lundi 12 septembre 2022

R.I.P. Lars VOGT (1970-2022) – pianiste et maestro – par Claude Toon


Vie, mort, destin… Albert Camus avait philosophé sur le thème de l'absurdité d'un monde incompréhensible dans son essai le mythe de Sisyphe que je feuilletais hier… (les puristes me feront remarquer que Camus centre sa réflexion sur la pertinence du suicide face à un tel monde, à son chaos.) Le suicide n'est pas vraiment le sujet du jour jour, mais franchement, la mort d'un homme jeune fauché en plein envol n'est-elle pas d'une totale absurdité ?


Lars Vogt en 2011

Ce matin, j'apprends la disparition à 51 ans du pianiste et maestro Lars Vogt. D'autant plus glaçant comme annonce que dans deux mois j'aurai vingt de plus que ce musicien emporté par la maladie ! Et puis l'artiste avait mis son talent, notamment par sa discographie, au service des romantiques parmi les plus connus : Beethoven, Schumann et par-dessus tout Brahms. Ayant déjà écrit des chroniques sur les plus essentielles œuvres du trio de génies précité pendant les onze années passés, il m'était difficile de présenter une interprétation de Lars Vogt. J'ai évoqué il y a quelques semaines mon désir de vous faire découvrir des versions alternatives de chefs-d'œuvre déjà commentés ; c'était le cas il y a deux semaines avec la symphonie Alpestre de Richard Strauss dans l'enregistrement culte de Karl Böhm. Fan des deux concertos pour piano de Brahms déjà entendus sous les doigts de Nelson Freire et Claudio Arrau(Index), cette triste actualité m'offre la possibilité que nous écoutions de nouveau ces deux "monuments" tout en rendant hommage à Lars

51 ans ! Bon sang, ce n'est pas un âge pour disparaître en quelques semaines à cause d'une saleté de cancer qui aurait mieux fait de s'intéresser à quelques vieux dictateurs podagres. Désolé pour ce propos rageur et si vain qui ne changera rien.

Lars Vogt : une vie écourtée, et qui me rappelle celle du jeune chef Yakov Kreizberg, accompagnateur fidèle de la violoniste et pianiste Julia Fischer. Lui aussi nous a quitté en 2011 à l'âge de 51 ans, en cause la même maladie satanique. À noter que les deux artistes interprétèrent en février 2002 le 24ème concerto de Mozart lors d'un concert de la Philharmonie de Los Angeles.

En janvier 2013, Lars Vogt interpréta le 1er concerto de Beethoven accompagné par l'orchestre de Paris dirigé par Herbert Blomstedt, le chef danois-américain fêtait à l'époque ses 86 ans ; il poursuit sa carrière à 95 ans. Juste une petite chute en juin, mais rassurons-nous, il dirigera Schubert à Paris en avril 2023. Herbert Blomstedt est depuis des années le doyen des maestros en activité ! Comprend qui pourra. Avec le sourcil broussailleux, l'humour et les idées claires, on peut dire que ce musicien de talent entrera vraisemblablement dans le Guiness des records de longévité. 


xxxxxxx

Né à Düren en Allemagne du nord en 1970, Lars Vogt devient un virtuose apprécié et primé dès l'âge de 20 ans en 1990. Il se produit dès lors avec les plus grands chefs, citons hormis Herbert Blomstedt, Claudio Abbado, Mariss Jansons, Simon Rattle et donc les orchestres de renom : symphonique de Londres, de Chicago, les philharmonies de Berlin et de Vienne.

Il poursuit également une carrière chambriste, principalement avec le violoniste Christian Teztlaff avec qui il enregistre les trois sonates de… Brahms… très logiquement pourrait-on dire.

Attiré par la carrière de chef d'orchestre, il prend en 2015 la direction de l'orchestre de chambre anglais Royal Northern Sinfonia. Il organisera une tournée de cet ensemble en Asie. Il est important d'ajouter que Lars Vogt interprétera les grands concertos classiques et romantiques à la fois comme soliste et chef d'orchestre. Si cette option n'est pas rare pour interpréter Mozart (Barenboïm, Uchida, Perahia, etc.), l'orchestration mozartienne conservant un effectif chambriste, ce qui n'est pas le cas pour ceux de Brahms. Diriger l'orchestre symphonique romantique au grand complet et jouer la partie de piano pendant 50 minutes et plus relèvent déjà plus de l'exploit.

Je propose d'écouter ces deux concertos interprétés par Lars Vogt et le Royal Northern Sinfonia. Les deux exécutions ont été publiées par le label Ondine sur deux albums complétés par diverses pièces de Brahms. La critique professionnelle et les mélomanes ont accueilli avec enthousiasme ces gravures au ton épique.

On trouvera dans Wikipédia une liste de ses autres enregistrements marquants.

 

Adieu Lars, place à Brahms et Beethoven…

Dommage, la vidéo Beethoven de Lars Vogt et Herbert Blomstedt est bloquée. Voici un bel échange : le concerto N°3 de BeethovenLars Vogt est accompagné par l'orchestre de la radio de Francfort dirigée par la jeune cheffe américaine Karina Canellakis.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire