Albert Dupontel se pique de politique ? Que nenni, le réalisateur s’en défend en interview, il voulait juste faire un divertissement. Et c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de satire dans SECOND TOUR, on y reviendra plus tard… Par contre il égratigne, ou plutôt il fait rire avec (ce qui revient au même) les journalistes aux ordres, les compromis des chaînes infos en continu, dont les patrons veulent plaire au pouvoir.
Voir les scènes récurrentes où on remet à la journaliste Mademoiselle Pove (elle n’a pas de prénom) les accréditations et une enveloppe contenant les questions à poser, comme les animateurs de colo distribuent leurs goûters aux gamins. Pove travaille au service sport, une mise au placard pour celle qui justement, en politique, la ramenait un peu trop de l’avis de son rédacteur en chef. Mais voilà qu'en pleine campagne présidentielle, un candidat vient d’échapper à un attentat. Pove est la seule disponible à couvrir l’évènement. Avec son cadreur, Gus, elle est renvoyée au service politique…
Mademoiselle Pove (pétillante Cécile de France, un Tintin en jupon) n’est pas une adepte de la condescendance ni du langage châtié. En visionnant des rushes avec Gus, ils tombent sur un os. Le candidat Pierre-Henry Mercier, qui ne vient pas du sérail, c'est un économiste jusque-là étiqueté à gauche qui mène une campagne très à droite, parle en aparté à son garde du corps en roumain… De quoi titiller l’investigatrice…
Les mises en scènes d’Albert Dupontel se suivent et se ressemblent. Son style est identifiable, plans courts, montage haché, images fouillées, remplies ras la gueule, couleurs saturées, chaudes, filtre jaune, rehaussées d'effets numériques. Dupontel disait que sur 2000 plans (c’est énorme pour 1h30, un Renoir c’est dix fois moins) plus de 1300 avaient été retravaillés. Il avait 300 figurants en plateau et à l’écran ils sont dupliqués pour en montrer 10000 (dans la fameuse course de chars de BEN HUR, y’avait vraiment 50000 gus dans l’arène !). Autant ça donne de bons moments, la soirée post-meeting où Mercier est net dans un environnement flou, alors que la caméra ne cesse de se déplacer, ce qui l'isole et crée le trouble, autant parfois ça frise l’overdose, le trop plein.
Dupontel a toujours quinze idées visuelles par plan, comme lorsque Pove et Gus en salle de montage regardent Mercier à la télé. Le contre-champ est une vue subjective du poste de télé, avec donc en premier plan l’image de l’écran inversée en transparence. Ou cette vue subjective d’un aigle plongeant dans une rivière, c’est par ses yeux qu’on voit les protagonistes progresser le long de la rive. Là pour le coup, c’est rigolo mais parfaitement hors propos !
Pour illustrer le parcours de Mercier, Dupontel réalise un montage de diapos rapide
et ludique. Il avait déjà fait le coup dans ADIEU LES CONS, à la manière de Jean-Pierre
Jeunet dans AMÉLIE POULAIN. On a aussi des flash-backs sur ses années lycée où Dupontel et Cécile de France sont rajeunis
numériquement, effet assez drôle. On retrouve les thèmes qui traversent tous les films de Dupontel, la famille, ou plutôt le manque de famille, le dérèglement des relations, la filiation, la fratrie, l'individu perdu face à la masse... C'est de ça finalement dont parle SECOND TOUR, un propos un peu noyé cette fois sous une couche d'effets.
Le film bascule en mode thriller journalistique, très rythmé, avec attentats, hommes de l’ombre, secrets de famille inavouables, complots à déjouer, mystères à tous les étages. Comme cette réception où sont présents quatre personnages dont on sait qu’ils sont les ennemis idéologiques et politiques de Mercier. Que faisaient-ils là ? L’un d’eux, universitaire, surpris à animer la soirée au piano, expliquera qu’il faut bien arrondir les fins de mois. Personne n’est dupe.
Les journalistes sont moqués pour leur capacité à brosser
le candidat dans le sens du poil. Bonne réplique à la conférence de presse « -
c’était une question prévue ? – non, elles ont toutes déjà été posées ! ». Lâcheté
du patron de la chaîne, le mielleux Philippe Uchan, soulagé de voir Pove
réaliser un documentaire sur la première communion du candidat, plutôt que de poser les questions qui fâchent.
