"Event Horizon", c'est le nom du formidable film qui fout les j'tons, sorte de fusion entre "Alien : 8ème passager", "Hellraiser" et la "Maison du Diable". Chaudement recommandé (le lien 👉 ici). Mais c'est aussi, désormais, le nom d'un disque. Celui du premier essai (le second, si on compte le Ep précédent) de Madlen Keys.
Madlen Keys est le nom d'un quintet dont la première galette, sortie en début d'année, n'a pas laissé le public indifférent. Si les grands médias n'en ont cure, il en est tout autre de certains blogs, radios, musiciens, qui sont tombés sous le charme de sa musique.
Derrière Madlen Keys, il y a Caroline Calen, la compositrice et autrice du présent album. C'est une jeune passionnée immergée, très tôt dans la musique, débutant par le conservatoire et le violon à l'âge de quatre ans. Violon qu'elle ne lâche qu'à l'adolescence, quand elle abandonne le classique pour empoigner une guitare et embrasser le rock. Premier groupe local, Olibrius. Et puis elle doit quitter l'île de son enfance, ses amis, pour entamer des études supérieures à Paris. Mais le démon de la musique ne lâche pas prise, et Caroline se réoriente rapidement vers des études en musicologie. Elle s'investit dans la composition - elle présentera ses premières chansons sur le net où elle joue de tous les instruments -, et finit par travailler pour des jeux vidéos et la publicité. Elle travaille en tant qu'ingé son et lumières pour un théâtre parisien. Ce qui l'amène, un jour, à descendre en Avignon, pour son festival annuel. C'est là qu'elle rencontre le guitariste Baptiste Mottais, avec lequel le courant passe. En découvrant son travail de composition, Baptiste est séduit par la personnalité de la musique qu'il écoute et encourage Caroline à la développer. Il souhaite lui-même faire partie de l'aventure.
Ainsi, un groupe est monté. Après quelques changements de rigueur, il se stabilise avec le claviériste Antoine Geremia et le batteur Yann Pousset. Puis, le bassiste Grégoire Lozach - apparemment plutôt présent pour compléter le groupe sur scène.
"Event Horizon" est un bel album faisant fi des frontières, n'ayant aucun a priori pour piocher dans diverses sphères musicales. Parfois même, au détour d'un mouvement plus corsé, on s'attendrait presque à entendre surgir du heavy-symphonique. Une musique d'apparence sophistiquée, notamment par de petits détails surgissant de part et d'autre, de changements de tonalités des guitares et des claviers sur un même morceau, qui demeure organique. Des morceaux passant souvent par des altérations de climats, les faisant évoluer d'une douce atmosphère d'aurore printanière à des ondées orageuses.
"Event Horizon" est un univers fantastique, onirique, où des rayons de lumière pastels font briller et tournoyer poussière d'étoiles et ailes diaphanes des fées espiègles, où elfes et farfadets joueraient à taquiner trolls et gobelins apathiques. Un monde où le chant de Caroline évolue telle une ballerine réjouie dans un champs saturée de pâquerettes, de coquelicots, de crocus et de gentiane. Avec pour point d'orgue l'envoutant "The Breathe", saisissant l'auditeur pour en faire un disciple. Une pièce quasi parfaite trouvant le juste équilibre entre le chant de Caroline et l'orchestration menée par la guitare de Baptiste, tantôt rêveuse, tantôt "rauqueuse". Ces douces notes caressant les esgourdes, n'empêchent pas Caroline d'aborder des sujets graves et douloureux, pointant un doigt ferme et accusateur sur les violences conjugales et les relations abusives.
Si Madlen Keys est le fruit de l'inspiration de Caroline, les musiciens qui la soutiennent ont également leur importance. A commencer par la batterie protéiforme de Yann Pousset (hélas, parfois sous-mixée), qui marche dans les pas de nombre de bûcherons du prog, et les humbles claviers d'Antoine Geremia qui jamais ne cherchent à attirer la lumière sur eux. Préférant tisser des décors colorés mettant en valeur ses comparses. Et puis, il y a la présence des guitares de Baptiste Mottais ; guitares qui, de temps à autres, ébranlent ces compositions délicates et fantasmagoriques, les recouvrant un instant d'une lourde cape de rock charnu. Déchirant parfois l'atmosphère par quelques soli crépitant de fuzz, d'une belle musicalité, préférant quelques notes choisies et travaillées plutôt que le mitraillage intempestif. Les instants robustes pouvant alors évoquer le trio Rush.
Si "The Breathe" est probablement le sommet de l'album, il ne doit pas occulter les autres petites pépites qui le parsèment. A commencer par "The Maze", qui entame l'album en immergeant avec douceur l'auditeur dans une musique classieuse et plutôt planante ; sorte de musique lounge-rock-progressive. Le très beau et raffiné "Memories of my Friends", qui débute comme une rêverie de Loreena McKennitt, avant de relever subitement la herse, permettant à une horde de gobelins taquins de durcir le propos, de saturer avec des tons plus francs hérités de Radiohead et de Pink Floyd. Occasion pour Baptiste d'envoyer quelques beaux chorus.
Autre bijou, avec "Keep a Secret", débutant sur un mantra à deux voix, avant de s'envoler au son de sitars et de tablas qui finissent happés par un tourbillon où se mêlent smooth-jazz, musique orientale et orchestration "pop-cinématographique".
Ou encore "Flaming Tree", débutant penaudement, sur la pointe des pieds, la pièce la plus longue (plus de 6 minutes), qui s'épanouit sur de faux airs de Kate Bush, avant de prendre la tangente, s'approchant dangereusement de rivages escarpés où régneraient quelques seigneurs rebelles, fraternisant avec le rock lourd.
Pour clôturer le disque, Caroline rend hommage à son père en reprenant l'un de ses textes. "Pensidano En Ti", en dépit de son titre, est la seule chanson chantée en français. Jolie chanson posée sur un seul arpège de guitare, plus tard agrémenté d'un nappage de synthés. Juste avant qu'un chant Corse - assuré par Jean-Louis Blaineau du Chœur de Sartène - donne un peu de force à ce morceau délicat.
Mention spéciale à la très belle pochette, en adéquation avec la couleur de l'album.
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