Amy Homes est une femme de son temps. Ecrivain, scénariste, productrice, journaliste, elle est le témoin de cette Amérique pas si parfaite décrite dans les séries un brin provoc (elle est d’ailleurs l’un des scénaristes de The L World, la série racontant la vie d’un groupe de copines lesbiennes) ou les films à l’humour décalé comme ceux des frères Coen. Avec "ce livre va vous sauver la vie" elle s’attaque à Los Angeles et à ceux qui, comme le héros de ce roman, réussissent dans la vie sans réussir leur vie.
Richard Novak, la cinquantaine, a toutes les caractéristiques des excès de Los Angeles. Il vit dans une bulle luxueuse, sa villa high-tech située sur une colline de Los Angeles où il passe ses journées, bouchons anti-bruits dans les oreilles, à naviguer entre son ordinateur pour faire fructifier son compte en banque, son tapis de course, et son frigo rempli uniquement d’aliments bio ultra sains et de plats concoctés par sa diététicienne. Même ses contacts humains sont déshumanisés et nombrilistes : il ne voit que sa femme de ménage, son coach sportif, sa nutritionniste, ou sa décoratrice toutes appelés à faire de lui un corps sain dans une maison saine. Dans une autre vie, une autre ville, New York, il y a bien une ex femme et un fils adolescent, mais les relations sont rares et bien plus froides que l’eau des piscines californiennes. Jusqu’au jour où il se retrouve terrassé par une douleur étrange, dont il ne sait même pas si elle est récente ou pas. Les conséquences physiques ne sont toutefois pas bien méchantes. L’impact psychologique de cette drôle de souffrance, lui, est colossal. C’est le grain de sable qui fait dérailler sa vie aseptisée.
Il se met donc à voir les gens, à leur parler et à les écouter. Des gens aussi divers et variés que ceux dont regorgent Los Angeles : un vendeur de donuts philosophe, une desperate housewife en pleine crise existentielle, une star de ciné plus que parfaite, un écrivain sorti tout droit de la période beatnik. C’est un florilège de personnages plus étranges les uns que les autres qui défilent tout au long de ces 440 pages, au fur et à mesure que se multiplient les événements incongrus dans la vie de Richard Novak : sa maison menace de s’effondrer, il devient successivement le sauveteur d’un cheval et d’une jeune kidnappée, il part faire une retraite silencieuse, et bien évidemment il renoue avec son fils et apprend à le connaître.
Une bonne dose d’ironie, des situations rocambolesques et des personnages pittoresques, le tout avec en toile de fond Los Angeles, ce livre n’a peut être pas de quoi vous sauver la vie, mais il a les ingrédients nécessaires pour faire passer un bon moment. Le roman multiplie les situations improbables et les dialogues à la limite du burlesque, le tout parsemé de réflexions sur l’étrangeté de notre société.
Pourtant, j’ai eu du mal à rentrer dedans, à ne pas me sentir agacée par le côté « tout est bien qui finit bien », par les petites phrases qui transpirent le politiquement correct et qui ne collent pas avec le ton décalé du roman. Elles sont distillées ça et là, que ce soit dans les allées d’un supermarché (« D’où viennent toutes ces marchandises ? Qui les a inventées ? A quel besoin répond l’existence de biscuits à la farine complète aux formes, aux parfums, aux couleurs variées ? De vingt-deux sortes de jus d’orange ? ») ou dans la sagesse d’un marchand de beignets (« Vous vous croyez peut-être riche parce que vous avez plein d’argent mais il y a aura toujours quelqu’un de plus riche que vous. Moi je suis riche parce que je mets tout mon cœur dans ma boutique »). La question n’est pas de savoir si ces réflexions sont justes, mais plutôt de se demander s’il est nécessaire de dire clairement certaines choses pour faire passer une idée, surtout quand on a le talent de l’auteur pour l’humour absurde et les dialogues piquants.
J’aurais préféré que AM Homes cultive le côté anti-héros de Richard Novak plutôt que de le transformer en bon samaritain, prêt a sauver la veuve et l’orphelin. A vouloir faire en sorte que ce livre sauve au moins la vie de son héros, elle en a fait un conte de fée moderne, là où j’aurais aimé une satire grinçante. Dommage : cela me laisse finalement le sentiment d’avoir frôlé un vraiment bon bouquin.
CE LIVRE VA VOUS SAUVER LA VIE (2008), Actes Sud, 440 pages
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