Ce livre de Patti Smith n’est pas l’autobiographie d’une chanteuse de rock, comme il en fleurit aux étals des librairies tous les quatre matins. L’auteur concentre son récit sur une période courte de sa vie (1967-75), et surtout sur sa relation avec le photographe Robert Mappelthorpe. Précisons qu’elle a écrit elle-même ce livre passionnant, ce qui est loin d'être le cas de nombreux confrères. Mais comme nous l'apprendront ces lignes, Patti Smith est avant tout un écrivain, un poète, égaré chez les punk.
auto-portrait |
Mappelthorpe est lui aussi issu d’une famille catholique (mais bourgeoise) qui tente de faire sa vie à New York. C’est la rencontre de l’âme sœur. Elle dessine, lui peint, elle écrit, lui sculpte, fabrique de petits objets, et ils vont mettre en commun leur univers artistique. Patti Smith travaille toujours dans sa librairie, ramène de quoi se payer des chambres d’hôtels, où s’entassent les dessins, les montages, les collages, et plus tard les premiers travaux photographiques de Mappelthorpe. Ils parviennent à intégrer un des cercles de la Factory d’Andy Warhol, rencontrent des artistes bohêmes. Quand l’argent vient à manquer, Mappelthorpe part faire le tapin homo. Il découvre (lors d’un voyage à San Francisco) ses tendances homosexuelles et sado-masochistes, dont il exploitera la violence dans ses œuvres extrêmes. Patti accepte la tournure que prend le stytle de vie de Robert, le couple reste soudé, et s’installe au Chelsea Hôtel, haut lieu de l’underground newyorkais, où contre quelques toiles gardées en caution, des artistes peuvent avoir un toit. Les travaux de Mappelthorpe commencent à intéresser, et les poèmes de Patti Smith trouvent aussi écho dans des soirées de lecture.
L'hôtel Chelsea de nos jours / Patti Smith avec Sam Sheppard |
De 1970 à 1974, Patti Smith publiera des recueils de poésie (dont Robert réalise les couvertures) déclamera ses lignes sur scène, jouera au théâtre pour des amis (dont Sam Sheppard avec qui elle partagera la vie), rencontre le gratin post beat-génération (Allen Ginsberg, dans une scène cocasse où celui-ci drague Patti pensant avoir affaire à un jeune garçon !). Plusieurs fois elle ira à Paris, rendre hommage aux poètes qu’elle admire (Rimbaud, Genêt, Baudelaire), à Jim Morrison enterré au Père Lachaise, découvre l’engagement politique avec Jean Luc Godard (ONE+ONE, lors de son premier séjour en France), et de rencontres en rencontres, commence à frayer avec le monde de la musique : Danny Fields, Janis Joplin, qui devait chanter ses textes à l’époque de PEARL, Jimi Hendrix (très jolie scène entre de grands timides), son ami Johnny Winter (voisin au Chelsea Hotel, persuadé d’y passer bientôt parce que son prénom commence par un J, comme Jim, Janis, Jimi…). Mappelthorpe et elle, partagent maintenant la vie de toute une faune de musiciens, graphistes, cinéastes, poètes, stylistes, tous fauchés, vivant chez les uns ou chez les autres.
Le
premier album de Patti Smith, avec une photographie de Robert
Mappelthorpe. La chemise blanche avait été achetée quelques heures plus
tôt à l'Armée du salut.
Pendant toutes ces années, l'argent se fait rare. Chaque sou est économisé, pour s'offrir un beignet (le luxe !) une place de cinéma, du papier à dessin ou des pellicules photos. Robert Mappelthorpe rencontre des amants-mécènes, et pousse toujours plus loin ses expériences SM, utilisant un simple polaroïd (Patti Smith sera évidemment son premier modèle). Patti Smith accepte le mode de vie de son compagnon, et même séparés, un fil invisible et indestructible semble lier ses deux êtres, qui se protègent, s’inspirent, se comprennent, respirent ensemble et se confondent. Plusieurs amis du couple invitent Patti Smith à écrire des chansons. Jusque-là, elle lisait ses poèmes, parfois accompagnée par le guitariste Lenny Kaye. Un soir, dans le club CBGB, elle assiste à un concert du groupe TELEVISION. Le guitariste Tom Verlaine, avec qui elle partage le goût de la poésie, lui composera des musiques, l’accompagnera, comme Richard Hell, et rejoint plus tard par Allen Lanier (avec qui elle vécut) qui en parallèle joue dans le groupe de hard rock BLUE OYSTER CULT. Un bassiste et enfin un batteur rejoignent la formation, de ce que désormais il convient d’appeler THE PATTI SMITH GROUP. Ils interprètent notamment « Gloria » de Van Morrison, ou « Hey Joe / Piss factory » de Hendrix, rallongeant les textes avec les poèmes de Patti Smith. Les 45 tours sont financés par Robert Mappelthorpe (et dont, encore, il conçoit les pochettes avec Patti). Et en avril 1975, le groupe est convaincu de rentrer en studio (l’Electric Lady, conçu par Hendrix), pour ce qui sera le premier disque de la future papesse du punk-rock : HORSES.
Patti et son mari Robert "Sonic" Smith |
Patti Smith, séance de lecture publique. |
Quelques clichés (très soft) de Robert Mappelthorpe. On reconnait Grace Jones, Andy Wahrol, et Patti Smith. |
"JUST KIDS" de Patti Smith, édition Denoël, 323 pages
C'est en écrivant ceci dans Amazon le 22 janvier :
RépondreSupprimer"Je fais partie des 2000 privilégiés qui ont pu participer au concert Patti Smith - Philip Glass hier 21 janvier 2011 Salle Pleyel. Les deux artistes rendent régulièrement hommage à Allen Ginsberg, leur ami et sulfureux poète mort en 1997 : Lecture des textes par une Patti Smith transfigurée accompagnée avec humilité par Philip Glass et le guitariste Lenny Kaye, et même sa fille, jeune pianiste pour assurer la succession"...
...que je fus promu, de fil en aiguille, deblocnoteur "classique".
C'est fou non ?
Inutile de préciser que cet article va me conduire à la dépense... Merci Luc