Ce
n’est pas une chronique sur le général de Gaulle. Mais sur la dernière biographie
en date du grand homme. Et écrite par un anglais ! Tout fout l’camp… Une
somme colossale de 1,52 kg (j’ai vérifié) 846 pages qui montent à 983 avec les
annexes… Mais j’avoue assez passionnante. Dans son introduction, Julian Jackson (qui a écrit plusieurs
bouquins sur la France en guerre, l’occupation…) rappelle qu’il y a en France plus
de 3600 communes qui ont donné à une rue, un boulevard, un rond-point, le nom de
Charles de Gaulle, Louis Pasteur arrivant en second, Victor Hugo en troisième.
Tous
les sondages classent de Gaulle comme la personnalité historique la plus
importante pour les français. Tous les politiques s’en réclament, même Jean Marie Le
Pen, et récemment, notre nouveau premier ministre Castex dans sa première
déclaration s’est qualifié de gaulliste social (ce qui ne veut rien dire, mais
ça ne mange pas de pain). Dans les années 50/60, dans ce qu’on appelait le
Tiers-Monde, de Gaulle était le plus grand héros des peuples, juste derrière
Fidel Castro. Et nous français, vivons depuis plus de soixante ans dans un
régime, la Vème république, conçu par lui mais pas que pour lui, surtout pour ses successeurs (bien qu'il ait déclaré en toute modestie faisant allusion aux projets de Pompidou « on ne succède pas à de Gaulle, on devient président après lui ! » vous noterez l'utilisation de la 3è personne...). De Gaulle et avec Napoléon le personnage historique qui a eu droit aux plus de publications.
Autant
d’éléments, et bien d’autres, qui valaient d’aller voir de plus près de quoi il
retourne, quitte à se farcir 1,5 kg de pages imprimées. Si comme moi vous êtes
curieux, je ne peux trop vous conseiller cette biographie quasi exhaustive, et
de surcroit écrite dans un style plutôt agréable à lire.
L’organisation
du bouquin est très classique : la chronologie. Mais à l’intérieur de
grands chapitres, datés, il y a une approche thématique. Si Julian Jackson parle,
par exemple, de la politique nucléaire de la France dans les années 60, il
couvrira plusieurs années, avant de revenir un peu en arrière pour évoquer la
politique extérieur, ou les débats de politique intérieure. Il n’hésite pas à
faire de petit résumé, du genre « vous vous souvenez qu’en 1953 il avait
dit ceci, fait cela… » ce qui permet de ne pas trop perdre le fil. Car
certains passages sont tout de même ardus.
C’est
que ça se bouscule au générique, en 50 ans de vie politique, de Gaulle en a
croisé du monde ! Les grandes figures, les présidents, chef d’état, les
généraux, on les connait, mais il y a aussi tous les autres, hommes de l’ombre,
d’influence, diplomates, représentants de… Une multitude d’intervenants qui
nous sont plus familiers au fur et à mesure qu’on entre dans les années 60/70
(Pompidou, Mitterand, Debré). Il y a un lexique à la fin, tant mieux, mais on
peine parfois à s’y retrouver, notamment dans la période 1940-44, comme la 4ème république et la valse des gouvernements, ou la guerre d'Algérie. D’autant que Julian Jackson peut passer plusieurs pages
sur une seule journée, où il rend compte quasiment à la minute près de ce qui s’y
est dit.
C’est
un reproche que j’ai lu ici ou là, une accumulation d’infos, que Jackson
multipliait les détails plutôt que d’en faire une synthèse. D’un côté, en tant
qu’historien et biographe, il ne fait que son travail – et je me demande
comment il est humainement possible de consulter, classer, ordonner, digérer
autant de documents, de sources, d’entretiens, un travail titanesque – et d’un
autre, chacun est libre de lire en diagonale, voire, faire des impasses. Il est
évident qu’un livre pareil ne se lit pas comme le dernier Guillaume Musso, hop,
en deux soirées s’est torché.
