- Ah, un RIP cette semaine Claude. Vous n'avez jamais parlé de cet artiste à ce jour. Que lui vaut un billet spécial lundi et non un entrefilet en fin de Best Of ? Attention je ne dénie pas le talent de ce monsieur…
- Vois-tu Sonia, John Nelson aura marqué l'interprétation de notre Berlioz national comme quelques autres anglo-saxons avant lui ; je pense notamment à Colin Davis, l'anglais dont j'avais rédigé un RIP spécial et John Eliot-Gardiner, également anglais et grand serviteur de Berlioz…
- Ah je vois, ma mémoire revient. Tu avais évoqué un jour l'écriture d'une chronique sur le Te Deum de Berlioz, un projet inabouti je crois…
- Et oui… Le Te Deum de Berlioz n'est pas une œuvre légère et subtile d'Hector, concurrençant par son effectif le Requiem sans le génie mélodique de celui-ci… John Nelson avait réussi à nous intéresser à cette œuvre avec l'orchestre de Paris… Il nous a quittés à 83 ans.
John Nelson avait vu le jour aux USA en 1941. Il suit ses études musicales au Wheaton College, puis à la Juilliard School of Music dans la classe de direction de Jean Morel, un chef d'opéra français qui enseignera pendant 22 ans dans la prestigieuse institution, ayant parmi ses élèves des célébrités comme : Herbert Blomstedt, James Levine et Leonard Slatkin.
John Nelson débute sa carrière dès ses trente ans en dirigeant des ensembles du Connecticut et du New Jersey : Greenwich Philharmonia et Pro Arte Chorale. Il étoffe les effectifs, élargit les répertoires tant celui de l'époque baroque que celui plus contemporain (Stravinsky).
C'est en dirigeant les Troyens de Berlioz, à la fois au Carnegie Hall, puis en remplaçant Rafael Kubelik au Metropolitan opéra, que le jeune chef entre par la grande porte sur les scènes lyriques.
John Nelson deviendra un défenseur de la musique d'Hector Berlioz, notamment en gravant nombres de ses ouvrages : Béatrice et Bénédict, Benvenuto Cellini, La Damnation de Faust, Roméo et Juliette etc… les opéras et symphonies dramatiques ; mais également Le Requiem avec le Philharmonia et le Te Deum avec l'Orchestre de Paris. Des productions qui ont reçu des prix divers, nous écouterons le Te Deum. À ce répertoire lyrique, on peut ajouter les Nuits d'été et la symphonie avec alto Harold en Italie, toujours à des niveaux de réussite élevés !
Pendant sa carrière cosmopolite, John Nelson deviendra directeur musical de l'Orchestre symphonique d'Indianapolis de 1976 à 1987, directeur musical de l'Opéra-Théâtre de Saint-Louis de 1985 à 1988, et chef principal de 1988 à 1991, directeur musical du Festival Caramoor à Katonah à New York de 1983 à 1990…
La France l'accueille de 1998 à 2008, comme directeur musical de l'Ensemble Orchestral de Paris (aujourd'hui rebaptisé Orchestre de chambre de Paris). Il enregistrera une Messe en si de Bach avec cet ensemble, un live dans N.D. de Paris édité en DVD et CD.
La discographie de John Nelson est large, chez de nombreux labels. Elle privilégie des ouvrages mêlant orchestre et chœur, opéras et oratorios.
John Nelson ne manquait pas d'humour, loin de là. Pour un 1er avril, j'avais chroniqué une cantate "du chocolat" de Bach soi-disant retrouvée chez un brocanteur et dont j'assurais sous un pseudo le premier enregistrement en complément de celle du "café" qui, elle, existe réellement ; un petit gag typique du Deblocnot (Clic). J'en aurais rêvé de réaliser une vidéo YouTube avec des potes musiciens, mais bon, un travail titanesque sans vraiment les compétences😀, restons modeste.
