- C'est sympa cette petite cantate sans tambour ni clairon Claude… Respighi n'est pas un débutant dans le blog, mais jusqu'à présent, nous avons écouté plutôt des musiques orchestrales… Une œuvre de 1930 !? pourtant je trouve que ça sonne un tantinet moyenâgeux…
- En effet Sonia, Respighi n'a pas composé beaucoup de musique religieuse, j'ai découvert cette cantate sans excès symphonique un peu par hasard, je l'avoue… Respighi admirait la musique ancienne...
- Tu aimes bien nous faire découvrir une musique évoquant Noël la semaine de la naissance du petit Jésus… Pas de baroque cette année !
- Non, changeons un peu et, en moins d'une demi-heure, Respighi nous propose presque un mini oratorio…
Ottorino Respighi |
Pour la majorité des mélomanes, Respighi évoque d'emblée le triptyque de Rome : Les Fontaines, les pins à la conclusion digne d'un péplum Hollywoodien et les fêtes romaines… grandiose mais pas forcément représentatif de son art très diversifié…
Dans l'index, on se reportera à la liste des chroniques consacrées à d'autres œuvres symphoniques, souvent pour un effectif plus modeste, neuf en tout (Index). Aux grandes masses orchestrales citées avant, j'avoue un faible pour plusieurs autres cycles plus légers : Les oiseaux ou le triptyque de Botticelli dont les titres indiquent par eux-mêmes l'intérêt pour l’expressionnisme et l'impressionnisme chez le compositeur. N'oublions pas dans la chronique du disque de Guiseppe Sinopoli, en conclusion, les charmants airs anciens pour orchestre de chambre, inspirés d'airs baroques pour luth… dans le billet, ils sont interprétés par Seiji Ozawa.
Une biographie résumée mais exhaustive de Respighi qui fut l'élève de Rimski-Korsakov est à lire dans la première des chroniques. Est-il nécessaire d'ajouter que pour certains musicologues, le musicien partage avec Puccini les premières places en tant que compositeurs italiens succédant à l'immense Verdi. Verdi à la carrière si foisonnante que l'on imagine mal que l'Italie puisse prendre une place dans un autre domaine que l'opéra ! Le vérisme, pour respecter le vocabulaire officiel 😊.
Depuis la fin de la période baroque et, petit à petit, de l'époque classique fin du siècle des Lumières, la composition pléthorique de musique religieuse n'est plus aussi soutenue. On peut avancer le fait que les grands compositeurs comme Bach ne sont plus financièrement dépendants de princes de l'Église plus ou moins exigeants, soucieux de renouveler et d'enrichir le répertoire destiné aux offices.
Anges et Bergers... |
La première rupture nette entre un compositeur déjà célèbre et son protecteur officiel (employeur) a lieu lors du départ de Mozart de Salzbourg lorsque la relation entre l'histrion Wolfgang et le rigoriste prince-archevêque Colloredo-Mansfeld est devenue invivable pour chacun. Le noble ecclésiastique, peu disposé a assumer de grandes eucharisties pour ses ouailles, exige de Mozart des messes brèves. À l'évidence, Mozart lui donne satisfaction sans trop "se fouler" en produisant des messes qui représentent à mon sens la partie la plus faible de son répertoire, d'autant que même croyant, il fréquente déjà les loges maçonniques 😊…
Comme par défi, à peine installé à Vienne, libre mais fauché car sans mécène, Mozart écrit à l'intention de Constance son chef d'œuvre du genre : la Messe en Ut, d'une grande spiritualité, de belle facture, mais hélas inachevée (elle aurait duré 1H30 – Clic).
Nous sommes à l'aube du romantisme, en 1783… Au XIXème siècle, la composition en série des cantates, messes et oratorios n'est plus une nécessité financière pour les compositeurs. Les grands ouvrages sont plus rares mais les grands maîtres se surpassent : Requiem de Berlioz, de Dvorak, de Verdi ; les messes de Schubert, remarquables, la Missa Solemnis de Beethoven, celles en mi mineur et en fa mineur (N°2 et N°3) de Bruckner, pourtant homme très religieux, avant sa carrière essentiellement consacrée à la symphonie… Je ne pense pas omettre d'autres chef-d' œuvres, il y a diverses partitions qui ont vu le jour pour répondre à des commandes isolées mais qui n'ont pas laissé de souvenirs impérissables…
Au début du XXème siècle, au tournant du romantisme vers l'ère moderne, l'Italie reste le paradis du bel Canto, de l'opéra, le grand temple musical étant La Scala de Mila. À Verdi succède Puccini, auteur de dix opéras dont plusieurs célébrissimes (Tosca, Mme Butterfly, La Bohème, Turandot, etc.) qui font le bonheur éternel des scènes lyriques, des artistes et du public… Comme Verdi, Puccini ne produira que très peu de musique religieuse. Seule La missa di gloria de 1880 (Puccini a 21 ans) reste discrètement enregistrée, mais en aucun cas elle ne peut rivaliser avec le mythique Requiem verdien ! Qu'en est-il avec son quasi contemporain Ottorino Respighi ?
