1976, les Sex Pistols sont à l’affiche du Wollhampton Assembly Theatre. Bien que « Nevermind the bollocks » ne soit pas encore sorti, les concerts chaotiques des mercenaires de Mclarren les ont placés en tête de l’invasion punk. Le public présent ce soir-là n’est pourtant pas venu pour eux, mais pour les loosers de Killburn and the Hight Road.
Crée depuis plusieurs mois, le
groupe n’a pas encore réussi à publier un disque, mais il rassure sans doute
les organisateurs. Vénéré par quelques Teddy Boy, il est mené par Ian Dury (1942 - 2000) une
sorte de Skinhead fan de Gene Vincent. La polio lui a taillé un physique de
pantin punk, qu’il accentue pour profiter de la révolution en marche. Les
moqueries dont il faisait l’objet dès ses sept ans l’ont aussi mené à
développer un humour absurde, qui achève de le faire ressembler à une
incarnation du nihilisme no future.
Le punk est composé de jeunes
péquenauds qui se faisaient les dents sur la musique qu’il jouait avant eux. Les
chroniqueurs ont appelés ça pub rock, et ont préféré saluer le « Down by
the jetty » de Dr Feelgood, que les rock vintage que son groupe jouait
dans les bars. Ces types pensent avoir découvert le fil à couper le beurre, et
nomme ce proto punk « pub rock ».
En réalité, il n’y avait rien
de nouveau sous le soleil, et, si Gene Vincent vivait toujours, il jouerait
sans doute avec Wilco Johnson. Il pourrait aussi bien jouer avec les Sex Pistols,
tant tous ces musiciens ont eu leur révélation en écoutant le rock des origines,
et découvraient que tout ce dont le rock avait besoin était là.
Alors, quand Ian Dury a vu
arriver les Pistols, il a senti qu’il tenait sa revanche, et ça n’a pas manqué.
Quelques mois après sa performance introduite par les Sex Pistols, il formait
les Blockheads, et sortait enfin son premier disque. Les têtes de cons (Blockheads)
furent rapidement adoptés par une génération de crétins (traduction de punk),
et le disque fit un carton.
Sur la pochette le pantin punk
semble déjà penser aux chemises qu’il espère sur le titre de son album. Finies
les séances de relooking dans les friperies, le chanteur allait enfin pouvoir
se procurer des habits neufs.
Le disque est culte dès les
premières minutes, qui introduisent un riff clashien en diable. On retrouve ici
l’humour grivois de Little Richard, qui n’aurait pas renié cette histoire
d’homme se levant avec "un cadeau pour le genre féminin", et suppliant sa
femme de le soulager de son érection matinale. Ian Dury ne renie pas ses
influences, mais il sait comment les vendre. Des titres comme « Blackmar men »
ou « Blockead » sonnent comme du Chuck Berry joués sur un tourne-disque réglé à
la vitesse maximum. Le rythme se pose ensuite sur une mélodie doo woop, qui va
vite partir sur une décharge de pur rock’n’roll, le tout en hommage à ce « Sweet
Gene Vincent ».
Il y’a aussi chez notre cockney
un coté pop digne des Kinks. Dury ne se contente pas d’une énergie brute et
puérile, il emballe le tout dans un vernis classieux qui sort du lot. Ce n’est
pas pour rien que Paul McCartney reprendra plus tard « I’m a partial to your
abracadabra », il sonne comme une version protéinée de ces "chansons de grand
mères" haïes par John Lennon. Ian Dury réussit à donner au punk l’attrait des
vieux tubes pop anglais. On pense d’ailleurs encore aux Kinks quand son accent
cockney introduit la gigue obscène « Billbiway dixies ». Consécration ultime,
cette mélodie fait furieusement penser à « David Watts », le classique des
frères Davies.
Ian Dury, malgré l’air léger de
ses titres, donne aux punks la finesse qui leur manquait jusque-là. Plus sérieux,
le ska punk de « My old man » achève de le placer parmi les artistes les
plus intéressants de sa génération. Quelques jours plus tard, il fera l’erreur
de publier « Sex drugs and rock n roll » en single. Sur disque, le titre aurait
été la cerise sur le gâteau, il ne deviendra qu’un single culte.
La version cd répare cette
erreur, en l’ajoutant en bonus. On peut alors apprécier à sa juste valeur ce « Sergent
Pepper » de la génération No future.
Car, si le punk était une tarte lancée au visage d’un rock trop prétentieux, « New
boots and panties » est la pièce montée qui écrase sa rage juvénile.
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On se regarde "Sweet Gene Vincent" enregistré en 78 à Paris, suivi d'une interview de Ian Dury (au Théâtre de l'Empire, là où Jacques Martin produisait l'Ecole des fans ! )
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On se regarde "Sweet Gene Vincent" enregistré en 78 à Paris, suivi d'une interview de Ian Dury (au Théâtre de l'Empire, là où Jacques Martin produisait l'Ecole des fans ! )
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