mardi 6 février 2024

GASTON, LE RETOUR DES GAFFES ! par Pat Slade


Le retour de Gaston après 6 ans d’absence, à croire que de faire des gaffes lui manquait.


 

Faites Gaffe, il Revient !



Gaston c’est l’image du non-conformiste, il traîne sa bosse depuis 1957 tout en gardant un visage d’adolescent, 67 ans à faire des "conneries" qui lui apporteront la célébrité dans le monde de la bande dessiné. En faisant en gros un calcul bancal par rapport eu nombre d’albums et au nombre de pages (qui n’est pas toujours le même) Gaston aurait commis à peu près 1320 boulettes. Gaston est-il un beatnik ? Les caractéristiques vestimentaires le laissent penser, comme l'abandon de la cravate,  les cheveux non peignés ou longs, les espadrilles, le jean et le col roulé… Pourtant, à ses débuts, le pantalon était noir, la chemise blanche avec un nœud papillon et il avait une veste de costume bleue, une tenue qu’il ne gardera que deux semaines.

Franquin a été lé scénariste et dessinateur de la série avec Jidéhem sauf pour l’album n°22. Décédé en 1997 les  albums qui suivront ”Gaffe a Lagaffe“ (album n°15) seront toujours de sa plume. En 1998, la série est rééditée avec une nouvelle mise en couleur, ils comprendront des gags dessinés pour des occasions spéciales (publicitaires) et les derniers gags de la main de Franquin, y compris une planche inachevée retrouvée après sa mort.

Alors que Franquin dessine les aventures de Spirou et Fantasio, de mystérieuses traces de pas apparaissent dans les marges des pages du journal, sans explications pour le lecteur dans un premier temps, et puis en février 1957. C’est Fantasio qui tentera d’éclaircir la situation. Gaston aurait été recruté par une personne dont il ne se rappelle pas le nom, mais il demeure persuadé qu'il a été embauché pour un travail de héros de bande dessinée. Ne pouvant être intégré dans une série du Journal de Spirou, il devient alors le premier ”héros sans emploi. Il est par la suite représenté comme un employé de la rédaction. Le monde de Gaston est un microcosme, une image d’une société très réduite avec ses personnages ayant tous un caractère bien défini pour favoriser des gags qui soient en osmose avec les gaffes du héros sans emploi. 

Fantasio, le secrétaire de rédaction sera remplacé par Prunelle qui lui succède et tient alors sensiblement le même rôle, en plus irascible. Après le départ de Fantasio, il sera responsable du gaffeur et il échouera comme son prédécesseur à faire signer les contrats avec M. De Mesmaeker. Il s'est juré d'être ”l'homme qui a fait travailler Gaston“. À ce titre, il le pourchasse continuellement pour l'empêcher de faire toute sieste ou toute pause inutile, et pour lui rappeler qu'il doit s'occuper du courrier en retard. Il sera aussi le premier personnage de bande dessinée à jurer ouvertement, usant notamment du ”Rogntudjuu !!!“ Une déformation inventée par Franquin de l'authentique ”Sacré nom de Dieu !“ La censure de l'époque n'aurait pas accepté un vrai juron dans une publication destinée à la jeunesse.

Mademoiselle Jeanne, ou M'oiselle Jeanne comme l'appelle Gaston travaille aux archives, c’est une vieille fille (pas trop) qui vit chez sa mère et qui trouve toujours une excuse aux gaffes de Gaston dont elle est éprise. Une idylle s'esquisse très lentement. Elle est présentée sous les traits d'une personne timide à la plastique ingrate et au style vestimentaire désuet, elle évolue progressivement vers un personnage beaucoup plus féminin, voire sexy dans les années 70 en portant des mini-jupe. Elle rougit facilement en présence du héros, leur relation reste platonique même si Gaston a un portrait de Jeanne dans son appartement. Ils se vouvoient et ne se rencontrent que rarement en dehors du bureau. Ce sont les Maeva et Sylvain de la série télévisé ”Caméra Café“.

