On est en droit d’avoir à
priori sur le bouquin. Le nom d’Auschwitz sur la couverture sonne
comme un produit d’appel malsain, d’autant que mon exemplaire est
estampillé d’un « offert pour 2 achetés ». Son
auteur, Antonio González Iturbe, est un journaliste et écrivain
espagnol.
[ photo : Alfred Hirsch ]Dès les premières pages le lecteur est plongé dans
l’enceinte d’Auschwitz-Birkenau, dans le camp BIIb, le camp
familial, et particulièrement dans le bloc 31. C’est ici que sont
réunis les enfants de déportés, sous la responsabilité de Fredy Hirsch, lui même déporté, personnage aussi torturé que charismatique. Ce juif allemand, prof de
sport, a convaincu les autorités nazies qu’occuper les enfants
de prisonniers pendant la journée permettrait à leurs parents
d’être plus productifs au travail…
Une idée qui ne pouvait que séduire Himmler, à condition que les gamins n’aient que des activités
ludiques, sportives, toutes formes d’éducation ou d’enseignement
étant prohibées. Hirsch a contourné la règle, le bloc 31 est
devenu une école clandestine. Parmi les élèves, la jeune Dita, 14
ans, deviendra la préposée aux livres, la bibliothécaire, donc.

[ photo : Dita Kraus => ] Les
livres étaient évidement interdits (« quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver » sentence attribuée au gros Goering) mais certains déportés avaient réussi à
en faire entrer quelques uns, huit exactement nous dit l'auteur. Dont « La
brève histoire du monde » de HG Wells, des traités de
géométrie ou de grammaire russe, un roman tchèque « Les Aventures du brave soldat Švejk » de Jaroslav
Hašek. Épisode cocasse, lorsque Dita a voulu lire cette farce satirique, les
adultes s’y opposèrent : ce n’est pas un ouvrage
convenable pour une jeune fille de 14 ans. A quoi Dita rétorque :
« Ce qu'il se passe tous les jours à Auschwitz, est-ce
convenable pour une jeune fille de 14 ans ? ». Il y avait aussi les livres vivant. Autrement dit, des adultes connaissant des bouquins par cœur et qui les racontaient aux enfants, dont cette femme qui feuilletonnait oralement « Le Comte de Monte Cristo » et son incroyable évasion, bien à propos. On retrouve l'idée dans une merveilleuse séquence de « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury.
Le rôle de
Dita étaient de faire circuler les livres en fonction des demandes
des professeurs, cachés dans des poches cousues sous sa tunique, et
de les remettre en place chaque soir sous une latte de parquet dans
le bureau de Hirsch. Elle devait aussi en prendre soin, comme un
trésor, en défroisser les pages, recoller les couvertures.
On l’apprendra dans la
postface, cette histoire est vraie. C’est en cherchant à acheter
un exemplaire par correspondance de « The painted wall »
d’Oto Kraus, qui racontait le destin des 500 enfants du camp
familial d’Auschwitz, qu’Antonio Iturbe s’est rendu compte que
la femme qui lui répondait par mail était son épouse, Dita Kraus,
la bibliothécaire d’Auschwitz, qui vivait en Israël.

C’est son
récit, et d’autres, qu’Antonio G. Iturbe a compacté « au
mortier de la fiction » comme il dit, pour en faire un ouvrage
accessible aux plus jeunes. Sans pour autant en édulcorer l’horreur sous jacente.
A ce titre, la dernière partie à Bergen-Belsen est proprement
abominable. Au printemps 1945, les nazis sachant la guerre perdue,
démontèrent les camps d’extermination – ne pas laisser de trace
- les survivants étant renvoyés dans des wagons à bestiaux vers
l’Allemagne, parqués dans des infâmes mouroirs comme
Bergen-Belsen, bientôt désertés par les gardiens eux mêmes, on y crevait de faim ou du choléra.
Le livre est écrit du point de
vue de Dita, on pense inévitablement au « Journal d’Anne
Frank », dont le personnage est présent à un moment du
livre. D’où la question qu’on est en droit de se poser :
jusqu’où le « mortier de la fiction » a pu déformer
les faits historiques ? Voir l’omniprésence du Docteur
Mengele, figure maléfique, bien pratique pour les suspens, dont le bloc 31 servait de vivier pour recruter ses
cobayes.