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Jacopone da Todi |
Respighi travaillera pour la scène comme tous les compositeurs italiens, et composera une dizaine d'opéra dont fort peu, malgré un succès à la création, ont survécu au temps. La discographie est très maigre. Donc tout l'inverse de Puccini. S'intéresser à l'orchestration de ces ouvrages est instructif ! Un exemple : La Campana sommersa de 1927 (la Cloche engloutie – nom prédestiné pour cet opéra donné une seule fois depuis la Guerre, en 2003 à Montpellier, initiative courageuse mais sans lendemain) ; l'orchestration affiche un effectif aussi délirant que celle des symphonies de Mahler ou des poèmes symphoniques de Richard Strauss les plus instrumentés… à savoir une débauche de percussions, une harpe, un célesta, un pupitre des bois généreux. Ainsi Respighi montre son engouement pour l'orchestre et les couleurs les plus riches possibles telles celles entendues dans le triptyque romain… Il composera 35 ouvrages symphoniques pour des effectifs les plus divers… voir en introduction…
Comme Puccini, Respighi composera maintes "mélodies" peu connues. Sa musique de chambre est à découvrir. Quant à la musique religieuse, pour cet homme franc-maçon, ce chatoyant Lauda per la Nativita del Signore écrit en 1930, soit peu de temps avant sa mort précoce en 1936, est la réponse à ses recherches musicologiques plus qu'à une démarche liturgique.
Respighi se passionne pour le chant grégorien ancien, plus austère que le plain-chant modernisé en usage dans les monastères : à savoir une polyphonie limpide, sans fioriture, le chant axé autour du rythme plutôt que de la mélodie, une forme d'extatisme écho des prières et litanies.
L'œuvre répond à ces critères par une grande sobriété : trois solistes : soprano (les contreténor ne sont pas encore de retour), une mezzo-soprano (idem) et un ténor (pas de basse "mélodique" comme il est d'usage au moyen-âge – ceux appelés les "isons"), un petit chœur mixte, et une instrumentation dont les timbres peuvent faire penser à un orgue positif primitif : flûte, piccolo, hautbois, cor anglais, deux bassons. Vers la fin du Laude, la sonorité s'illumine grâce à l'intervention du triangle et d'un piano à 4 mains.
Respighi choisit le thème de la nativité, l'épisode biblique le plus merveilleux, optimiste et populaire. En toute logique avec ses choix d'écriture, en l'occurrence les modes modaux ou doriens hérités du moyen-âge, ou encore la monodie dans certaines lignes de chant, il fait preuve d'originalité pour le livret. À des extraits de textes évangéliques en latin ou en italien moderne (comme Bach avec l'allemand et Haendel avec l'anglais), Respighi met en musique un poème du XIIIème siècle du célèbre prêtre et poète Jacopone da Todi (1236-1306). Deux mots sur ce personnage fascinant :
Jacopone da Todi était originaire de l'Ombrie. Devenu moine franciscain, il s'opposera au dogme tyrannique du pape Boniface VIII qui édicte que toute l'humanité doit lui obéir sans exclusion (spirituel et temporel). Cela rendra furieux le roi Philipe IV le bel soucieux de son pouvoir temporel, les templiers en seront les victimes. Jacopone signera le manifeste de Lunghezza, disons une… "pétition" qui s'oppose à cet autoritarisme car non évangélique… Il fera un séjour en prison. L'intégrité du moine et ses talents d'écrivain ont dû plaire à Ottorino. Important, Jacopone écrira une centaines de poèmes ou laudes sur divers sujets religieux ou autres en dialecte de Ombrie. Un quatrain brocardant Boniface VIII sera cause de son emprisonnement, il est cru !
Ô pape Boniface / tu as beaucoup joué au monde / je pense que joyeux / tu n’en pourras partir !
Je n'ai pas l'intention d'écrire un préquel au roman Les rois maudits de Druon, mais avouons que ce moine même "lai" (cultivateur) ne s'acharnait pas uniquement à cultiver des brocolis 😊.