M. De Mesmaeker est un riche homme d'affaires qui doit signer d'importants et mystérieux contrats avec le journal de Spirou, signature qu'involontairement Gaston fait échouer à chaque fois. De Mesmaeker est connu pour son tempérament explosif, à la fois colérique et agressif durant les tentatives ratées de signer les contrats. Il se montre de plus en plus méfiant au fil des épisodes. Il en devient paranoïaque, persuadé que les gaffes de Gaston Lagaffe sont des coups montés contre lui. Les seuls contrats qu’il signera seront deux inventions de Gaston, un pour la recette de sa ”Chicken Soup“ et l’autre pour une horloge en forme de capsule Apollo.

Yves Lebrac le dessinateur du journal, même si Gaston lui pourrit souvent la vie, et son travail par la même occasion. Il lui arrive occasionnellement d'être complice de ses expérimentations.

Les autres personnages qui composent la rédaction sont secondaires mais ils ont leurs places comme M. Boulier le chef de la comptabilité. Pointilleux et vieux jeu, il traque les dépenses inutiles de la rédaction. La secrétaire de Lebrac qui ne porte pas de nom, grande, brune et au physique plutôt avantageux. Elle ne se montre pas insensible aux tentatives de séduction du dessinateur. Il y a d’autres secrétaires comme mademoiselle Sonia qui travaille avec Fantasio. (Chacun la sienne 😀)

L'agent Longtarin qui travaille dans le quartier de la rédaction du journal, il cherche par tous les moyens à verbaliser la voiture de Gaston. J’ouvre ici un aparté sur sa voiture, il aurait dû avoir une Citroën 5 HP-Trèfle construite entre 1922 et 1926. L’histoire raconte que le dessinateur avait dit que lorsque les responsables la marque aux chevrons verraient la voiture, ils lui offriraient une DS. Exit la 5 HP qui sera remplacé par une Fiat 509 ”Coupé Royal“ de 1925 qui subira beaucoup de modification entre les mains du gaffeur. Et donc Longtarin fera la chasse à la petite voiture jaune pour la verbaliser sans jamais y parvenir. Il est le gardien des parcmètres, un genre de garde forestier du macadam, il est l'un des souffre-douleurs préférées de Gaston qui refuse de ”nourrir l’affreux mange-fric“.

Et puis il y a la petite bande de Gaston qui comme lui ne sont pas des foudres de guerre, le premier est Jules-de-chez-Smith-en-face, comme ce surnom donné par Gaston l'indique, Jules travaille chez Smith en face du journal de Spirou. Jules participe souvent à ses gaffes mais il est néanmoins plus sensé. Bertrand La bévue le deuxième comparse, comme son nom l'indique, est également un grand gaffeur, souvent déprimé. Gaston et Jules tentent de lui remonter le moral, avec plus ou moins de succès. Les trois hommes ont formé un groupe musical baptisé ”Moon Module.

Gaston aime les animaux : la mouette rieuse, le chat et bubulle le poisson rouge. Il nourrit une famille de souris qui grignotent les dossiers 😨, des oiseaux et il recueillera des pensionnaires du zoo. Toute l’arche de Noé ou presque passera par la rédaction. Son bestiaire était si fourni que Greenpeace fera appel à lui pour une campagne contre le massacre des baleines. 

Autre objet important dans ses aventures et surtout ses gaffes : le gaffophone. Franquin s'est inspiré d'une harpe africaine, alors qu’il  ne devait servir que pour deux ou trois gags, il va devenir récurrent dans la série. le gaffophone émet un son très puissant et jugé fort désagréable par les personnages autres que Gaston et ses amis les plus compréhensifs (Jules et Bertrand). Sa puissance sonore considérable et surtout les vibrations qui l'accompagnent engendrent de façon inévitable des catastrophes. Le journal de Spirou organisa un concours où les lecteurs furent invités à fabriquer des gaffophones. Le journal reçut ainsi plusieurs instruments exceptionnels. L'un d'eux, réalisé par un Néerlandais, pesait cent vingt-cinq kilos et fut envoyé par train au journal. Mais Gaston jouera aussi de la guitare, du violon, du trombone à coulisse (tuba avec les mains et guitare avec les pieds 😂) et des inventions loufoques comme le moteur à pistons ou la porte à tambour.

