Depuis le carton intergalactique de INTOUCHABLES (2011, presque 20 millions d’entrées), on suit de près les sorties du tandem Éric Toledano et Olivier Nakache, qui jusqu’à présent n’ont pas raté grand-chose, surtout pas LE SENS DE LA FÊTE (2017). Leur dernière réalisation est dans la veine de SAMBA ou HORS NORME, une comédie sociale qui s’empare des sujets du moment. Ici, la surconsommation et le militantisme écologique. Des contraires qui s’opposent, il y avait donc matière à comédie.
La séquence pré-générique est très réussie, avec ces archives de vœux présidentiels - on remonte jusqu’à Pompidou – et cette litanie de « l’année qui s’achève a été difficile… ». Puis on suit des grappes de militants aux allures d’agents secrets qui convergent vers un centre commercial (des plans rapides, habilement montés, rythmés) pour bloquer l’entrée d’un magasin un jour de black-friday. Les clients s’agglutinent, parmi eux Albert, et dès que le rideau se lève, c’est la ruée, l’empoignade, filmée au ralenti sur fond de « La valse à mille temps » de Brel, on s’agrippe aux écrans télé, aux machines expresso, quitte à envoyer valdinguer le voisin dans le décor.
Albert est venu acheter en solde une télé qu’il a l’intention de revendre à prix fort à Bruno, un type contacté sur Le Bon Coin, un acheteur compulsif, endetté jusqu’au cou, sa baraque est vidée par un huissier, il se console en avalant trois tubes de médocs. Albert, qui a besoin de son fric, est contraint de lui sauver la vie ! (excellente réplique : « - Appelez le 18 ! – Mais on est le 15, pourquoi attendre trois jours ? »). Ils se retrouvent dans un groupe de parole dirigé par Henri (lui-même accroc au jeu) qui aide les surendettés à se débarrasser de leur vice.
En sortant de la réunion, ils sont invités à un apéro organisé par un groupe écolo qui lutte contre la surconsommation. Comme la binouze est gratuite (« - Tu donnes ce que tu veux, de 0 à 5 euros – Bah alors ce sera 0 ! ») les deux bras cassés s’engagent dans le militantisme…
A chaque personnage sa motivation, Bruno pour les chips gratuites (des chips de navets bio) ou squatter des appartements (« le loyer est libre, tu donnes ce que tu veux...»), Albert pour récupérer un maximum de trucs qu’il revendra au marché noir, et parce que la leader du mouvement, Cactus, lui a tapé dans l'oeil. Cactus ? Ah oui, car les militants, calqués sur le modèle de Extinction Rébellion, ont des pseudos. Pour Albert et Bruno ce sera Poussin et Lexo (comme Lexomil).
UNE ANNÉE DIFFICILE met tout de même du temps à trouver son rythme, les scènes d’expositions sont un peu longues et paradoxalement ne renseignent pas beaucoup sur les personnages. Le talent de Nakache et Toledano jusqu’à présent était l’empathie envers des personnages fracassés, qu’on a du mal à retrouver ici. Cactus (Valentine de son vraie nom) pourtant jouée par l’épatante Noémie Merlant (qu’on a connu plus trépidante dans L’INNOCENT de Garel) peine à porter son personnage de petite bourgeoise qui s’encanaille dans le militantisme, jusqu’à vider son bel appartement de tout superflu - y'a même plus de chaises ! - et exclure de sa vie toute relation sentimentale. Jolie scène où elle demane à Albert « as-tu envie de t'engager, aller plus loin ? » en pensant au collectif, quand lui veut l’embrasser !
Le personnage de Bruno, mal fouillé, est surtout là pour sa fonction comique (Jonathan Cohen fait le job, son numéro habituel), Albert est lui aussi desservi par un Pio Marmaï en petite forme, loin de EN LIBERTÉ de Pierre Salvadori. Les auteurs ne poussent pas le curseur assez loin, ou n'osent pas, adeptes sans doute du en même temps macronien, ça reste mainstream. Coté réalisation, c'est bien fait, rien de transcendant, le duo a retrouvé le trépied de leur caméra, c'est déjà ça, les scènes de foule sont bien maîtrisées.
