jeudi 8 février 2024

ROBERT PLANT & ALISON KRAUSS "Raise the Roof" (2021)

Près de quinze ans après le premier album avec Alison Krauss, Robert Plant retrouve la chanteuse pour enregistrer ce trop peu attendu « Raise the roof ». Dans les quelques interviews qu’il accorda pour promouvoir ce dernier enregistrement, Plant décrit parfaitement la démarche du duo. Piochant dans leurs cultures musicales respectives, les musiciens ressortent des standards qui marquèrent leur œuvre.

Sans surprise, Robert Plant prouve ici qu’il fut d’abord un disciple du blues, que ce mojo fut plus important pour lui que la puissance de son chant. L’homme refuse de devenir, comme tant de musiciens de sa génération, un lamentable sosie de ce qu’il fut. Il ne veut pas qu’après un de ses concerts, les vieux nostalgiques affirment avec un mélange d’admiration et de pitié "il n’est plus tout jeune mais il tient encore la route". Il prend désormais le temps de laisser résonner ses mots, les susurre presque sur des balades tels que « Quattro (World Drifts In) ».

Sur ce titre d’ouverture, il redevient le jeune hippie fan de Love, sa voix méditative semble inspirée par la douce nostalgie de « Forever changes ». Pour compléter le tableau, Alison Krauss chante comme les plus fascinantes sirènes Californiennes. Le temps de quelques mélodies, elle devient la fille spirituelle de Grace Slick et Joan Baez, elle ressuscite une innocence assassinée par les drames de 1969. On reste dans le même registre sur « Price of love », country envoûtante digne des meilleurs albums des Sensational space shifter. « Go your way » est d’ailleurs un folk qui aurait pu figurer sur le très bon « Carry Fire ».

Arrivent ensuite ces moments où nos deux chanteurs sortent de leurs rêveries bucoliques pour visiter la musique maudite de Chicago. Sur « Trouble with my lover », le vieux mojo entretient une procession chamanique nourrie par la psalmodie du duo Krauss / Plant. « Searching with my lover » est un folk rock plus quelconque, une bluette que la belle performance de Plant empêche de tomber dans la banalité. Vient ensuite le grand titre de cet album, l’entraînant « Can't let go ».

Plus épuré que la version spectaculaire de Beth Hart et Joe Bonamassa, ce blues déploie ici une énergie toute en retenue, un mélange de classe et d’enthousiasme qui définit bien ce « Raise the roof ». Le riff et la rythmique caverneuse semblent sortis d’un disque de Robert Johnson, c’est une tradition que le duo se contente de sublimer de son timbre mélodieux. Les titres les plus doux, comme « I don’t bother me » ou « My heart would know » conviennent parfaitement au chant délicat et à l’héritage country d’Alison Krauss, Plant se contentant alors d’entretenir un fascinant écho.

« You led me to the wrong » permet au mage blond de retrouver le registre théâtral qui le fit connaître, de crier tel un vieux misérable du Mississippi. Si certains n’ont pas encore compris que, pour lui, le hard blues fut plus une façon de perpétuer un héritage que la quête d’une plus grande puissance sonore, qu’ils écoutent ce titre et les autres blues de cet album. Alison Krauss fut bercée par les rêveries bucoliques de la country et du bluegrass.

Robert Plant dompta l’énergie urbaine du rock et du blues. Elle le conforte dans son virage mélodieux, il rehausse le tempo de ses harmonies campagnardes. « Raise the roof » n’est pas meilleur que « Raisin sand », il en est le prolongement logique et digne. Tout comme les derniers albums solos de Robert Plant sont les dignes successeurs de l’œuvre inoubliable de Led Zeppelin.    

Si l'on peut toujours admirer la grâce unique de ses mélodies, il faut désormais avouer que Robert Plant fait fructifier les formules qu'il a inventées. Cédant une dernière fois à la nostalgie, le vieux lion interrompit une dernière fois ses méditations pour rugir avec son groupe mythique lors d'un ultime concert à Londres en 2012. Depuis, nous ne pouvons plus espérer de lui qu'une chose : qu'il continue de jouer sa musique mystique le plus longtemps possible. La surprise n'est plus là mais, comme le montre l'excellent « Carry Fire », ces mélodies gardent un charme immortel. 

Led Zeppelin est mort ! 

Vive Robert Plant !

 

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