vendredi 24 mars 2023

EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE de Dan Kwan et Daniel Scheinert (2022) par Luc B.

Avec son titre aussi alambiqué que le film en lui-même, EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE a presque tout raflé à la dernière cérémonie des Oscar. C’est quoi donc cet ovni ? Une histoire (ou plutôt des histoires) de multivers. En langage de vieux : univers parallèles. Le principe est simple, mais encore fallait-il y penser. Il s’agit pour les personnages de pouvoir échanger leur monde pour découvrir ce qu’ils auraient pu (ou voulu) être dans une autre vie, et si, et si, et si... Un SMOKING / NO SMOKING d'Alain Resnais puissance cent mille ?

Comment change-t-on d’univers ? Par des sésames tout bêtes, loufoques, qui vous sont transmis au moment où il le faut par votre double Alpha. Retirer ses lunettes ou intervertir ses chaussures à l'instant T vous éjecte vers une vie que vous auriez fantasmée si elle n'était pas ce qu'elle est. Et on peut en avoir plusieurs, une multitude. Chaque personnage du film a donc un double (un triple, un quadruple...) dans son alphavers. Un alphavers menacé de destruction par le méchant Jobu Tupaki. Pour quelle raison ? Ca, je n’ai pas compris… Mais il est question d’aspirer tous les mondes, réels et virtuels, dans un trou noir représenté par un bagel géant. Oui, le truc rond avec un trou au milieu.

Revenons au départ. Nous sommes dans la laverie tenue par Evelyn Quan Wang et son mari Waymond. C’est pas la joie en ce moment, le couple est un instance de divorce, le patriarche du clan Gong Gong débarque de Hong Kong (joué par le doyen James Hong, 94 ans), leur fille Joy annonce qu’elle est lesbienne, et ils ont le trésor public sur le dos. Rendez-vous est pris aux impôts où une employée retorse, Deirdre Beaubeirdre (Jamie Lee Curtis) formalise un redressement fiscal à moins que le couple se mette en règle sous 24 heures. Et c’est là que tout va se barrer en couilles, chaque personnage va être confronté à son double maléfique ou héroïque.

Exemple avec Deirdre Beaubeirdre qui d’un coup se mue en Terminator saccageant tout sur son passage, pour massacrer Evelyn. Qui devra son salut au double de son mari Alpha Waymond, qui dans un monde parallèle est karatéka. Ce qui nous vaut une scène savoureuse de combat où la banane qu’il porte à la taille fait office de nunchakus. La suite n’est qu’une accumulation de scènes de baston / destruction, souvent drôle et complètement barrée, comme ce combat de godemichets (!), où lorsque les protagonistes se ruent sur un plug anal, seule façon de décupler son pouvoir s’il est introduit au bon endroit… On se dit qu'ils ne vont pas oser, mais si, ils osent, et c'est vraiment drôle.

A la manière du READY PLAYER ONE de Spielberg, le film multiplie clins d’œil et références, lorsque les protagonistes intègrent les différents alphavers. MATRIX des Wachowski bien sûr, avec ces combats ralenti/accéléré ou TIGRE ET DRAGON, puisque l’actrice principale Michelle Yeoh s’est fait connaître par ce film de Ang Lee. Et autres films de sabres, ou le KILL BILL de Tarantino. Dans l’aphavers où Evelyn se rêve en actrice (très belle idée) les réalisateurs s’amusent à parodier le style ultra léché du IN THE MOOD OF LOVE de Wong Kar-wai, comme ils refont la scène des singes de 2OO1 L’ODYSSÉE DE L’ESPACE, ou délirent sur le RATATOUILLE de Pixar (RATONTOUILLE puisqu’il s’agit d’un raton laveur !). Entre autres gags réussis,  le moment où Evelyn et Deirdre Beaubeirdre ont des doigts en saucisses molles, contraintes de tout faire avec leur pieds, on frise l'humour absurde de TOP SECRET des frères Zucker. 

C’est totalement foutraque, surréaliste, il y a mille idées à la seconde, de l’inventivité visuelle, on navigue entre HELLZAPOPPIN' et Tex Avery, les Monty Python / Terry Gilliam ne sont pas loin, comme dans cet intermède où deux cailloux dissertent philosophie devant l’immensité d’un canyon, par intertitres interposés.

D'un coup, le générique de fin défile à l'écran. On respire, ouf, le délire est fini. Sauf que non, c'est un gag (du coup, pas le meilleur...) nous n’en sommes qu’à la moitié, et les hostilités reprennent de plus belle. Car tout de même, EVERYTHING… dure presque 2h20. C'est le premier souci, une très longue succession de scénettes interchangeables, forcément inégales, certaines auraient pu être coupées sans que cela ne change quoi que ce soit.

L’autre problème est que la mise en scène ne tient que sur un principe, comme une chanson grunge. Le contraste lenteur / accélération ; calme / explosion. C’est toujours pareil, tout est traité sur le même mode, on a à peine le temps de respirer qu'on repart dans le grand huit, le procédé est donc extrêmement redondant et finalement uniforme. On en prend plein les mirettes, mais que retient-on finalement de l'intrigue ? Le cinéma est comme la musique, une histoire de tempo, de nuances, d'équilibre. 

Côté comédiens, on retient les prestations de Jamie Lee Curtis et Stephanie Hsu (qui joue Joy, la fille). Ke Huy Quan (le père) est parfois attachant quand il ne joue pas les benêts. Il avait débuté gamin dans le deuxième INDIANA JONES (le rôle de Demi-Lune) puis dans LES GOONIES, mais pas grand chose entre temps. Et on lui a refilé une statuette ?! Quant à Michelle Yeoh qui a reçu l’Oscar, c’est tout de même difficile de juger la prestation d'une actrice charcutée par un montage stroboscopique, des plans qui durent à peine le temps de faire une grimace. Vous aurez compris que je ne me suis toujours pas remis que la grande Cate Blanchett de TAR soit repartie bredouille…

L'objet en question est-il encore du cinéma ou une démo de jeu vidéo, un assemblage en veux-tu en voilà de clips conçus pour mettre à mal la persistance rétinienne ? Ou est-ce que je me fais trop vieux ? Le principe des univers parallèles auxquels on a accès à l’infini et sur un claquement de doigts permet aux Daniels** de s’amuser à créer une multitude de scènes, comiques, poétiques, pastiches, absurdes. Le problème vient de la multitude.

EVERYTHING… est déjà classé comme « culte ». On y prend souvent plaisir, on s'y amuse, certainement davantage en le revoyant plusieurs fois pour en saisir toutes les subtilités. Personnellement j’ai arrêté au bout de 30 minutes d’essayer d’y comprendre quoi que ce soit, pas certain que ce soit le plus important !

**Les scénaristes et réalisateurs Dan Kwan et Daniel Scheinert sont surnommés les Daniels, EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE est leur troisième film.


couleur  -  2h18  - multiformats 

 

1 commentaire:

  1. Je vois que je suis pas le seul à avoir rien compris, mais peut-être qu'il n'y a rien à comprendre, que tout est dit dans le titre, et que je suis trop vieux pour cette succession d'images genre trip psychédélique ...
    Même si les Oscars c'est quand même très souvent bien consensuel, il y a quand même une sorte de reconnaissance pour des films "classiques" et de réelles performances d'acteurs ou d'actrices... j'ai rien vu de tout ça dans Everything ...

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