Il ne fallait pas qu’Henri (Mathieu Amalric) force l’entrée du casino deux fois, mais dix fois ! Il fallait s’inspirer du duo Blake Edwards / Peter Sellers, oser la surenchère délirante ! Le film égratigne gentiment les comportements des uns et des autres, comme s’il ne fallait fâcher personne. Le film pêche sans doute aussi par une absence de seconds rôles marquants, comme en était truffé LE SENS DE LA FÊTE. Quid de Quinoa (!) le militant amoureux et jaloux d’Albert ?
Ceci dit, il y a de très bons moments, la chambre remplie de jouets d'enfant qui horripile Cactus mais fait chialer de nostalgie Bruno (encore une méprise, le duo aime jouer sur le double-sens des scènes), la câlinothérapie, la rencontre du même Bruno avec une veuve qui planque des billets dans le sucrier (merveilleuse Danièle Lebrun, 86 ans aux miches, je me souviens d’elle dans VIDOCQ…) et surtout la séquence à la Banque de France. Nos deux lascars organisent une action devant le bâtiment pour en réalité y pénétrer en douce et falsifier leurs dossiers de surendettement à coup de Tipp-Ex (on pense aux bras cassés de LES APPRENTIS de Salvadori, tiens encore lui…), une grande séquence de comédie.
Et puis la belle dernière séquence filmée dans les rues totalement désertes de Paris (on comprendra pourquoi), Valentine valsant avec Albert, on réentend Brel, les gens sortent sur leurs balcons et les applaudissent, on remarque une horloge qui marque 20h... Générique de fin, et l’image d’Emmanuel Macron annonçant solennellement « nous allons vivre des mois difficiles… ».
Il y avait une bonne idée dans cette confrontation de deux mondes, deux idéologies, un canevas classique, les duos mal assortis, matière à une comédie grinçante, qui aurait dû taper où ça fait mal et n'épargner personne. Nakache et Toledano n’exploitent pas leur idée jusqu’au bout, dommage.
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Ah bon? Parce que tu l'as trouvé réussi, toi, Le Sens de la fête, avec son scénario quasi inexistant (suite de micro scènes) son défilé d'acteurs fantômes, et plus grave, le coup pied de l'âne à Bacri pour sa dernière apparition (ou une de ses dernières)? Pareil pour Intouchables (dont les 20 millions d'entrées prouvent assez la consternante nullité), mélange de pathos Téléthon et de culture "banlieue" (en a-t-on soupé de cette culture banlieue...). Nakache (bono) et Tolédano semblent désormais solidement assis à la place de Gérard Oury. D'ailleurs Omar Sy, nonobstant quelques particularités sans importance, est le nouveau Louis de Funès (te). Ça peut plaire: d'ailleurs, ça va plaire, surtout parce que ce n'est pas grinçant, comme tu le dis. A classer dans la catégorie des films du dimanche soir sur TF1.
RépondreSupprimer"Le sens de la fête" m'a fait rire, pour une comédie, c'est la moindre des choses ! C'est effectivement une succession de scénettes, tout n'est pas du même niveau, mais le film est conçu ainsi, sur un laps de temps très court. Bacri y fait du Bacri, c'est ce qu'on attendait, comme De Funès ou Bébel en leurs temps.
RépondreSupprimerOui, il y fait du Bacri, mais du mauvais Bacri. Je viens d'aller feuilleter Rock & Folk: critique insipide avec comparaison, aussi, avec Oury.
RépondreSupprimerGérard Oury... Rabbi Jacob est, dans le genre, insurpassable ! Je me bidonne devant comme au premier jour. Je vais causer du dernier Dupontel (dans deux semaines, je vais trop au cinéma par rapport à mon rythme de parution, Scorsese d'abord...) je pense que ça va te plaire. Pas forcément le film, mais mon papier !
RépondreSupprimer"Tellement intouchable que j'ai pas voulu y toucher..."
RépondreSupprimerCes deux gars (et leurs films) m'indiffèrent ... Je crois avoir vu Intouchables et Samba, qui remplacent avantageusement les somnifères ... c'est même pas mauvais, c'est sans intérêt ... du cinéma centriste pour moi.
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