais Marriott n'aimait pas le mixage final qui, à ses dires, aurait été commandité par le label pour alourdir le son, contre son propre avis). Disque moyen, inégal, mais attachant. (***)
Après une dernière tournée, le « Goodbye Pie Tour », le groupe, dépité et fatigué (depuis 1970, ils sont continuellement sur la route ou en studio), jette l'éponge.
Après quatre années de sommeil, le groupe se reforme en 1979 avec seulement Jerry Shirley et Marriott comme membres d'origine. Bobby Tench (Jeff Beck Group, Streetwalkers, Freddie King, Van Morrison) occupe la place de guitariste-chanteur. Deux opus suivent : « On the Victory » en 1980, et « Go For the Throat » en 1981. Du Hard-Rock carré, sympathique mais sans grande originalité. (**)
Des soucis de santé (ulcère prononcé) forcent Marriott à raccrocher. Il décide par la même occasion de s'éloigner de l'industrie musicale qui l'insupporte. Il décède le 20 avril 1991, chez lui, dans les flammes d'un incendie déclenché par une cigarette. Peter Frampton et lui-même étaient en train d'essayer de reformer Humble Pie dans sa formation originale. Dans le cas où ils échoueraient dans leur tentative, ils avaient prévu de partir en tournée en embauchant d'autres comparses (à ce moment là sous un autre patronyme, certainement sous leur deux noms).
Des soucis de santé (ulcère prononcé) forcent Marriott à raccrocher. Il décide par la même occasion de s'éloigner de l'industrie musicale qui l'insupporte. Il décède le 20 avril 1991, chez lui, dans les flammes d'un incendie déclenché par une cigarette. Peter Frampton et lui-même étaient en train d'essayer de reformer Humble Pie dans sa formation originale. Dans le cas où ils échoueraient dans leur tentative, ils avaient prévu de partir en tournée en embauchant d'autres comparses (à ce moment là sous un autre patronyme, certainement sous leur deux noms).
Dernier sursaut d'Humble Pie en 2001. Mais peut-on considérer cette nouvelle reformation comme légitime sans son leader, fondateur et performer ? Ce sont Jerry Shirley (qui avait un temps continué à faire des concerts sous le nom Jerry Shirley's Humble Pie avec Charlie Hunn) et Greg Ridley qui reforment le groupe avec Bobby Tench et Dave Colwell (Bad Company, FM, Samson). L'album, « Back on Tracks » (2002), est bien moyen. (**)
Quant à « The Scrubbers Sessions », disque constitué des pistes qu'avait enregistrées le Pie (en quintet, avec Tim Hinkley aux claviers) dans le studio de Marriott en 74, et refusé en bloc par la maison d'édition, il est à réserver aux fans purs et durs, aux archivistes. Eagle Records (l'entreprise qui a permis la mise à jour) a cru bien faire en éditant l'intégralité de ces sessions. Or, l'ensemble est un peu décousu, avec des Blues rugueux à la Muddy Waters, des chanson de poivrot pour pubs enfumés, des rock mi-creedence mi-stones qui côtoient des Heavy-rock bluesy, des expérimentations, du funk et de purs Rhythm'n'blues. De plus, la production a, forcément, un goût d'inachevé. Il aurait été bon de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie, car il y a du bon matériel, à l'état brut. Une matière première qui aurait pu permettre la naissance d'un grand disque. (**)
P.S. : « Smokin' » fut très bien accueilli aux USA, où il culmina à la sixième place des Charts (malgré une pochette manquant sincèrement d'originalité). C'est l'album le plus vendu après le live.
P.S. : « Smokin' » fut très bien accueilli aux USA, où il culmina à la sixième place des Charts (malgré une pochette manquant sincèrement d'originalité). C'est l'album le plus vendu après le live.
(1) Clempson était dans un trio de British-Blues, « Bakerloo », auteur d'un seul disque éponyme à son actif, mais d'un très bon niveau. Recommandé.
👉 Autres articles sur Humble Pie (lien) : Humble Pie (1970) et Rock On (1971)
La qualité des vidéos laisse à désirer, mais je voulais montrer, par leur intermédiaire, combien Marriott était heureux sur scène. C'est son élément. Il n'est pas là pour faire de la figuration ou le poseur.
De plus, ce qui est intéressant, c'est que ces interprétations sont différentes des versions studios. Surtout "30 days in the Hole".
Encore un post bien fouillé !
RépondreSupprimerDave Clempson a ne pas confondre avec Zal Cleminson...
Bon je sais c'est incongru mais c'était ma touche de fantaisie.
"Bakerloo" avec Clempson est un excellent disque, j'en avais parlé sur un site marchand symbole de l'impérialisme commercial américain...
RépondreSupprimerCleminson, tu parles sans doute du guitariste du Alex Harvey Band ?
Yes Rockin'. J'm'en souviens.
SupprimerDe mémoire, il me semble bien que Bakerloo avait été considérée comme une ligne maudite à cause des nombreuses difficultés et incidents qu'engendrèrent sa réalisation. Elle fut arrêté un moment, mais pour des problèmes financiers. Il y aurait eu de nombreux blessés.
Bingo !
RépondreSupprimerOui c'est bien le guitariste du SAHB...