[ Bardot et Charles Vanel, "La Vérité" ]
A l’époque, l’affaire avait fait grand bruit. Pauline Dubuisson, qui n’a jamais nié sa culpabilité, a dû faire face à des torrents d’injures, d’immondices, et malgré cela, et c’est sans doute aussi ce qu’on lui reproche, elle est restée digne, debout, bravant son monde. Le film de Clouzot n’est qu’un point de départ, qui élude beaucoup d’aspects. Dans son livre LA PETITE FEMELLE, Philippe Jaenada va tout reprendre de zéro.
Il ne s’agit pas pour l’auteur [ photo ] d’innocenter Pauline Dubuisson, elle a tiré, on le sait, elle le sait. Mais de comprendre comment cette femme a suscité tant de haine, toute sa vie.
Pauline Dubuisson est une belle femme, froide, intelligente, qui en impose, donc forcément suspecte. Et qui, c’est peu de le dire, en aura bavé toute sa vie. Une vie de merde. Qui commence bien avant le procès, et se termine bien après. Ce bouquin est aussi le portrait en filigrane d'une France de l'Occupation et de l'après guerre.
Son histoire commence à Malo-les-Bains, un quartier de Dunkerque. En 1940, quand les allemands prennent la ville, elle a 13 ans. Son père, ex-officier, du genre strict, va profiter de l’Occupation pour faire prospérer son commerce. Pas par idéologie, mais un client est un client, et ceux qui paient, ce sont les allemands. Quand il va négocier ses contrats, il emmène Pauline avec lui à la kommandantur, pour l'instruire. C’est lui qui fait l’école à sa fille. Rapidement la gamine ira seule. Les officiers allemands apprécient sa maturité, ils aiment bien la reluquer, aussi.
Jaenada va confronter témoignages et documents, à commencer
par les minutes du procès de 1953. Par exemple cette histoire de
square. Le garde du parc aurait surpris Pauline bécoter son jeune
allemand. Et par un coup de baguette magique, la voilà devenue une
salope qui arrondissait ses fins de mois en baisant toute la
Wehrmacht. A l’hôpital – oui elle a eu une liaison avec le
médecin-chef – on dira que son rôle était de soulager les
souffrances des blessés en leur administrant des petites pipes,
allez, ce soir, j’attaque le dortoir de droite…
La vie de Pauline Dubuisson va être décortiquée, son entrée au lycée, la Libération, son arrivée à Paris en Fac de médecine, ses relations avec les hommes, on lui prête encore des liaisons avec ses profs, et la période où elle rencontre Félix Bailly, son futur fiancé et future victime.
A partir d’un texte, d’une photo, Philippe Jaenada va parfois extrapoler, imaginer des scènes, des versions. Et il le fait avec humour. Car ce bouquin, si sombre et tragique soit-il, est aussi très drôle, sarcastique. Les portraits que fait Jaenada des protagonistes, avocats, flics, sont méchamment tordants, comme ses tentatives de reconstitution de la scène de crime, chez lui avec sa femme.
Ben alors, c’est quoi les réserves à propos de LA PETITE FEMELLE. Le petit point faible vient justement de ses qualités. La contre-enquête de l’auteur est si fouillée, chaque moment scruté sous plusieurs angles, que certains passages paraissent répétitifs et au final confus. Jaenada est un brillant conteur, le style est enlevé, gouleyant, on s'en délecte, mais il prend parfois l’ascendance sur le propos. Il use de digressions sur sa propre vie. Ca surprend au début, certaines sont drôles et pertinentes, mais, et ça n'engage que moi, ça peut devenir barbant. Il suffit de sauter quelques lignes ou paragraphes, le bouquin fait plus de 700 pages, on aurait pu élaguer un peu.
La vie de Pauline Dubuisson ne s’arrête pas au procès. Elle sera condamnée, emprisonnée, jusqu'en mars 1960. Six mois plus tard, sort le film de Clouzot. Les rumeurs, les rancœurs, les ragots repartiront de plus belles. Jaenada analyse aussi l’impact de la presse à scandale qui se regorge de ce genre d’histoire, et toute la littérature écrite à son sujet, qui relaye aussi approximations voire fausses informations. La fin de vie de Pauline à Essaouira, au Maroc, où elle travaille dans un hôpital, incognito, sous un autre nom, sont d’une mélancolie infinie. Mais on y croit, on espère, pour elle. Hélas, le sale passé resurgira au hasard d'un magazine posé dans une salle d’attente, avec son portrait dedans.
Je reste dubitatif avec Philippe Jaenada : "La serpe" m'avait profondément ennuyé, "Sulak" bien davantage convaincu. Bon après vu ton commentaire très bien formulé (si, si, si...) je vais surement me laisser tenter
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu "La Serpe", on en avait beaucoup parlé, c'est peut être pour ça ! Celui-ci est vraiment très bien.
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