mercredi 11 décembre 2024

CROSSBONE SKULLY " Evil World Machine " (2024),

 


   Ouh ! Elle est bien vilaine, cette pochette !! C'est à croire qu'on replonge dans le mauvais goût des années 80 ; celui qui a tant défiguré de pochettes de disques. Quand, par faute d'une cruelle carence en imagination et d'élégance, un trop grand nombre de labels et de concepteurs s'obstinaient, en s'inspirant des œuvres d'
Iron Maiden, Motörhead, BÖC, Black Sabbath, Molly Hatchet (avec les peintures de Frazetta) et autres Judas, à essayer, maladroitement, sans imagination ou talent, de reprendre ce qu'ils prenaient pour des codes figés dans la pierre. Dans le cas présent, le contenant donne à penser que le contenu œuvre dans la mauvaise copie d'un Maiden, voire nage dans des eaux saumâtres propres à un Death-occult-morbid-metal-de-la-mort. Le titre même de l'objet semble aller en ce sens. Or que nenni. Comme le disait en 1962 le prophète Ellis McDaniel : "You can't judge a book by the Cover".

     Et puis cette longue introduction de pacotille, digne d'une série Z des années 80, avec corbeaux en plastique - ou serait-ce des gargouillis ou de mauvaises imitations de demeurés -, et voix passée dans un tuyau d'évacuation en PVC... totalement rédhibitoire. Il faut douloureusement patienter près d'une minute trente pour avoir droit à un remix d'AC/DC. Certes sympathique, mais loin de déplacer les montagnes. "Plus de cris, plus de mensonges. Il n'y pas de paradis, il n'y a pas d'enfer. Juste nulle part où aller... L'argent est la cause de tout. C'est pour l'argent qu'ils se battent. L'argent change un esprit simple. L'argent, un tel crime". 


     En fait, il faudrait débuter par la seconde pièce : "The Boom Went the Boom" pour être promptement conquis (avec une petite contribution de Phil Collen au solo - qui n'a rien de renversant). 
C'est simple, concis, organique, efficace.  Un faussement basique Heavy-sleaze-rock'n'roll, boosté par une chorale d'anges noirs, et suffisamment enivrant pour faire remuer de la croupe, hocher bêtement le crâne et tendre un bras exposant le signe (de ralliement) des cornes. Une fusion d'AC/DC et du Alice Cooper de ces dernières années. D'ailleurs, le chant est coincé entre le croassement bluesy de Brian Johnson et la morgue de Vincent Furnier. Cela fait déjà quelques années que Tommy Henricksen, qui n'a jamais caché son admiration pour le quintet australien, est connu pour sa capacité à reproduire à la nuance près les chants de Bon Scott et de Brian Johnson"...(.impossible de trouver un emploi) Politiciens véreux et fraudeurs (avec de si grosses boules) Je te verrai en enfer. Je te verrai en enfer (Gros idiot) ". Le collectif passe la cinquième avec "Money, Sex or God" - "Ne paraissez pas surpris si l'argent ne peut tout arranger. Maintenant, ne paraissez pas si surpris quand il y a du sexe dans les centres commerciaux... Une nouvelle race pleine d'avidité. Le salut choisit son prix : argent, sexe ou dieu. Si ça ne tenait qu'à moi, vous perdriez tous ". Pris par l'élan, "Flip the Bird" crame ses pneus sur l'asphalte, le chanteur, grisé, se râcle les cordes vocales tel un Angry Anderson en transe.   

   Frôlant la sortie de route, le collectif ralentit et se cale sur une vitesse de confort. Cadence idéal pour un enjoué, et non acerbe, "Everyone is on Dope", où l'ombre d'un AC/DC est encore de mise. "Je suis un pécheur dans la ville des pervers ! ... ce n'est pas une blague ! J'ai perdu tout espoir car tout le monde est sous l'emprise de la drogue ! "

   Après de saines réjouissances, Crossbone esquisse une génuflexion et entame une sombre messe. Lent, traînant, sombre, pompeux, "The Sin Eater" a des atours de liturgie moderne officiée par Def Leppard. Sans éclat, sinon lors du refrain judicieusement agrémenté de chœurs autoritaires, "I'm a Bone Machine", qui reprend le chemin tracé par un Alice Cooper dernier cri. 

   Après une baisse d'intensité, "Let's Bust the T..." remet du cœur au ventre en injectant une bonne dose de heavy-rock irlandais (avec une flûte vivace participant à l'ambiance festive) - évoquant notamment Thin Lizzy, le Gary Moore de "Wild Frontier" et le troubadour Ricky Warwick -, même si les paroles ont des relents de sermon halluciné - ou de joyeux appel à la révolution -, ça reste assez guilleret. Toujours sans se départir de ses grosses guitares, "High On You" continue sur cette émulation de franche bonne humeur, simple plaisir rock'n'roll contant l'amour fou. Avec Nikki Six en guest.