Respighi rédige son texte, contrairement aux cantates de Bach, en attribuant des rôles précis aux solistes : Marie, un ange, un berger. Les groupes d'anges ou de pâtres sont confiés au chœur. Il n'y a ni air ni récitatif parfaitement délimité, le chœur peut intervenir, parfois seules les voix masculines se font entendre. Il est difficile de proposer le découpage précis de l'œuvre… le tableau avant la vidéo indique les épisodes principaux dans la narration…
Crèche de Giotto |
L'interprétation revêt un ton pastoral. L'ensemble sonne volontairement avec une légère naïveté qui évoque les crèches de nos provinces. Les amateurs des peintres du moyen-âge feront le rapprochement avec les fresques votives de Giotto (1266-1337), un bel exemple est donné ci-contre…
Le chant grégorien peut lasser par son statisme extatique dans le traitement de la ligne de chant. Ici, il n'en est rien. Respighi joue sur les nuances, les variations de rythmes pour exprimer prière intime, reconnaissance ou gloire. L'air de ténor à [05:42] est caractéristique de cet élan de piété, un simple berger enthousiaste remercie la venue dans une simple étable du jeune Messie.
Le jeu instrumental assuré par les bois, uniques pupitres de l'orchestre, chaleureux, deviennent symboles des climats musicaux populaires (scène au bord du ruisseau de Beethoven et scène aux champs de Berlioz). Il accompagne parfaitement la ligne de chant par cette pureté recherchée dans les timbres. Lors de la conclusion, Respighi colore la partie orchestrale à l'aide d'un simple triangle et d'une tendre succession de notes détachées au piano à quatre mains (ni tenues ni piquées) mais sans aucun accord, note par note. Un célesta risquait d'apporter une sonorité trop métallique…
Lauda per la Nativita del Signore a été composé pour l'Académie Chigiana et dédié au comte Guido Chigi Saracini, mécène et musicologue (1880-1965). La création eut lieu le 22 novembre 1930, Salle "Micat in Vertice" à Sienne.
Il existe plusieurs gravures. J'ai retenu celle de Maris Sirmais pour sa légèreté. Le chef letton est né en 1969 et a consacré son début de carrière au chant choral. Il a créé divers ensembles dont le Kamer Choir. Depuis 2001, sa rencontre avec le violoniste virtuose et avant-gardiste Gidon Kremer lui a ouvert de nouveaux horizons. Son travail a été récompensé par de nombreux prix. Avec Gidon Kremer et Peteris Vasks et le Kamer Choir, il a produit un disque titré a Dawn is Breaking consacré à des œuvres chorales lettones.
Distribution : Ange (soprano lyrique léger - Yeree Suh), Maria (mezzo-soprano - Kristine Larissa Funkhauser), un berger (ténor - Krystian Adam),
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool.
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1. [00:00] |
Introduction instrumentale des bois |
2. [00:41] |
L'ange (soprano) : Berger, toi qui veilles sur le troupeau ; Levez les yeux, car je suis l'Ange, Fils Jésus de Dieu est né. |
3. [02:21] |
Chœur et soprano : le pauvre enfant est né dans une vile étable, il ne dédaigne pas de coucher parmi les bœufs et l'âne. |
4. [05:42] |
Un berger (ténor), Seigneur, tu es descendu pour te voir habillé en chair humaine. |
5. [07:10] |
Intermède instrumental joyeux |
6. [07:36] |
Chœur (berger dans l' étables) : Voici la mangeoire… La Sainte Vierge n'a pas d' emmaillotage; |
7. [10:14] |
Marie : Fils, je t'ai donné naissance ! Je te vois naître dans une telle pauvreté ! |
8. [11:45] |
Chœur tutti : Enlevez nos manteaux… Et ne vous attristez pas, ô sainte mère. |
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Dialogue entre Marie et le Chœur |
9. [14:10] |
Chœur (Anges) Louange, gloire et honneur à toi, seigneur du ciel tout-puissant. |
10. [16:30] |
Intermède instrumental de sérénité |
11. [17:23] |
Chœur : Bergers et Anges |
12. [18:23] |
Marie : Toi, Dieu le père, honneur et la gloire pour toujours je suis une mère de son fils, qui est Dieu éternel. |
13. [19:12] |
Chœur (Anges) avec percussions en carillon… |
14. [22:46] |
Marie, Ange et chœur : Et voici, le Sauveur est né ! |
15. [24:38] |
Amen |
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