Je
n’ai aucune fascination particulière pour de Gaulle - ce n’est pas ma génération - mais par contre
ce qui interroge, c’est la fascination de ses contemporains, qu’ils soient des
proches, des collaborateurs, des amis, ou des ennemis politiques. Un truc tout bête : en 1945 tous les français n’avaient que de Gaulle
à l’esprit, le libérateur, le sauveur, sauf que très peu avaient entendu son
appel du 18 juin (l’enregistrement n’existe pas) et personne ne connaissait son
image. Quand il revient en France, victorieux, les français acclament finalement un
inconnu, des circonstances qui vous forgent un mythe.
Ce
qui fascine chez de Gaulle, même chez ses nombreux détracteurs, c’est le bonhomme, sa stature (1,93m) sa culture, son verbe, sa plume, sa capacité à discourir des heures sans aucune note, tout de mémoire, sa capacité à manipuler son auditoire pour obtenir ce
qu’il veut, son caractère cyclothymique, ses colères homériques et disproportionnées qui médusaient ses interlocuteurs (les relations avec Churchill) sa vision sur les
évènements mondiaux qui, à quelques exceptions les dernières années
de règne, sont d’une grande justesse (réunification allemande, décolonisation, Vietnam, Tchécoslovaquie...).
De Gaulle est un personnage, il le sait, il en en joue d’autant plus qu’il l’a lui-même
construit. Rien à voir avec le culte de la personnalité développé par les dictateurs,
les Staline, les Mao… (bien qu’il trouvait quelques qualités à Hitler sur le
plan organisationnel…). On se souvient de cette phrase en conférence de
presse : « croyez-vous qu’à 67 ans je vais entamer une carrière de
dictateur ? ». De Gaulle était démocrate, républicain, partisan du pluralisme
politique (il a pris soin de convier tous les partis politiques au gouvernement provisoire de 1944-46 alors qu'il aurait pu aisément la jouer solo), tout général qu’il était, il se méfiait de l’armée (il est bien davantage un politique qu'un militaire) mais dans son
esprit la nation devait se doter d’un chef charismatique, emblématique, une figure
représentant la France, et sauf avis contraire, personne n’était apte à lui
ravir ce rôle !
Cette
biographie permet de se replonger dans la guerre 14-18 (il y a servi comme
officier, davantage prisonnier de guerre que sur le front), la guerre 39-45 (période passionnante), la Libération, l’OTAN, la guerre froide, la construction
européenne, le nucléaire, la décolonisation, les barbouzeries de la France-Afrique
avec Foccart, Debré et la Vème république, le suffrage universel, la
modernisation du pays, la décentralisation, les tensions à l’Est, mai 68… C’est
tout de même dingue de penser que ce type-là était acteur de tous ces
évènements, même s'il a parfois eu un temps de retard à l'allumage.
Julian
Jackson parle peu de la vie privée de de Gaulle, et pour cause. Elle était extrêmement
simple et surtout préservée. Il a dû accepter une ou deux fois des photographes
de Paris Match dans sa maison à la campagne, la Boisserie, à Colombey–les-deux-Eglises,
où il a mis longtemps à y installer le téléphone (dont il se méfiait, les
écoutes…). On connait cette anecdote quand il emménage à l’Elysée, juste deux
pièces et une salle d’eau, où il fait installer un compteur à gaz distinct pour
payer ses factures privées. Le portrait de sa femme, pieuse et réservée dont il
n’existe aucun enregistrement audio, est assez touchant, comme ses relations
avec sa fille trisomique. Mais Gala ou Voici n’auraient pas eu grand-chose à se
mettre sous la dent.
Je
soupçonne Julian Jackson d’être assez fasciné par son sujet - mais aurait-il
entrepris ce travail si tel n’était pas le cas – et sans être spécialiste j’ai
l’impression que l’image qu’il en donne est juste. Une bonne lecture pour cet
été, à double détente : on se cultive, et on fait du sport (1.5 kg à bout de bras).
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La semaine prochaine, du cinéma avec Sam Peckinpah, et sans doute son plus beau film...
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La semaine prochaine, du cinéma avec Sam Peckinpah, et sans doute son plus beau film...
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