   Avec "I Am the Wolf", le groupe se glisse dans une sombre ruelle suintant la nuit... aux effluves d'un Lovecraft hollywoodien. Presque du heavy-progressif-sabbathien-floydien-du-sunset-trip (?), avec hurlements de loup, guitare vomissant du bitume, bourdon de violoncelle (électrique) et solo gilmourien. Sans percussions, à l'exception d'un occasionnel charleston. "Si j'étais Dieu, te prosternerais-tu à mes pieds ? Et si j'étais le diable, aimerais-tu me rencontrer ? Dans ce trou de l'enfer, je suis le loup. Si j'étais Dieu, je nous sortirais de cette crotte. Si j'étais le diable, j'adorerais tout ça ! ". "I'm Unbreakable" garde une atmosphère quasi rock-religieux, si ce n'est que là, c'est nettement plus appuyé. Voire cinématographique - avec un soupçon du "Blaze of Glory" de Bon Jovi


 Entre ce dernier et ce "The Last Night on Earth", il n'y a qu'un pas, tant le cahier des charges de la ballade rock des années 80 est respecté. Il ne manque plus que les poseurs, avec leur brushing et leur futal moule-boules 😄. Une fin d'album en demi-teinte, enfoncée par un pénible "Misfits of the Universe", - qui se voudrait être un réconfortant discours d'espoir, adressé aux rejetés, aux marginaux -, particulièrement indigeste avec le retour de la voix nasillarde coincée dans une conduite des eaux usées. Monologue perclus de divers "effets de Terminator" - premier du nom. Dommage d'avoir gâché ce simple plaisir heavy-sleaze-rock'n'roll en le clôturant par deux guimauves. 

     Toutefois, leur adjonction n'est pas fortuite puisqu'elle répond au projet de Tommy Henriksen de réaliser, en parallèle avec l'album, une histoire tournant autour d'un personnage. Le Crossbone Skully. Sorte de héro extra-terrestre rock'n'roll, qui, à son retour sur la troisième pierre du Soleil, effaré devant tant de déchéance et de décadence, décide de monter une équipe : les "Misfits of Universe", composés de Joe Perry, Nikki Six, Kane Roberts, Alice Cooper et Sheryl Cooper (épouse de...). Dans le but de vaincre au plus vite un terrible et puissant sorcier noir. Non pas Sauron, ni Dormammu, Nyarlathotep ou Voldemort, mais juste Johnny Depp, qui travaille dur pour plonger l'humanité dans les ténèbres et drainer la force de la Terre-mère, à l'aide de la "Evil world machine". Puissant ! 😄 La rencontre de Gorillaz avec The Last Temptation d'Alice Cooper.

     Tommy Henriksen, soixante balais cette année (et qui les porte bien), est le fidèle lieutenant d'Alice Cooper depuis 2011. Guitariste, choriste, claviériste et compositeur pour ce dernier. Il fait également partie de l'équipe des Hollywood Vampires (avec Perry, Depp et Cooper). Cela fait bien des années que Henriksen est sur les routes, ne parvenant que tardivement, grâce donc à ses potes d'Hollywood Vampires et d'Alice Cooper, à se faire un nom. Même s'il reste écrasé par l'aura et le passif de ces poids-lourds du Rock. Il loue aussi ses diverses aptitudes (de musicien, mais aussi d'auteur-compositeur et de producteur) à des professionnels aussi divers que (pour les plus connus) Meat Loaf, The Canadian Tenors, Lady Gaga, Halestorm, Simple Plan, Kesha, Lou Reed, Daughtry. Il a même joué de la basse pour les Allemands de Warlock et le premier album solo de Doro ("Force Majeure" de 1989). Avec son expérience forgée auprès de vieux héros et sa présence assidue depuis des décennies dans le monde du spectacle, sa vision sur ce qui doit être fait pour créer d'efficaces morceaux de Heavy-rock s'est affutée. Une conception propre qui l'a dirigé vers une musique au goût de savoureuse mixture d'AC/DC, de Def Leppard et, (évidemment ?) d'un Alice Cooper au carrefour des albums "Trash", "Hey Stoopid", "Dirty Diamonds", "Detroit Stories" et "Road". Une orientation qui peut également évoquer les premiers méfaits de Zodiac Windwarp and Love Reaction.

     Si sur les clips et les quelques apparitions scéniques, Henriksen se présente sans guitare, devant un groupe de quatre musiciens, ce serait pratiquement seul qu'il aurait réalisé cet album. Avec l'aide conséquente de Tommy Denander (qui a déjà travaillé avec Henriksen sur les albums "Paranormal" et "Detroit Stories" du Coop'), aux guitares, flûte et claviers et qui a tout co-écrit avec Henriksen. Et celle de Glen Sobel pour la batterie, autre comparse d'Alice Cooper et du Hollywood Vampires. Quant au producteur, il s'agit de Robert "Mutt" Lange, l'homme des "Highway to Hell", "Back in Black", "4", "High 'n' Dry", "Pyromania", "Heartbeat City", "Walking Up the Neighbours", "18 Til I Die", qui serait de sa retraite après avoir écouté quelques bandes que lui aurait envoyées Denander.


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2 commentaires:

  1. Mouais... l'hommage / référence est tellement appuyé, que ça en devient gênant. La production ne fait pas dans la dentelle. Dans le genre plus frais (avec aussi des accents de Bon Scott parfois) le dernier Goodbye June est vachement bien !

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    1. Non, la production sort effectivement l'artillerie lourde - c'est du Mutt Lange.
      Quant au Goodbye June, ça fait des mois que je cherche en vain leur galette 🥴

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