Enfin un sujet intéressant : la vie et l’oeuvre de Bob Dylan. Ou plutôt le début de l’oeuvre, puisque le film de James Mangold ne couvre que les années 1961-65. Une courte période avec laquelle il trouve le moyen de faire un film trop long. Car mal équilibré, entre une première partie consacrée à l’apprentissage, la gloire soudaine, mais une seconde partie qui ne se concentre que sur le festival de Newport 1965, et quelques bribes de l’enregistrement du « Highway 61 Revisited ».
UN PARFAIT INCONNU (tiré de « like a complete unknown, like a rolling stone ») est curieusement un film très académique, lissé, bien léché. Mangold sait y faire, rien de déshonorant dans sa filmo : COPLAND, WALK THE LINE, 3H10 POUR YUMA, INDIANA JONES 5... Techniquement irréprochable, la direction artistique est superbe, la photo vintage, ocre, reconstitution impeccable du New York d’époque, tout y est, de la chemise à pois au modèle de micro, du café Wha? à la Triumph. Les documentaristes ont bien bossé. Curieusement académique disais-je, car le personnage, lui, ne l’était pas. On aurait aimé des séquences plus inventives visuellement. Todd Haynes ne s’y était pas trompé en réalisant I’M NOT THERE (2007) où six comédiens jouaient le rôle de l'insaisissable Dylan, et en explosant la forme narrative. Le NO DIRECTION HOME (2005) de Scorsese tentait aussi (avec succès) d'appréhender le personnage.
Il manque des trucs, le refus de participer à l’Ed Sullivan Show car on lui imposait de jouer ce qu'il ne voulait pas, la rencontre décisive avec Dave von Ronk (le looser magnifique du film INSIDE LLEWYN DAVIS des frères Coen) et pour le fun, la fameuse soirée avec les Beatles où Dylan leur fait fumer leurs premiers pétards. Et juste signaler que le tournant électrique s’est produit sur « Bringing It All Back Home » et non l’album suivant, c’est pas très clair dans le film.
Mais comme me l’a fait remarquer ma chère fille : et avant, y faisait quoi ? D’où il vient ? D'où le titre Un parfait inconnu. Dylan a toujours brouillé les pistes, joué avec son passé, trituré, inventé sa vie. Dans le film, il laisse traîner un album photos, il aurait travaillé dans un cirque (?!), personne n'est dupe. Suze Rotolo apprend par hasard (un recommandé du facteur) que son vrai nom est Robert Zimmerman. Mangold fait le choix de faire surgir ce type de nulle part, comme le bon génie sort de sa lampe.
Le film dit bien que Dylan débarque dans le métier comme auteur-compositeur, pas simplement interprète, et ses textes imprègnent immédiatement le public. Très beau moment à Newport où il crée « The times they are a changin » ovationné à chaque couplet. En coulisse, les témoins sont médusés, conscients d'assister à un truc immense, ce gars n’est pas fait du même bois que les autres. L’aspect fuyant du personnage (qui répond toujours « je n’sais pas » à chaque question qu’on lui pose) puis son arrogance quand le succès arrive, ne sont pas édulcorés. Il y a cette réplique balancée à Joan Baez : « tes chansons sont comme les aquarelles au mur d’une salle d'attente de dentiste ». Comme son comportement limite goujat avec les femmes, il papillonne de l'une à l'autre, profite d'un voyage de Rotolo pour la faire cocue avec Joan Baez !
Le film laisse une grande place à la musique. Pendant 18 mois l'équipe sera en studio pour enregistrer les playback, une volonté de la production (pas de prise de risque !) mais Mangold avait une autre idée, et a tenu bon : finalement tout sera joué, chanté et capté en direct au tournage. C'est assez bluffant (voix moins nasillarde, incisive), l’acteur Thimothée Chalamet s'y préparait depuis 5 ans, y'a une vidéo où on le voit gratter une guitare entre deux prises de DUNE ! Monica Barbaro qui interprète Joan Baez chante aussi vraiment. Bonne idée de casting que d’avoir choisi le chouchou des jeunes filles, qui grâce à lui iront peut être voir le film, et se diront que ce sale type à l’écran, ben ça vaut le coup d’aller écouter ses disques.
UN PARFAIT INCONNU ne révolutionnera pas l’art du biopic hollywoodien, c'est un travail appliqué, qui cerne le personnage, mais le rendu est trop plan-plan. James Mangold avait déjà tâté du biopic folk, avec WALK THE LINE (2005) Joaquin Phoenix y incarnait Johnny Cash, dans mon souvenir plus incisif.
J'ai du mal à comprendre cette fascination des manieurs de caméra pour Dylan. Que tout le monde connaît, mais qui reste finalement assez énigmatique, secret, et surtout peu loquace sur sa vie, son oeuvre, et totalement elliptique sur la plupart de ses textes.
RépondreSupprimerD'où la difficulté de le transposer sur grand écran. Le docu de Pennebaker et I'm not there, le premier parce qu'il est en immersion totale et le second parce que c'est un puzzle de ses différentes facettes me semblent ressortir du lot ...
Si ça continue, il y aura plus de films sur lui que d'albums dans sa discographie ...
Le doc de Pennebaker est excellent, une belle plongée dans la dylan-mania in situ. Et le doc de Scorsese que je mentionnais, est vraiment passionnant aussi. C'est sans doute pourquoi le type est énigmatique et fuyant, qu'on s'intéresse à lui, pour percer le mystère. C'est un sujet comme un autre, qui a comme premier intérêt de faire entendre de bonnes chansons ! Comme j'ai tenté de l'exprimer, ce film est suffisamment bien fait pour plaire au plus grand nombre, si ça peut lui ramener des clients (qui auraient raté le train) ce ne sera pas totalement inutile.
SupprimerDylan, c'est à ce jour :
RépondreSupprimer- 40 albums studio
- 14 albums en concert
- une quinzaine de compilations
- 15 volumes de la Bootleg Series
Hey, salut Philou ! Ca va ? Avec les années, il y aura bientôt davantage de Bootleg Serie que d'albums. Quand le gars cassera sa pipe, ce que je lui souhaite le plus tard possible, les fonds de tiroirs devraient tenir dans deux semi-remorques !
RépondreSupprimerhello, toujours fidèle lecteur du blog...j'ai arrêté la collection des "Bootleg Series" par peur de surendettement !!!
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