John Nelson, lui, l'a réalisé concrètement et partiellement en 1966 d'une certaine manière. Le compositeur américain et bassoniste Peter Schickele invente un 21ème fils Bach nommé P.D.Q. Bach.* Il écrit une biographie du personnage, lui donne un état civil (1742-1807) et un catalogue d'œuvres, des pots-pourris sans queue ni tête dont un oratorio titré The Seasonings dont John Nelson fera répéter le chœur 😊. J'en propose un extrait caractéristique… La représentation qui brocarde le style baroque et des comédies musicales modernes a été publiée chez Vanguard.
(*) Pretty Damn Quick" signifiant en français "à fond la caisse".
Te Deum de Berlioz
Autant une analyse du Requiem a toute sa place dans le blog à vocation pédagogique ou plus humblement à susciter l'engouement pour découvrir ce que l'on nomme des chefs-d'œuvre, autant le tonitruant Te deum ne justifie guère un tel travail. La disparition de John Nelson qui en a signé une version de référence est une triste opportunité pour l'écouter. John Nelson le mérite bien après une vie au service d'Hector Berlioz…
Cette ouvrage monumental était destiné à célébrer l'arrivée de Napoléon III comme président de la 2ème République après la révolution de 1848. La création réunissant 800 à 900 exécutants* a eu lieu en 1855 à l'église Saint-Eustache possédant l'un des orgues les plus puissants de la Capitale. Là est la différence d'instrumentation (de taille 😊) avec le Requiem, une nécessité qui pose problème pour que le Te Deum soit fréquemment joué ! Depuis 1852, le Président s'était autoproclamé Empereur… Berlioz a-t-il apprécié ? pas sûr !
(*) L'orchestration fait concurrence à celle de la 8ème symphonie de Mahler (Clic). Toute comparaison qualitative s'arrête là !! Donc : 4 flûtes, 4 hautbois (+ cor anglais ), 4 clarinettes (+ clarinette basse), 4 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 2 cornets, 6 trombones, 2 ophicléides ou tubas, timbales, 4 tambours, grosse caisse, 5 cymbales, 12 harpes 😃, 2 grands chœurs mixtes à 3 voix (STB), 1 grande chorale d'enfants à l'unisson, cordes, orgue, ténor solo (comme dans le requiem).
Pour cette gravure de 2001, John Nelson dirige un Orchestre de Paris élargi et les Chœurs entassés dans la salle de la mutualité, dont la Maîtrise d'Antony et le Chœur d'enfants de l'Union Européenne.
En post synchronisation, Marie-Claire Alain joue sur l'orgue de l'église de la Madeleine.
Ténor : Roberto Alagna
Deux premières vidéos : le Te Deum de Berlioz, puis l'enregistrement gag du début de The Seasonings.
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Michael Spyres - Alex Potter |
En complément : une somptueuse interprétation du Messie de Haendel. John Nelson dirige The English Concert sans excès baroqueux avec la participation du contreténor à la voix séraphique Alex Potter, une superbe version récente dans une discographie saturée.
Puis le cycle les Nuits d'été de Berlioz sur des textes de Théophile Gauthier chanté par le baryténor américain Michael Spyres, également dans le casting du Messie. (La tessiture de baryténor, rare, est celle d'un baryton léger qui s'étend aux aigus du ténor. Exemple: des rôles mozartiens ou Pelléas de Debussy.) L'élocution de cet artiste est bluffante de la part d'un anglo-saxon. J'ai entendu des francophones chanter avec émotion, mais la diction n'était pas toujours aussi claire… paradoxe. Il est accompagné par l'Orchestre philharmonique de Strasbourg souvent dirigé par John Nelson. À noter que ce chanteur a beaucoup interpréter Berlioz… avec John Nelson. (Les Troyens - Victoire de la musique-, La Damnation de Faust).
0:00 : No. 1, Villanelle - 2:40 : No. 2, Le spectre de la rose - 9:32 : No. 3, Sur les lagunes - 16:36 : No. 4, Absence - 21:53 : No. 5, Au cimetière - 27:45 : No. 6, L'île inconnue.
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