On retrouve à l’écran les acteurs fétiches de Dupontel, Nicolas Marié en cadreur spécialiste de la lecture labiale, un don hérité de ses années à filmer le foot (l'acteur aurait mérité une partition plus fine que seulement jouer le benêt au bec ouvert), Bouli Lanners en entraîneur de club, Gilles Gaston-Dreyfus en chauffeur de salle, Jackie Berroyer, Philippe Duquesne, ou David Marsais (du Palmashow) en député se filmant la bite à la main, hommage à la brillante prestation de Benjamin Griveaux sur les réseaux sociaux. Mais je n’ai pas repéré Terry Gilliam, qui d’habitude fait une petite apparition…
SECOND TOUR s’apparente à une fable bon enfant, parfois naïve (le péché mignon de Dupontel), un peu mièvre, hélas, vers la fin. On attendait de Dupontel plus de causticité, de poil à gratter. L’auteur a finalement peu de choses à dire sur la politique, l’idée d’un candidat élu sur un programme qui ensuite gouvernera à l’inverse, trahissant ses soutiens, était une bonne idée, le réalisateur ne semble pour vouloir l’exploiter.
Tout fonctionne très bien pendant plus d’une heure, puis Dupontel use d’une ficelle de scénario un peu convenue (je n’en dirai rien) dont il peine à se dépêtrer. Ceux qui connaissent LA GUEULE DE L’AUTRE (1979) de Pierre Tchernia, sauront de quoi je cause… Le film devient terriblement prévisible, de la part d’un Dupontel d’habitude original. L’affaire, le truc, est trop vite résolu, on aurait aimé plus de mystère, de suspens, la solution est trop vite éventée.
Où est la veine satirique française là-dedans ? Ce pourquoi Cabu s'est fait trouer la peau à bout portant ? Constat : sur des films vus récemment, en ces temps de violences sociales, de radicalité des opinions, les auteurs de comédie populaires qui drainent du public (et tant mieux) ne se mouillent pas beaucoup, et proposent des divertissements finalement assez consensuels, dont la seule vertu semble d’apaiser les esprits. Dupontel ici, mais aussi Nakache et Toledano dans UNE ANNÉE DIFFICILE, ou BERNADETTE de Léa Domenach (j'vous en ai pas parlé, ça ne valait pas franchement le coup). Quant aux films dits de La bande à Fifi, du burlesque au ras du slibar qui cartonne, ils occultent volontairement toutes références à l’actualité, zéro prise de risque. On est loin de l’esprit des comédies anglaises ou italiennes, voire, pour revenir à un grand classique, MONSIEUR SMITH AU SÉNAT de Franck Capra (1939) grand film humaniste qui fustigeait la corruption et l’entre soi politique.
Albert Dupontel dédie (entre autres) son film à Bertrand Tavernier dont le dernier film de fiction était QUAI D’ORSAY (2013). Une comédie satirique sur la politique, pas son meilleur certes, mais finalement plus fine et caustique. Tavernier devrait toujours être un exemple à suivre.
J'aime bien les films de Dupontel. Incontestablement une trademark visuelle, même si à longue ça finit par tourner un peu au procédé systématique.
RépondreSupprimerMais il n'est vraiment à un bon niveau résultat qu'à peu près une fois sur deux (enfermés dehors, 9 mois ferme, au revoir là-haut) ... logiquement le prochain devrait être excellent ...
Les patrons (de chaine) ne veulent pas plaire au pouvoir, c'est plutôt l'inverse...
RépondreSupprimerEt depuis quand les "artistes" (ou supposés tels) sont nos "amis" ? Et quand ils le sont, on les traitera de "démago"... Du coup, le "ni pour, ni contre, bien au contraire" est pour eux la meilleure option pour perdurer et assurer leurs arrières.
Elle commence à ressembler à Anémone, la petite Cécile...
RépondreSupprimerBon, je m'y connais un peu en bécanes, moi, mais là : "Le contre-champ est une vue subjective du poste de télé, avec donc en premier plan l’image de l’écran inversée en transparence. Ou cette vue subjective d’un aigle plongeant dans une rivière, c’est par ses yeux qu’on voit les protagonistes progresser le long de la rive. Là pour le coup, c’est rigolo mais parfaitement hors propos ! ", rien compris...
RépondreSupprimerL'époque se prête, il est vrai, - et ô combien à la satire! - , mais les candidats ne se bousculent pas. Et c'est pareil dans tous les domaines. La satire, la causticité agrémentée, si besoin d'un bonne dose de mauvaise foi, ce n'est pas dans l'air du temps. Il faut de la bienveillance, de la cellule psychologique, de la compassion, du consensuel, des larmes de crocodile..... Bon , tout ça on le sait, enfin j'espère.
Dupontel, il me fait marrer, mais une fois sur deux aussi. Et Cécile de France, c'est une catastrophe, quel que soit le film. Qu'elle commence par changer de nom.
Oui, la "bienveillance", en mot d'ordre, elle y est... Mais dans les faits, ça manque cruellement...
SupprimerA part ça, jamais trop aimé Dupontel. Ni détesté, d'ailleurs.