Parler de toutes ses inventions équivaudrait à écrire une chronique sur le concours Lépine. Il est aussi un créateur de recette auxquelles il faut éviter de gouter, la plus connue reste la Morue aux fraises à la chantilly, mayonnaise aux câpres, flambée au pastis, les crêpes montgolfière, les huitres au chocolat, les saucisses de Francfort avec abricot au jus (et moutarde évidemment !). 
                                       
                                                                                                    
Donc en novembre 2023 le héros sans emploi âgé de 66 ans faisait son retour sous le crayon du Québécois Delaf. Afin de respecter au mieux l'esprit et l'œuvre de Franquin, Delaf a réalisé un travail d'analyse extrêmement méticuleux. Le résultat est incroyable et magnifique !

 

Comme tous les personnages de BD, Gaston sera parodié plusieurs fois ”Baston la ballade des baffes“ reste a ce jour le plus connus. Il existe aussi un ”Rouston Lagaffe“ avec des planches plus ou moins trash et irrévérencieuse, idem avec ”…des pafs et des gaffes“ une parodie de la vie sexuel de Gaston avec des planches de Franquin redessinées et détournées. On pourra aussi trouver un album de 2017 M’oiselle Jeanne“ un album collector et rare à trouver.

Gaston sur les écrans, raté à mon avis, hélas ! Déjà en 1981 une libre adaptation ”Fais gaffe à la gaffe !“ réalisé par Paul Boujenah (le frère de…) et ”Gaston Lagaffe“ en 2018 par Pierre-François-Martin-Laval qui ne relèvera pas le niveau de son prédécesseur. Gaston est un héros de papier qui n’aurait jamais du sortir de ses albums.

Gaston, le personnage le plus sympathique de l’école franco-Belge, même si il est flemmard, paresseux, nonchalant, mou et indolent, il n’a pas l’air de vouloir prendre sa retraite.


8 commentaires:

  1. Un bel hommage à ce sympathique personnage de l'immense Franquin, le jour de la Saint Gaston 😁 👍🏼
    Classique insurpassable.
    Sinon, pas vraiment partisan des reprises de personnage(s) par autrui... sauf lorsque c'est toujours le même scénariste qui officie?

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  2. Je n'avais jusqu'alors jamais entendu parlé des ”M’oiselle Jeanne“, ”Rouston Lagaffe“ et ”…des pafs et des gaffes“.
    On en apprend tous les jours.

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  3. en plus c'est la saint Gaston....! Je n'ai pas fais exprès !!!

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  4. Petite anecdote au passage, qui passionnera tout le monde j'en suis certain... Le film de Paul Boujenah "Fais gaffe à la gaffe" était sur les écrans la même semaine que "Elephant Man" de David Lynch. Avec un copain, on hésitait entre les deux. Je ne savais pas trop qui était Lynch à l'époque (c'était son deuxième film) par contre je connaissais Roger Mirmont, l'acteur de Gaston. Un argument qui a pesé. On a donc vu Gaston. Dont je n'ai strictement aucun souvenir, au contraire de "Elephant Man" que je suis finalement allé voir plus tard, et qui m'a marqué, c'est peu de le dire. Une erreur de jeunesse, avouée publiquement plus de 40 ans après, qui j'espère me sera pardonnée.

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  5. Ah, c'est drôle, le style des deux films étant tellement, comment dire ... extrêmement différents ! ;)
    Mais c'est bien, 40 ans à ressasser cette erreur, vous avez bien fait de nous la confier, vous voilà soulagé :D

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    1. Merci, j'avais ce fardeau sur la conscience, fallait que ça sorte !

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  6. Luc, il y a prescription !! :D

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