« Nigger ! Nigger ! Nigger ! »
« Outside of society ! That's where I want to be ! »
Pour mieux comprendre l'article de Benjamin, ce petit préambule tiré du magazine Rolling Stone :
Le titre incendiaire
qui clôt la face A de l’album Easter de Patti Smith en 1978, « Rock'n'Roll
Nigger », n’est plus disponible sur les services de streaming. Le morceau a été
discrètement retiré ces derniers mois de Spotify, Apple Music, Tidal et Amazon
Music, bien que la date exacte de retrait et l’implication de Smith soient
inconnues.
Oui Patti, j’aimerais aussi vivre en dehors de cette société. Je ne sais ce que vous pensez de la censure immonde qui frappe votre œuvre, j’ose simplement espérer qu’elle vous révolte. Voici donc un des meilleurs titres d’un de vos meilleurs albums effacé pour un mot, un simple mot écarté de son contexte pour vous clouer au pilori de l’obscurantisme moderne. « Donnez-moi une phrase de n’importe qui et je le ferais condamner » Richelieu. Comment peut-on imaginer qu’une rockeuse, une admiratrice de Coltrane et Monk de surcroît, puisse avoir ne serait-ce qu’une conviction raciste ? Ces gens n’ont donc pas lu Kerouac, Burroughs, Ginsberg, ne se sont pas enivrés de cette littérature libertaire qui fait partie de votre ADN artistique. Car « Rock’n’roll nigger » est un titre libertaire, il exprime la rage de ceux qui sont en lutte permanente contre leur époque. Alors, pour cracher sur le racisme américain, vous hurliez que Jimi Hendrix était un « nègre » comme Jésus Christ. A une époque où le puritanisme et le racialisme américain étaient encore si vivaces, cette provocation valait bien toutes les gesticulations de nos chers lobbies écologistes LGBT et autres convictions d’acéphales bourgeois.
Ces luttes, votre génération les a portées à une époque où elles étaient autres choses que le symbole de la décadence de l’occident. Ce fut le Lou Reed de « Transformer », Sly and the Family Stone, la poésie amoureuse de la nature de Neil Young et j’en passe. Comment les modernes, tristes larves assouvissant jusqu’à leurs besoins les plus primaires grâce aux écrans de leurs smartphones peuvent-ils comprendre la rage qui fut la vôtre à l’époque. Ce fut la rébellion de la poétesse agressée par des ouvrières mesquines, l’expression de la bravoure de celle qui sut gagner sa liberté. Entre deux mangas stupides et après une série Netflix affligeante, la génération woke devrait lire l’excellent « Just kids ». clic ici pour relire l'article sur "Just kids"
Vous me direz que ma plume est bien vipérine, que certaines plateformes de streaming décidèrent de vous censurer sans subir aucune pression. Ce n’est pourtant pas à une femme de votre génération que je vais apprendre que chaque génération a ses excès et son obscurantisme. Les excès de la vôtre eurent au moins le mérite de ne pas être encouragés par Ben & Jerry’s et Nike. Encore 10 ans de lobbying associatif et entrepreneurial et tous les idéaux pueront. Les plateformes de streaming anticipent les besoins de cette masse qui se dit choquée pour des broutilles, au point de ne plus s’émouvoir du drame lorsqu’il frappe à sa porte.
Inculte à un point affligeant, plongé dans un monde où le passé n’existe plus, il ne reste plus à cette humanité que la morale la plus étriquée. « La morale est la force des faibles » Il faut répéter sans cesse cette phrase aux enfants, leur marteler jusqu’à ce qu’ils crachent sur les idées stupides de leurs géniteurs. Car c’est cette morale qui pousse les distributeurs de musique à mutiler des chefs-d’œuvre, faisant ainsi en quelques clics le travail de la dictature brûlant les livres dans « Farenheit 451 ». Tous les chemins passant par la censure culturelle mènent à la servitude. Aujourd’hui, cette servitude est volontaire, c’est le lot de quelques larves gavées par une pop culture dégénérée. Prenons garde à ce que ce genre d’existences rabougris ne soit pas imposé à ceux qui refusent la médiocrité générale. Car, lorsque l’accès à toutes les productions culturelles sera soumis à un système de plateforme à abonnement, ceux qui dirigeront ces plateformes auront plus de pouvoir qu’aucun homme avant eux.
Ils auront en effet le
contrôle des âmes, la possibilité de diriger les réflexions et les rêves des
hommes. Voilà pourquoi, chère Patti Smith, la censure de votre titre n’est pas
un événement anecdotique. Si le peuple, dont vous dites qu’il détient le
pouvoir, veut que le numérique ne devienne pas sa prison, il doit lutter contre
toutes ces tentatives de mutiler sa culture. C’est pourquoi je rêve de vous
voir chanter « Rock’n’roll nigger » à chaque fois que l’on vous tend
un micro. La révolte rock redeviendrait alors bien plus qu’un simple argument
marketing. Dans votre situation, se taire c’est se soumettre. Faites donc
encore votre cette phrase de La Boétie qui résume si bien votre parcours
« Soyez résolu à ne plus servir et vous voilà libre »
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