mercredi 29 juillet 2020

WHISKEY MYERS "Whiskey Myers" (2019) By Acqua-Vita Bruno




     Depuis l'album "blanc" des Beatles (un quatuor issu de Liverpool qui jouait dans une caverne), le disque à la pochette immaculée et sans titre est généralement synonyme de renouveau et aussi d'album que l'on expose fièrement, comme la consécration d'une maturité. Par la suite, des petits malins se sont fendus d'une pochette noire. Initialement signe de deuil, suite au succès phénoménal et mondial d'un disque de 1980 d'une bande de chevelus hargneux et revêches qui retournait dans le noir, ou les ténèbres, d'autres ont suivi l'exemple en optant pour la pochette sans couleur. Qui, là aussi, devait être l'album de la consécration.



   En attendant, la pochette blanche manque cruellement d’esthétique sur une feuille blanche ... ça flingue les yeux et c'est démoralisant (voir ci-dessus).

Bref, le sextet Texan de Palestine revient avec un album exempt de titre. Comme pour un nouveau départ, et pour souligner qu'il s'agit bien là d'un album qu'il revendique intégralement. Pourtant, aucune de ses précédentes réalisations ne semblent avoir concéder une quelconque concession. D'autant plus qu'à l'exception de la première, elles sont toutes sorties sur Wiggy Thump Records, le propre label du groupe.

   La formation, elle, ô miracle, reste quasiment la même depuis sa création en 2007. Outre la venue d'un élément supplémentaire en la personne de Tony Kent en qualité de percussionniste (qui reste bien discret, embauché plus par amitié que pour ses talents de musiciens), il n'y a que le départ du bassiste Gary Brown en 2017, remplacé par Jamey Gleaves, qui a perturbé le long fleuve tranquille.
   En fait, c'est le premier album qui est intégralement produit par le groupe, sans l'aide d'un producteur extérieur. Serait-ce à dire que la troupe aurait finalement trouvé encombrante, par trop inclusive, la présence de leurs précédents producteurs ? Au passage, tous issus du milieu Country.

     Après une longue attente, le précédent "Mud" datant tout de même de 2016, Whiskey Myers délivre ici son album à la fois le plus country et le plus rugueux, le plus Heavy même. Avec notamment des guitares un poil plus charnues et un chant qui devient quelquefois plus hargneux. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une fusion, mais plutôt de la présentation de deux familles distinctes. Evidemment, avec quelques morceaux rebelles fricotant - en loucedé - avec les voisins. Ainsi, ses morceaux Country n'ont jamais été aussi ancrés dans une certaine tradition, bien loin de la vague Country-pop qui sévit depuis trente ans.

 Tandis qu'en matière de Rock, c'est la tangente inverse. Jamais jusqu'à présent la troupe - ou plutôt Cody Cannon, et dans une moindre mesure John Jeffers, les principaux compositeurs - n'avait composé de chansons aussi Heavy. Certaines allant jusqu'à se défaire des couleurs "Southern" pour revêtir le costume du petit Harderocker teigneux. Avec pour conséquence, les claviers et les cuivres du précédent revus à la baisse. On fait bien parfois rugir un orgue à la couleur Hammond, mais rien de plus. Tandis que les chœurs des McCrary Sisters sont plutôt du style amazone.

   Ainsi, le regard du groupe ne se focalise pas sur un passé glorieux et n'a aucun a priori pour titiller du Heavy gras et arrogant. Plus étonnant, la chanson "Bitch" taquine le Rap, à la façon d'un Kid Rock. Voire à celle de Cadillac Three, quand ce dernier se plait à en agrémenter un morceau. Bien que la chanson "Early Morning Shakes" ait déjà préalablement emprunté ce chemin, là, "Bitch" enfonce le clou,  déboule comme un électron libre électrisant l'auditeur, et paraît même de prime abord vilipender une forme de conservatisme
"Je suis fatigué de la radio ; mêmes vieilles paroles, émissions inconsistantes. Vous êtes tellement campagnards (country ?). Toujours les mêmes chemins. Jour différent mais même merde"

   "Gasoline" est de la même veine, chargé d'amertume et d'indignation. Cody Cannon allant jusqu'à s'étrangler avec des paroles qui le saisissent.
"Quand la vie devient dur je retrousse mes manches... Je travaille dur sans rien montrer. Je dois tout à l'épargne et aux prêts, alors brise-nous le dos et fait de nous des esclaves ! Tout pour l'amour des USA ! ... Nous préférons avoir des bombes plutôt qu'à manger ! ... Les temps deviennent plus durs, donne-moi un allume-feu. Me tremper dans l'eau bénite... ".
Bien que d'un tempo plus lent, "Glitter Ain't Gold" est également un exutoire à la colère de Cannon.
   Mais déjà en amont de cette poignée de brûlots, le disque s'ouvre avec des vibrations bien Rock'n'Roll, avec un diptyque ("Die Rockin' " et "Mona Lisa") accusant l'influence de compatriotes Texans, tels que Point Blank et Catawonpus. Voire même de ZZ-Top si l'on se réfère au timbre des guitares de "Die Rockin' ".


   Pour finir avec les rocailleux, "Hammer" tape dans le Southern enchaîné au Blues le plus lourd et poisseux ; à peine rafraîchi par des chœurs d'âmes en peine, et traîné littéralement dans la boue par un harmonica nerveux et sautillant (façon Steven Tyler).