[ photo : Renée Neumann => ] Je ferai un parallèle avec ces films d’archives
(« Apocalypse » d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle)
aux images colorisées, recadrées, dont le montage tient davantage
de la mise en scène, avec champ-contre champ, bande son tapageuse,
pour soit disant apporter une immersion totale (confortable ?) au
spectateur, que je trouve personnellement assez contestable…
« La
bibliothécaire d’Auschwitz » est écrit dans un style très classique, on est très loin de « Une journée d'Ivan
Denissovitch » de Soljenitsyne, mais la démarche est
semblable. Parler de la vie quotidienne dans un camp d’extermination,
du point de vue des déportés. Le seul personnage qui garde son nom
réel est Fredy Hirsch, qui s’est à priori suicidé alors qu’on
le pressait de prendre la tête des mouvements de résistance au sein
du camp. Toute cette partie est assez passionnante. Une enquête montre que son décès n’est pas très
clair... Pour les autres, l'auteur a modifié les noms, mais on retrouve une biographie de chacun en fin d'ouvrage.
L’idée du camp familial avait été acceptée
par les nazis pour la vitrine, pour montrer aux émissaires de la
Croix Rouge comment les prisonniers n’étaient finalement pas si
mal traités. Mais ils ne sont pas venus. Dès lors, le camp n’avait
plus aucune utilité, et tous les occupants sont partis à la chambre
à gaz, ou envoyés en camp de transit puis vers l’Allemagne, qui
manquait de main d’oeuvre.
[ <= photo : Elisabeth Volkenrath et les sympathiques gardiennes de Bergen-Belsen ] On croise Rudi
Rosenberg (qui témoignait dans le film de Lanzmann), un des rares à s’être échappé d’Auschwitz, avec
Fred Wetzler, qui a rédigé un rapport détaillé sur le camp, qui
servira au procès de Nuremberg. Ou le caporal SS Viktor Pestek, qui
déserte le camp avec le déporté Siegfried Lederer (qu'il habille en officier nazi) et y revient
pour y rechercher une jeune juive, Renée Neumann, dont il était tombé amoureux. Côté bourreaux, Elisabeth Volkenrath, coiffeuse dans le civil, puis gardienne à
Ravensbrück, Auschwitz et Bergen-Belsen. Sacré CV.
« La bibliothécaire d’Auschwitz » est une lecture didactique, qui peut convenir aux adolescents, l'Histoire racontée sous un autre angle, plus humain. Une petite remise dans le contexte m'apparait tout de même nécessaire. Auschwitz-Birkenau ne se résumait pas au bloc 31, un camp de
vacances aux dortoirs pouilleux et aux règles particulièrement strictes…
Editions J’ai lu,
605 pages.
Iturbe, c'est basque. Poubelle, direct. Rappellera-t-on assez que ce sont les Basques qui ont massacré Roland à Roncevaux et non les Sarrasins (qui auraient pu également l'écraser comme une crêpe), et plus récemment qui détroussaient et tuaient ceux qui voulaient passer en Espagne vers 40-45?
RépondreSupprimerJ'ai encore oublié de passer par la case "nom". C'est dire si la simple mention "basque" m'énerve.
RépondreSupprimer"basque" tu mets les nerfs en pelote ? (arf arf)
RépondreSupprimerExcellent...
SupprimerJe reviens de Biarritz, grâce à Catherine Deneuve et Patrick Dewaere ("Hôtel des Amériques", 1981). Très belle ville. Un peu la cohue pour le feu d'artifice du 15 août.
RépondreSupprimerAh le pays basque et ses férias (rassemblement de beaufs avinés et braillards ) ses corridas (spectacle pathétique d'un petit connard en collant moule burnes qui tortille du cul pour exciter une pauvre bête condamnée à l'avance!) Ah moi aussi j'aime le pays basque et sa riche culture!
RépondreSupprimerPour en remettre une couche, signalons que les Basques sont des bigots finis (beaucoup d'écoles "libres"). Dans certaines églises, il y a des places réservées aux femmes.
SupprimerCrénom !!! Les gardiennes foutent vraiment les j'tons !!! 😨 Elles n'ont pas l'air de rigoler souvent... sinon de quelques sales trucs de sadique...
RépondreSupprimerNazis et la culture :
RépondreSupprimer"Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver."
La phrase sera reprise collectivement par les caciques nazis notamment lors d'une session du Reichstag par Baldur von Schirach chef des jeunesses hitlériennes… Une réplique d'un certain Hanns Johst, dramaturge pro nazi…
Il existe une vidéo : https://www.dailymotion.com/video/x5p5mg
De cette sortie subtile extraite du film de Nuremberg à Nuremberg.