Sonia prépare un week-end à Lille pour début décembre. Elle dit à Nema :
- Je choisis quel genre d'hébergement pour nos trois jours à Lille ?
Nema répond :
- J'aimerais un hôtel de classe Internationale, avec un groom avec une petite veste et un calot…
Sonia soupire :
- Pff… pas moyen d'avoir une réponse sérieuse…
Hôtel pittoresque à Montevideo |
Qu'est-ce qu'un hôtel de classe internationale ? Un Ibis du groupe Accor
que l'on retrouve un peu partout ? Mais il n'y a pas de groom… Non. Emportée
par le très beau roman "Ici et maintenant", j'aurais aimé un hôtel
traditionnel comme Le Samarcanda à Montevideo (Uruguay), qui est le lieu de
l'exotisme et du passage à l'âge adulte du héros.
Montevideo : une famille vue à travers les yeux d'un adolescent de 17 ans pendant une période d'été. Notre héros n'aime pas son prénom : Maximo. Il n'aime pas non plus Le Nain, son petit frère de neuf ans. Pas plus que Marcos, son oncle, tout le temps fourré à la maison. Le père est absent, parti depuis longtemps. La mère est là, douce-amère, tendre et chérissant le petit dernier. Maximo est calme, il adore se plonger dans son encyclopédie "Trésor de la jeunesse", il y découvre Samarcande. Cela me fait penser à l'encyclopédie Hachette "Tout L'univers" qui paraissait de façon hebdomadaire dans les années 60 (j'adore feuilleter ce type de revue quand je suis dans la maison familiale, qui fait passer des Lapons au café, via les cyprinidés 😊, avec des illustrations dessinées à l'ancienne). Bref, Maximo est un peu différent de la majorité des ados, pas de sport, pas de sortie pour faire la fête, pas de copines. Cet été là, il va falloir trouver un job. Et avec sa mère, il arrête leur choix sur une annonce de l'hôtel Le Samarcanda qui recherche un groom. À première vue, Maximo imagine un bel hôtel International, avec un voiturier, du personnel nombreux et stylé, et il s'y voit très bien ! Maximo imagine beaucoup de choses, il laisse sa pensée divaguer facilement. Sa réalité est plus rêvée que vécue et même ses rapports avec son petit frère Le Nain (en fait Ernesto) sont biaisés.
Cf. site Le déguisement |
XXX |
C'est très difficile de quitter le nid. Difficile d'assumer une veste
encore un peu trop grande bien qu'achetée pour ses quinze ans, car
Maximo est resté assez petit et menu. Et puis on est bourré de
complexe à cet âge-là. Des jambes trop arquées, une barbe naissante qui
pousse de façon désordonnée, par touffes et qui sera rasée…
Le lundi, à la première heure, il va à l'hôtel. Il est un peu surpris de n'y voir personne. Ce petit hôtel n'est pas du tout ce qu'il croyait. Pas de voiturier, pas de personnel si ce n'est une femme de ménage d'une cinquantaine d'années. Il finit par faire la connaissance de la patronne, Madame Badenbauer, une belle femme d'environ quarante ans, plantureuse, suisse-allemande, qui, avec son mari Monsieur Pitti, napolitain beaucoup plus âgé qu'elle, se sont lancés dans l'aventure d'ouvrir un hôtel. Maximo sera embauché. Il devra revêtir la tenue de groom avec le petit calot et dès le lendemain, il entre en fonction. Ce n'est pas très compliqué. Six clients dans un hôtel d'une vingtaine de chambres. On attend huit de plus clients pour la convention des libraires spécialisés en livres anciens.
Amelia, une adolescente de quinze ans brièvement fréquentée l'été
précédent, Camélia (Madame Badenbauer), premiers émois au
contact de la gent féminine, beaucoup de retenue, de questions et finalement
de bonheur. Il n'est pas nécessaire qu'elles soient tristes ces premières
rencontres amoureuses. En parallèle, sa mère pleure à la maison, encore une
dispute avec oncle Marcos. Maximo ne comprend pas cet
oncle omniprésent.
Et un orage terrible s'abat sur la ville, le soir du premier jour de travail de Maximo, premier jour qu'il accepte de prolonger par la garde de nuit, car le veilleur de nuit est absent. Soudain, timidement, en soirée, Ernesto trempé et tremblant entre dans le hall de l'hôtel. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Ernesto bredouille, sanglote, épouvanté de la nouvelle qu'il vient donner à son frère. Peu de temps après, Camélia Badenbauer entre. Elle aussi est trempée, elle titube, mais elle est compréhensive devant le désarroi des deux frères. Ils pourront aller dormir dans la suite jamais louée de l'hôtel.
Comme une pièce de théâtre, deux lieux seulement. L'appartement et plus
exactement la chambre de Maximo pour l'acte I et l'hôtel pour l'acte
II. Peut-être n'y a-t-il que peu d'action, mais beaucoup de monologues, une
progression dans l'ouverture des yeux du jeune héros, sa nouvelle
compréhension de micro événements de son passé comme quand son père lui
avait demandé de libérer les lucioles qu'il avait ramassées en vacances à la
campagne. Tout ce qu'il a aimé et lui donnait un cocon d'érudition, la revue
"Ici et maintenant", son encyclopédie :
il comprend qu'il est temps pour lui de passer à autre chose, de se décider,
de partir vivre pour de vrai…
Sympathique et émouvant roman, dans un style riche et agréable que j'ai eu
grand plaisir à dévorer. Ce n'est pas facile de se mettre dans la peau d'un
ado de dix sept ans et surtout de nous faire voyager dans les méandres de
ses réflexions par rapport aux relations avec des adultes ou avec son petit
frère. Et au bout du compte, conte ? l'éclosion commence timidement mais
surement. Maximo découvre sa facilité à guider en grand-frère le
"Nain" Ernesto, et aussi son pouvoir de dire qu'il décidera de son futur,
à l'hôtel ou pas…
Pablo Casacuberta, un auteur uruguayen né en 1969 fait partie des jeunes écrivains talentueux d'Amérique Latine. Il est également peintre. Merci au traducteur François Gaudry.
BONNE LECTURE
Météalilié – 180 pages
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