Une tripotée de bonnes rasades bien Heavy-rock qui ne manqueront pas de devenir un argument de poids pour juger ce groupe de traîtres à la cause "Southern Rock". Pourtant, certaines pièces témoignent d'un attachement non rompu . Notamment "Little More Money", proche des Outlaws, et le savoureux "Kentchuky Gold" aux réminiscences de Lynyrd Skynyrd

   Le final, "Bad Weather", lui, raccommode les deux mondes. Après une première partie semi-acoustique conventionnelle, entre Springsteen et Willie Nelson, la seconde glisse dans l'instrumental électrique où les six-cordes pavoisent jusqu'à se rejoindre pour reprendre le même discours, à l'unisson. Dans la pure tradition des morceaux de clôture du rock sudiste.
"Cette maison sur la colline est une prison. Passé trop d'années en enfer. Ho, si ces vieux murs pouvaient m'écouter et m'entendre. Ho, ce que pourraient raconter ces vieux murs. En tant que vieil homme, je sais que je devrais raisonner, mais je pourrais incendier ce vieil endroit ... Voyons ce que ces cendres dévoilent. Et la pluie est tombée et a tout emporté. Qu'elle serait la raison de les garder ? Souffle, mauvais temps."


   Auparavant, c'est 
donc une musique d'obédience Country qui est mise à l'honneur. A commencer par "Rolling Stone" qui, malgré son titre, n'a rien de bluesy, préférant se vouer corps et âme à la Country, avec lap-steel appelé en renfort pour favoriser l'immersion. Tranquillou, pendant plusieurs semaines, plusieurs mois même, elle est devenue la chanson la plus diffusée sur les ondes texanes. [ Bien probablement une chanson pour sa dulcinée, Haley, qu'il a épousé en octobre 2018 - parenthèse people ]
Tout comme "Bury my Bones", héritier de John Mellecamp, l'émouvant "California to Carlona" proche d'un Shooter Jennings, "Running" mariant le Charlie Daniels Band au Marshall Trucker Band. Par contre, "Houston County Sky" pèche par son classicisme Nashvillien, 
   Néanmoins, ces morceaux plongés dans la Country recèlent les attributs aptes à séduire tous ceux qui chérissent les Marshall Trucker Band, Atlanta Rhythm Section, Charlie Daniels Band, voire certains albums des Outlaws. L'affaire n'est pas prête d'être classée. 
Enfin, cette immersion dans l'idiome leur a valu les honneurs de la communauté Country qui en a fait l'un des meilleurs albums de l'année.

     Le choix de la pochette immaculée semble leur avoir porté chance, car l'album est à ce jour, le plus grand succès du groupe. Pôle position dans la catégorie "Country" et aussi "Indépendant", et second dans la catégorie "Rock".
On pourrait pu croire l'objet difficile à digérer avec ses quatorze pièces consistantes, mais non. Au contraire.
   Il se pourrait bien que Whiskey Myers ait pondu là leur meilleur album à ce jour. Une galette qui confirme que le groupe est bien l'un des meilleurs dans sa catégorie. Peut-être le seul à pouvoir se targuer d'une discographie quasi-irréprochable (même si "Mud" ne suit pas la comparaison avec ses prédécesseurs).




🎼🎶♬
Autres articles / Whiskey Myers [liens] : ➽ "Road of Life" (2018)  ➽ "Firewater" (2011) 

4 commentaires:

  1. Sûrement le meilleur Whiskey Myers à ce jour. Les précédents étaient pas mal non plus. Ce groupe fait assurément partie du peloton de tête dans le genre Southern-rock/americana avec Blackberry Smoke et les méconnus Steel Woods (deux excellents disques à ce jour) . Découvert l'an dernier sur scène Robert Jon and the Wreck , le groupe vient de sortir un excellent disque "Last Light on the Highway" , c'est très proche de Whiskey Myers, tu devrais aimer ...Les précédents opus étaient pas mal mais ce denier est une parfaite réussite.

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    1. Je dois avouer n'être rentré que progressivement dans leurs morceaux les plus country, la raison pour laquelle il m'a fallu deux phases pour apprécier cet album éponyme à sa juste valeur.

      Je connais le premier essai de Steel Woods - gros potentiel - . C'est bien ancré dans le Country Rock.

      Quant à Robert Jon and the Wreck, je n'aurais jamais pensé qu'ils avaient traversé l'Atlantique. Ils ont l'air d'être de sérieux candidats pour des concerts de qualité (comme la majorité des groupes de Southern d'ailleurs ; principalement parce qu'ils sont encore forgés par la scène). Ils ont un excellent joueur de slide.
      J'ai eu entre les mains "Glory Bound" et l'éponyme de 2017. Vraiment de très bons titres, cependant quelques trucs semblaient parfois partir dans tous les sens, grévant alors la bonne tenue de l'album.
      J'ai donc fait - à tort ? - l'impasse sur leur nouvelle galette.

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  2. J'insiste pour le récent Robert Jon , c'est vraiment leur meilleur disque . Ils sont venus en Europe en août 2019 , à Barcelone pour une croisière de 5 jours vers Malte , sur le bateau : Joe Bonamassa, Kenny Wayne Shepherd , Joan Shaw Taylor, Eric Gale , Peter Frampton ,Eric Bib, King King (excellent blues-roc écossais ) et bien d'autres artistes.
    Bilan carbone pas reluisant j'en ai conscience mais quel pied ! Musique non stop pendant 5 jours ! C'était avant la pagaille ......

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    1. Avec une telle affiche, j'crois bien que j'aurais également succombé. Que du bon, du très bon. Non, de l'excellent. Et s'il y a du jus de houblon qui suit ... aïe... Damnation.

      King-King avec Alan Nimmo (et ses Cater et son kilt), ouaip. On en avait parlé ici-même, il y a 5 ans.

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