L’auteur laisse la scène en suspens, puis flashback en 1992, où il revient sur son arrivée au Japon et ses débuts dans le journalisme. TOKYO VICE n’est pas un roman, mais un livre de souvenirs, des mémoires, sauf que l’auteur adopte un style narratif romancé, on y retrouve tout ce qui fait un bon roman noir, les enquêtes, les flics, les truands, une plongée dans un milieu, l’étude d’une société, de sa face cachée.
Jake Adelstein va mettre des années à se faire accepter, respecter. Au "Yomiuri Shinbun", il travaille à la rubrique faits divers, crimes, plusieurs années plus tard aux mœurs, la prostitution, puis le crime organisé, et spécialement le trafic d’être humains. Au Japon, les rédactions des services crimes sont implantées au QG de la police. Imaginez les cellules police & justice de "Libé" ou du "Figaro" installées au (feu) 36 quai des Orfèvres ! Flics et journalistes travaillent ensemble, on se refile les infos, on ne garde rien pour soi. Adelstein va apprendre comment tresser et entretenir son réseau d’informateurs, chez les policiers ou les truands. En ayant de jolies intentions, faire des cadeaux, connaitre les dates d’anniversaire des gamins, leur apporter des glaces, couvrir de fleurs les épouses… Personne n'est dupe, chacun joue le jeu, question de respect. Ainsi se construit une belle amitié entre lui et Sekiguchi, flic de la crim’ réputé.
TOKYO VICE nous plonge dans la société japonaise, ses us et coutumes (le manuel du suicide, scène hallucinante du gamin qui s’électrocute en laissant un mot : « ne touchez pas à mon cadavre avant de couper le jus » le tact, toujours le tact...), ses perversions surtout. Pendant des années Adelstein a parcouru le monde de la nuit, les bars à hôtesses du quartier chaud de Tokyo, Kabukicho. Les tentations sont nombreuses, il n'y résiste pas toujours.
C’est en fréquentant des années durant les maquereaux, les escrocs, les prostituées, et en suivant le parcours de l’argent, qu’il va tirer les fils d’une vaste organisation de trafic d’humains, des jeunes femmes étrangères en quête d’un petit boulot, attirées à coup de promesses et de billets d'avion offerts, puis exploitées comme esclaves sexuels. Et cette histoire de greffés du foie, particulièrement sensible, dangereuse, quand on s'approche de trop près à Tadamasa Goto.
Comme dans tout bon roman noir, le détective journaliste fume comme un pompier (des clopes aux clous de girofles), boit comme un trou, fréquente les filles des bas-fonds, rentre chez lui à 5h du mat’, dort dans son bureau ou sur le canapé du salon, met en péril sa famille, se fait menacer, tabasser…
Jake Adelstein marche dans les pas d’un Tom Wolfe, un récit journalistique à la première personne, il informe autant qu’il se met à nu.
Lu il y a assez longtemps. Exact, c'est très bon. La société japonaise ne fait pas vraiment envie, même si tu peux faire tomber ton portefeuille dans la rue, revenir une heure après, et le retrouver car personne n'y a touché. Je connais quelqu'un qui y va régulièrement: les Japonais sont affreusement racistes, ce n'est jamais ouvertement marqué, mais l'intégration y est quasiment impossible. Et la collusion pègre/pouvoir est hallucinante, du moins à ce niveau, même si les exemples ne manquent pas (Mafia/démocratie chrétienne en Italie, Mafia/démocrates us, RPR/UDR/ milieu corse chez nous).
RépondreSupprimerD'après Adelstein, et des années où il a été en poste là bas, il s'agirait plus de xénophobie que de racisme. Mais quand on remonte aux années d'avant guerre, et pire, pendant la guerre, avec l'expansion de l'armée japonaise en Asie, les politiques eugenistes et racistes n'avaient rien à envier au troisième Reich...
RépondreSupprimerOui, exact, d'après les échos que j'ai eus, c'est plutôt de la xénophobie. Le type que je connais est dans le milieu du rugby, il est arbitre, et pas mal de joueurs en fin de carrière vont faire des ménages au Japon où ils sont confrontés au phénomène. ce qui explique que les contrats sont généralement très courts.
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